L’accès aux terres rares et matières premières, enjeux de négociations sur l’Ukraine
Leave the gun, take the lithium

Hanna Barakat + AIxDESIGN & Archival Images of AI / Better Images of AI / Rare Metals 2 / CC-BY 4.0
Depuis début février, Donald Trump a mis dans la balance des négociations en Ukraine un accès privilégié des États-Unis aux terres rares et métaux du pays. L'Ukraine est en effet un lieu de ressources pour divers métaux utilisés dans les appareils numériques. Mais celles-ci semblent surtout un prétexte pour débuter ces discussions de façon commerciale.
Le 18 février à 14h46
5 min
Économie
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Ce mardi 18 février, les États-Unis et la Russie se réunissent à Riyad en l'absence des Ukrainiens et des Européens alors que cette rencontre doit poser les prémices de négociations sur l'Ukraine.
Samedi 15 février, Volodymyr Zelensky annonçait avoir refusé un accord avec les États-Unis sur les minerais ukrainiens tout en n'en fermant pas définitivement la porte : « Je n’ai pas autorisé les ministres à signer l’accord parce qu’il n’est pas prêt. À mon avis, il ne nous protège pas », affirmait-il en marge de la conférence sur la sécurité de Munich, selon l'AFP.
Donald Trump demande 500 milliards de dollars de terres rares
En effet, deux jours avant, le secrétaire d'État américain, Marco Rubio avait déclaré qu'il espérait parvenir à un accord sur ce sujet. Depuis le début du mois, Donald Trump veut négocier un accord qui donne un accès privilégié des États-Unis aux terres rares et métaux du pays contre leur protection ou au moins leur aide. La semaine dernière, sur Fox News, le président américain a affirmé : « Je leur ai dit [à l'Ukraine] que je voulais l'équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares. Et ils ont accepté de le faire, ce qui nous évite de nous sentir stupides ».
Hier, The Telegraph publiait un projet de contrat pré-décisionnel daté du 7 février, affirmant que que « les États-Unis et l'Ukraine devraient créer un fonds d'investissement commun pour veiller à ce que "les parties hostiles au conflit ne profitent pas de la reconstruction de l'Ukraine" ». Ce projet prévoit que les États-Unis prennent 50 % des revenus de l'extraction des ressources de l'Ukraine et 50 % de la valeur financière de « toutes les nouvelles licences délivrées à des tiers » en vue de la monétisation future des ressources.
Les terres ukrainiennes riches en matériaux utiles pour les nouvelles technologies
Toujours selon nos confrères britanniques, c'est Volodymyr Zelensky qui aurait lui-même proposé l'idée d'un accord de participation directe aux revenus tirés des terres rares de son pays lors d'une visite à la Trump Tower en septembre dernier. Le président ukrainien aurait utilisé les matières premières accessibles sous le sol de son pays pour attirer l'attention de Donald Trump et essayer de lui faire poursuivre les livraisons d'armes sur lesquels repose la défense ukrainienne.
Comme l'expliquait en 2023 le Financial Times, l'Ukraine possède d'importants gisements souterrains que le journal économique évalue à 11 500 milliards de dollars. Des chercheurs de l'Université de Dnipro expliquent [PDF], par exemple, que « l'Ukraine possède d'importants gisements de lithium, estimés à 500 000 tonnes (jusqu'à 10 % des réserves mondiales) ».
Mais les sous-sols ukrainiens sont aussi riches en graphite, cobalt et en titane. Le pays extrait aussi des terres rares indispensables à l'industrie numérique. Rappelons que le qualificatif de « rare » est trompeur, car ces matériaux ne se trouvent pas en si petites quantités sur Terre, comme l'explique Emilie Janots, enseignante-chercheuse à l’Université Grenoble Alpes.
Selon un document de la Commission européenne de 2020 [PDF], l'Ukraine produisait 5 % du Gallium mondial (sachant que la Chine en produit 80 % et l'Allemagne 8 %) et 7 % du Scandium (la Chine produit 66 % et la Russie 26 %). Le premier est utilisé dans les semi-conducteurs et les cellules photovoltaïques et le second dans les piles à combustible à oxyde solide et les alliages légers pour l'aérospatial par exemple. D'autres terres rares comme le lanthane, le cérium et le néodyme se trouvent en Ukraine. Celles-ci sont utilisées pour créer des aimants très utilisés dans l'industrie des véhicules électriques, du numérique ou encore les générateurs éoliens.
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Un moyen de reprendre les territoires occupés ?
Comme le souligne The Telegraph, une partie des bassins miniers se trouve près de la ligne de front dans l'est de l'Ukraine ou dans des zones occupées par la Russie. La proposition de Volodymyr Zelensky lui permet donc d'intéresser le président américain à la possible récupération de cette zone, alors que son pays est en mauvaise position militaire pour reprendre ces territoires occupés.
Mais la partie reste serrée. Selon Volodymyr Zelensky, un tel accord devrait comporter « des garanties de sécurité » pour l'Ukraine, expliquait-il en rejetant l'accord, ce qui n'est apparemment pas le cas.
L'économie ukrainienne dans les mains étasuniennes ?
D'autre part, comme nous l'évoquions, l'Ukraine fait partie des pays comme l'Australie qui ont récemment signé des accords avec l'Europe sur les matériaux critiques. Et l'accord avec les États-Unis pourrait être en contradiction avec celui-ci. « Je pense que cela va être très mal perçu en Europe », a affirmé l'ancien diplomate britannique Ian Bond à The Telegraph, ajoutant « Trump semble agir comme si les Américains avaient le droit de saisir les biens nationaux de l'Ukraine en échange de l'aide qu'ils ont apportée jusqu'à présent ».
Le journal britannique n'hésite pas à qualifier de « colonie économique américaine », ce que deviendrait l'Ukraine avec cet accord.
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Commentaires (18)
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Abonnez-vousLe 18/02/2025 à 14h56
Le 18/02/2025 à 15h34
Et Munich comme choix de ville pour un sommet sur la paix en Ukraine, quel symbole :-/
Le 18/02/2025 à 15h31
Le néodyme est aussi utilisé comme catalyseur dans l'industrie pétrolière.
Le 18/02/2025 à 16h35
Le 18/02/2025 à 19h25
Le 18/02/2025 à 19h46
D'ailleurs, peut-être qu'au passage, Trump et Poutine peuvent aussi discuter ensemble de l'annexion du Groenland et du Canada.
Le 18/02/2025 à 20h06
Et comme a priori, les USA et l'UE financent l'effort de guerre de l'Ukraine à part à peu près égales de ce que j'ai compris, si les USA coupent le robinet, l'Ukraine va avoir un gros problème pour continuer à se défendre et risque d'être obligé de suivre ce que les USA/Trump décident même sans lui. Je ne suis pas sûr que l'UE puisse compenser le financement de l'Ukraine facilement, mais je crois que c'est envisagé ; cela dépendra probablement en partie du résultat des élections de dimanche en Allemagne.
Modifié le 19/02/2025 à 12h41
C'est souvent des biens de la valeur indiqué.
Genre si les USA donnent 500 millions en missiles, c'est pas des missiles français ou autre mais des américains. Et donc ça fait tourner l'économie du pays donneur.
Des usines européennes montent en capacité de production pour arriver a suivre ce qui est "donné", et donc ça crée de l'emploi et de la valeur.
Le 25/02/2025 à 15h02
C'est comme si on comptabilisait (j'espère que c'est pas le cas) le prix des griffons qui remplacent les VAB (déclassés chez nous) envoyés en Ukraine.
L'UE a envoyé au moins autant que les USA, et a donné le temps à l'Ukraine de mettre en place une industrie notamment des drones (qui provoquent 80% des pertes russes actuellement). Donc non, l'Ukraine ne va pas couler du jour au lendemain si les USA stoppent leur support. L'économie russe en revanche...
Modifié le 18/02/2025 à 18h07
Le 18/02/2025 à 23h32
C'est un eldorado, mais il n'est pas mexicain et regorge de ressources. Ami de Command & Conquer, bonjour !
Ce qui se joue en ce moment est sûrement le point de départ d'une guerre mondiale.
1 / L'Ukraine, en faisant le tour des banques ces trois dernières années pour financer sa défense, a déjà dû faire des concessions. Et en gros, ce ne sont pas seulement les américains qui ont prêté (oui prêté, il n'y a pas de dons dans ces histoires). Mais comme souvent, les USA le font avec un taux d'intérêt. On peut dire que l'Ukrainien grâce à sa force de travail va payer la dette.
D'autres pays européens ont pris des "options" sur les matériaux. Et comme c'est rappelé dans l'article, il y a déjà des accords avec des pays Européen sur ces marchandises. Donc les ricains veulent se rattraper un peu. Ils n'auraient pas ce comportement sinon.
2 / Le fait que la Russie et les USA se mettent autour d'une table est le signe que les USA menacent de prendre part au conflit plus activement. En gros, ils disent aux russes : Attention, on va mettre du GI sur la ligne de front. Poutine n'a pas d'autre choix que de tendre un peu l'oreille. Ça leur donne (aux Russes) bonne image. Même si ce sont deux ogres qui discutent comment se partager les mets sur la table.
Le même genre de scénario que pour la Corée. Miniparenthèse : Manque de bol pour les Yankees, c'est la Chine qui a su préserver la ligne de front. Du coup, au nord ce sont les ressources minières, au sud, c'est l'agriculture. Iz just gud business. On peut citer aussi l'Arménie, le Mali, l'Irak, le Darfour (Soudan), bref.
3 / Si Zelensky se couche, alors ce sera une pilule très dure à avaler pour les Ukrainiens. Ils sont un peuple qui partage aussi la culture russe de par la langue. Et donc une certaine fierté. Ce serait aussi un camouflet envoyé à la face des Européens (et Australiens) qui ont des contrats. Et que cela représente donc un motif sérieux de discorde, voire d'engagement plus tangible dans le conflit.
Tout ça pour des peccadilles d'IA qui ne sert à pas grand-chose ou de voiture électrique qui ont une fâcheuse tendance à ne pas être recyclable et d'en voir une sur deux flamber.
En tout cas, tout cela ne vaut pas le prix que les Ukrainiens payent et paieront. Et je ne parle pas d'euros.
Une question se pose pour les bobos. Est-ce que l'élan moderniste high-tech et écolo peut-il se payer avec le sang d'autrui ?? À méditer.
Le 18/02/2025 à 23h43
T'en as pas toi ? t'es pas allé sur le front ?
Le 19/02/2025 à 00h48
Toi ta vu la vierge, si tu pense que les us ou n'importe quel autres pays prendra part dans une guerre ouverte contre la Russie (surtout avec les petits copains chinois qui regarde ça de prêt).
Je comprend le point de vue ukrainien mais pour les russes c'est avant tout une question de territoire et de protections des russophones qui partage la même culture et se considère comme russe.
Et les rares ressources de l'ukraine sont principalement à l'Est dans les territoires pro-russes , c'est donc une guerre d'usure et donc 99% de chance que l'occident arrête les frais.
Le 19/02/2025 à 10h27
Le 19/02/2025 à 12h13
La mixité des peuples dans la région ravive les sentiments du genre fierté voir nationalisme.
Donc le mot "partage la culture" est dans le sens doit être compris dans le sens de "voisin pas forcément voulu".
Le 19/02/2025 à 12h11
Pour faire simple, il n'y a pas une décade ou les USA ne font pas une guerre quelque part (appelée poliment "intervention" parfois). Si j'ai bien regardé c'est une fréquence de 2 à 3 ans en moyenne.
Et ce n'est pas les Russes ou les Chinois qui font peur. En cela que la page citée donne bien des opposants qui sont soit directement l'un de ces deux poids lourds ou des pays qui ont bénéficié de leur appui.
Mais ce n'est pas le seul 'va-t-en-guerre' non plus. Ce monde est "bouillonnant".
Dans ce genre de situation; tout le monde autour use (j'entends par là 'usure') l'Ukraine. On en est au point (depuis 2014) ou chacun va chercher à ramasser. Dans l'histoire d'un pays 10 ans (depuis la révolution) c'est un clin d’œil. Ou l'équivalent d'un "pli" au tarot.
Si les américains s'en mêlent, c'est que leurs intérêts sont menacés. La paix, ils s'en tapent. Donc il font une réunion Teams avec les Russes pour dire: "Là dans ce coin, tu touches pas ou on cogne" ('dans le coin' peut être de plusieurs natures comme une usine qui fonctionne pour rembourser la dette). Sous entendu (donc) que ce ne sont plus des armes qui seront livrées mais aussi du personnel. A voir ce que les Russes feront ensuite.
Le 25/02/2025 à 15h11
J'aurais bien plus peur d'être sous la férule de régimes totalitaires qui traitent déjà leur population comme de la merde, et qui ne font pas grand cas des droits de l'homme (va voir comment les Chinois traitent les autochtones en Afrique). Tu peux parler des exactions des USA (c'est grâce au fait que ce pays est/était une démocratie qu'on en entend parler et que des sanctions sont prises), on peut aussi parler de ce qu'ont fait les Russes particulièrement en Syrie (bombardements systématiques de camps de réfugiés, crimes contre l'humanité systématisés) et en Ukraine.
Le 25/02/2025 à 15h05
Tes discours sur les ressources, les Ukrainiens s'en foutent : ce qu'ils veulent c'est continuer à exister, en tant que nation et culture. Et ils savent très bien que, sous le joug russe, ce sera fini. Ils continueront donc à se battre, peu importe les moyens dont ils disposeront.