La SACEM et la SACD plaident pour une redéfinition du statut des hébergeurs
Sans surprise
Le 04 décembre 2017 à 09h43
6 min
Droit
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Dans une consultation lancée par le Conseil national du numérique, les deux sociétés de perception et de répartition (SPRD) ont plaidé d’une même voix pour un aménagement du régime de responsabilité des intermédiaires techniques. Objectif ? Concentrer le bénéfice de ce statut sur quelques acteurs, en privant ceux qui mettent des contenus en avant.
Alors que le chantier de la réforme du droit d’auteur se poursuit en Europe, la SACD a émis plusieurs pistes pour mieux encadrer, à son goût, la gestion des contenus par les plateformes. Cette intervention a eu lieu dans le cadre de consultations lancées par le Conseil national du numérique portant sur les plateformes et dont le rapport est attendu le 15 janvier 2018.
Pour la société chère à Pascal Rogard, un sujet revient en force dans sa contribution : le statut des intermédiaires techniques. « Défini à la fin des années 1990, soutient la société de gestion collective, le statut des intermédiaires techniques de l’Internet est aujourd’hui obsolète pour un certain nombre d’acteurs qui jouent un rôle actif dans la promotion, la présentation ou la distribution des œuvres tout en étant soumis à une responsabilité très limitée et parfois même inexistante en matière de respect du droit d’auteur ».
Le régime actuel interdit aux intermédiaires de mener à bien un filtrage généralisé, tout en prévoyant leur responsabilité après une notification restée infructueuse et visant un contenu illicite.
Maillon faible de la lutte contre la contrefaçon
À ses yeux, ce régime, pensé aussi pour la liberté d’expression et celle du commerce, est « clairement un maillon faible de la réglementation pour lutter efficacement contre la contrefaçon ».
Elle estime en conséquence qu’une réforme du statut de l’intermédiaire « doit s’imposer », mais attention : « non pas pour modifier les règles de responsabilités de ceux dont le métier reste conforme à la définition d’un hébergeur purement passif, mais pour soumettre ceux qui ont une responsabilité dans la mise en avant ou l’éditorialisation d’œuvres à des engagements minimaux en faveur du respect du droit d’auteur ».
En somme, pas touche en façade au statut de l’intermédiaire, mais ce périmètre juridique ne doit être réservé qu’à une petite poignée d'élus, les intermédiaires purement techniques, non ceux qui ont le tort de mettre en avant les contenus qu’ils hébergent, tel YouTube.
Cette piste est clairement celle projet de révision de la directive du droit d’auteur qui, par des circonvolutions, tente de revoir ce périmètre.
Le statut de l'intermédiaire, « refuge » de YouTube ou Dailymotion
Du côté de la SACEM, même discours, concentré sur les plateformes de partage de vidéo. « Les créateurs sont très faiblement associés au succès économique de ces plateformes, en raison de l’irresponsabilité juridique de celles-ci », se lamente la société sise à Neuilly sur Seine
Elle épingle le statut derrière lequel « se sont réfugiées » des plateformes comme YouTube ou Dailymotion pour diffuser des œuvres, alors que ce dispositif a, dans sa mémoire, « été imaginé pour de simples intermédiaires techniques, n’ayant aucun contrôle sur les contenus, à une époque où les plateformes de partage de vidéo n’existaient pas ».
« D’ailleurs, ajoute-t-elle, une étude du SNEP sous le bras, du point de vue des consommateurs, ces plateformes et les services de streaming comme Spotify ou Deezer proposent le même service, permettant l’accès à des musiques ou des vidéos à la demande. 86% des YouTubers se connectent à YouTube pour écouter de la musique »
Elle applaudit en conséquence la proposition de la directive de la Commission européenne qui vise à faire le distinguo entre les intermédiaires purement techniques, comme OVH, et ces hébergeurs de vidéos qui mettent à disposition un grand nombre de contenus aux chalands. Une réforme ainsi résumée :
« Les plateformes qui stockent et proposent une grande quantité de contenus, doivent prévoir, en coopération avec les titulaires de droits, des mesures techniques permettant de mieux réguler l’exploitation de ces contenus en empêchant leur utilisation illicite ». Mieux, elles « devront aussi mettre en place des dispositifs de plainte et de recours à la disposition des utilisateurs quand ceux-ci estiment que leur accès à des contenus légaux est limité par un système inapproprié ».
Pour cette SPRD cependant, le chantier pourrait toucher du doigt la perfection : « il convient notamment, afin de garantir la sécurité juridique des consommateurs, que les contrats de licence conclus entre les titulaires de droit et les plateformes de partage de vidéos couvrent également les actes d’exploitation des internautes qui postent des vidéos, lorsqu’ils n’agissent pas à titre professionnel ».
La régulation des algorithmes par le CSA
La SACD a une autre idée dans sa besace. Elle voudrait que les règles autour des algorithmes de recommandation soient parfumées par un objectif de « diversité culturelle ».
L’enjeu ? « S’assurer d’un véritable choix dans l’offre culturelle et d’une visibilité pour les œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes ». D’après la société, cette ligne devrait donc être prévue dans « les règles que se fixeront les régulateurs nationaux de l’audiovisuel ».
Hasard ou coïncidence, le Président de la République a appelé de ses vœux le CSA à réguler davantage les contenus en ligne, en prenant pour cheval de bataille la lutte contre les violences faites aux femmes ou la protection des mineurs face au porno, aux jeux vidéo.
S'ils ont fait ronronner Olivier Schrameck, ces nobles pistes risquent surtout de n’être que des chevaux de Troie derrière lesquels d’autres sujets patientent, comme celui d’une régulation des algorithmes par le Conseil supérieur de l’audiovisuel.
La SACEM et la SACD plaident pour une redéfinition du statut des hébergeurs
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Maillon faible de la lutte contre la contrefaçon
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Le statut de l'intermédiaire, « refuge » de YouTube ou Dailymotion
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La régulation des algorithmes par le CSA
Commentaires (27)
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Abonnez-vousLe 04/12/2017 à 15h46
Le 04/12/2017 à 16h01
« Une mafia est une organisation criminelle dont les activités sont soumises à une direction collégiale occulte et qui repose sur une stratégie d’infiltration de la société civile et des institutions. » (wikipédia)
Moi je trouve que ça colle plutôt bien…
Le 04/12/2017 à 16h27
Bah on est pas du tout d’accord, la sacem n’est PAS une organisation criminelle, puisque c’est une société privée régie par des lois, et jusqu’à preuve du contraire la sacem n’a jamais coulé qui que se soit dans le béton pour le faire taire, ni abattu les membres ta ta famille pour te faire des représailles. Où alors je ne sais pas ce qu’est une organisation criminelle, c’est possible aussi.
Après ça fait classe de dire ça sur le web. Tu peux même clamer haut et fort que la sacem est une mafia, tu ne risques pas grand chose dans ton fauteuil derrière ton écran. Ça serait VRAIMENT la mafia avec sa méthode de… d’explication de texte, tu ferai moins le fanfaron mon poulet.
Là, ça fait juste, script kiddie.
Le 04/12/2017 à 17h07
La SACD a une autre idée dans sa besace. Elle voudrait que les règles autour des algorithmes de recommandation soient parfumées par un objectif de « diversité culturelle ».
Grosso modo, une recommandation qui recommande pas, quoi…
Le 04/12/2017 à 17h51
Le genre d’article qu’on aura par-contre jamais:
http://fichiers.keul.fr/pci.png
Le 04/12/2017 à 18h20
Pour moi, ils demandent ça sur cette base, alors que c’est déjà attaquable.
Soit ils sont cons, soit l’objectif est ailleurs.
Le 04/12/2017 à 18h51
Le terme corsaire serait plus juste." />
Le 04/12/2017 à 19h13
Non, les corsaires ont une autorisation d’un gouvernement pour attaquer en temps de guerre les navires civils ennemis.
Ils n’ont pas ce genre d’autorisation il me semble. Disons pirates pour rester dans un domaine proche. " />
Le 04/12/2017 à 19h19
Les AD ont l’autorisation de la culture de fouetter les civils et de les presser à fond." />
Le 04/12/2017 à 20h02
Le 05/12/2017 à 11h17
Le 04/12/2017 à 09h53
Et nous, on peut plaider pour une redéfinition de la SACEM et de la SACD ? (autre que mafia, hein :P)
Le 04/12/2017 à 09h54
Et pour compenser le sacrifice de la liberté d’expression que représente ces filtres d’upload, ils vont bien sûr créer la “définition juridique des communs” et mettre une peine pour le copyfraud (faire payer ceux qui font des demandes abusives).
Non ?
Le 04/12/2017 à 10h13
Sans vouloir me mettre du côté des rapaces, je trouve que le cas de Youtube pose clairement question.
Difficile de le taxer de simple intermédiaire avec un contenu autant éditorialisé. Youtube finance des chaînes, en met certaines en avant, etc…
J’ai tout de même du mal à voir Google comme un simple intermédiaire technique dans l’histoire.
Après, plutôt que de toucher au statut d’intermédiaire, avec tous les risques que cela comporte, on peut aussi pousser Google a être transparent sur ses activités d’éditorialisation des contenus et à séparer ces activités avec celle de simple hébergeur.
Le 04/12/2017 à 10h20
Si je ne m’abuse, on pourrait également y voir un côté positif, vis à vis de l’ensemble des FAI nouvelle version qui ne mettent plus en avant leur qualité technique mais l’aspect attractif des contenus qu’ils proposent.
Donc demain : SFR/Nulméricable = Youtube (par exemple).
Le tout pour redonner à l’utilisateur la possibilité de choisir ce à quoi il a accès en direct, sans être dépendant complètement des contrats que son FAI a passé avec des gros groupes du divertissement et qui changent sans prévenir.
L’argument aujourd’hui d’aller chez machin parce que techniquement c’est le top n’existe plus, on change de FAI à cause des droits du foot, et ça crée une distorsion évidente entre les consommateurs qui peuvent changer (libres de leur engagement) et ceux qui ne peuvent pas encore.
Ou alors je me trompe de chemin ?
Le 04/12/2017 à 10h23
Pour le coup je trouve que c’est une approche plutôt intelligente. Séparer les hébergeurs dont leur boulot c’est d’héberger et les stockeurs de contenus qui vivent de la diffusion du contenu.
Le 04/12/2017 à 10h26
En gros les Youtube, Dailymotion se cachent derrière une définition abusive du statut d’hébergeur (comme les NATUse cachent derrière une définition de la Net Neutrality qui leur convient), et les syndicats d’auteurs et d’ayant-droits se cachent derrière la Culture (avec un grand C) pour réclamer plus de diversité et plus de moyens de contrôle de leurs droits.
Tout ça est bien pratique pour tout ce petit monde de l’entertainment car finalement, l’enjeux n’est-il pas de négocier le paiement de droits et autres marges-arrière entre partenaires de bonne compagnie ?
Le 04/12/2017 à 10h32
mouais… comme ça on entérinerait la disparition des FAI (simples intermédiaires techniques) et on les considèrerait comme des fournisseurs de service (qu’ils sont par ailleurs, pour plusieurs d’entre eux).
Double effet KissKool : ils n’ont plus le statut d’intermédiaire et on peut leur mettre la pression sur le filtrage à priori des contenus pour la lutte contre la contrefaçon, d’une part, et la Neutralité du Net disparait de facto et on s’aligne sur les pratiques des USA.
Que du bon…
Répondre à la problématique que tu soulèves et qui est surtout marketing (ie, ce que les fournisseurs d’accès mettent en avant dans leur com pour qu’on vienne chez eux et pas chez le voisin) par une approche règlementaire/législative (ie, les r-=ègles du jeu qui s’appliquent) ne me semble pas pertinent.
Par ailleurs, ta proposition (ton exemple du foot plutôt) défonce pas mal le droit des contrats au passage.
Le 04/12/2017 à 10h41
Le but peut paraitre louable. Mais le moyen l’est moins: on revient toujours à la même rengaine: obliger l’intermédiaire (plus technique) à exercer une surveillance active des contenus proposés.
D’ailleurs, il sera assez difficile de définir qu’est-ce qui est un hébergeur purement technique? à partir de quand est-ce que l’algorithme mets en avant ou éditorialise du contenu?
Par contre, je n’aime pas l’argument de la diversité culturelle du CSA. Sur le web, l’utilisateur a accès à une foule de chaines et de contenus: un contrôle de la programmation n’est pertinent que si les chaines sont limitées.
Le 04/12/2017 à 10h49
Sans surprise
Les mafias pérennisent
Le 04/12/2017 à 11h04
Ils pourraient les poursuivre sur la base de leur contenu éditorial, je suppose que c’est faisable. Ce n’est pas de l’hébergement. L’hébergement, ça se limite à la disponibilité des contenus avec un moteur de recherche et au fait qu’on puisse les déposer.
Dès qu’on fait un éditorial, on en sort, on a une activité autre, activité qui devrait inclure la vérification de la légalité du contenu mis en avant.
Mais ils veulent que la plateforme entière sorte du concept d’hébergeur, ça leur simplifierait la vie !
Le 04/12/2017 à 11h38
Le 04/12/2017 à 12h28
“Les créateurs sont très faiblement associés au succès économique de ces plateformes” > on parle de quel succès au juste ? Ces plateformes sont encore aujourd’hui pas loin de fonctionner à perte … La question de la séparation d”hébergeur et d’éditorialiste n’est pas inintéressante, mais la fronde est ridicule.
C’est triste de voir l’extrême pauvreté des arguments de la SACEM + SACD, quand c’est pas du bullsh#t complet. La réforme du droit d’auteur devrait changer les choses de façon à ce qu’on ai plus a subir leur existence. Oui je sais, je rêve tout haut " />
Le 04/12/2017 à 12h44
J’ai pas de données, mais j’ai un peu le sentiment que c’est pas le contenu éditorial qui viole le plus les droits d’auteurs sur youtube. un youtubeur par exemple utilise son droit pour mettre à disposition son oeuvre.
Du coup, j’ai un peu le sentiment que que le contenu éditorialisé est mis en avant pour modifier l’ensemble du statut d’hébergeur (où là j’ai vraiment plus de peine parce que ça implique un contrôle actif de la part de la plateforme).
Le 04/12/2017 à 14h05
Le 04/12/2017 à 14h58
Par contre on m’a dis hier soir à 20h45, 50 nuance de grey est passé a tf1…
Le 04/12/2017 à 15h41
Intimidation racket… Comment appeler ça.
Tous les chemins mènent à la SACEM.
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