Bouygues Telecom a le feu vert pour racheter La Poste Telecom, mais…
Bougez avec La Poste
Le rachat de La Poste Telecom par Bouygues Telecom est en bonne voie. Un peu plus d’un mois après avoir été notifiée de cette opération, l’Autorité de la Concurrence vient de donner son feu vert, sans condition. Reste maintenant à savoir si un terrain d’entente a été trouvé entre SFR et La Poste, les deux propriétaires de La Poste Telecom.
Le 20 août à 11h11
6 min
Économie
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En février, Bouygues Telecom annonçait la signature d’un « protocole d’exclusivité » afin de racheter 100 % de l’opérateur virtuel La Poste Telecom. Ce dernier est détenu à 51 % par le groupe La Poste et à 49 % par l’opérateur SFR.
La Poste Mobile revendiquait alors 2,3 millions de clients sur le mobile. Montant de la transaction : 950 millions d’euros. Début 2021, Bouygues Telecom avait déjà fait ses emplettes avec le rachat d’Euro Information Telecom (Crédit Mutuel Mobile, CIC Mobile, NRJ Mobile, Auchan Télécom et Cdiscount Mobile) et ses deux millions de clients. Une manière de grossir rapidement sa base client.
Pas d’atteinte à la concurrence
Bien évidemment, cette opération est soumise au feu vert des autorités compétentes. L’Autorité de la Concurrence vient d’autoriser ce rachat. Un oui « sans conditions », car cette opération « n’est pas de nature à porter atteinte à la concurrence » selon son enquête.
En effet, La Poste Mobile représente des « parts de marché limitées », notamment face à « la concurrence exercée principalement par les MNO [Mobile Network Operator ou opérateur de réseaux, ndlr] concurrents de Bouygues Telecom : Orange, SFR et Free ». Mais, comme l’expliquait Bouygues Telecom au début de l’année, cette opération a un second versant. L’opérateur compte bien « s’appuyer sur le réseau de distribution de La Poste » afin de renforcer sa présence physique sur l’ensemble du territoire.
Réseaux de distribution physique vs ventes en ligne
L’Autorité l’a pris en compte, mais relativise sa portée. Dans un premier temps, elle reconnait que « Bouygues Telecom allait bénéficier, pour la commercialisation des offres de La Poste Telecom, d’un réseau de distribution fin et dense sur l’ensemble du territoire métropolitain grâce notamment aux bureaux de poste/agence bancaires ». Il semblerait donc que la marque La Poste soit conservée.
« L’Autorité considère toutefois que l’importance de ce réseau de distribution doit être relativisée en raison tant de la part croissante des ventes à distance (ventes en ligne et par télévente) sur le marché de la téléphonie mobile, qui représentent aujourd’hui les deux tiers des ventes de téléphonie mobile », ajoute-t-elle.
Les consommateurs continueront ainsi à avoir le choix. Dans les zones rurales où les concurrents de Bouygues Telecom ne sont pas forcément bien implantés avec leurs boutiques physiques, la concurrence peut donc se faire en ligne. Cette opération n’est donc, selon l’Autorité de la Concurrence, pas en mesure de dénaturer le marché ou de donner un avantage concurrentiel important à Bouygues Telecom.
Enfin, l’Autorité est arrivée à la conclusion que ce rachat « ne permettrait pas à Bouygues Telecom, en tant que MNO, de refuser l’accès ou de dégrader les conditions d’accès en temps de communication sur le marché amont de gros de l’accès et du départ d’appel sur les réseaux téléphoniques mobiles aux opérateurs MVNO [Mobile Virtual Network Operators ou opérateurs virtuels, ndlr] concurrents de La Poste Telecom ».
Où en sont les « divergences » ?
C’est bien beau tout cela, mais pourquoi diable ce « mais… » dans le titre ? Généralement, le feu vert de l’Autorité de la Concurrence est le dernier point important à débloquer dans une vente de ce genre. Dans le cas présent, c’est plus compliqué.
Fin mai, dans un communiqué laconique, nous apprenions en effet qu’il y avait des « divergences » entre SFR et La Poste concernant « des modalités de réalisation de l’opération ». Les trois protagonistes de cette affaire ne sont pas rentrés dans les détails. Bouygues Telecom précisait simplement que cela pourrait « avoir un impact sur le calendrier de réalisation de l'opération », prévue pour fin 2024.
Hasard ou pas du calendrier, SFR annonçait la veille ses résultats, avec des pertes à tous les niveaux ou presque. L’opérateur au carré rouge est aux abois face à sa dette colossale de 24,3 milliards d’euros et une situation tendue avec ses créanciers. Altice a encore un peu de marge de manœuvre puisque ses prochaines grosses échéances sur ses emprunts sont en 2027 (5,85 milliards d’euros) et 2028 (9,76 milliards d’euros). L’année prochaine et en 2026 le groupe ne doit trouver « que » 1,31 et 1,32 milliard d’euros respectivement.
SFR a un droit de préemption
Mais la situation pourrait s’être déjà décantée puisque Bouygues Telecom a notifié à l’Autorité de la concurrence son projet de prise de contrôle exclusif de La Poste Telecom le 12 juillet. Soit cinq mois après l’annonce initiale du projet et surtout moins de deux mois après celle sur les « divergences ». Un calendrier qui laisserait donc penser qu’une solution aurait été trouvée.
Comme l’expliquait Bouygues Telecom dans son annonce au début de l’année, deux « réserves » étaient de mise. La première sur l’obtention des autorisations nécessaires. La seconde sur « l’absence d’exercice par SFR de son droit de préemption ».
L’AFP ajoute que SFR a également « un droit d’agrément sur l’acquéreur ». Nos confrères rappellent que « La Poste Telecom est le cinquième opérateur du marché français, avec 2,3 millions de clients, derrière Orange, SFR, Bouygues Telecom et Free Mobile ».
Bouygues Telecom va-t-il dépasser SFR sur le mobile ?
Lors de son dernier bilan financier (au 31 mars 2024), SFR revendiquait 19,967 millions de clients sur le mobile, contre 20,769 millions fin 2022. La prochaine publication financière est attendue pour le 29 août.
De son côté, Bouygues Telecom revendiquait 15,6 millions de clients sur le mobile en date de fin juin 2024. Si SFR continue de perdre des clients et que Bouygues en gagne encore, cette vente (avec 2,3 millions de clients selon les dernières estimations) pourrait bien lui permettre de passer devant son concurrent en nombre de clients sur le mobile.
Bouygues Telecom a le feu vert pour racheter La Poste Telecom, mais…
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Pas d’atteinte à la concurrence
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Réseaux de distribution physique vs ventes en ligne
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Où en sont les « divergences » ?
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SFR a un droit de préemption
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Bouygues Telecom va-t-il dépasser SFR sur le mobile ?
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 20/08/2024 à 12h16
Le 20/08/2024 à 12h23
Les plus malins de ces MVNO pouvaient faire de l'itinérance dynamique sur les 3 opérateurs. Ce qui permettait à certains déçus de pouvoir bénéficier d'un service ok entre le domicile perdu dans la montagne et d'autres endroits. Mais ces MVNOs n'ont jamais été légion ni duré longtemps.
Modifié le 20/08/2024 à 13h53
Leur disparition est le sens logique de l'histoire maintenant que les marges ont baissé (merci Free).
L'itinérairance dynamique aurait été géniale : on sépare bien la couche commercialisation de la couche infrastructure, possiblement une meilleure couverture des zones blanches, mais ce n'est pas le chemin choisi : L'itinérairance dynamique est carrément interdite par l'Arcep
Le 24/08/2024 à 10h39
Debitel me proposait des forfaits bien moins cher que la concurrence. Debitel dépensait peu en marketing, etait donc bien moins cher que les opérateurs physiques, il y a 20 ans ...
Et avec les rachats successifs, j'ai toujours eu un forfait parmis les moins chers, je n'ai jamais eu besoin d'aller chez la concurrence parce qu'il était possible de négocier.
Depuis plusieurs année, je paie 7€ pour 70Go, je trouve cela tout à fait honnête comme forfait. Il est certain que l'on trouve maintenant moins cher chez les opérateurs physiques avec leurs offres low cost, et malheureusement perd un peu de leurs intérêts.
Le 24/08/2024 à 13h08
Bien évidement il y en a un ou deux qui ont pu faire des "coups" en achetant en gros et en gros volume. Le même principe que les anciennes unités téléphoniques (Kertel et compagnie).
Toutefois un mouvement de main des opérateurs et ces alternatifs sautent comme on pète un bouton d’acné.
C'est un peu comme les marques de bagnoles. On les garde pour la diversité. Sinon il ne reste plus qu'une douzaine de groupes auto dans le monde.
Dans les télécom c'est plutôt pour les déçus qui cherchent absolument à sortir du girond des 3 petits cochons. Mais en réalité... ces abonnés passent quand même sur leurs réseaux.
Le 20/08/2024 à 12h32
Rien à voir avec les investisseurs qui commencent à mettre la pression à Drahi?
Le 20/08/2024 à 13h14
Le 20/08/2024 à 16h42
Ici on ne parle que de la dette d'Altice France, le groupe de Drahi constitué autour des trois entités (Altice France, Altice international, Altice USA) est désormais classé en catégorie « junk bonds » (littéralement « obligations pourries ») c'est plus de 60 milliards de dollars (54,5 milliards d’euros).
L’ampleur des sommes en jeu dépasse de très loin les dossiers Orpea, Casino ou Atos, qui défrayent la chronique financière et judiciaire française depuis plus de deux ans.
Il a cédé les data centers de SFR au fonds d’infrastructures de Morgan Stanley, sa participation de 49 % dans le réseau La Poste Mobile à Bouygues, les sociétés américaines Cheddar News et Teams, et surtout Altice Media (BFM-RMC). En même temps qu’il a revendu sa participation dans BT, il a accueilli le fonds souverain d’Abu Dhabi dans le capital de Sotheby’s, la maison d’enchères devenue sa propriété personnelle depuis 2019.
À l’exception de la cession d’Altice Media vendue pour la somme inespérée de 1,5 milliard d’euros au groupe CMA CGM, et de celle des data centers pour 535 millions d’euros, les montants de ces cessions n’ont pas été publiés....
https://www.mediapart.fr/journal/economie-et-social/170824/malgre-les-55-milliards-de-dettes-d-altice-patrick-drahi-tente-de-sauver-ses-secrets-et-sa-for
Le 20/08/2024 à 17h38
Cette participation n'a pas (encore ?) été cédée comme le rappelle l'article avec un lien vers la brève précédente qui en parlait déjà.
Le 20/08/2024 à 18h31
D'un autre côté, l'affaire est plié je vois mal SFR sortir une telle somme avec sa dette colossale pour racheter les 51% restant.
Le 20/08/2024 à 13h51
Le 20/08/2024 à 15h24
Le 20/08/2024 à 13h57
Bref, est-ce que détenir des parts de La Poste Mobile c'est pas un moyen d'avoir des commerciaux rémunérés par l'État ?
Le 20/08/2024 à 15h31
Le 20/08/2024 à 17h14
Le 20/08/2024 à 17h18
qui est vendeur en fait, la poste, SFR, les deux ? aucun ?
Après, je ne suis pas sûr que le fait d'âtre distribué dans les (rares) agences postales soit un plus, ils ont déjà assez de travail avec la banque du même nom. Tous ces genres de diversifications sont tombés à l'eau, et c'est très bien, à chacun son métier dès que les marges se réduisent.
Ce marché est vraiment saturé aujourd'hui ici, au niveau mondial il y a encore des opportunités, mais localement, tout le monde cherche une fonction clé pour se démarquer, hors le prix promo, ce que tout le monde sait faire, même la 5G est plus un retour en arrière sur l'expansion qu'une avancée faute de nouveaux usages qui ne seraient pas possibles avec les anciennes technos, on est vraiment dans une phase de stagnation.
Le 20/08/2024 à 17h50
Après, Bouygtel veut racheter le tout (les 51 % de La Poste et les 49 % de SFR).
Quant au réseau de vente de La Poste, il cible des gens peu à l'aise avec Internet. Ça fait du monde et l’avantage, c'est quand même la proximité.
Le 21/08/2024 à 09h19
Le 22/08/2024 à 11h09
Le 22/08/2024 à 13h07
Le 21/08/2024 à 09h34
Modifié le 22/08/2024 à 11h12