Dans un rapport sur « les douanes face au commerce en ligne », les sénateurs UMP Albéric de Montgolfier et Philippe Dallier préconisent plusieurs mesures pour muscler les pouvoirs de cette administration. Au menu, rétention des logs portée de un à trois ans et obligation de communication automatique à partir d’un certain seuil de chiffre d'affaires ou de visites sur le site.
Trafic de marchandises prohibées, taxes à l’importation (TVA, droits de douanes), l’explosion du commerce en ligne génère de lourdes préoccupations pour les Douanes. Et pour cause, « le calcul des droits et taxes à l'importation repose sur un régime purement déclaratif ». De plus, « les taxes ne sont pas collectées si la valeur déclarée de la marchandise est inférieure à certains seuils » (150 euros pour les droits de douane et 22 euros pour la TVA). L’un dans l’autre, ceux qui se livrent à des achats en ligne sont ainsi incités à sous-déclarer, pariant, non sans raison, que les Douanes sont dans l’incapacité d’ouvrir chaque colis.
Augmenter la durée de rétention des logs
Le rapport, fait au nom de la commission des finances du Sénat, tente de trouver plusieurs solutions pour palier ces difficultés. Il demande d’abord à ce que la rétention des logs, aujourd’hui limitée à un an, soit finalement portée à trois ans.
A ce jour, les agents des impôts peuvent en effet récupérer les logs chez les FAI et les hébergeurs dans les contraintes imposées par le Code des postes et des télécommunications. Ils disposent d’un droit de communication similaire à l’égard des établissements financiers, et des services de courtage en ligne comme les sites d’annonces ou les sites d’enchères.
Problème : ce délai d’un an n’est pas en phase avec la prescription fiscale, qui est de trois ans. Du coup, les « rapporteurs spéciaux estiment que l'augmentation de la durée de conservation de ces données est impérative. Celle-ci pourrait être portée à trois ans, afin de correspondre à la durée de prescription en matière fiscale. »
Le rapport regrette par ailleurs que les contrôles n’aient pas de portée extraterritoriale et surtout qu’ils se fassent à la demande de l’administration. « Lors des échanges qu'ils ont eus avec vos rapporteurs spéciaux, les services de la DGFiP ont ainsi clairement indiqué que le passage à l'échange automatique d'informations constituerait un progrès majeur. »
Un droit de communication « inversé » et généralisé
Les auteurs de ce rapport veulent justement renverser l’économie du système. Ils préconisent d’ « instaurer un système d'échange automatique d'informations entre la douane et les intermédiaires du commerce en ligne, sous la forme d'un droit de communication de l'administration. »
En pratique, « les opérateurs de fret express et postal transmettraient ainsi automatiquement les informations dont ils disposent afin de permettre un ciblage pertinent des envois à fort enjeu. Les intermédiaires de paiement, les fournisseurs d'accès à Internet et certains sites Internet transmettraient quant à eux les informations financières qu'ils détiennent afin d'identifier les vendeurs. »
La logique serait donc la suivante : puisque les douanes sont dans l’incapacité de contrôler les extrémités de la chaîne commerciale, ce rapport demande donc le concours actif de l’ensemble de la chaîne des intermédiaires. Il sollicite spécialement des liens « renforcés » avec les opérateurs de fret et postal (FedEx, DHL, UPS, La Poste, Chronopost etc.), mais aussi « les intermédiaires de paiement, tels que PayPal, les groupements de cartes bancaires (Visa, Mastercard etc.) et les établissements financiers, qui disposent d'informations financières détaillées sur les recettes des vendeurs », les FAI et les sites « Internet majeurs où sont susceptibles de se dérouler des transactions entre tiers, tels que les sites de petites annonces ou d'enchères (eBay etc.). »
Les opérateurs de fret comme les opérateurs de paiement auraient alors l’obligation de communiquer par défaut les informations en leur possession. Même régime pour les sites d’enchères ou de petites annonces.
Toutes les transactions ne seraient pas concernées. Les auteurs du rapport veulent mettre en place un effet de seuil au-delà duquel le transfert serait impératif. « Il importera de trouver un critère juridique permettant de déclencher l'obligation de transmission automatique à partir d'un certain seuil - par exemple, de chiffre d'affaires, de montant des ventes ou encore de nombre de visiteurs. Là encore, les informations transmises devront être strictement définies, et la protection des données personnelles devra être assurée. » Pour faire bonne figure, ces données seront automatiquement transmises à la direction des douanes et celle des impôts (DGFiP et DGDDI).
Comment imposer un tel système avec des acteurs bien souvent situés à l’étranger ? Les sénateurs n’ont pas de solution clef en main mais ils regardent avec gourmandise la loi FACTA aux Etats-Unis. Ce texte fera obligation en 2014 à « toutes les banques du monde de fournir à l'Internal Revenue Service (IRS) toutes les informations qu'elles détiennent sur les comptes bancaires des ressortissants américains ». Les Etats-Unis ont en effet pesé de tout leur poids sur les établissements financiers, lesquels ne peuvent évidemment pas se passer du marché américain.
Retour sur le rapport Lescure
Cette extension des pouvoirs de la direction des douanes n’est pas sans rappeler les préconisations du rapport Lescure dans la lutte contre les sites de streaming et de direct download.
Lescure voudrait justement que Cyberdouane soit une sorte de tiers de confiance entre les acteurs des contenus et ceux des contenants, lorsqu’un problème de contenu illicite se pose. Cette administration dispose déjà d’un droit de communication à l’égard des FAI et des hébergeurs. Elle a déjà signé avec des FAI et des établissements financiers des protocoles d’accord permettant de suspendre des opérations de paiement jugées suspectes… Mais surtout, Cyberdouane est une émanation de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED), elle-même rattachée à la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI).
On notera que le rapport sénatorial a auditionné plusieurs personnes issues de ces administrations. Deux manquent à l’appel, cependant. L’ARCEP et la CNIL.
Commentaires (79)
Comment imposer un tel système avec des acteurs bien souvent situés à l’étranger ? Les sénateurs n’ont pas de solution clef en main mais ils regardent avec gourmandise la loi FACTA aux Etats-Unis. Ce texte fera obligation en 2014 à « toutes les banques du monde de fournir à l’Internal Revenue Service (IRS) toutes les informations qu’elles détiennent sur les comptes bancaires des ressortissants américains ». Les Etats-Unis ont en effet pesé de tout leur poids sur les établissements financiers, lesquels ne peuvent évidemment pas se passer du marché américain.
3 ans de logs, ca va faire marché l’industrie du disque !
Plus le temps passe et plus jme dis que BigBrother c’est le passé :(
taxes à l’importation (TVA, droits de douanes), l’explosion du commerce en ligne génère de lourdes préoccupations pour les Douanes. Et pour cause, « le calcul des droits et taxes à l’importation repose sur un régime purement déclaratif ».
Je connais déjà un site marchand mauvais élève. Site US sur lequel j’ai payé le prix HT affiché et pas de TVA à l’arrivée.
Je peux gagner un pourcentage si je dénonce ?
avec ces conneries faudra pas s’étonner si le bitcoin dépasse les 300€.
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je précise qu’au rythme actuel ma phrase risque d’être obsolète avant la fin de la journée.
Je voudrais pas aller à contre courant des commentaires, mais le plus part des comptes offshore non déclaré n’existe que pour frauder l’impôt.
Trop compliqué, il y a plus simple, tout achat doit se faire en passant d’abord par le site des douanes, et pour faciliter cela, il suffit de bloquer toute connexion à dessites basés à l’étranger si on n’est pas connecté au site des douanes.
Donner des informations personnelles à des administrations il y a pas un abus ??
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J’ai de plus un peu de mal à voir comment les logs des FAI vont permettre de connaître les transactions. Sauf erreur, les logs ne contient que le fait que je sois aller sur ebay, leboncoin &Co pas des pages que j’ai vu (dommage ces sites ne sont pas en https, on rigolerais bien). Rien ne permets de savoir si j’ai acheté quelques choses ou pas.
Autant, je comprends les craintes de l’État de voir passer sous le nez une partie de ses revenus financiers, autant il faudrait se demander pourquoi certains souhaitent s’en passer. Je trouve la méthode un peu abject. Les douanes ont un pouvoir d’intrusion assez large, je trouve.
Ce qui risque de se passer, c’est que les sites basés à l’étranger refusent de livrer en France, c’est Arnaud qui va être content
C’est hallucinant .
Le but d’un FAI est de fournir un accès à Internet , pas de faire du flicage ou du filtrage .
Le but d’un moteur de recherche est d’effectuer une recherche selon la requête d’un utilisateur , pas de filtrer en fonction du politiquement correct ou parce que le(s) contenus ne plaisent pas à certaines personnes
Je ne demande pas à mon micro-ondes de me dire si ce que je chauffes est diététique ou pas .
Chacun son boulo .
Il n’y aurait pas de taxe sur la copie privée, le prix des supports de stockage serait bas et on achèterait en France …
Une boite de 100 CD au Royaume-Uni = 20 euros, 60 e ici. Cherchez pourquoi il y a un marché gris maintenant …
Instaurer une surveillance privée généralisée… mouais….
Il suffirai d’interdire les transferts d’argent vers les pays non coopératifs en matière de transmission d’informations fiscales, et aussi que les banques fassent déjà leur boulot de transmission des transactions potentiellement
frauduleuses…
Il y a un gros portique que les bonnets rouges devraient détruire du côté de Bercy…
Question un peu HS : certains colis qui portent la mention “GIFT” passent mieux les douanes que les autres, selon certains….
Quelqu’un ici connait la législation sur les cadeaux, ou bien c’est juste une légende urbaine ?
Gagner de l’ argent sans rien produire, qu’ est ce qu’ il y a de pire sur terre ?
Vu ce phénomène engendre ce qu’ il y a en second pire.
ne serait il pas beaucoup plus simple et pratique de faire reverser la TVA par la banque de l’acheteur, qui prélèverait la somme par rapport au montant de la transaction?
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C’est facile à mettre en place, sûr et ca respecte l’individu.
Je me trompe?
Ah l’Europe et la soi disant libre circulation des biens et des marchandises…, il me semble que c’était justement pour ne plus avoir de douanes, non? Que n’importe quel citoyen puisse acheter son auto ou autre marchandise dans n’importe quel pays européen sans avoir à payer des droits prohibitifs ce qui théoriquement devait amener une meilleure concurrence et profiter au consommateur
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Ah ça, on en profite bien…quand on est millionnaire ou milliardaire, pour les citoyens “normaux”, c’est paye et ferme ta gueule.
edit : j’ai rien dit, pas de franchise dans le cas de la vente par correspondance.
http://www.douane.gouv.fr/page.asp?id=25
C’est la CNIL qui devrait être contente à ce niveau là. Si on suit la logique des radars tronçons, les informations collectées par l’administration concernant des personnes “hors-champ” (inférieur à 150 € pour les droits de douanes et 22 € pour la TVA) devraient donc être détruites dans les 24h.
Sauf qu’en plus dans le cas présent, contrairement aux radars tronçons, enregistrer ces données n’est pas nécessaire pour accomplir la tâche, il suffit pour cela que, comme aujourd’hui, les informations ne soient pas envoyées dans ces cas là ; mais justement l’administration voudrait avoir toutes les infos (vive le flicage).
Par contre globalement y a quand même un truc : ils demandent à la fois
Dans ce cas, quel est supposé être l’intérêt d’augmenter la durée de stockage à part les faire chier ? L’administration qui aura toutes les données (recoupées et agrégées d’ailleurs) avec le 2e point aurait tout loisir de s’en charger non ?