STMicroelectronics condamnée pour discrimination sexuelle
Le 10 novembre 2023 à 06h37
3 min
Droit
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Des salaires perpétuellement plus bas que ceux des hommes, des carrières à l’évolution anormalement lente, un nombre de femmes continuellement restreint aux postes les plus hauts de l’entreprise… La cour d’appel de Grenoble a condamné le fabricant franco-italien de puces électroniques STMicroelectronics pour « discrimination prohibée liée au sexe », rapporte Mediapart.
Une victoire pour les plaignantes, après treize ans de bataille menée d’abord en interne puis, faute de résultat, devant la justice. Parmi elles, tous types de postes : des cadres comme des ouvrières, administratives, techniciennes et agents de maîtrise.
STMicroelectronics déclare ne « tolérer aucune discrimination, qu’elle soit, d’âge, de sexe ou de handicap » et souligne atteindre « la note de 93/100 en 2022 » dans l’index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes publié par le ministère du Travail.
Les enquêtes de l’inspection du travail présentent une image différente, et ce depuis plusieurs années, racontait déjà Mediapart en juin. En 2021, la dernière d’entre elles soulignait le « caractère systémique du retard des femmes dans l’évolution de carrière comme dans les rémunérations moyennes et maximales ».
Un exemple ? Celui de cette cadre, qui, à coefficient et date d’embauche égaux, perçoit un salaire inférieur de 16 % à ses collègues masculins. Ou de cette chargée des contrôles qualité, qui témoigne avoir brusquement été mal notée après la naissance de son premier enfant, notation négative qui est devenue systématique.
Cette affaire s’inscrit dans un contexte plus large : des études comme celle d’Accenture et Girls Who Code montrent que les femmes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à quitter l’industrie technologique en milieu de carrière. Parmi les causes, suspectent certaines expertes du sujet : l’accueil qui leur est réservé lorsqu’elles rentrent de congé maternité.
Par ailleurs, selon le GenderScan 2022, les femmes de l’industrie doivent composer avec un sexisme accru (46 % de celles qui travaillent dans la tech en ont déjà vécu) comparé au reste des secteurs économiques (38 % rapportent en avoir subi dans les autres secteurs).
STMicroelectronics est condamnée à verser plus de 800 000 euros de dommages-intérêts au groupe de plaignante. Les rappels de salaires n’ayant pas encore été calculés pour huit d’entre elles, le montant total devrait « dépasser le million d’euros », déclare leur avocat Xavier Sauvignet.
« C’est la première fois qu’un groupe de femmes fait condamner une entreprise – qui plus est du CAC 40 – pour une discrimination générale et pour des montants aussi importants » indique-t-il encore à Mediapart.
Le 10 novembre 2023 à 06h37
Commentaires (37)
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Abonnez-vousLe 10/11/2023 à 07h42
Je pense que cette phrase permet de justifier que cet index égalité homme/femme est juste un indicateur qui ne veut rien dire, une sorte de gender-washing. La CGT est arrivée aux mêmes conclusions.
Le 10/11/2023 à 08h04
Effectivement, cet indice ne vaut rien… j’en ai eu la preuve où je bosse, le cabinet Syndex nous a fait une analyse commentée de notre note, assez haute mais en fait qui cache une réalité toute autre. Ils feraient mieux de revoir cet indicateur plutôt que de tergiverser sur le point médian…
Le 10/11/2023 à 09h51
“cette chargée des contrôles qualité, qui témoigne avoir brusquement été mal notée après la naissance de son premier enfant, notation négative qui est devenue systématique.”
Le 10/11/2023 à 10h06
J’ai beau être dans la 50aine, ce qui me qualifie surement comme mysogine/boomer, je ne comprend pas l’inégalité salariale/hiérarchique entre homme et femme. D’autant plus dans un secteur comme la tech où les objectifs à atteindre sont indépendants des hormones, des chromosomes ou de la durée de la grossesse.
J’ai bossé avec/pour des hommes qui étaient des brèles et avec/pour des femmes auprès des quelles c’est moi qui était une brèle. Et réciproquement.
Une discrimination salariale/hiérarchique sur un critère de genre me parait aussi débile que sur un critère de couleur des yeux.
Le 10/11/2023 à 10h18
Pareil, travail identique, salaire identique, progression de carrière identique, peu importe le genre de la personne.
je me demande comment c’est possible de penser autrement, les femmes ont déjà assez de dépense en + pour ne pas être en plus être payées pareil que les hommes.
Le 10/11/2023 à 14h52
D’accord dans l’idée, mais c’est vraiment pas immédiat de qualifier ce qu’est le “travail identique” quand on est cadre. Professionnellement on croise de tout à fiche de poste identique.
Le 10/11/2023 à 15h00
Perso je suis dans la même incompréhension que toi. Cela dit, une des causes qui pourraient expliquer cette différence à temps de travail égal serait une propension à moins bien se valoriser et à demander plus que les hommes auraient plus facilement. C’est en tous cas un des points que j’avais déjà eu l’occasion d’entendre lors de ce type de débat. Probablement un problème d’éducation.
Je pense aussi que l’un des soucis est notre vision négative de l’argent et des salaires qui est culturellement en France à la limite du tabou pour je ne sais quelle raison. Se décomplexer sur ce sujet et en parler plus librement pourrait aussi aider.
Perso j’ai été aussi à mes débuts dans une situation où je fus largement moins bien payé que des collègues à travail égal (malgré mon service trois pièces) car je manquais avant tout de repères et de références et je ne savais pas évaluer “ce que je valais”. J’en ai pris conscience grâce à une discussion café où on m’a clairement dit que je me faisais entuber. Le fait que la prétention salariale soit du côté du salarié est, je pense, un problème aussi pour mieux se valoriser. Il me paraîtrait plus sain pour l’égalité que celle-ci soit faite en proposant un salaire de référence pour permettre aux personnes de mieux s’évaluer.
Typiquement, aujourd’hui en tant que Freelance, je suis dans la même difficulté si demain je devais avoir une proposition d’embauche en interne chez un client. Mon salaire actuel est largement supérieur au marché par rapport à un salarié ordinaire (compensé par le fait que jour non presté = jour pas payé, dans 0 dans la popoche). Et s’il y a des sites qui donnent des fourchettes et estimations, je ne saurais gager de leur fiabilité.
Bref, je me dis qu’il serait peut-être pas mal d’avoir des indicateurs de référence indépendants pour un poste / expérience afin de savoir dans quelle tranche se positionner. Peut-être que ça existe, mais j’avoue ne pas avoir trouvé.
Le 11/11/2023 à 14h03
+1
Je doute que beaucoup de mes compatriotes sauraient dire le salaire d’un ouvrier, d’un ingénieur, d’un prof des écoles ou d’un chercheur.
Cette fausse pudeur sur les salaires est un problème.
Le 11/11/2023 à 19h09
“Fausse pudeur”, ça défini exactement mon sentiment à ce sujet
Le 11/11/2023 à 19h55
Derrière le fait d’annoncer publiquement les sommes gagnées, et je connais mes compatriotes, il y aura toujours une fronde sur la valeur du travail :
Oui mais l’autre il en branle pas une, ce qu’il fait j’en fais 3x plus, …
L’évaluation de chacun sur la dureté de la tache à accomplir, la rigueur et la qualité du résultat sont des critères qui sont très subjectifs.
Vu qu’on parle de STM, bon il y a des techs mais la majorité des gros salaires sont des cadres.
Là, on construit une capacité de travail sur plusieurs années en construisant une équipe, c’est pas évident de corréler la paye avec les bénéfices qui peuvent être à moyen voir long terme.
Les gens s’entendent aussi plus ou moins bien selon les affinités.
Bref, pour recentrer sur le sujet de la news, les femmes ont potentiellement des carrières moins riches que les hommes, c’est un fait.
Comment compenser ce fait, l’état français allège déjà un peu la chose avec des trimestres pour chaque enfant, est-ce suffisant ?
Est-ce que une année prise pour sabbatical ou grossesse dans la carrière doit être compensée, et qui le prendrait en charge ?
En plus pour le management de l’équipe une grossesse n’est pas forcément annoncé longtemps à l’avance, bon un burn out non plus, mais un sabbatical peut être mieux préparé je pense.
C’est le rôle des RHs de répondre à cette question, si l’état ne répond pas à ces cas.
Le 10/11/2023 à 10h33
*travail identique, salaire identique, progression de carrière identique, peu importe le sexe de la personne.
*
Oui, mais non si on creuse un peu plus :
travail identique, évolution de salaire identique.
Il faut prendre en compte l’historique du collaborateur. Quelqu’un qui a 10 ans d’expérience, ou qui sort de travail de nuit avec prime intégrée dans le salaire… n’aura pas le même salaire entrant qu’un autre au même poste, avec “seulement” 5 ans d’expérience.
travail identique, progression de carrière identique.
Non ! la progression de la carrière dépend des compétences acquises ou du potentiel d’acquisition. Selon les collaborateurs, certains partiront vers de l’expertise, d’autre vers du management, d’autre enfin se satisferont de ne pas bouger. Ou n’en auront pas les capacités.
Le diable est dans les détails et le rapport au travail de chacun.
Le 10/11/2023 à 13h17
C’est ce genre de raisonnement qui flingue la natalité d’un pays à terme. Pas d’enfant, pas de travailleur, pas d’entreprise, pas d’économie.
Le 10/11/2023 à 14h03
Je ne vois pas le rapport avec le fait de faire des enfants ou pas ?
Le 10/11/2023 à 14h15
Chaque excuse de ce style trouvée pour que les femmes restent moins payées est un argument de leur côté pour ne pas avoir d’enfant. Toutes les sociétés qui prônent l’hyper productivité ont une démographie en chute libre, Japon et Corée du Sud en sont des parfaits exemples.
Le 10/11/2023 à 16h06
Relit mon commentaire, je ne fais pas de différence entre les sexes.
Le 10/11/2023 à 16h09
J’ai très bien lu, merci. Pas de mauvaise foi, l’argumentation est toujours couvert de soit disant neutralité mais le résultat reste le même, ce sont les femmes qui en paye le prix.
Le 10/11/2023 à 16h23
Une accusation de mauvaise foi sortie de nulle part, c est bien , cela évite de répondre sur le fond ou d’admettre que l’on s’est trompé en lisant.
Il n’y a pas que les femmes qui subissent, les jeunes, les personnes mal informées, mal formées sur l’organisation des entreprises. Le commentaire de SebGF ci dessus en parle très bien !
Le 10/11/2023 à 11h04
Super article, merci !
Le 10/11/2023 à 11h52
Ce que je reproche à ce genre de sujet (sic), c’est que cela concerne concerne plutôt des catégories socio-professionnelles cadre et >.
J’ai eu vent que les femmes et les hommes au SMIC gagnaient rigoureusement la même chose et que personne ne semble s’en offusquer.
L’autre point, est qu’en général, pour aligner une même catégorie, c’est fait plutôt vers le bas..
Le 10/11/2023 à 15h04
Bah, en gros, t’as le même poste que quelqu’un d’autres, t’es payé pareil.
Le genre ne doit pas compter.
Le 10/11/2023 à 15h46
C’est la définition du salaire attaché au poste.
Il existe d’autres références comme celle des fonctionnaires pour lesquel•les la rémunération est attachée à leur personne/qualification.
Le 11/11/2023 à 19h50
Ben non, si tu bosses mieux et rapporte plus à l’entreprise, tu dois être mieux payé.
Le 10/11/2023 à 18h39
C’est drôle, c’est toujours sur des espaces coms majoritairements masculins que l’on trouve toujours quelqu’un pour se rouler dans son jus sur ce genre de thématique avec les conséquences que l’on connait. Quand on attendra un point critique, ça jouera les étonnés.
Le 10/11/2023 à 19h36
Il y a de grands changements pour vraiment arriver a égalité sur ce sujet, notamment de mentalité, par contre je l’exprime de manière très synthétique mais parfaitement vérifiable :
On est plus facilement égaux lorsqu’on a pas d’enfant.
Rien que les questions pratiques comme : “qui s’arrête ?” et “combien de temps ?” au seins d’un foyer influence inévitablement la suite.
Pour résoudre ce type de problème il faudrait des congés parentaux aussi longs pour l’homme que pour la femme (voir même les rendre obligatoires).
De plus les hommes cotisent dans les mêmes proportions mais disposent de droits restreints, ce qui est, quand on y pense, une arnaque.
Le 10/11/2023 à 20h21
Personnellement, je trouve le congé parental pour les hommes ‘bizarre’ : c’est la femme qui porte un enfant pendant 9 mois avec tous les pb de santé que cela apporte et qui accouche, et du coup c’est plutôt elle qui doit se reposer ensuite.
Qu’il soit accordé en père ‘en plus’ pour justement aider la mère, je peux comprendre, mais qu’il faille choisir entre le père et la mère pour savoir qui vas le prendre, cela me semble une ‘arnaque’ pour les femmes.
Après je peux comprendre que cela soit actuellement pénalisant pour une femme d’avoir un congé parental, mais c’est plutôt dans ce sens qu’il faudrait aller : l’augmentation et les éventuels bonus devraient être ‘alignés’ sur ceux qu’elle a eu l’année précédant la naissance par exemple.
Le 10/11/2023 à 20h35
Justement, pas de choix a faire, même durée pour les deux parents (et obligatoire si on veut aller au bout du raisonnement).
Et continuer a creuser la discrimination a l’embauche et les problèmes d’attachement/investissement émotionnel entre père et enfant (avec tout ce que ça implique) ?
Pour moi c’est ça qui est bizarre.
Le 10/11/2023 à 21h04
Le congé parental, c’est pas pour se reposer, c’est pour s’occuper du bébé et c’est aussi bien le père que la mère qui peut le prendre.
Et pour la femme, il y a déjà le congé maternité.
Le 10/11/2023 à 21h37
Effectivement j’ai confondu congé parental et congé maternité
Le 11/11/2023 à 00h49
J’ai lu dans la presse locale (je suis sur Grenoble) qu’il y a aussi du management toxique chez STM.
Le 11/11/2023 à 12h33
Oui ça fait des années que ça dure. Je connais quelques ingénieurs qui sont partis pour cette raison. Les premiers en 2009, le dernier en 2018.
Le 11/11/2023 à 21h20
Je n’ai jamais parlé d’annoncer les sommes gagnées par les salariés publiquement.
Le 12/11/2023 à 13h20
Alors je n’ai rien compris.
(les emoticones ne marchent pas, j’aurais mis de l’incompréhension)
On peut trouver des sites qui recensent les salaires moyens selon la fonction de chacun.
Après pour affiner le travail de chacun c’est au jugement du chef d’équipe. il y a facilement 20% de variation pour une dénomination équivalente qui reste à l’appréciation du responsable.
Ma question du coup est quelle marge de manœuvre a le responsable de l’équipe ?
Il faut garder l’ensemble des gens motivés, et chacun à sa vie personnelle.
Donc pour moi il y a des rémunérations différentes qui correspondent plus ou moins à des engagements différents.
Le 12/11/2023 à 17h28
Je l’ai indiqué dans mon message en ajoutant que j’ai des doutes sur leur fiabilité. Une partie de ceux que j’avais déjà trouvé étaient principalement déclaratif et souvent sur une population loin d’être représentative (genre 4 ou 5 déclarations).
Un indicateur de source plus fiable (type INSEE par exemple) serait le bienvenu. Mais peut-être que ça existe, je ne sais pas, comme indiqué en #13.
L’objet de mon propos était surtout que les personnes ne savent pas forcément évaluer la rémunération à laquelle elles peuvent prétendre. D’où la proposition d’indicateur plus fiable permettant de connaître un salaire de référence. Après libre à chacun de se positionner dessus, derrière il restera toujours les minima sociaux d’entreprise.
Le 12/11/2023 à 18h10
L’INSEE suit les salaires du privé et du public, par profession suivant la nomenclature PCS-ECE 2017 et dispose d’un outil de visualisation.
https://www.insee.fr/fr/outil-interactif/5369554/index.html
Par contre cet outil ne tient pas compte de l’expérience. Les meilleures sources que je connaisse alors sont sectorielles, par exemple : République Française
(cyber.gouv.fr est le nouveau site de l’ANSSI).
Peut-être que la DARES a des données ?
Le 13/11/2023 à 14h47
[Removed]
Le 13/11/2023 à 15h04
PS:
J’ai retire de moi même la réponse que je faisais à un commentaire, car elle n’apportait rien :-)
Le 13/11/2023 à 14h56
…