Le Sénat a adopté cette nuit, et en deuxième lecture, le projet de loi pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Les élus du Palais du Luxembourg ont sans grande surprise maintenu son contesté article 17, lequel accentue la responsabilité des intermédiaires techniques, fournisseurs d’accès à Internet et hébergeurs. Explications.
En discussion devant le Parlement depuis juillet 2013, le projet de loi « pour l'égalité réelle entre les femmes et les hommes » continue sa route. Après avoir été adopté une première fois par le Sénat en septembre, puis par l’Assemblée nationale en janvier dernier, le texte vient à nouveau d’être voté par les élus du Palais du Luxembourg, cette nuit aux alentours de minuit et demi (voir le compte-rendu des débats).
Depuis plus de neuf mois, ce texte suscite des inquiétudes. Et pour cause. Son article 17 vise à modifier le régime de responsabilité des intermédiaires, tel que protégé depuis 2004 au travers de la loi pour la confiance dans l’économie numérique (LCEN). Aujourd’hui, lorsque des contenus pédophiles, négationnistes ou racistes sont signalés à un FAI ou à un hébergeur, celui-ci est tenu, sous peine de sanctions, de le transmettre à la plateforme gouvernementale Pharos. Sur le papier, le changement opéré par ce texte est relativement simple : il s’agit d’élargir cette obligation aux dénonciations relatives à l’incitation et la provocation à la haine, notamment fondée sur le sexe, l’orientation ou l’identité sexuelle, ou le handicap.
Le problème est qu’une telle évolution pourrait avoir des effets mécaniques radicaux sur le comportement des FAI et des hébergeurs. « Compte tenu de la jurisprudence qui tient les hébergeurs pour responsables dès lors qu'ils ont connaissance de l'existence de contenus sur leurs services, cette extension risque de poursuivre la transformation des hébergeurs en police privée du Net, les incitant à la censure automatique de tout contenu signalé » craint ainsi La Quadrature du Net. Le Conseil national du numérique a lui aussi été très clair, en affirmant dans un avis rendu en décembre 2013 qu’il ne fallait pas toucher à l’équilibre maintenu jusqu’ici par la LCEN.
Mais les différentes mises en garde n’ont pas suffi face à la détermination de la ministre des Droits des Femmes, Najat Vallaud-Belkacem - qui porte le texte depuis ses débuts. À l’Assemblée nationale, les députés socialistes (menés par Axelle Lemaire, désormais... Secrétaire d’État au numérique) avaient pourtant tenté de supprimer le fameux article. En vain.
Le Sénat confirme le retour des images d' « happy slapping »
Cette nuit, le Sénat a adopté une version encore plus alourdie du dispositif, puisque les élus du Palais du Luxembourg ont confirmé la réintégration des images violentes (« happy slapping ») à la liste des infractions devant être signalées par les intermédiaires à Pharos. Rappelons qu’il s’agissait d’un ajout au texte initial effectué en première lecture mais qu’avait gommé l’Assemblée nationale.
Le député ayant fait supprimer la référence expliquant alors qu’une extension du dispositif aux images d’happy slapping « fragiliserait l'équilibre nécessaire entre liberté d'expression et impératifs de sécurité, en permettant la mise en jeu de la responsabilité - pénale ou civile - des fournisseurs d'accès et des hébergeurs dans des situations où le caractère manifeste de l'illicéité du contenu serait discutable ». Sébastien Denaja poursuivait : « Certaines images de violences [peuvent] laisser place au doute quant à leur gravité, à leur caractère réel ou fictif ou au consentement des personnes pouvant être vues sur les images ».
En Commission des lois du Sénat, cette référence aux images violentes avait finalement été réintégrée il y une dizaine de jours (voir notre article), dans une version maintenue cette nuit par les sénateurs.
Les écologistes retirent leur amendement de suppression de l’article 17
Le groupe écologiste avait pourtant déposé un amendement afin d’obtenir la suppression de l'ensemble de l’article 17. « Le Conseil constitutionnel a déjà noté "la difficulté fréquente d'apprécier la licéité d'un contenu". Dès lors, il y a fort à craindre que la procédure proposée soit inefficace et source de nombreux contentieux » a ainsi fait valoir cette nuit la sénatrice Esther Benbassa. L’intéressée a au contraire plaidé pour que les pouvoirs publics soient placés « au coeur du système de signalement et [mis] en contact direct avec les victimes, ce qui facilitera la mise en oeuvre d'une véritable politique d'accompagnement ».
« L'article 17 est extrêmement utile » a cependant rétorqué Najat Vallaud-Belkacem, qui avait déjà eu l’occasion d’expliquer aux députés qu’elle était « totalement opposée à la suppression de l’article 17 ». La ministre a donc demandé le retrait de l’amendement écologiste, précisant au passage qu’un « groupe de travail interministériel se [penchait actuellement] sur une révision de la loi sur la confiance en l'économie numérique ». Les écologistes ont retiré leur amendement, qui n’a par conséquent pas été mis aux votes.
Déçue, La Quadrature du Net se tourne vers les députés
Du côté de La Quadrature du Net, l’heure est sans surprise à la déception. « À nouveau, au nom de la lutte contre les discriminations, le Parlement vient de sanctuariser la privatisation de la censure déjà encouragée par la LCEN. Comme l'a déjà indiqué le Conseil Constitutionnel, le dispositif mis en place par cette loi comprend un risque inhérent de censure extra-judiciaire. Or, pour peu que l'on s'en donne les moyens, il existe des mesures alternatives plus proportionnées et respectueuses de l'État de droit » a ainsi réagi Félix Tréguer. Le co-fondateur de l’association de défense des libertés citoyennes regarde dorénavant vers les élus du Palais Bourbon, qui font figure de derniers remparts avant d’adoption définitive du texte : « Lors du second et dernier examen du projet de loi à l'Assemblée nationale, les députés auront l'opportunité de corriger ce projet de loi en amendant son article 17, comme l'avait d'ailleurs proposé la secrétaire d'État Axelle Lemaire lorsqu'elle était députée. »
Le nouveau délit de cyber-harcèlement également maintenu
Signalons enfin que les sénateurs ont adopté dans les mêmes termes que l’Assemblée nationale le nouveau délit de cyber-harcèlement. Et ce alors que, là aussi, le Conseil national du numérique s’y était montré peu favorable.
Avec ce texte, le fait de harceler une personne « par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » sera puni de 30 000 euros d’amende et 2 ans de prison lorsqu’ils auront été commis en ligne. Et quand ces pratiques viseront en plus un mineur de quinze ans, un handicapé ou bien encore, causeront une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, la « facture » pourra grimper jusqu’à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.
Commentaires (28)
Après la fermeture de tous les sites recensant des blagues sexistes j’espère que le gouvernement aura le courage de poursuivre avec les sites où des gens parlent de rouler trop vite, ceux où des gens évoquent des actes violents (“je vais lui casser la gueule s’il continue” - il faudrait qu’on leur envoie des psys en prévention aussi) et ceux où des gens boivent trop parce que ça donne une mauvaise image à la jeunesse.
Décidément la littérature de science-fiction et ses cohortes de dystopies n’ont pas fini d’inspirer ce gouvernement méprisable.
/troll : Je parie que c’est encore une idée de bonne femme. Depuis qu’elles ont quitter la cuisine, ça va de pis en mal.
N’importe quoi, bientôt une ou des lois pour différencier un meurtre au couteau d’un meurtre au pistolet, une autre pour te punir si tu chies de travers…non?
Faire taire tout les mécontents en prenant des actes débiles comme alibi, car c’est bien ça le but final de cette loi. :doigt levé:
Encore un coup des Franc-maçons Féministe illuminati d’extrême-centre.
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Nan mais sérieux,c’est quoi ce gouvernement ?
je pense qu’il y avait moyen de légiférer sur la parité de façon constructive et intelligente sans tomber dans la démagogie et l’hysterie telle que ca a été le cas pendant l’absence de déats autour de cette loi, et sans ce cheval de troie legislatif extremement dangereux et nauseabond qu’est l’article 17
mais compte tenu de la personne ayant porté le projet ca ne m’etonne guere
sur ce je vous laisse, je m’en vais devenir un gros connard machiste et sexiste en represaille, que dis-je, en legitime defense, à cette loi stupide !
Voilà où va l’argent du contribuable : pour pondre des lois inutiles et dangereuses spécifiques à Internet alors même qu’elles existent déjà de manière plus “globale” et y sont parfaitement applicables.
On va avoir de beaux sites français bien politiquement corrects et bien aseptisés où un propos comme “truc de bonne femme” sera censuré…
On n’enseigne pas le respect des sexes par toutes sortes d’interdictions farfelues, mais par l’éducation.
Je suppose donc que je pourrai attaquer le premier site qui fera apparaître un message comme “Les mecs sont tous des salauds” ?
Nan mais sérieux,c’est quoi ce gouvernement ?
Au risque de désillusionner une partie des lecteurs : c’est un gouvernement socialiste…
Le temps qu’on pense comme le parti, aucun problème. Mais dès qu’on n’est pas d’accord avec eux, attention au retour de bâton !
Exemple : “La loi pour le mariage homosexuel a été voté, maintenant c’est la loi et tous les maires doivent l’appliquer.” vs. “Nous nous révoltons quitte à être hors la loi contre le vote démocratique d’un maire FN dans notre commune.”
Cherchez l’erreur.
Attention Mme Najat Vallaud-Belkacem au positionnement de votre doigt…. avec toutes ces personnes qui voient le mal partout.
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Perso, cette loi sert un peu à rien.
Si les FAI doivent signaler les contenus litigieux, qu’ils le fassent…
…Mais de façon automatisée.
En clair, quand quelqu’un leur signale un site litigieux, ils devraient transmettre immédiatement la demande à la plateforme Pharos, sans même y jeter un petit coup d’oeil.
Le mieux serait que lorsque l’utilisateur veut déclarer un délit au FAI, le lien de déclaration le renvoie directement sur le site de Pharos. Comme ça, le FAI ne se mouille pas et seul l’internaute déclarant est responsable en cas de dénonciation de crime/délit imaginaire.
Donc avec cette loi, si on prend des citations célèbres comme par exemple avec du Sacha Guitry, on risque un signalement ?
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Sacha Guitry :
Voltaire :
Goethe :
Dostoïevski :
Et j’en ai des tonnes comme ça !!!
Je mérite un signalement à Pharos pour ce que je viens d’écrire ?
Vous n’aimiez pas la droite ? La gauche l’a fait ! XDD
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edit: prbm d’accentuation (un autre)
Bon, et bien au moins nous savons pour quel parti on ne votera plus jamais.
Après ce qu’il va falloir réellement regarder, ce sont les décrets d’application. C’est eux qui vont conditionner les choses dans la pratique.
http://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/170414/ezra-suleiman-une-elite-francaise-qui-se-sert-plus-quelle-ne-sert
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Ezra Suleiman : «Une élite française qui se sert plus qu’elle ne sert»
J’aime bien les articles de 10 lignes, plus facile à lire que PCi