Partage : un sociologue dénonce la confusion des genres de la Hadopi
Le savant et le politique
Le 17 septembre 2012 à 13h59
5 min
Droit
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Pierre Mercklé est sociologue, maître de conférence à l'ENS de Lyon et chercheur au Centre Max Weber. Il a publié un billet intitulé « Le savant et le policier, ou pourquoi je ne participe pas à une enquête de l’HADOPI ». Il raconte avoir été sollicité par un grand cabinet d’études commandité par la Hadopi. Et pourquoi il a décliné l’invitation.
L’enjeu de cette enquête ? Une étude sur « l’évolution des pratiques de partage et le panier moyen de consommation de biens culturels de l’ère prénumérique à nos jours ». De fait, cette étude ne nous est pas étrangère. Elle correspond à l‘appel d’offres lancé par la Rue de Texel en mars 2011. « Le présent marché doit permettre à l'Hadopi de connaître l'évolution des pratiques culturelles et les usages culturels des années 80 à nos jours et l'évolution du panier moyen dédié à la culture » selon l’appel d’offres. Pour cette étude, la Hadopi a mis 50 000 euros sur la table, en guise de budget initial.
Pierre Mercklé s’était vu confier un document en préparation d’un entretien. « Comme le précisait la grille d’entretien qui m’avait été communiquée, il s’agissait de me demander notamment comment avait évolué la notion de pratique culturelle depuis trente ans, et la distinction entre activité de communication et activité culturelle ; comment avaient évolué les modalités d’acquisition, de copie, d’échange et d’utilisation des contenus culturels (…) » Bref, savoir comment a évolué le partage de biens culturels des années 80 jusqu’à nos jours, alors que la Hadopi n’était qu’une institution de roman d’anticipation.
Une mascarade
Problème pour la Hadopi, le chercheur a finalement refusé cette étude. Et surtout, il a pris la peine d’expliquer pourquoi. En six lettres : « HADOPI ». En substance, il ne veut se prêter à ce drôle de jeu avec cette autorité dont la raison d’être est la lutte contre l’échange libre et gratuit. « Je suis défavorable à la conception du droit d’auteur sur laquelle s’appuie cette mission, mais là encore, ce n’est pas le problème. Le problème véritable, c’est qu’à mon sens il y a une grave confusion dans le fait qu’une institution au moins normative (sinon clairement policière), chargée d’une mission qui conduit à la sanction judiciaire des contrevenants à une règle qu’elle doit promouvoir, puisse en même temps être la commanditaire d’une étude indépendante, dont les conclusions peuvent possiblement porter sur le bien-fondé économique et social de cette règle. »
Et l’intéressé de fustiger cette grave confusion des genres. « Une partie de la tradition sociologique s’est inaugurée par l’établissement d’une distinction inconciliable entre « le savant » et « le politique ». On peut évidemment discuter l’intransigeance de la position wébérienne, mais pas au point de se prêter au jeu de l’alliance entre le savant et le policier qui sous-tend la sollicitation qui m’a été adressée. Ce n’est pas que les missions de police soient détestables par principe, c’est qu’elles ne sont pas compatibles avec les missions scientifiques ».
Etudier le partage et proclamer son impasse
Vient ensuite la question des fameux Labs. Rappelons que ces cellules n’ont aucune existence juridique, mais elles sont un lieu où le secrétaire général de la Hadopi se plait à convier tous les opposants. On le comprend, l’enjeu est simple : il vise à rapprocher la critique du critiqué et dans le même temps contenir les dissensions sous le toit de la Rue de Texel. Ces labs donnent dans le même temps le sentiment de transparence quand tambourine aux étages inaccessibles de la Rue de Texel, l'usine de la riposte graduée.
Mais le sociologue ne s’attache pas à ces points. Il note avant tout un sujet créé dans ces fameux Labs intitulé « l’impasse du partage ». Et cela fait mouche. « Comment peut-on à la fois prétendre étudier sans a priori les pratiques de partages, et en même temps proclamer « l’impasse du partage » sur la page d’accueil de ses « labs » ? On dirait que l’HADOPI a déjà la réponse à sa question avant même de l’avoir posée… Ici, concrètement, et malgré toutes les déclarations de principes imaginables, je ne dispose d’aucune garantie sur les usages de mes réponses, et plus généralement sur les usages de l’étude ainsi commanditée, de plus dans un contexte encore compliqué par la précarité de l’avenir proche de ladite institution ».
Il souligne aussi que le sujet de l'enquête a fait l’objet d’une consultation dans le forum des Labs. Annoncée le 28 novembre 2011 elle devait s’achever le 30 novembre 2011. Pierre Mercklé l’assure : voilà autant d’indices qui montrent que la « HADOPI fait de la politique, et donc elle ne peut pas prétendre faire de la science. Ses études sont politiques, pas scientifiques. Je pourrais m’y prêter à deux conditions : 1. À condition de ne pas être sociologue, et 2. À condition d’être favorable à la politique ainsi défendue. Hélas, au moins une de ces deux conditions n’est pas remplie… »
Commentaires (68)
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Abonnez-vousLe 17/09/2012 à 14h55
Le lien vers le forum des labs de la Hadopi ne fonctionne même pas !!!
Site off-line
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EDIT: ah tiens, ça revient…
Le 17/09/2012 à 14h56
ben ça reste dans le procés d’intentions du début des labs “ben non c’est des vilains, on va pas coopérer avec eux, ils conclueront contre nous, vaut mieux les laisser conclure seuls… puis ceux qui coopèrent sont des vendus à leur cause” . Je l’avais déploré, et je le déplore toujours..
mais oui, dans son papier, il évoque trois indices de partialité, en oubliant que
ça fait un peu léger du coup si on prend cela en compte, même pci le corrige sur les labs, sans pour autant disqualifier son argument (joli “il ne s’attarde pas sur ces points.”)
Le 17/09/2012 à 14h57
Le 17/09/2012 à 14h59
Le 17/09/2012 à 15h00
Le 17/09/2012 à 15h01
Lui non plus n’est pas net dans sa tête. Il pouvait fort bien faire une étude sur le partage au frais d’hadopi. Mais il semble que si le résultat ne correspond pas au attente du payeur, il ne pourrait le communiquer (de peur de ne pas être payer ?).
Bien sûr que pour des marchands c’est une impasse le partage, pourtant on partage beaucoup de chose sans en tirer un profit pécuniaire, mais des profits humains.
Le 17/09/2012 à 15h02
Sur les labs hadopi (cf comm au dessus)
Le 17/09/2012 à 15h02
Bientôt sur PCI : Un proctologue analyse l’application d’HADOPI.
Vous l’avez bien dans le cul.
Le 17/09/2012 à 15h07
Ici, concrètement, et malgré toutes les déclarations de principes imaginables, je ne dispose d’aucune garantie sur les usages de mes réponses, et plus généralement sur les usages de l’étude ainsi commanditée
Ah mon avis, il est surtout là le motif de son refus. Le mélange des genres est un peu tiré par les cheveux surtout lorsqu’il dit ça :
Comment peut-on à la fois prétendre étudier sans a priori les pratiques de partages, et en même temps proclamer « l’impasse du partage » sur la page d’accueil de ses « labs » ?
Ben en faisant appel à un indépendant, comme toi, nigaud.
Le 17/09/2012 à 15h07
Le 17/09/2012 à 15h08
Le 17/09/2012 à 15h08
Une partie de la tradition sociologique s’est inaugurée par l’établissement d’une distinction inconciliable entre « le savant » et « le politique ». On peut évidemment discuter l’intransigeance de la position wébérienne, mais pas au point de se prêter au jeu de l’alliance entre le savant et le policier qui sous-tend la sollicitation qui m’a été adressée
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Pour ceux qui pensent que le chercheur fait de la politique en disant ne pas en faire, je tiens juste à ajouter que toute science humaine implique des biais, et que justement il veut éviter le biais politique qui constitue cette étude. Dire que cette étude est un fait politique n’est pas juste du brassage de vent “politique”, mais au contraire un acte visant à séparer science et politique.
Comment peut-on à la fois prétendre étudier sans a priori les pratiques de partages, et en même temps proclamer « l’impasse du partage » sur la page d’accueil de ses « labs » ?
Et paf " />
Je crois qu’on peut pas faire plus clair : études + a priori = pas de science. Du politique à la rigueur.
Le 17/09/2012 à 15h16
Le 17/09/2012 à 15h17
Le 17/09/2012 à 15h24
ps: arcep = études sur le domaine + pouvoir de contrôle et de sanction aussi, il faut également réfuter leurs travaux du fait de ce biais ? ou le prendre en compte pour ce qu’il est, à tête reposée, sans vouloir absolument tout voir par celui-là ?
Le 17/09/2012 à 15h33
Le 17/09/2012 à 14h09
euh ouais, enfin si il prend les labs, espace de discussion et de reflexion collaboratif, pour des communiqués de l’hadopi aussi, ça n’aide pas vraiment
ps: la conversation citée montre justement que le délai a été étendu après coup, vu que les infos parues le 28 influençaient a priori le débat
Le 17/09/2012 à 14h20
En lisant le titre, sur le coup j’ai compris :
Partage : un scientologue dénonce la confusion des genres de la Hadopi
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Le 17/09/2012 à 14h21
Et quand tu lis qui finance ses recherches …
Le 17/09/2012 à 14h32
Le 17/09/2012 à 14h40
Ça aurait été inutile de faire cette étude : on aurait vu qui avait commandité la demande -> difficile d’obtenir un résultat neutre. D’autant plus que la Hadopi a l’art et la manière de tourner les chiffres et les faits en leur faveur.
Le 17/09/2012 à 14h46
Le 17/09/2012 à 14h46
Arf dsl doublon
Le 17/09/2012 à 14h46
Le 17/09/2012 à 14h50
Le 17/09/2012 à 14h50
Le 17/09/2012 à 14h52
[quote]HADOPI fait de la politique, et donc elle ne peut pas prétendre faire de la science.[/quote}
Tout est dit.
Afin de tenter de faire entrer dans la “morale” les pratiques hadopiennes, on fait de la sociologie, et on tente de faire enter dans le dictionnaire partage=vol, sans doute ?
Ce monsieur a bien eu raison de les envoyer paître !
Le 17/09/2012 à 14h53
Le 17/09/2012 à 14h54
Le 17/09/2012 à 14h54
“La préparation de l’étude pour laquelle je suis sollicité avait fait en effet l’objet d’une consultation publique sur le site des « labs » de l’HADOPI, où chacun était invité à laisser des commentaires. Comme j’étais curieux de ces commentaires, je suis parti à leur recherche… Il y en a en tout et pour tout 14, de 9 personnes différentes (dont au moins 3 membres identifiables de l’HADOPI). C’est que la consultation, qui prenait fin le 30 novembre 2011, a été annoncée publiquement… le 28 novembre 2011 !”
Bravo la consultation !!!
“Pour finir, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire en découvrant la page d’accueil des fameux « labs » d’HADOPI, reproduite ci-dessous : ceux-ci y sont présentés comme les « ateliers collaboratifs » de l’HADOPI, auxquels nous sommes tous conviés à participer… Mais juste en dessous, on remarque vite la mention : « L’accès à certaines fonctionnalités du site est temporairement désactivé, dont les commentaires. Merci de votre compréhension. » Etant donnée la conception de la collaboration ainsi affichée, vous comprendrez au moins en partie mes réserves !”
Quel sens du débat
Le 17/09/2012 à 15h46
Le 17/09/2012 à 15h46
Le 17/09/2012 à 15h55
Le 17/09/2012 à 15h58
Le 17/09/2012 à 15h59
On dirait que l’HADOPI a déjà la réponse à sa question avant même de l’avoir posée…
J’ai déjà fait remarquer ça récemment dans les commentaires, à propos d’une autre question qui concernait le libre.
Le 17/09/2012 à 16h10
Le 17/09/2012 à 18h17
Vient ensuite la question des fameux Labs. Rappelons que ces cellules n’ont aucune existence juridique, mais elles sont un lieu où le secrétaire général de la Hadopi se plait à convier tous les opposants.
À ce propos en janvier 2011, PCI donnait la parole à un blogueur voulant participer aux labs.
Un petit retour après 20 mois d’expérience ?
Le 17/09/2012 à 18h43
Le 17/09/2012 à 19h10
Le 17/09/2012 à 19h15
Le 17/09/2012 à 19h17
Le 17/09/2012 à 19h18
Le 17/09/2012 à 19h29
Le 17/09/2012 à 20h05
Le 17/09/2012 à 20h18
And Lords do it or not " />
Le 17/09/2012 à 22h02
Personne pour relever le sous-titre parfaitement choisi…
La position de Mercklé est l’écho de la position que tout chercheur doit avoir quand on lui commande un travail : cherche-t-on à avoir un avis scientifique (basé sur des faits objectifs) ou cherche-t-on à valider une thèse déjà établie ?
Son refus est tout à fait justifié car les dés sont déjà pipés (cf. le travail sur l’open source : “Open-source et sécurité : source du mal et/ou ouverture vers le bien ?”).
Le 18/09/2012 à 09h34
Le 18/09/2012 à 09h44
Le 18/09/2012 à 09h53
Rhaa de grrr d’edit de pci .. marre .
bref, je rejoute juste que je suis d’accord pour dire que maintenant 70 ans c’est trop long, qu’il faudrait réadapter cela.
Le 18/09/2012 à 16h30
Le 18/09/2012 à 16h42
J’aurais pu aussi ajouter celles-là, fort à propos :
The next Intergovernmental Panel on Climate Change report (AR5, due 2013⁄2014) on global warming will be much worse than the last one.
One must say clearly that we redistribute de facto the world’s wealth by climate policy… One has to free oneself from the illusion that international climate policy is environmental policy. This has almost nothing to do with environmental policy anymore.
Le 18/09/2012 à 16h48
History is not like some individual person, which uses men to achieve its ends. History is nothing but the actions of men in pursuit of their ends.
-Karl Marx
Although it is generally known, I think it’s about time to announce that I was born at a very early age.
-Groucho Marx
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Le 17/09/2012 à 22h19
Le 17/09/2012 à 22h19
Le 17/09/2012 à 22h26
Il n’y a pas que ce sujet qui pose problème sur le site des labs, voir aussi celui sur le logiciel libre, avec une description d’un workshop pour le moins partiale… d’ailleurs je me suis fait jeter de là quand j’ai dit à quel point je me sentais insulté en tant qu’auteur de logiciel libre…
Le 18/09/2012 à 00h19
On le comprend, l’enjeu est simple : il vise à rapprocher la critique du critiqué et dans le même temps contenir les dissensions sous le toit de la Rue de Texel
Sauf que les dissensions ne pourront jamais être contenue rue de Texel. Toute démarche de com à l’ancienne - n’importe quel publicitaire qui connaît les cellules de crises dans les grosses entreprises les voit venir avec leurs gros sabots - est invalidée par la culture réseau décentralisée.
Une consultation publique, une vraie, pourrait être intéressante mais certainement pas confinée dans un espace physique, avec les acteurs du net qui peuvent y aller. Des doubles compétences comme celle de Marc Rees aident déjà à l’élaboration de ce nouveau droit. Mine de rien.
Le 18/09/2012 à 00h32
Le 18/09/2012 à 07h31
Le 18/09/2012 à 07h37
Le 18/09/2012 à 07h41
Le 18/09/2012 à 07h54
Le 18/09/2012 à 07h57
Le 18/09/2012 à 08h10
oups, mauvaise niouze
Le 18/09/2012 à 08h29
vu que vous continuez à parler, suis aller relire le commentaire initial de caesar
Le 18/09/2012 à 08h56
Le 18/09/2012 à 09h16
critiquer, pas de souci, mais sortir des “tout le monde sait que”, et se planter, en traitant en même temps les autres d’incompétents bornés et fermés à la discussion, c’est juste ridicule … Une discussion civilisée ça existe, et la plateforme des labs permet de l’avoir, sans agressivité inutile ..
et le sujet cité parle d’un autre sujet “Du « Notice & Take down » au « Notice & Stay down »” .. donc venir trasher sur le droit d’auteur et sa durée n’y a pas de sens ..
par exemplehttp://labs.hadopi.fr/actualites/lauteur-au-temps-du-numerique est nettement plus adapté, et justement ouvre sur une révision de ces droits patrimoniaux
Le 18/09/2012 à 09h23
Le 18/09/2012 à 09h31