IA : mais que se passe-t-il chez Apple ?
Bruit intérieur

Apple a lancé récemment en Europe toute sa panoplie de services dopés à l’IA. Le bouquet, nommé Apple Intelligence (pour jouer avec l’appellation « AI »), a cependant du mal à déclencher réellement l’enthousiasme. La situation de Siri est pire : une promesse non tenue. En interne, malgré les remaniements, il n’y aurait pas de panique.
Le 11 avril à 16h35
7 min
IA et algorithmes
IA
L’intelligence artificielle a eu chez Apple un départ tardif. Alors que le monde s’enflammait déjà pour l’IA générative, aucune annonce ne provenait de Cupertino. La firme est pourtant scrutée de près, notamment pour les nouveaux usages : sa manière de faire est soigneusement étudiée, tout auréolée par sa réputation de réfléchir posément avant tout lancement de produit ou intégration d'une technologie.
Vitesse et précipitation
Pourtant, tout ce qui touche à l’IA semble avoir été fait dans la précipitation chez Apple. Le constat est manifeste : une présentation très soignée en juin 2024 durant la présentation d’iOS 18 et macOS 15, mais rien à l’arrivée des versions finales pour les deux systèmes. Il a fallu attendre les révisions « .1 » pour les premières fonctions, et uniquement aux États-Unis. Les versions .2 et .3 ont enrichi progressivement la dotation, jusqu’à ce qu’iOS 18.4 et macOS 15.4 cochent toutes les cases. Elles ont donné le top départ en Europe également, où les utilisateurs ont reçu la totalité des fonctions annoncées.
Toutes ? Non, car une fonction a résisté : Siri. La démonstration faite en juin dernier, puis alimentée par une publicité dans les mois suivants, avait donné de grands espoirs. Après tout, si l’IA montre constamment son potentiel sur des actions précises et rébarbatives, on cherche encore l’assistant pratique au quotidien, capable de réagir sur tout ce qui se passe au sein du système. C’est pourtant ce qu’annonçait Apple pour son nouveau « Siri conversationnel ».

Autre signe de précipitation : la compatibilité très limitée d’Apple Intelligence à son annonce. Côté téléphone, seul l’iPhone 15 Pro pouvait le prendre en charge, depuis rejoint par la gamme 16 (y compris le 16e lancé récemment). Pour les iPad et les Mac, et en simplifiant un peu, il faut une puce M. Pourquoi ces configurations ? En dehors de la puissance minimale des puces, surtout pour des questions de mémoire vive : Apple Intelligence réclame au moins 8 Go. La firme payait sa pingrerie des dernières années, en promouvant activement des services que peu de personnes pouvaient utiliser.
Perte de crédibilité
Le temps qu’Apple présente ses fonctions et les rende réellement disponibles, le monde avait déjà changé. Tous les outils présents ont déjà un air dépassé, surtout quand on compare les performances des modèles récents – notamment Gemini 2.5 Pro pour le texte, GPT-4o pour les images – à ce qu’Apple propose. Pour l’instant, la seule ouverture proposée est vers ChatGPT, mais on s’attend à ce que d’autres soient annoncées à la WWDC en juin.
Le vrai problème d’Apple, c’est Siri. La firme a présenté ce qui ressemblait à l’assistant « intelligent » que tout le monde (ou presque) pourrait rêver d’avoir. Mais cette annonce ne reposait sur rien. Au point qu’aux États-Unis, un recours collectif a été déposé devant un tribunal californien pour publicité mensongère. Surréaction ? Pas selon les plaignants, qui déclarent s’être basés sur les annonces et la publicité d’Apple pour renouveler leur matériel et être sûrs d’avoir la fonction quand elle serait disponible. Mais elle ne l’est pas.
Le mois de mars aura été calamiteux pour Apple. Au début du mois, les premières rumeurs insistantes sont apparues sur un calendrier largement revu et un nouveau Siri très en retard. Mark Gurman (Bloomberg), souvent très bien renseigné sur les activités de la pomme, indiquait alors qu’il faudrait attendre au minimum iOS 19 à l’automne 2026, voire iOS 20 en 2027. Environ deux semaines plus tard, il remettait le couvert, critiquant cette fois ouvertement l’entreprise pour n'avoir pas su mener sa barque. Selon lui, soit l’entreprise croyait y arriver et avait gravement sous-estimé l’ampleur des travaux, soit elle savait qu’elle n’y arriverait pas et avait menti. « Vaporware » : le mot est lâché.
Très en retard ou seulement en retard ?
Selon un article du New York Times publié ce matin, Apple prévoirait bien un lancement du nouveau Siri pour cet automne. Il arriverait donc dans le sillage d’iOS 19, pour lequel les rumeurs évoquent un vaste renouvellement de l’interface, basé sur les travaux de visionOS. Par « automne », on peut entendre la version finale d’iOS 19 ou l’une des premières mises à jour intermédiaires (iOS 19.1, 19.2…).
Le New York Times dit avoir discuté avec trois personnes « ayant connaissance de ces projets ». Selon elles, certains dirigeants « ne pensent pas que ce retard soit un problème parce qu'aucun des rivaux d'Apple, comme Google et Meta, n'a encore compris ce qu'est l'IA ». Apple estimerait en interne qu’il reste du temps pour « bien faire les choses ».
À condition d’en avoir les moyens. L’article relève ainsi plusieurs problèmes importants. D’une part, le manque de GPU modernes et performants. Apple aurait entrainé ses modèles IA sur du matériel âgé de plus de cinq ans et en quantité limitée (50 000).
Des luttes intestines auraient miné le développement
Tim Cook, CEO de l’entreprise, aurait approuvé le doublement du budget de l’équipe concernée, mais le feu vert aurait été stoppé par Luca Maestri, directeur financier de l’entreprise. Instruction aurait alors été donnée de travailler sur l’efficacité. Le manque de GPU aurait toutefois poussé l’équipe à négocier de la puissance de calcul auprès de Google et Amazon, Apple éprouvant également des difficultés à se procurer des GPU NVIDIA, dont la demande a explosé.
D’autre part, les querelles internes auraient durement impacté le cycle de développement des produits. Le New York Times évoque en particulier une guerre entre Robby Walker, qui supervisait Siri, et Sébastien Marineau-Mes, un cadre supérieur de l'équipe logicielle, pour obtenir la gestion de certains projets.
Enfin, Apple aurait tout simplement les mêmes problèmes que n’importe quelle autre grande entreprise, dont la fuite des talents. Le management ferait face à des équipes composées d’anciens cadres et de jeunes recrues. Pour ne rien arranger, les sources du new York Times ont évoqué un Tim Cook hésitant à « donner des directives claires et directes sur le développement des produits ». Le New York Times n'est d'ailleurs pas le seul à relater les déboires d'Apple. Hier, The Information revenait lui aussi sur la manière dont Apple avait « raté la transformation de l'IA de Siri ».
IA : mais que se passe-t-il chez Apple ?
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Vitesse et précipitation
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Perte de crédibilité
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Très en retard ou seulement en retard ?
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Des luttes intestines auraient miné le développement
Commentaires (11)
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Abonnez-vousModifié le 11/04/2025 à 17h14
L’article l’indique clairement, il manque une vision voire un visionnaire chez Apple.
Steve Jobs n’aurait pas permis qu’un directeur financier revienne sur ses ordres
Le 11/04/2025 à 19h48
Le 14/04/2025 à 17h04
Après, Steve avait le champs libre du fondateur, tortionnaire, CEO pour dire une salve qu'aime tant Donald "You're fired !" au moindre puceron qui irait à son encontre par ses décisions.
En gros, Tim c'est bien pour gérer des produits existants, mais c'est nul pour inover.
Et le soucis, c'est qu'Apple à fait depuis longtemps sa notoriété sur l'innovation, et là, la perte de vitesse avec Siri et d'autres produits avant est bien flagrante.
l'ADN d'Apple c'est d'aller piocher dans les innovations des autres qui ne fonctionnent pas, et d'en faire des succès grâce a une esthétique léchée et un aspect prémium+.
Aujourd'hui, Apple ne n'est plus rien de tout ça :/
Modifié le 11/04/2025 à 18h10
Modifié le 11/04/2025 à 21h22
Et je m'en voudrais de finir sans le dire, même si ça date d'avant Cook :
Mort au Finder !
Le 11/04/2025 à 22h15
Le 11/04/2025 à 23h04
Le 14/04/2025 à 09h33
Le 12/04/2025 à 10h52
Dans son arrogance habituelle, la Pomme a également pu croire qu’elle était capable de faire mieux que les autres, pas seulement dans les fonctionnalités proposées, mais aussi dans l’économie de moyens matériels nécessaires au fonctionnement. Voyez Apple Silicon qui a changé la donne dans le rapport puissance - consommation, et a contribué à jeter Intel dans son marasme actuel.
Elle a enfin peut être aussi imaginé qu’elle avait plus de temps pour aboutir et a été prise de vitesse par la « révolution » (subite et assez inattendue rappelons le) déballée par Open Ai. Ayant jeté son dévolu sur d’autres priorités qui ont par ailleurs flopées (Apple Car, Vision Pro)..
Bref la prochaine WWDC en juin permettra de se faire une première idée de la réaction à tout ça, un an après le coup d’enfumage qui amène à la class action évoquée dans l’article.
Modifié le 13/04/2025 à 07h12
"- Amonbofis est une hyène. Eh ben, pareil ! et il est bourré de talents."
"- Il est doué ? "
"- Non, riche. Bourré de talents d'or, la monnaie égyptienne."
"- En Gaule, les talentueux ne sont pas riches."
Y'a toujours un disrupteur un jour ou un autre dans un domaine... Apple l'a été en 2007 en effet... en écrasant Nokia & Blackberry (en fait RIM : Research In Motion)...
Le 15/04/2025 à 10h28