Des journalistes, manipulés par de « faux experts » boostés à l’IA, pour tromper Google
Les Experts : SEO

Des dizaines de médias britanniques ont publié des articles reposant sur des témoignages d' « experts » qui n'existent pas. Créés pour améliorer le référencement naturel des sites web dont ils se réclament par des pros du SEO et/ou du marketing numérique, leurs « expertises », promues par des agences de mises en relation avec des journalistes, ont été grandement facilitées par les intelligences artificielles génératives.
Le 18 juin à 11h35
11 min
IA et algorithmes
IA
Mise à jour, 14 h : article complété avec un passage consacré au témoignage d'un ex-employé du sex shop expliquant que ses collègues savaient que l'experte qui en faisait la promotion n'existait pas.
Pendant des années, Barbara Santini, qui se présentait comme diplômée de psychologie de l'université d'Oxford, a délivré son expertise dans des magazines aussi divers que Vogue, Metro, Cosmopolitan, Yahoo, The Telegraph, The Sun ou The Daily Mail, entre autres.
« En termes de mentions dans les médias, Santini est probablement l'une des psychologues les plus en vue au Royaume-Uni », résume Press Gazette dans une enquête partagée sur LinkedIn par David Sallinen, un spécialiste des stratégies de transformation numérique :
« Elle a été citée dans The Guardian à propos des bienfaits de la marche, dans Newsweek à propos des "mensonges inoffensifs", dans Marie Claire à propos de la signification de l'argent, dans le Daily Mirror à propos des bienfaits de dormir avec son chien, dans The Sun à propos des positions sexuelles, dans Pop Sugar à propos de l'astrologie et dans Mail Online à propos de la fréquence à laquelle il faut changer d'oreiller. »

Interrogée par la BBC sur les réponses faites par une IA à des tests de Rorsach, la psychologue avait répondu que « si la réponse d'une IA ressemble à celle d'un humain, ce n'est pas parce qu'elle voit la même chose, mais parce que ses données d'entraînement reflètent notre culture visuelle collective ».
Elle n'avait pas, cela dit, de profil sur Linkedin ni les autres réseaux sociaux, et ne figurait pas non plus sur les registres professionnels des psychologues au Royaume-Uni. En réponse à un mail de Press Gazette, qui voulait en savoir plus à son sujet, notamment ses diplômes et qualifications professionnelles, elle répondit qu'elle ne pouvait pas recevoir d'appel téléphonique.
Suite à un message WhatsApp adressé au sex shop auquel elle était affilié et dont elle faisait la promotion, une certaine « Barbara S. » répondit à Press Gazette que si d'aventure un article lui était consacré, elle demanderait immédiatement à ses avocats d'intenter une action en Justice pour diffamation, et qu'ils réclameraient des dommages et intérêts pour atteinte à la réputation :
« En outre, votre comportement peut constituer un harcèlement en vertu de la loi de 1997 sur la protection contre le harcèlement (Protection from Harassment Act 1997), et toute utilisation abusive de données à caractère personnel pour avancer de fausses revendications sera traitée comme une violation du RGPD. »
« Depuis ChatGPT, n'importe qui peut se faire passer pour un expert »
Barbara Santini, qui n'a plus donné suite (pas plus que ses prétendus avocats) avait été recommandée aux journalistes sur ResponseSource. Censé « faciliter la communication avec les médias », c'est l'un de nombreux services marchands proposant à des « experts » (contre rémunération) d'être mis en relation avec des journalistes en quête de témoignages sur des sujets qu'ils ne maîtrisent pas forcément, ou qui cherchent à varier les profils de leurs interlocuteurs.
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Abonnez-vousDes journalistes, manipulés par de « faux experts » boostés à l’IA, pour tromper Google
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« Depuis ChatGPT, n'importe qui peut se faire passer pour un expert »
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Des « journalistes fainéants », ou poussés à bâtonner de la dépêche
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Une forme de publicité déguisée, à peu de frais, facilité par l'IA
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« Dans un monde idéal, les journalistes commenceraient par vérifier »
Commentaires (13)
Le 18/06/2025 à 11h46
Ceux qui ne vérifient rien ne sont pas journalistes.
Au mieux des pigistes, ce n'est pas péjoratif mais comme la novlangue a gagné, tout le monde utilise le mot qu'il veut et personne ne comprend de quoi on parle (but de la novlangue donc).
Le 18/06/2025 à 12h03
A contrario, ce sont essentiellement des "rédacteurs" et "journalistes" en poste dans les rédactions qui sont poussés à "batonner de la dépêche", sans avoir le temps de les vérifier.
Le 18/06/2025 à 11h55
Quoique...
Le 18/06/2025 à 13h03
Le 18/06/2025 à 13h19
Le 18/06/2025 à 12h22
En tout cas, elle a une page web qui renvoie ensuite vers un site de vente de sextoys et apparentés.
Le 18/06/2025 à 12h50
Le 18/06/2025 à 13h35
Mais l'utilisation du conditionnel juste après me met le doute.
Je ne suis pas plus avancé qu'avant cette réponse à ma question.
Il y avait 3 réponses possibles :
oui, elle existe
non, elle n'existe pas
on ne sait pas
Dans un article parlant de faux experts dont les propos sont générés par l'IA, je ne comprends pas que l'on puisse consacrer une place si importante à cette experte si l'on ne sait pas affirmer qu'elle est fausse.
Modifié le 18/06/2025 à 14h46
. elle n'existe que sur ces deux pages (ainsi que dans les articles où elle a été interviewée),
. elle n'existe pas dans les annuaires de psychologues professionnels, ni les réseaux sociaux,
. contactée, elle refuse de s'authentifier, et menace le journaliste de procès,
. le journaliste en déduit donc qu'elle n'existe pas, ce que lui a confirmé un ex-employé du sex shop dont elle faisait la promo.
Le 18/06/2025 à 14h07
Le 18/06/2025 à 14h31
Le 18/06/2025 à 13h26
Le 18/06/2025 à 20h18
Mandatory xkcd.