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Harcèlement moral et sexuel à Ubisoft : prison avec sursis requise contre 3 anciens cadres

Harcèlement moral et sexuel à Ubisoft : prison avec sursis requise contre 3 anciens cadres

Le procès contre trois anciens cadres et dirigeants d'Ubisoft se déroulait cette semaine à Bobigny. Ils sont accusés de harcèlement moral et sexuel, et pour l'un d'eux d'agressions sexuelles. Le procureur a requis des peines de prisons avec sursis allant jusqu'à trois ans et des amendes pour tous, considérant les faits d'une « extrême gravité ». Le délibéré doit être rendu début juillet.

Le 06 juin à 14h32

Cette semaine se tenait le procès (d'abord reporté) de Thomas François, Serge Hascoët et Guillaume Patrux. Tous les trois ont occupé des postes à responsabilité pendant des années chez Ubisoft et sont accusés de harcèlement moral et sexuel au sein de l'entreprise. Le premier est aussi poursuivi pour une tentative d’agression sexuelle aggravée sur une salariée.

La publication d’enquêtes de Libération et Numerama en 2020 a mis en lumière le harcèlement moral, sexiste et sexuel institué chez Ubisoft pendant une dizaine d'années.

Jeudi soir, le procureur a requis contre l’ancien vice-président du service éditorial, Thomas François, trois ans de prison avec sursis et 30 000 euros d’amende, explique Le Parisien. Le parquet a réclamé 18 mois avec sursis et 45 000 euros d’amende contre l'ex-n° 2 de l'entreprise, Serge Hascoët, et 15 mois de prison avec sursis et 10 000 euros d'amende contre le game designer Guillaume Patrux.

Ambiance violente, sexiste et de harcèlement

Pendant cette semaine, de nombreux témoins ont décrit une ambiance violente, sexiste et de harcèlement au sein du studio de jeux vidéo. « Au cours de quatre jours d'audition, d'anciennes employées ont raconté avoir été attachées à une chaise, forcées à faire le poirier, soumises à des commentaires constants sur le sexe et leur corps, à des blagues sexistes et homophobes, à des dessins de pénis collés sur les ordinateurs, à un directeur qui pétait au visage des employées ou gribouillait sur les femmes avec des marqueurs, à des massages d'épaule non sollicités, à des films pornographiques dans un bureau ouvert, et à un autre cadre qui faisait claquer un fouet près de la tête des employées », décrit le Guardian.

Accusation d'agressions sexuelles

« Quand j’allais au bureau, j’avais envie de créer un environnement de travail cool, de faire de grands jeux », a affirmé Thomas François comme le rapporte le média canadien La Presse. Sans nier tous les faits, il les a souvent minimisés. Il justifie par exemple l'organisation de « chat-bite » en affirmant que « c'était des blagues entre hommes, de façon consentante et en connivence ». « Si j’avais su que cela la mettait mal à l’aise, je n’aurais pas continué », affirme-t-il, à propos du fait d'avoir ligoté à une chaise une salariée et de l'avoir mise dans l'ascenseur, rapporte La Presse. Lors de sa plaidoirie, son avocat a tenté un trait d'humour pour le moins déplacé, glissant la réflexion « attention pas shabbat, chat-bite », raconte Libération.

Une ancienne assistante de son service a expliqué, soutenue par d'autres témoignages, que Thomas François a tenté de l’embrasser de force pendant une fête, des collègues la retenant de force. Lui continue à nier : « Je lui ai demandé : “Est-ce que je peux te faire un bisou ?” et j’ai vu qu’elle s’est reculée, donc je me suis arrêté, je ne suis pas un bourrin », rapporte La Presse. Une autre femme a témoigné avoir, elle-aussi, été victime d'un baiser forcé de sa part.

Laissé faire et encouragement

L'ancien numéro 2, Serge Hascoët n'a rien fait après avoir reçu des plaintes à propos du harcèlement de Thomas François. Pire, il a même « encouragé la poursuite du harcèlement commis par Thomas François en assistant aux scènes, en les banalisant et en y participant parfois activement », a expliqué le procureur. Mardi, il avait « nié avoir été témoin ou auteur de faits de harcèlement moral ou sexuel », selon Le Monde. Concernant le harcèlement sexuel, le procureur a demandé la relaxe de Serge Hascoët mais aussi qu'il en soit reconnu complice, explique le Parisien.

Il a aussi noté qu'il avait utilisé ses collaboratrices comme « des supplétifs », leur demandant de s'occuper de sujets personnels comme les obsèques de sa femme ou d'en humilier une en tendant son mouchoir souillé accompagné d'un « Tu peux le vendre, ça vaudra de l’or ».

Lundi, Libération racontait qu'au premier jour du procès, les deux anciens cadres avaient mêlé leurs regrets à leur nostalgie pour une époque où « on s’amusait et on faisait de belles choses ».

Enfin, le responsable du jeu Agos (A Game of Space), Guillaume Patrux est accusé de harcèlement moral, pour avoir fait notamment claquer un fouet dans l'open space de l'entreprise et « à quelques centimètres du visage de ses collaborateurs » mais aussi avoir brûlé au briquet la barbe d'un de ses collègues. Il s'est excusé pour certains de ses gestes mais son avocat a pointé le fait qu'il n'avait fait l'objet « d’aucune alerte et d’aucun reproche ». « Si Guillaume Patrux avait été d’une violence incroyable, ses supérieurs lui auraient dit d’arrêter. Mais rien, pas un mot, a-t-il fait valoir. Comment pouvait-il avoir conscience de harceler ses collègues si personne ne lui dit rien ? », cite La Presse.

L'absence de la personne morale d'Ubisoft et des frères Guillemot

Selon Libération, le procureur a nié le fait qu'il s'agisse d'un changement d'époque et de paradigme : « il s’agit d’une libération de la parole. Mais pas de faits qui seraient soudain devenus répréhensibles. On parle seulement de faits qui étaient tus et ne le seront plus ».

Les différentes parties ont pointé un vide lors du procès : l'absence décidée par le parquet de la direction des ressources humaines, de la personne morale d'Ubisoft et de ses PDG, Michel et Yves Guillemot. Comme on peut le lire plus haut, la défense de Guillaume Patrux a notamment renvoyé la responsabilité sur le manque de réaction de ses supérieurs.

Pourtant, lors de son réquisitoire, le procureur a affirmé que tous ces comportements de ces cadres dirigeants avaient laissé penser aux salariés « qu’ils étaient autorisés et relevaient de la norme » et qu'ils avaient mis en place « une ambiance harcelante ». Le délibéré doit être rendu le 2 juillet.

Mais l'entreprise n'est pas encore au bout de ses peines. Comme l'a rapporté notre consœur de France Info, Clara Lainé, l'avocate Maude Beckers va « délivrer "dans les semaines qui suivent" une citation directe à l'encontre d'Ubisoft en tant que personne morale, d'une DRH (Marie Derain) et Yves Guillemot ». Ceci « pour remettre en lumière, le caractère systémique du harcèlement chez Ubisoft », explique le syndicat Sud Informatique, dont elle est la représentante.

Commentaires (21)

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"Comment pouvait-il avoir conscience de harceler ses collègues si personne ne lui dit rien"

Qu'est-ce qu'il faut pas entendre ...
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Peut être qu'on aura un :
"C'est pas de ma faute m. le juge. Je nettoyais l'écran du téléphone et le clic photo est parti tout seul."
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En même temps, il paraît que c'est parfaitement normal de claquer un fouet à qques cm d'un visage ou de brûler des barbes au briquet!
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Dans certaines filières médicales, il est tout à fait normal de se bruler les poils pubiens au briquet, cela s'appelle un CTC (crame ta couille) ... :transpi:
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L'acronyme marche aussi pour les filles... Après les étudiants font toujours des trucs cons du genre, mais en entreprise c'est moyen quand-même.
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Certaines filles s'y sont aussi mises et c'est vrai que je n'ai heureusement jamais vu ça en entreprise :transpi:
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C'est l'avocat qui a sorti cette phrase, il a été embauché pour défendre donc il défend... enfin il essaie :transpi:

Vu que ces actions ne sont absolument pas excusables, une des stratégies restantes est la diffusion de la faute, d'où la fin de la phrase aussi osée soit-elle.

A ce stade j'aurai encore préféré qu'il plaide la folie ou limite un Zuckerbergisme non-diagnostiqué pour son euh... incompréhension des normes sociales basiques ? :transpi:
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removed
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J'aimerais bien savoir quel est le cheminement psychologique qui a amené ces prévenus à penser que, comme dit ici : "d'anciennes employées ont raconté avoir été attachées à une chaise, forcées à faire le poirier, soumises à des commentaires constants sur le sexe et leur corps, à des blagues sexistes et homophobes, à des dessins de pénis collés sur les ordinateurs, à un directeur qui pétait au visage des employées ou gribouillait sur les femmes avec des marqueurs, à des massages d'épaule non sollicités, à des films pornographiques dans un bureau ouvert, et à un autre cadre qui faisait claquer un fouet près de la tête des employées", c'était des comportements absolument normaux et professionnels... :reflechis:
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"non mais c'est pour rire et on a même billard"
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Les mecs confondent le troquet du coin avec les potes et leur bureau, c'est ballot >_<
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Même avec mes potes, on est assez intelligents pour ne pas se le faire entre nous (et je ne suis pas sûr que ca ne viendrait ne serait-ce qu'à l'idée de le faire)...
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Si tu fais ça dans le troquet du coin, tu as de fortes chances de te faire virer par le patron (ou la patronne).
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Y a pas de cheminement psychologique, les prévenus savent très bien que ce n'est pas normal, mais ils faut bien qu'ils se défendent. Du coup s'ils ne peuvent pas verser dans le "c'est pas moi j'ai rien fait" bien bateau, il ne leur reste qu'à tenter de minimiser les choses et les responsabilités, ce qui n'est pas beaucoup moins bateau mais il n'y a pas d'autre alternative.

C'est comme ça, lors d'un procès tout le monde a le droit de se défendre et d'être défendu, comme il le peut, même quand c'est difficilement défendable. Le tribunal se fait sa propre idée ensuite.
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Prendre le juge pour un con, c'est quand même rarement une bonne méthode
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Je ne pense pas qu'il le prenne comme ça, il va décider si les arguments de la défense sont crédiibles ou non, pas si on essaie de se foutre de lui.
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La coke ?
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Rien de tout ce qui est dit est normal... rien... Mais je crains que la réaction d'Ubisoft soit la fermeture du bureau de Montréal pour le mettre ailleurs où les normes du travail seront moins draconiennes...
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[...] pour le mettre ailleurs où la plèbe aura juste a fermer sa gueule...
:cap:
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A gerber :vomi1:
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Y savaient pas M'sieur l'juge. C'était de l'humour potache et de toute façon on peut plus rien dire ou faire, ce pays part à vau-l'eau. /s

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