La France va-t-elle entrouvrir les portes de son état civil à la blockchain ?
Blockchain de vie
Le 22 janvier 2018 à 11h04
6 min
Droit
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Alors que l’exécutif prévoit de dématérialiser les actes d’état civil des Français de l’étranger, à titre expérimental, la députée Laure de La Raudière voudrait que l’État profite de cette opportunité pour évaluer les avantages de la blockchain. Sa proposition a déjà suscité des débats pour le moins inattendus en commission.
En vue d’instaurer à terme un « registre électronique de l’état civil », dont les actes auraient la même valeur juridique que les copies ou extraits délivrés sur support papier, le gouvernement demande actuellement au Parlement de pouvoir procéder à un premier test.
Dans un objectif « de simplification et de sécurisation des démarches des usagers », l'article 24 du projet de loi « Darmanin » sur le droit à l'erreur habilite ainsi l’exécutif à légiférer par voie d’ordonnance afin de procéder à titre expérimental à « la dématérialisation de l’établissement, de la conservation, de la gestion et de la délivrance des actes de l’état civil » gérés par le ministère des Affaires étrangères (bien souvent par le biais de ses ambassades et consulats).
Si son texte est adopté en l’état, le gouvernement sera autorisé à prendre toutes les mesures relevant du domaine de la loi afin d’engager cette réforme (limitée pour l’instant à une durée de quatre ans). Le tout à condition que « la sécurité, l’intégrité et la confidentialité » des données de l’état civil soit garantie.
Autoriser l’État à recourir à la blockchain, s'il le souhaite
Afin de répondre à cet objectif de sécurisation, la députée Laure de La Raudière a déposé la semaine dernière un amendement visant à ce que les actes de l’état civil puissent « également être inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces actes », dans le strict cadre de cette expérimentation. Et pour cause : la blockchain – ou « chaîne de blocs » – est généralement présentée comme un registre informatique distribué, réputé infalsifiable (voir nos explications sur son fonctionnement).
« S’il paraît important de le préciser dans la loi, c’est que la législation actuelle peut comporter des dispositions qui empêchent l’utilisation de cette technologie intéressante pour réduire les coûts et rendre plus efficace l’utilisation des registres » a fait valoir l’élue, en commission, le 17 janvier.
« Il n’est pas pertinent d’inscrire cette possibilité dans la loi », a toutefois objecté Stanislas Guérini, rapporteur pour l’Assemblée nationale. L’élu LREM s’est de ce fait dit défavorable à cet amendement, ajoutant qu’il appartenait au gouvernement de « choisir les solutions techniques les plus adaptées » à cette expérimentation.
Des dispositions qui relèvent de la loi ou d’un décret ?
Même position du côté de l’exécutif : « Il s’agit d’un problème de niveau réglementaire. Ce dispositif n’a pas à figurer dans la loi d’habilitation » a déclaré Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Action et des comptes publics, Gérald Darmanin.
La blockchain « rompant avec l’organisation actuelle de l’état civil français », le gouvernement estime qu’il est « peu approprié » de s’engager dans cette voie « sans une étude technique préalable et sans une consultation portant sur les incidences d’une décentralisation de l’enregistrement des actes de l’état civil ». Olivier Dussopt a poursuivi en expliquant que les « chaînes de blocs » servant habituellement à sécuriser des transactions, l’utilisation de la blockchain lui paraissait « éloigné[e] de la création d’actes authentiques ».
« Aucun pays européen n’envisage aujourd’hui l’utilisation des chaînes de bloc pour la gestion de l’état civil, a en enfin fait valoir le secrétaire d’État. Compte tenu des principes régissant la circulation des actes d’état civil en Europe, il nous paraît difficile que la France s’engage seule dans cette voie. »
Les chaînes de blocs « réclament de l’expertise »
Ces arguments n’ont toutefois guère convaincu Laure de La Raudière. « Mon amendement vise à ouvrir une simple possibilité, non à instaurer une quelconque obligation » a-t-elle insisté. « Et je suis certaine que les freins de la législation actuelle empêcheront de procéder à l’expérimentation des chaînes de blocs en matière d’état civil dans les quatre ans qui viennent. Or, l’évolution des technologies est si rapide qu’il serait dommage de se priver d’expérimenter une innovation qui permet d’authentifier des actes. »
Le rapporteur a répliqué en demandant à l’élue de retirer son amendement, afin qu’il soit de nouveau discuté en séance publique. « Les chaînes de blocs n’ont rien d’un petit sujet : elles réclament de l’expertise », s’est-il justifié.
« Pourquoi renvoyer systématiquement les sujets abordés à des analyses supplémentaires ? » est alors intervenu le député Julien Aubert (LR). « Il s’agit de savoir si nous pouvons expérimenter un dispositif d’enregistrement électronique issu d’une innovation technologique (...). Si cet amendement est voté, il reviendra au gouvernement d’en déterminer les modalités pratiques. Il ne s’agit même pas d’une obligation mais d’une simple possibilité. Si nous commençons à reculer face à de simples possibilités, ce sera le règne du droit mou ! »
Philippe Gosselin, lui aussi Les Républicains, l’a rejoint : « L’adoption de cet amendement ne mettrait personne dans l’embarras et ne créerait aucun précédent. Libre au gouvernement, une fois cette expérimentation faite, de généraliser [la blockchain] ou pas. »
« Il n’y a rien d’illégitime à ce que le Parlement s’empare de cette question, a ensuite embrayé Jeanine Dubié (non inscrite). Elle ne doit pas être réduite au domaine réglementaire car elle n’est pas seulement technique. » L’ancienne élue PRG a notamment fait valoir que le développement de la blockchain aurait forcément un impact, « d’une manière ou d’une autre », sur l’organisation de l’administration.
Débats renvoyés à la séance publique
Le rapporteur a finalement conclu les débats : « Cet amendement pourrait être suivi par toute une série d’amendements demandant que l’expérimentation puisse porter sur le format HTML5 ou sur le code Python. En séance, il faudra apporter la démonstration que la législation actuelle empêche d’expérimenter les chaînes de bloc » a prévenu Stanislas Guérini à l’attention de Laure de La Raudière – qui a finalement retiré son amendement. « Si vous le prouvez, alors j’émettrai un avis favorable à votre amendement », a-t-il néanmoins concédé.
Les débats dans l’hémicycle, qui auront lieu dans le courant de la semaine, promettent d’être nourris.
La France va-t-elle entrouvrir les portes de son état civil à la blockchain ?
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Autoriser l’État à recourir à la blockchain, s'il le souhaite
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Des dispositions qui relèvent de la loi ou d’un décret ?
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Les chaînes de blocs « réclament de l’expertise »
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Débats renvoyés à la séance publique
Commentaires (50)
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Abonnez-vousLe 22/01/2018 à 11h20
D’ailleurs, la Blockchain ne pourrait elle pas sécuriser le vote électronique ? Le souci serait “d’anonymiser” le vote en lui même je ne sais pas si c’est possible.
Le 22/01/2018 à 11h32
Donc l’état civil pourrait être complètement public ?
Le 22/01/2018 à 11h56
Je suis contre. Autant, aller dans une mairie pour lire un registre papier je comprends comment ça marche. La blockchain je ne comprends pas. En tant que citoyen lambda si je ne comprends pas comment ça marche je ne peux accepter que ce qui sera contenu dans ce machin sera fiable.
Le 22/01/2018 à 11h59
Un blockchain n’est pas obligatoirement public
Le 22/01/2018 à 12h24
Ma question va peut être paraitre con, mais quel est l’intérêt d’aller chercher la blockchain ici là où un empreinte chiffrée (avec le bon algo, pas des facteurs 7 3 1 plus modulo 10 comme maintenant) permet l’authentification voulue sans la lourdeur des méthodes liées aux blockchains mais encore sans la traçabilité des “opérations” que permettent les blockchains, traçabilité qui si elle est appliquée à l’identité me fait invariablement penser aux flicages ?
Le 22/01/2018 à 12h30
Blockchain. Blockchain everywhere.
Le 22/01/2018 à 12h32
ça s’est déjà fait… même en France (c’est dire…).
http://www.zdnet.fr/actualites/vote-electronique-la-blockchain-a-la-rescousse-39…
https://articles.laprimaire.org/r%C3%A9sultats-du-1er-tour-de-laprimaire-org-c8f…
Le 22/01/2018 à 12h42
L’historique des modifications est une composante essentielle du registre d’état-civil, ne serait-ce parce que l’état civil d’une personne change au cours du temps.
Cela dit, je rejoins tes doutes sur l’intérêt de la techno blockchain pour tenir un registre administratif.
Le 22/01/2018 à 13h17
Le 22/01/2018 à 13h20
A priori, effectivement, l’utilisation de la blockchain peut paraitre un peu too much je suis d’accord, mais je pense qu’il faut le voir comme l’ouverture d’une technologie par le gouvernement. Si la structure (et la gestion de la structure) d’une blockchain public est mise en place, ca ouvrira des portes vers beaucoup d’autres utilisations. Le vote est l’une d’entre elle, mais on peut penser a beaucoup plus de docuemnts centralise, potentiellement encryptee… ca peut etre un bon moyen d’avoir une structure stable et durable.
Le 22/01/2018 à 13h20
Va jusqu’au bout de ta pensée et ne les paie pas. " />
Le 22/01/2018 à 13h48
Non.
Si je peux vérifier mon vote, je peux aussi prouver à celui qui a acheté mon vote que j’ai suivi sa consigne. Si je ne peux pas vérifier mon vote, je n’ai pas confiance.
Ça convient peut-être pour un vote interne à un parti politique, mais pas pour une vraie élection.
Le 22/01/2018 à 14h05
Cette techno devrait plutôt être déployée au niveau santé pour les ordonnances.
Cela permettrait au médecin, l’infirmière, la pharmacie, le patient et la sécu d’être alignés. Et quand le médecin se plante, il le modifie sans que personne n’ait à se déplacer.
Ma compagne est infirmière libérale et sa vie est un enfer à ce niveau là. Elle passe au moins 1x / jour chez un médecin qui s’est planté dans une ordonance car le patient ne peut pas se déplacer. Et si elle ne fait pas corriger, elle n’est pas payé ce qu’il faut par la sécu.
Le 22/01/2018 à 14h23
J’ai du mal à voir l’intérêt de la blockchain dans la certification de l’authenticité de l’état civil.
Cette authentification peut se faire avec un simple jeu de clé publique et clé privée, sans recours à la chaîne de blocs.
La blockchain est un journal d’activité certifié, où chaque bloque nouvellement certifié repose sur le précédent bloc lui-même déjà certifié. L’application à l’état civil permettrait éventuellement de ne pas pouvoir antidater un document, ou du moins, son antidatage pourrait être aisément repéré. Ainsi, délivrer un certificat de naissance antidaté se verrait comme le nez au milieu de la figure. Mais est-ce un problème, actuellement ?
Les divers documents relatifs à l’état civil sont délivrés par les mairies, les préfectures, ou encore les notaires (?). Rencontrons-nous, en France, une fraude concernant ces représentants de l’Etat ?
Le 22/01/2018 à 14h24
Combien de centrales nucléaires pour cette blockchain ?
Le 22/01/2018 à 14h38
Toutes les blockchains ne sont pas énergivores " />
Le 25/01/2018 à 09h32
Un registre numérique dans chaque commune, oui pour celle qui sont informatisée mais il n’y a pas à ce que je sache de registre numérique global. Ce qui peut, par contre, s’en rapprocher, c’est les données qu’à l’INSEE car il est tenu informé de toutes les naissances, mariages/pacs et décès. Tout dépend de l’utilisation qu’ils font de ces données.
Le 25/01/2018 à 10h04
Un acte de naissance est mise à jour. Apposition de mention de PACS/Mariage/Divorce, changement de nom/prénom, acquisition de la nationalité française, rectification, décès, … Le fait de pouvoir relier ces informations à l’acte et de les dater pourrait être un plus.
Pour le cas de la fraude, l’introduction de COMEDEC (https://ants.gouv.fr/Les-solutions/COMEDEC) va sans doute permettre de réduire la fraude. COMEDEC deviendra obligatoire le 1 novembre 2018. Je ne connais pas par contre les chiffres. Ce dispositif est utilisé pour l’instant pour les demandes de passeport/CNI et par les notaires pour demander des vérifications d’état civil à la mairie de naissance.
Le 22/01/2018 à 15h09
Je ne vois pas trop quel problème pose la traçabilité sur un registre d’état civil " />
Perso, la question que je me pose est : a-t-on déjà un registre numérique des états civils et marche-t-il bien ? Si oui, le seul avantage de la blockchain serait d’empêcher un administrateur indélicat de faire disparaître ou apparaître des gens dans l’état civil national.
Le 22/01/2018 à 15h21
Si cela est possible en utilisant une blockchain type Monero qui anonymise complètement la transaction. On pourrait par exemple utiliser le numéro de sécu pour générer un hash irréversible pour savoir si la personne a déjà voté ou non et éviter la fraude, et pourquoi pas y mettre des listes de révocations du genre quand une personne décède automatiquement son numéro de sécu mettons fini dans la liste de révocation ce qui permettrai plus de faire voter les morts par exemple, pareil pour les numéros associés à des personnes mineurs ou non émancipé.
Techniquement cela est possible sans trop de soucis.
Le 22/01/2018 à 15h51
Le 22/01/2018 à 15h53
Le 22/01/2018 à 15h56
Le 22/01/2018 à 16h14
Le 22/01/2018 à 16h19
J’ai l’impression que tu confonds 2 sujets :
Le 22/01/2018 à 16h25
Je suis d’accord avec toi, mais là, il était un peu trop de mauvaise foi. Je pense qu’il y a adhésion sur les processus informatiques conduisant à l’établissement de l’impôt (je ne parle pas forcément de la déclaration en ligne). S’il y a parfois une certaine incompréhension, c’est du côté législatif qui n’est pas toujours simple. On l’a vu par exemple en discutant du cas de la taxe d’habitation récemment.
Pour en revenir à la blockchain et l’état civil, je n’en vois pas l’intérêt par rapport à un système centralisé. Et je suis assez d’accord pour dire que c’est plus complexe à appréhender.
Le 22/01/2018 à 16h27
Le 22/01/2018 à 16h43
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Le 22/01/2018 à 16h49
Le 22/01/2018 à 16h51
Le 22/01/2018 à 16h53
Le 22/01/2018 à 16h54
Le 22/01/2018 à 16h55
Le 22/01/2018 à 17h00
Le 22/01/2018 à 17h08
Le principe est très simple, pas besoin de comprendre les maths qui se cachent derrière.
Le 22/01/2018 à 17h22
Le 22/01/2018 à 17h29
OK, mais seulement si c’est normalisé par HL-7 ! " />
Le 22/01/2018 à 17h35
Le 22/01/2018 à 17h36
Le 22/01/2018 à 18h29
Le 22/01/2018 à 18h38
Je te renvoie à la première partie du très bon article de Kevin ici-même.
Je le redis, si c’est bien expliqué, le grand public peut comprendre le principe général.
Le 22/01/2018 à 19h10
Le 22/01/2018 à 19h13
Le 22/01/2018 à 22h31
Regarde sur YouTube la vidéo de Science Étonnante sur la blockchain YouTube normalement si on s’intéresse un minimum aux nouvelles technologies, on est en mesure de comprendre les explications.
Toutefois, je déteste cet argument, car si l’on considère que la blockchain est un concept trop compliqué, pour pouvoir lui faire confiance, on peut aussi remettre en question tout ce qu’il y a en dessous : les serveurs, les bases de données, l’ordinateur, les télécommunications, etc…
Et concrètement, on bloque toute possibilité d’évolution.
Le 22/01/2018 à 22h54
Avec le vote papier, oui bien-sûr. Mais là on parle de vote électronique.
Même si la machine à voter est dans un isoloir, je ne peux rien vérifier. Si je veux vérifier plus tard, notamment au dépouillement, que mon vote a bien été pris en compte, j’ai besoin d’un code… qui me permet de montrer mon vote à quelqu’un d’autre.
Le 22/01/2018 à 23h57
Je te regarde :) N’oublie pas la partie qui explique à quoi sera utilisé chaque centime ;) Personnellement je comprend plus facilement la blockchain que toutes les cases de mes impôts.
Blague à part, je voulais juste mettre en avant que ce n’est pas un argument valable de dire qu’on ne peut pas utiliser une technologie si tout le monde ne comprend pas comment ça fonctionne. Tu sais comment fonctionne la crypto derrière la carte bancaire que tu utilises tous les jours ? Pourtant cette CB est liée à l’argent de ton compte en banque. Et l’ensemble des protocoles mis en oeuvre pour faire arriver ce message jusqu’à tes yeux ? Internet c’est largement + compliqué que la blockchain, et y’a pourtant déjà un bon paquet de personnes qui l’utilise :)
Le 23/01/2018 à 01h15
Le 23/01/2018 à 02h22
Monero et l’anonymat ça fait deux, tu fais quoi de tous ceux qui ont une ip fixe ?
L’idéal pour ça c’est le projet “Verge” (bordure en anglais), qui intègre obfuscation, échanges stealth avec option ET ip aléatoires.
Le 23/01/2018 à 11h25
Le 24/01/2018 à 20h27