Face à Google, des députés LR aimeraient taxer la « présence digitale significative » en France
L'État de doigts
Le 17 octobre 2017 à 13h17
5 min
Droit
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Plusieurs députés LR relancent la question de la fiscalité du numérique à l’occasion des débats autour du projet de loi de finances pour 2018. Ils veulent intégrer le concept de « présence digitale significative en France » pour aspirer les revenus des géants du Net domiciliés hors de nos frontières.
Cet été, le dossier Google devant le tribunal administratif de Paris a montré la difficulté de s’attaquer à la territorialité de l’impôt. La stratégie de Google et des autres ne repose pas sur de viles évasions fiscales, mais répond à une démarche d’optimisation permise par les textes en vigueur, dont la convention signée avec l’Irlande à la fin des années 60.
Ce 12 juillet 2017, le tribunal a donc considéré que les critères de rattachement territoriaux n’étaient pas remplis. Avec ce jugement, en amont duquel Bercy avait investi d’importants moyens, Google a pu faire annuler un redressement d’un milliard d’euros portant sur l’impôt sur les sociétés, la retenue à la source ou encore la TVA.
Près de trois mois plus tard, plusieurs députés LR, menés par Éric Woerth, ont déposé un amendement pour intégrer dans le Code général des impôts un nouveau critère de rattachement. C’est la « présence digitale significative ».
Un doigt de « présence digitale significative »
« De nombreuses entreprises, en première ligne les géants du numérique, détournent aujourd’hui artificiellement les bénéfices qu’elles réalisent sur notre territoire en évitant l’établissement d’une présence fiscale en France, écrit le député Éric Worth. Ce détournement de profits se fait au détriment de l’État, des services publics, des entreprises locales concurrentes et des citoyens. »
Concrètement, l’amendement vise à considérer qu’il y aurait présence fiscale digitale significative d’un site, d’une application ou de n’importe quel « support », dès lors que l’une de ces conditions est remplie :
- « Un nombre significatif de contrats pour la mise à disposition, directe ou indirecte, des services proposés est signé avec des résidents français ;
- Un nombre important de clients français utilisent les services proposés à titre gratuit ou à titre onéreux ;
- Les services proposés sont adaptés pour une utilisation en France ;
- La bande de trafic utilisée par des clients français est importante ;
- Une corrélation existe entre les montants payés par la société étrangère propriétaire du support à une autre société et le niveau d’utilisation en France. »
Des concepts flous
Ce même texte avait déjà été déposé puis discuté en commission des lois le 11 octobre dernier. Éric Woerth avait eu beau défendre le critère de l’établissement stable virtuel, « reposant sur l’idée qu’il a une empreinte numérique », mais en face, le rapporteur général a rappelé le risque de contradiction avec les conventions fiscales signées par la France, lesquelles ont une valeur juridique supérieure à la loi.
« À titre d’exemple, a exposé Joël Giraud (LREM), la convention fiscale franco-irlandaise empêchera que les revenus considérés comme étant de source française par l’amendement puissent être imposés en France : la définition de l’établissement stable prévue par la convention y fera obstacle. »
Le rapporteur a également dégommé sans mal « la trop grande imprécision » de l’amendement, craignant un risque d’incompétence négative. Un vice qui atteint la loi dès lors que le législateur ne remplit pas la plénitude de ses compétences ici fiscales, en laissant à l’administration des pans entiers de liberté sans contrôle :
« À quoi correspondent un nombre "significatif" de contrats, un nombre "important" de clients français, une bande de trafic "importante" ? "Important" veut-il dire "majoritaire" ou "substantiel" ? À quel niveau le nombre devient-il "important" ? »
Remarquons au passage l’intervention d’Émilie Cariou, députée LREM de la Meuse. L’ex-conseillère chargée des affaires européennes, internationales et du numérique au ministère a souligné que des travaux sont lancés depuis plusieurs années à l’OCDE et désormais dans l’Union européenne : « Parallèlement, la France, dans une initiative conjointe avec plusieurs États européens, a défendu une proposition de taxe sur le chiffre d’affaires en attendant de résoudre ce problème de l’établissement stable ».
L'idée d'une taxe sur les revenus a été récemment torpillée par le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, à la suite d'une réunion internationale. La France ne semble tout de même pas désespérer de la voir appliquée.
Un amendement « sympathique »
Le député Charles de Courson (Les Constructifs) a vu là un « amendement sympathique », avant évidemment de le démonter dans les règles de l’art : « La seule solution est un accord international ou, du moins, un accord entre pays d’un bloc suffisamment important, qui définissent une assiette commune et un taux commun et qui se partagent le produit de l’IS qu’ils feraient payer – en fonction d’une clef à définir. Cela me paraît la seule voie praticable ».
Ce 11 octobre, la commission a donc sans surprise rejeté l’amendement. Autant dire que ce sort sera sans doute le même lors de l’examen en hémicycle. Éric Woerth fait preuve d'un certain activisme sur ces questions. Dans le même projet de loi, il défend également l'idée d'avancer d'un an la déclaration automatique des revenus issus des plateformes.
Face à Google, des députés LR aimeraient taxer la « présence digitale significative » en France
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Un doigt de « présence digitale significative »
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Des concepts flous
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Un amendement « sympathique »
Commentaires (39)
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Abonnez-vousLe 17/10/2017 à 14h03
La France est toujours pionnière et a une avance incomparable sur le reste de l’Europe quand il s’agit de faire fuir et rendre impossible tout développement économique pour les entreprises (et dans une certaine mesure l’enrichissement du particulier).
Au regard de l’Estonie qui se développe à grand V avec des avantages fiscaux raisonnables tout en maintenant une stabilité économiques quasi-parfaite (rapport taux des taxes/impôts vs services rendus).
La loi de 2015 sur la TVA a déjà remis en équilibre le problème des activités économiques sur internet hors-frontière.
La France, déjà vue dans le monde entier comme la bête noire économiques, va finir de s’enterrer en quelques années.
Le 17/10/2017 à 14h05
Il a peut-être une société de conseil en optimisation fiscale, donc créer des difficultés aujourd’hui créerait les clients de demain " />
Sinon, ça aurait été bien de commencer par la fin. Savoir que l’amendement est anéfé-rejeté c’est bien là la seule info " />
Le 17/10/2017 à 14h29
Un doigt de « présence digitale significative »
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Le 17/10/2017 à 14h29
Ces députés veulent amputer des doigts ? " />
Le 17/10/2017 à 14h33
Il parle peut être d’évasion fiscale.
Le 17/10/2017 à 14h34
Comparer la France (66n9 M d’habitants) à l’Estonie (1,3 M d’habitants) " />, il y a du niveau !
Tu m’as l’air d’être un champion en économie, bientôt le prix Nobel.
Pour ta gouverne, la France n’est pas la seule à vouloir lutter contre ces évitements fiscaux. L’Allemagne, les USA, la Grande Bretagne ont la même préoccupation. Et [url=http://www.oecd.org/fr/fiscalite/conventions/signature-d-une-convention-multilaterale-sur-le-beps-marque-une-etape-decisive-pour-combler-les-failles-dans-les-conventions-fiscales.htm66 pays de l’OCDE[/url] ont décidé de s’attaquer au problème en juin dernier, + 6 pays dont l’Estonie on déclaré vouloir aussi signer cette convention.
Le 17/10/2017 à 14h36
Oui, il parle sûrement de cela, mais cela ne change rien à ma question. Je ne vois pas le rapport entre son commentaire et l’article. (pas le sujet de l’article, si tu vois la nuance)
Le 17/10/2017 à 14h43
moi je pense que ça doit être traité avec beaucoup de doigté.
Facile de taper du poing sur la table, encore faut-il avoir les cartes en main.
ça évitera de se ronger les ongles en regardant les GAFAM faire main basse sur les potentielles recettes fiscales.
Le 17/10/2017 à 14h45
ben un peu quand même, sauf qu’il s’agit d’optimisation fiscale. ^^
il y a effectivement une nuance, mais l’idée est là.
Le 17/10/2017 à 14h52
Vous ne préférez pas un Whisky d’abord?
Le 17/10/2017 à 14h57
L’article explique que la proposition de Woerth n’est pas pertinente d’un point de vue légal. On ne peut donc pas déduire que ce refus est le signe que l’évasion fiscale a de beaux jours devant elle.
On peut juste en déduire que Woerth amuse la galerie et joue à l’opposant de service en faisant une telle proposition. Il le fait pour exister, pas lui personnellement, mais son groupe LR.
Quand en plus, on lit que le sujet est d’actualité depuis plusieurs années à la fois à l’OCDE et au sein de l’UE, on peut se dire au contraire que les jours de l’optimisation fiscale sont comptés.
Le 17/10/2017 à 15h03
oui on est bien d’accord, je disais juste que le sujet global est bien la lutte contre l’optimisation.
Pour le reste, même si c’est d’actualité, rien ne dit qu’on avancera sur ce point, mais il est clair que la volonté de tout un tas de pays est belle est bien de lutter contre.
Concernant la proposition en elle-même, c’est effectivement du blabla sans intérêt pour entrer dans les stats de nosdeputes.fr. ;)
Le 17/10/2017 à 15h10
Le 17/10/2017 à 15h26
c’est fou comment un repris de justesse s’inquiète des impôts impayé des autres
Le 17/10/2017 à 15h30
Le 17/10/2017 à 15h35
Le 17/10/2017 à 13h18
Le 17/10/2017 à 13h26
Si ils y arrivent pas, suffit d’autoriser l’U.E à instauré des impôts et taxes sur l’activité européenne des grand entreprise qui profitent du système, et ainsi de le répartir entre les pays membres." />" />
Le 17/10/2017 à 13h28
Bref, ce bon Éric se met le doigt dans l’œil !
Je voulais parler des conventions qui ont une valeur supérieure aux lois nationales, mais je vois que le sujet est abordé.
Je vais donc en rester sur mon bon mot.
Le 17/10/2017 à 13h39
Voir Éric Woerth se démener de la sorte en connaissant son passif… c’est tout de même assez croustillant :)
Le 17/10/2017 à 13h42
Est-ce qu’au final, on ne ferait pas mieux de rejeter toutes les conventions fiscales entre les différents états et d’en refaire une au niveau de l’UE pour que ça marche partout pareil ?
Le problème principal semble quand même être une convention datant de 1960 qui n’est certainement pas d’actualité face au fonctionnement de google. Il faut se rappeler qu’en ce temps là, on ne parlait pas encore de doigts pour indiquer un échange par signaux électriques.
Le 17/10/2017 à 13h52
Les évasions ont encore de beaux jours devant elles.
Le 17/10/2017 à 13h54
L’empreinte digitale floue n’a peut-être pas été reconnue par la commission, mais permet néanmoins d’identifier une problématique sur laquelle l’état nation n’a aucune prise, notamment parce que certains ont le doigt dans le pot de confiture jusqu’au coude.
Le problème doit être pris à bras le corps.
Le 17/10/2017 à 13h56
L’État de doigts
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Le 17/10/2017 à 14h00
Qu’est-ce que tu n’as pas compris dans l’article pour dire cela ?
Le 17/10/2017 à 15h38
Le 17/10/2017 à 15h39
Pourquoi ne pas directement taxer le pays cible.
On laisse la libre fiscalité mais en cas d’écart significatif d’imposition, la différence est réglée par le pays cible. ça devrait permettre de moucher un peu les paradis fiscaux .
Le 17/10/2017 à 15h43
C’est tout à fait comparable si il y a un équilibre entre les rentrés d’argent et les services publiques. Pas besoin d’être prix nobel pour savoir ça. Qui plus est quand l’Estonie propose les mêmes services publiques que la France.
J’ai rencontré des avocats fiscalistes et autres concernés dans bien des pays, quand je le dis c’est d’expérience.
Lutter contre les évitements fiscaux est une chose, se ridiculiser et ajouter une Nième taxe dans un pays déjà classé dernier dans tous les classements économiques, c’est plus que débile.
Le 17/10/2017 à 15h56
Le 17/10/2017 à 17h12
Le 17/10/2017 à 17h22
En fait, quand tu regardes bien, la plupart des conventions fiscales sont rédigées pareil sur le point des établissements stables.
Dommage que tu n’aies pas gardé le reste de mon message qui parle des travaux au sein de l’OCDE et de l’UE, c’est par là qu’arrivera l’évolution. Pour l’OCDE, on parle d’une convention fiscale unique pour beaucoup de pays. Il est en fait beaucoup plus rapide de se mettre d’accord à plein de pays en même temps, même si ça prend plusieurs années, que renégocier un par un.
En fait, ce n’est pas au parlement que cela peut se régler. C’est pour cela que je dis que la proposition de Woerth n’est pas pertinente.
Le 17/10/2017 à 17h36
il est plus pertinent de parler de lutte contre la fraude fiscale ou de volonté de modifier la répartition de la charge fiscale des entreprises internationales.
Optimiser équivaut à faire en sorte de se trouver dans une situation légale favorable: peu importe le contenu des règles légales, il y aura toujours de l’optimisation (d’ailleurs c’est pas le fait des seules personnes morales). ça peut être exagéré (et à ce moment il faut modifier la loi) mais ça existe toujours.
Je te rejoins cependant sur ta critique des possibilités d’optimisation actuelles. La solution en droit fiscal internationale visant à permettre de taxer lorsqu’il y a un établissement stable est problématique à l’heure actuelle.
l’UE a fait beaucoup de progrès dans ce domaine cette année et a même réussi à énerver les USA qui ont peur de perdre des revenus parce que leurs entreprises (google et autres) pourront déduire l’impôt déjà payé à l’étranger des impôts dus au fisc américain.
Par contre, il reste légitime pour les pays d’être concurrentiels en matière fiscale, et il faudra bien trouver une clé de répartition de la taxation équitable (qui taxe quel partie?) et admettre que si la société qui a développé le produit (par exemple le moteur de recherche) est basée dans un pays X, une partie des revenus de ses filiales (par exemple celle qui gère la publicité sur le moteur)dans un pays Y peut lui être imputée.
Le 17/10/2017 à 19h55
Ah mais ne te méprends pas je ne m’inscris pas en faux contre toi (comme lors de notre dernier échange), et oui le reste de ton message est tout à fait intéressant " />.
Le 17/10/2017 à 19h58
je sais pas pourquoi, je sens que le pays cible pourrait ne pas être d’accord " />
ça va être compliqué de le faire payer sans se lancer dans une guerre économique ouverte à coup de barrières douanières et taxes d’importation… surtout que ça, l’Europe ne le permet pas…
Et pour les pays européens c’est pareil: les “paradis fiscaux” de l’UE (Irlande, Malte, Luxembourg) ne voteront jamais une telle mesure…
Le 18/10/2017 à 06h15
Je comprend bien ce raisonnement. Mais dans un contexte de marché commun, un système de taxe est déjà dans une logique de guerre économique. Il est évident que l’achat et la vente locale peut rester à la discrétion des pays, mais en ce qui concerne le CA réalisé dans la zone EU, dans le cadre du marché commun, il me semblerai normal qu’une fiscalité unique s’applique.
Le 18/10/2017 à 09h37
L’État de doigt, une notion innovante !
Le 18/10/2017 à 09h42
Le 18/10/2017 à 09h56
Il faudrait d’abord apprendre à compter ! 2009 à 2017, ça fait moins de 10 ans.
Quant à comparer les déclarations ou volontés d’un seul chef d’état avec l’action conjointe d’environ 70 pays de l’OCDE et celle de l’UE, comment dire, c’est risible.
SI tu t’intéresses au sujet et que tu n’es pas là que pour balancer des tirades provocatrices mais sans fondement, va lire ceci sur slate, c’est plus équilibré et positif que ton commentaire lapidaire. C’est de 2015, mais c’est dans la lignée de ce dont je parlais.
Le 18/10/2017 à 15h36
En l’occurence ce n’est pas le Royaume-Uni qui est en avance ? :
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