Le financement participatif peut-il bouleverser l’économie ?
Tout dépend de nous
Le 04 mai 2013 à 08h10
8 min
Économie
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Le financement participatif, parfois aussi appelé production communautaire ou encore « crowdfunding » en anglais, connait une croissance impressionnante ces dernières années après des débuts difficiles. On peut dès lors se demander si en cas de forte expansion, ce système ne pourrait pas ébranler un pan entier de notre économie.
Ici, un projet de Denis Robert (de l'affaire Clearstream) sur le fondateur d'Hara Kiri et Charlie Hebdo, via KissKissBankBank.
Une grande variété de projets
Véritable poil à gratter de bien des domaines sociaux, économiques et même politiques, Internet pourrait bien devenir un véritable problème pour les banques dans les années à venir. Outre le fameux Bitcoin, qui fera l'objet d'un édito plus tard, le crowdfunding est vu par certains comme une révolution, et par d'autres une véritable arnaque. Rappelons tout d'abord rapidement son concept version web : un site permet aux internautes de financer à plusieurs des projets proposés et présentés avec détails par d'autres internautes, ceci avec parfois la possibilité d'obtenir un retour sur investissement en cas de succès (soit sous forme de cadeaux, soit financièrement). Voilà pour la version très courte.
Dans les détails, il existe en fait plusieurs types de crowdfunding. Par exemple, certains financements n'impliquent pas forcément de retours sur investissement. Il s'agit alors de simples dons, le but étant de supporter une cause sociale ou tout simplement un projet qui nous tient à cœur. BFM TV a d'ailleurs réalisé un reportage cette semaine au sujet d'une étudiante ayant financé sa dernière année de thèse par ce moyen. Certaines plateformes sont spécialisées dans un genre artistique (musique, film, etc.) tandis que d'autres visent la montée d'une entreprise, le développement d'un jeu vidéo, la création d'un produit particulier, la production d'un documentaire, la réalisation d'une BD, et même la rénovation d'un édifice. De nombreuses plateformes ont toutefois abandonné la spécialisation pour viser plus large et attirer un maximum d'investisseurs.
Bien entendu, on pourra toujours noter qu'un tel système d'alliance existe depuis plusieurs siècles et n'a rien de nouveau en soi. Mais à l'instar des évolutions apportées à bien des services IRL, le web permet une présentation plus complète, une simplicité inégalable et un accès direct et mondial là où le local prévalait. C'est en cela que le crowdfunding peut être vu comme une révolution. À l'instar de la liberté d'expression et de l'information, le web (via le crowdfunding) est ainsi vu comme une façon de redonner comme jamais du pouvoir au peuple, réduisant ainsi la dépendance des créateurs, artistes et entrepreneurs à une minorité de systèmes établis depuis des dizaines d'années voire des siècles dans certains cas.
Ces plateformes existent depuis plusieurs années, et si vous n'y avez jamais mis les pieds, vous connaissez au moins le nom de certaines d'entre elles. De My Major Company à Ulule, en passant par Kickstarter, KissKissBankBank, Mailforgood, et Lending Club, il en existe en fait des dizaines voire centaines à travers le monde, principalement en Amérique du Nord et en Europe. Lending Club, pendant américain du Français Prêt-d'Union (mais aussi fondé par un Français), a pour caractéristique d'être un site de prêts entre particuliers et d'avoir depuis cette semaine comme actionnaire minoritaire... Google. S'il ne s'agit pas de crowdfunding à proprement parler (on ne présente pas un projet en particulier), cela s'en rapproche néanmoins dès lors que cela demande une collaboration entre de nombreux internautes pour que le système économique fonctionne. Et le fait que Google commence à s'y intéresser prouve qu'il ne faut pas le sous-estimer.
Données pour l'année 2012.
Un marché encore « faible » mais en forte progression
Mais concrètement, quelles sont les sommes en jeu aujourd'hui ? Si de nombreux projets ne demandent qu'une poignée de centaines ou milliers de dollars ou d'euros, d'autres atteignent des centaines de milliers de dollars/euros et certains (plus rares) ont même chiffré la collaboration en millions, ce qui commence à être sérieux. Au total, selon une étude de Massolution, le marché du financement participatif a atteint 2,67 milliards de dollars en 2012, une somme en hausse de 81 % en un an. Et cela pourrait grimper à 5,1 milliards de dollars cette année selon les prévisions des auteurs de l'étude.
Cela reste donc ridicule par rapport aux investissements des banques dans les entreprises. À titre de comparaison, le Français BNP Paribas promettait l'an passé de financer 40 000 projets de PME pour un total de 5 milliards d'euros (soit 6,5 milliards de dollars), ceci entre le 1er juillet 2012 et 30 juin 2013. Nous parlons ainsi de BNP Paribas seule, et hors très grandes entreprises qui plus est. Imaginez alors les montants des investissements toutes banques confondues dans le monde entier. Ceci sans compter les autres types d'investissements.
Aujourd'hui, malgré tout le ramdam autour du crowdfunding, le concept version web demeure donc encore assez confidentiel. Mais si ces levées de fonds citoyennes ne sont pour le moment qu'une goutte d'eau, non seulement elles existent et permettent à de nombreuses personnes de réaliser leurs rêves, mais surtout, le secteur est en pleine croissance. Si cette dernière devait se stabiliser dans les années à venir (ce qui n'est pas forcément réaliste), le crowdfunding pourrait représenter 100 milliards de dollars en 2018 et plus de 1000 milliards de dollars en 2022. Certes, nous n'y sommes pas, mais si nous devions parler ne serait-ce qu'en centaines de milliards de dollars ou d'euros, le poids de ces financements ne serait alors plus du tout négligeable.
L'exemple des jeux vidéo
Pour l'instant, quels projets ce système a-t-il permis ? Dans la musique, le fameux Grégoire, financé via My Major Company, est évidemment incontournable et sert d'exemple dans le milieu. Même s'il faut noter qu'il est l'exception qui confirme la règle, de nombreux autres artistes financés ayant mené à des échecs commerciaux (mais pas forcément artistiques). Le plus marquant ces derniers mois n'est toutefois pas le financement d'artistes, de films ou même d'entreprises (bien que cela progresse rapidement), mais la montée en flèche des projets de jeux vidéo. Au point que l'Agence française pour le jeu vidéo (AFJV) a publié une étude sur le sujet et que La Tribune y a consacré l'an dernier un article pointant le phénomène. Du jeu Les Chevaliers de Baphomet : La Malédiction du Serpent (chez Kickstarter), à paraître cette année, à Star Citizen, en passant par Torment Tide of Numenéra (toujours chez Kickstarter), voilà des projets bien ambitieux. Et ne s'agit pas de cas isolés, loin de là.
Pour vous, financer un projet de jeu vidéo via Kickstarter ou un autre de ses concurrents, c'est avant tout…?
Si d'un point de vue global, ce système est encore sans importance dans le monde, nous pouvons néanmoins imaginer qu'à court terme, plusieurs secteurs bien précis seront de façon évidente influencés par le crowdfunding. Le jeu vidéo pourrait être de ceux-là tant le comportement de certains éditeurs agace de nombreux joueurs et pousse ces derniers à prendre leur marché en main. La musique, secteur pionnier dans le crowdfunding, pourrait aussi suivre le mouvement après des débuts plus ou moins difficiles. Et pourquoi pas dans un futur proche la presse, des applications, voire un parti politique, tout du moins dans les pays où cela sera légalement faisable.
Enfin, dresser un portrait uniquement positif du financement participatif serait exagéré. Ceux qui pensent pouvoir exploiter ce système pour s'enrichir devraient revoir leurs plans à deux fois. De nombreux projets ne sont pas bénéficiaires et n'impliquent donc aucun retour sur investissement. Pour se lancer dans le crowdfunding, mieux vaut donc y aller pour supporter un projet, quitte à se contenter de la finition du projet (un CD, un documentaire, un jeu). C'est une question de philosophie en somme. Quant aux plateformes qui pourraient prendre votre argent et mal l'utiliser voire le subtiliser, cela est déjà arrivé et nous ne sommes jamais à l'abri d'une nouvelle arnaque. Mais aujourd'hui, certaines plateformes ont plusieurs années d'existence et ont plus que fait leurs preuves.
Si aujourd'hui, parler de révolution est certainement hâtif, à l'instar de bien d'autres « nouveautés » (les imprimantes 3D par exemple), le potentiel est là, c'est indéniable.
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Une grande variété de projets
Commentaires (41)
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Abonnez-vousLe 04/05/2013 à 09h56
Le 04/05/2013 à 10h10
Il y a eu de très bon exemples ces deux derniers jours:
Zerator un streameur sur my major company (http://www.mymajorcompany.com/projects/developpement-de-zerator ) qui a atteint la somme voulu en 15min et qui est a plus de 600% de la somme maintenant.
La web série noob sur Ulule (http://fr.ulule.com/noob-le-film/ ) qui a reçu les 36k€ en 15 heures.
Comme quoi c’est la crise " />
Le 04/05/2013 à 10h30
Dommage que le client mail Geary est échoué il y a quelques jours " />
Le 04/05/2013 à 10h49
je trouve ça idiot de financer des projets a 600% comme l’exemple plus haut.
quand un projet a atteint la somme dont il a besoin autant donner a un autre projet.
Le 04/05/2013 à 10h56
C’est clairement un bon moyen de financement, sur le principe.
Après, il faut que les participants (plateforme incluse) soient honnêtes, pour ça je n’y connais rien " />
Il y a 8 ans (déjà) je soutenais Jamendo sur les projets musicaux. Désormais on a des bonus en plus du don pour faire avancer le projet. Et le fait d’enlever les requins qui se goinfrent en laissant les miettes est déjà une belle évolution.
Le 04/05/2013 à 10h59
Attention avec l’exemple de « Grégoire » sur MMC.
Ça ressemble beaucoup plus à un coup de com’ qu’à une réelle réussite.
Il a clairement été lancé comme n’importe quel artiste de maison de disque (matraquage radio, promo etc.) pour faire un exemple, mais la réalité est très loin de ça pour les autres.
Le 04/05/2013 à 11h06
Le 04/05/2013 à 11h46
Bel édito !
J’espère que la tendance va s’affirmer, ce moyen a permis à un pote de publier sa BD (pas à une grosse échelle, un petit truc confidentiel), c’était vraiment une super expérience. Sinon j’ai en cours chez Ulule la BD du projet 17 mai (40 dessinateurs contre l’homophobie) qui est déjà bouclé. Et chez KissKissBankBank la BD de Marv & Jonny d’Olivier Texier qui est en bonne voie.
Et récemment, le dernier album de IAMX qui avait de bonnes contreparties pour vraiment pas trop cher. " />
Le 04/05/2013 à 13h36
Le gros problème de ces offres c’est la tracabilité des fonds et le retour sur investissement.
Le 04/05/2013 à 14h46
Sans oublier l’excellllllllent Chivalry (j’ai participé), l’excellent (participé aussi) -j’espere-http://www.kickstarter.com/projects/larianstudios/divinity-original-sin?ref=disc… c’est indéniablement une superbe idée que ce kickstarter. Et le top, c’est qu’il y en a que 6% qui indiquent vouloir investir.
Et si bcp d’entreprise ce tourne vers ce genre de pratique, ça ne peut être que du bon.
Le 04/05/2013 à 15h21
Le 04/05/2013 à 15h48
Le 04/05/2013 à 16h08
Et cela pourrait grimper à 5,1 milliards de dollars cette année selon les prévisions des auteurs de l’étude.
C’est quand même du un à dix mille ou cent mille par rapport aux institutions financières traditionnelles. En revanche on doit avoir franchi les 10% de besoins du financement du jeu vidéo, ce qui montre bien que ces systèmes fonctionnent surtout sur certains secteurs, notamment artistiques.
Et je ne pense pas que ça changera : on voit bien que c’est avant tout du mécénat participatif, quelque chose réalisé sans espoir de gains financiers (ou indirectement sous la forme d’un espoir de bon plan pour un achat coup de coeur, le bien convoité restant le moteur). Ce n’est donc pas un investissement. Et pour cause : le grand public n’a aucun désir de passer ses soirées à évaluer des business plans ou des capacités financières individuelles. Les vrais investisseurs ne sont qu’une poignée et resteront quantité négligeable par rapport aux capacités des banques et autres.
Alors remplacer les banques, oui, mais seulement dans une toute petite poignée de secteurs, essentiellement artistiques. Le mécénat est à l’ère participative et tant mieux mais dans les autres branches le financement participatif ne sera à mon avis qu’anecdotique malgré quelques belles histoires.
D’où l’importance de distinguer le mécénat participatif des autres formes participatives de financement.
Le 04/05/2013 à 16h40
Le 04/05/2013 à 17h20
Questions :
Je veux dire par la qu’on est au tout début du participatif dans le financement des projets et que personnellement de tous les projets dont j’ai entendu parler, la quasi totalité venait de personnes ayant déjà un sacré background dans le milieu et qui se lançait dans ce genre de projet pour financer des projets dont les éditeurs ne voulaient pas/étaient réticent a financer.
Le 04/05/2013 à 18h18
Le 04/05/2013 à 20h13
Avec des projets à si petit budget, c’est fou comme l’économie va être bouleversée " />
Non mais vraiment, il y en a encore qui y croit ? " />
La réponse la plus flagrante, c’est le + fort taux de % qui croient pouvoir aider au développement d’un jeu vidéo !
Hormis des geeks qui fantasment au delà de leurs compétences, ça ne touche personne.
Le 04/05/2013 à 20h27
Le 04/05/2013 à 21h20
Le 05/05/2013 à 01h09
Un bon kickstarter qui a terminé ses phases de participation c’est Planetary Annihilation ! Honnêtement ça me tarde " />
Le 05/05/2013 à 06h34
Le 05/05/2013 à 07h59
le crowfunding c’est génial cela va ouvrir une nouvelle air au jeux indépendant…
Quand on vois les jeux géniaux qui sortent sans ou presque de financement, il sera possible d’avoir le même genre de jeux avec un vrais financement.
Les jeux actuels sont souvent trop lisse commercialement, conçu par des marketeux… Avec le crowfunding les dev auront une vrais liberté de développement et feront des jeux à l’écoute de la communauté.
Pour ma part j’ai financé shadowrun, star citizen et elite (ah depuis le temps que l’on attend élite, rien que le jeu d’origine remis au gout du jour serait génial !)
Le 05/05/2013 à 09h20
Le 05/05/2013 à 10h18
Le 06/05/2013 à 08h39
j’ai pas lu tous les comm’ mais voila un bel exemple pour illustrer l’article.
allez!! on soutient!!
http://fr.ulule.com/noob-le-film/
Le 06/05/2013 à 12h39
Le 06/05/2013 à 17h42
Le 06/05/2013 à 21h23
Le 04/05/2013 à 08h28
Plaisant édito ! " />
Le 04/05/2013 à 08h37
Sa a de l’avenir, quand on voit que l’équipe de noob a mis en ligne leur projet de film sur ulule hier soir et en environ 14h on déjà récolté 80% du financement ( 28k€/35k€ ), dont 10k€ en 1h30, alors que le délai est de 71 jours c’est assez incroyable " />
Le créateur de noob fait une très bonne analyse du crowdfunding appliqué au web-serie et autres projets audio-visuel dans la vidéo de présentation du projet:ICI
Le 04/05/2013 à 08h39
À quand des outils permettant de posséder réellement une part de l’entreprise et de participer en ligne à sa gestion depuis une même plateforme ? " />
Peut-être pas en France à cause des trilliards de papiers administratifs qui devraient être envoyés dans tous les sens, mais dans des pays moins arriérés à ce niveau pourquoi pas ?
Le 04/05/2013 à 08h40
Le seul soucis du crowdfounding, c’est que comme d’hab certains font nawak.
Suffit de voir kickstarter, certains projets… c’est un peu “oh tiens, comme certains ont fait tel ou tel truc, si je faisais pareil, si ça marche pour lui, ça peut marcher pour moi”.
Sans parler des récompenses qui frôlent le ridicule de temps en temps. (toutes les interactions avec les gens qui mènent les projets en gros).
Perso je viens de participer à la campagne Camelot Unchained. C’est quand même marrant à suivre, surtout quand ça passe l’objectif le dernier jour " />
Le 04/05/2013 à 08h41
Que j’aime les éditos de PCINpact :)
Le 04/05/2013 à 08h42
Le 04/05/2013 à 08h50
Un jeu qui était passé dans les LIDD y a un an ou deux a tenté l’aventure sur Ulule et finalement n’a pas pu aller au bout. Ils n’avaient pas réunit assez d’euros et les paramètres financiers ont évolué en court de route de manière négative. " />
Le 04/05/2013 à 09h08
Le 04/05/2013 à 09h17
Le 04/05/2013 à 09h23
mais arrêtez de mettre des liens dans vos articles, après le site met 3 plombes à répondre, vous voulez tuer le web ou quoi ?
Le 04/05/2013 à 09h28
Très bon édito.
Dans le milieu de la musique, du cinéma, et du jeux vidéo, cela ne vient que compléter les moyens de financement. Le crowdfunding démontre qu’un gros éditeurs n’a pas pour seul rôle de financer un projet, mais aussi de le promouvoir et de le distribuer.
Le 04/05/2013 à 09h35
Le 04/05/2013 à 09h41
TB édito.
Ecrire un article sur le crowdfunding sans un mot sur Veronica Mars: bravo, cela mérite le respect.
" />
Ai déja backé deux projets sur KckSt:
Un qui a parfaitement abouti:
GlodieBlox: les petites filles ingénieures:http://www.kickstarter.com/projects/16029337/goldieblox-the-engineering-toy-for-…
TwitterUn en cours:http://www.kickstarter.com/projects/559914737/the-veronica-mars-movie-project" />