AMD s’allie au troublant émirati G42 pour établir un datacenter à Grenoble
La grande question sur la vie...

À l’occasion du Sommet pour l'action sur l'IA, le fabricant américain de semi-conducteurs a annoncé la création à Grenoble de « l'une des installations de calcul d'IA les plus puissantes de France » en collaboration avec l’entreprise émiratie G42. Celle-ci a pourtant été accusée, fin 2019, d’avoir publié un outil d’espionnage via une application qui a ensuite été retirée des magasins d’application d’Apple et de Google.
Le 13 février à 09h40
5 min
Économie
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Dans un communiqué publié ce lundi 10 février, pendant le Sommet pour l'action sur l'IA, le géant américain des semi-conducteurs AMD a annoncé un investissement « stratégique » destiné à l’ouverture, à Grenoble, d’un data center « à la pointe de la technologie » et dédié à l’IA.
DataOne, le français de l'équipe
Pour mettre en place cette infrastructure informatique, AMD explique avoir noué un partenariat avec l’entreprise française DataOne, une filiale de BSO (société irlandaise qui dispose de 240 points de présence) lancée en novembre 2024. Dans le Dauphiné Libéré, elle explique avoir racheté en novembre dernier les data centers de DXC Technology (anciennement Hewlett Packard Enterprise, HPE) et leurs locaux à Grenoble et Villefontaine, elle aussi dans l'Isère. L’entreprise revendique 50 000 m² sur ses deux sites.
« Nous n’allons garder que les murs » et construire des data centers « totalement différents », explique DataOne à nos confrères. Sans communiquer aucun chiffre d’investissements, l’entreprise explique que ses deux sites disposeront au départ d’une puissance de 15 MW et que son objectif est de passer à 1 GW dans les 5 à 7 ans.
Le troisième partenaire : l'émirati G42
Mais le partenariat entre AMD et DataOne sur le data center de Grenoble voit aussi un troisième acteur intervenir : Core42, une filiale de G42. Le PDG de cette filiale qui est aussi le directeur technique de G42, Kiril Evtimov, affirme d’ailleurs dans le communiqué d'AMD que « la France fait des progrès audacieux en matière d’innovation et d’IA. G42 est fier de contribuer à cet effort. En déployant les GPU AMD, nous renforçons non seulement l'infrastructure d'IA de l'Europe, mais nous permettons également aux entreprises et aux chercheurs d'accélérer l'innovation à grande échelle ».
« Notre collaboration stratégique avec G42 contribuera à dynamiser l'écosystème français de l'IA, en fournissant la capacité de calcul nécessaire pour permettre aux start-ups locales et aux pionniers de l'IA qui conduisent l'innovation de pointe et renforcent l'économie française », affirme dans ce même communiqué la PDG d'AMD, Lisa Su.
Ce projet n’est pas sans rappeler un communiqué de l’Élysée publié la semaine dernière : un projet de 30 à 50 milliards d'euros pour mettre en place « un consortium de champions franco-émiratis ».
L’accord entre la France et les Émirats arabes unis vantait la création d'un « campus de 1 GW dédié à l’intelligence artificielle en France ». La ville et les partenaires n’étaient pas précisés, tandis que le communiqué d'AMD ne parle pas du montant des investissements. Faute de précisions, impossible de savoir si les deux annonces sont liées ou non.
ToTok, une application suspectée d'espionnage
Mais G42 n'est pas n'importe quelle entreprise du numérique. En 2019, un an seulement après la création de cette entreprise émiratie, une enquête du New York Times révélait qu'une application d'appels audio et vidéo nommée ToTok et téléchargée sur des millions de smartphones était en réalité un outil d'espionnage émirati.
Wired conseillait, à l'époque, à ses lecteurs de désinstaller l'application le plus rapidement possible. Elle était distribuée sur les magasins d'applications d'Apple par une entreprise nommée Breej Holding. Celle-ci était présentée par le journal américain comme « très probablement une société écran affiliée à DarkMatter, une société de cyberespionnage et de piratage informatique basée à Abou Dhabi, où travaillent des agents de renseignement émiratis, d'anciens employés de la National Security Agency et d'anciens agents du renseignement militaire israélien ». Selon le journal, DarkMatter était sous le coup d'une enquête du FBI pour de potentiels cybercrimes.
L'Associated Press a prolongé cette enquête et a remarqué que l'application était distribuée sur le magasin de Google par une autre entreprise nommée ToTok Pte. L'agence de presse a aussi découvert que le seul actionnaire déclaré de la seconde entreprise était G42. AP faisait remarquer que « le PDG de la société est Peng Xiao, qui a dirigé pendant des années Pegasus, une filiale de DarkMatter ». Celui-ci est toujours à la tête de G42.
Le Seattle Times expliquait en 2023, que « selon une évaluation des services de renseignement américains datant de 2019, les données recueillies à partir de l'application ont été stockées par une entreprise des Émirats arabes unis appelée Pax AI, dirigée par M. Xiao ». Le média explique d'ailleurs qu'après l'enquête du New York Times, les responsables de l'entreprise ont nié que ToTok ait été conçu pour servir d'outil d'espionnage.
« Comme ToTok fonctionnait si bien, sa popularité a décollé parmi les Émiratis et leurs contacts à l'étranger », expliquait au Seattle Times Bill Marczak, chercheur du Citizen Lab :
« Et comme le chiffrement de l'application n'empêchait pas Group 42 d'accéder aux conversations des utilisateurs de ToTok, l'application a pu fournir un énorme volume de données juteuses aux services de renseignement des Émirats arabes unis. »
G42 redevient fréquentable
Comme l'expliquent nos confrères d'Intelligence Online, dès sa création, G42 a « suscité la méfiance des chancelleries occidentales du fait de ses projets avec Huawei et d'autres groupes chinois. Sous la pression de Washington, G42 a toutefois indiqué cesser toute collaboration avec Pékin et a signé un méga-contrat avec Microsoft en avril 2024, redevenant de fait fréquentable en France ».
AMD s’allie au troublant émirati G42 pour établir un datacenter à Grenoble
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DataOne, le français de l'équipe
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Le troisième partenaire : l'émirati G42
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ToTok, une application suspectée d'espionnage
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Commentaires (10)
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Abonnez-vousModifié le 13/02/2025 à 10h01
Pas de bol, pour de plus en plus de consom'acteurs, l'odorat est bien là, tenace comme tache indélébile sur les papelards des marketeur, commerciaux, et publicitaires.
Le jour où le point de masse critique de gens ayant une conscience aura été atteint pour renverser la situation, tous ceux ayant fait du beurre en se souciant peu de la provenance de leur richesse, se retrouveront à poil.
Le 13/02/2025 à 10h34
Le 13/02/2025 à 11h16
Modifié le 13/02/2025 à 11h17
Le 13/02/2025 à 11h10
Pas compris ? Si c'est une filliale d'une société irlandais, ce n'est pas une "société française" ?
Parce qu'à ce compte là, Coca-Cola France est aussi une société française
Le 13/02/2025 à 11h31
Modifié le 13/02/2025 à 11h44
Voir ici.
Le 13/02/2025 à 11h48
Le 13/02/2025 à 18h09
Ok, c'est pas ouf d'avoir une société espionne dans le lot, et de gonfler la conso elec pour de l'IA mais ça decentre un peu l'activité de Lyon et Grenoble.
Il faut voir midi à sa porte, et la mienne n'est pas si loin...
Le 13/02/2025 à 18h58