Lancement de Galileo : pour l’Europe, SpaceX est-il le nouveau Voldemort ?
Celui dont il ne faut pas prononcer le nom !
Comme prévu, l’Europe est passée par SpaceX pour mettre en orbite deux satellites de son système de positionnement par satellite souverain : Galileo. Un lancement qui arrive juste après la mise en place du Service Public Réglementé. Un « détail » fait beaucoup parler : les instances européennes n’ont pas mentionné SpaceX dans leur communiqué, provoquant un bel effet Streisand.
Le 30 avril à 12h36
5 min
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C’est une des conséquences du retard d’Ariane 6 (le vol inaugural est prévu entre le 15 juin et le 31 juillet), du dernier échec de Vega-C et de l’invasion de la Russie en Ukraine (avec un embargo sur les lanceurs Soyouz) : l’Europe ne dispose plus de lanceurs souverains en capacité de voler. Pourtant, les missions scientifiques et souveraines doivent continuer.
Galileo : un contrat de 180 millions de dollars avec SpaceX
Fin 2023, l’Agence spatiale européenne (ESA) signait ainsi un contrat provisoire – d’un montant de 180 millions d’euros – avec SpaceX pour deux lancements double de satellites Galileo (quatre satellites au total), comme l’indiquait alors Reuters.
« Ce plan est soumis à des autorisations concernant la protection des satellites, puisqu'ils font partie d'un système européen stratégique comprenant un signal sécurisé et une alternative publique au système américain de positionnement global (Global Positioning System) », expliquaient nos confrères. Pour la suite des événements, l’Europe espère certainement pouvoir s’appuyer sur Ariane 6 et/ou Vega-C.
Cachez ce SpaceX que je ne saurais voir
Deux nouveaux satellites ont été lancés dimanche matin, comme l’indique l’ESA dans un communiqué… sans la moindre mention à SpaceX et à la fusée Falcon 9. Même « pudeur » du côté de l’Agence de l'Union européenne pour le programme spatial (EUSPA), y compris dans sa série de tweets. Même chose de la part de Josef Aschbacher (directeur général de l'Agence spatiale européenne).
Comme le rapporte notre confrère Eric Bottlaender, cela donne un « véritable florilège d'eurospace-bashing aujourd'hui et… Et c'est sans doute mérité. En faisant tout son possible pour enlever SpaceX de son communiqué, l'EUSPA a réveillé les américains et tous ceux qui souhaitent rappeler que l'Europe n'a pas de lanceur actuellement ».
Sur Spacenews, notre confrère ne manque pas de pointer du doigt la « drôle » de communication des responsables européens : « Ni la Commission européenne ni l’Agence spatiale européenne n’ont annoncé le lancement à l’avance. Dans les déclarations faites après le lancement réussi, les responsables européens ont soigneusement évité de mentionner comment les satellites ont été lancés ».
Fierté mal placée ?
Pourquoi une telle mise sous silence de SpaceX et de Falcon 9 ? Impossible à dire, d’autant que l’accord et même son montant sont connus depuis des mois. Comme l’indique la Cité de l’Espace, l’agence spatiale allemande DLR remercie néanmoins la société américaine, en réponse au message de l’EUSPA : « Grande nouvelle pour l’Europe. Au passage, merci à SpaceX ».
De son côté, SpaceX ne s’est pas privé d’annoncer la nouvelle sur X : « Regardez Falcon 9 lancer en orbite la mission Galileo L12 de la Commission européenne ». On vous passe les détails, mais la mission est un succès. Galileo compte désormais 30 satellites désormais en orbite, dont 26 utilisables selon l’ESA.
Galileo diffuse les signaux du Service Public Réglementé
L’Agence spatiale européenne explique que ce lancement « intervient quelques jours seulement après le début de la diffusion des nouveaux signaux du Service Public Réglementé (SRP) ». L’Union européenne rappelle qu’il s’agit d’un « service sécurisé et crypté (sic) pour les applications sensibles qui doit rester opérationnel, même dans les situations de crise lorsque d’autres services sont susceptibles d’être interrompus. L’accès au PRS est réservé aux utilisateurs autorisés, principalement des autorités publiques, telles que la police, les autorités responsables des contrôles aux frontières ou celles qui sont chargées de la protection civile ».
Il reste encore huit satellites de première génération à lancer. Deux devraient prochainement partir à bord d’une autre fusée Falcon 9. Les autres voleront-ils sur des lanceurs souverains ? L’avenir nous le dira… Ensuite, ce sera au tour de la seconde génération de prendre le relais, « attendue en 2026 avec le lanceur Ariane 6 ».
SpaceX multiplie les lancements et les récupérations de booster
Si l’Europe est à la traine sur les lanceurs, SpaceX est à la fête. La société enchaine les succès. Le premier étage (booster) utilisé pour envoyer dans l’espace les deux satellites Galileo était estampillé B1060. C’était son 20e vol et il avait quitté la Terre pour la première fois en 2020.
« B1060 devient le deuxième premier étage d’un Falcon 9 à cumuler 20 réutilisations, le premier ayant été B1062 le 12 avril. En revanche, contrairement à B1062, B1060 partait pour la dernière fois, la performance demandée ne permettant pas un retour », précise la Cité de l’Espace.
Il y a peu, SpaceX se félicitait du 300e retour d’un premier étage. L’entreprise d’Elon Musk récupérait pour rappel un booster pour la première fois en 2016, il y a donc huit ans. La cadence est très élevée avec pas moins de 42 lancements… juste en 2024, soit une moyenne de plus de 10 par mois. Pendant ce temps, en Europe, le compteur reste bloqué à 0.
Lancement de Galileo : pour l’Europe, SpaceX est-il le nouveau Voldemort ?
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Cachez ce SpaceX que je ne saurais voir
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Commentaires (24)
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Abonnez-vousLe 30/04/2024 à 12h44
Le 30/04/2024 à 13h56
Le 30/04/2024 à 14h10
Comme Voldemort, SpaceX devient celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom.
Je suis tout à fait d'accord : c'est très alambiqué, même en suivant le développement de Galileo...
Le 30/04/2024 à 14h27
Le 30/04/2024 à 14h55
Le 04/05/2024 à 17h27
Le 30/04/2024 à 12h56
Envoyer une charge utile contenant au moins une partie sensible (Galileo a des parties de fonctionnement réservés à un usage militaire, si je ne m'abuse, pour justement d'affranchir du GPS) ne risque-t-il pas de permettre à la partie adverse utilisée de l'analyser, lui permettant d'obtenir des renseignements ?
Le 30/04/2024 à 13h23
Ensuite, il y a plein de restrictions matériel. Il y a quelque temps, un projet sino-européen de satellite scientifique a eu des problèmes, car le satellite a été lancé depuis la Chine, sauf que la partie européenne utilisait du matos qui faisait partie d'une de matos que les américains interdisaient en Chine. Ils ont tu bidouiller rapidement un truc pour changer ça.
Enfin, comme tu le dis, bien tu as plus de risque de laisser accès à ton matos soit pour l'étudier, soit pour y coller des petits trucs.
Il y a surement plein d'autre possibilité. Mais du coup, ouai, avoir la main sur son lanceur, c'est un grand confort.
Le 30/04/2024 à 19h22
Pour ceux que cela intéresse:
https://www.senat.fr/rap/r12-114/r12-114_mono.html
Le 02/05/2024 à 13h27
Le 30/04/2024 à 22h47
A prendre ou à laisser...
Le projet Ariane a démarré très très rapidement après ça...
Modifié le 30/04/2024 à 15h02
Dans le cas du lancement par SpaceX, des mesures de sécurité physique particulieres ont été prises et un accord de sécurité spécifique a été signé entre la Commission Européenne et les autorités américaines.
Modifié le 30/04/2024 à 15h43
On peut avoir la source stp ?
Le 30/04/2024 à 18h37
Vous avez des informations ici : https://www.politico.eu/article/eu-signs-security-deal-us-launch-satellite-spacex-elon-musk/
Le 30/04/2024 à 18h48
Le 30/04/2024 à 19h39
De plus, comme pour les vols à Kourou, vous avez du personnel ESA/ArianeEspace présent sur site plusieurs semaines à l'avance pour préparer le vol et les procédures avec les équipes du lanceur.
Il y a des gens dont c'est le métier à temps plein, l'accréditation de sécurité de sites physiques et les analyses de risque associées, qui ont travaillé plusieurs mois sur le dossier pour que tout soit carré le jour J. On en parle pas forcément, on en a pas forcément conscience ou connaissance, mais ça ne veut pas dire que ça n'existe pas.
Le 30/04/2024 à 13h16
Et ça ne doit sûrement pas aider les détracteurs à devenir confiant en eux.
Ridicule!
Le 30/04/2024 à 13h42
Modifié le 30/04/2024 à 14h58
Le 30/04/2024 à 22h36
« 10 -0 » et ça tous les mois et depuis de trop nombreux mois… C'est plié quoi...
Modifié le 30/04/2024 à 22h49
- Non militaire
- Non commercial (Télécommunications, TV, etc…)
Seulement pour du satellite purement à usage scientifique, pour de la recherche…
Très rapidement ensuite le projet Ariane a été lancé en Europe…
Le 30/04/2024 à 22h46
Modifié le 01/05/2024 à 16h30
Mais pour faire +40 lancements par an, ça veut dire avoir un soutien indéfectible des institutions (c'est la principale source de faible prix de spaceX, surpaiement sur institutionnel, braderie pour le commercial). Et se mettre d'accord en Europe, avec les autres puissances qui font de l'anti jeu, ben ce n'est pas comparable.
L'innovation de la réutilisation de spaceX n'est venue qu'avec ce besoin de cadence, l'usine n'avait pas la capacité de production suffisante, donc ça a justifié de viser la réutilisation, qui est un super coup de comm, mais loin d'être écologique puisque c'est pour produire plus. (Effet rebond++)
Ariane 6 a évalué que la réutilisation était trop chère par rapport aux cadences prevues, en tout cas dans un premier temps.
Le 02/05/2024 à 10h22
C'est comme tout, certains ont la mémoire courte quand tout va bien à postériori.