Connexion
Abonnez-vous

Corruption au Parlement européen : de quoi Huawei est-elle soupçonnée ?

🤑🤑🤑

Corruption au Parlement européen : de quoi Huawei est-elle soupçonnée ?

Plusieurs lobbyistes de Huawei ont été interpellés et quatre personnes ont été placées sous mandat d’arrêt, dans le cadre d'une enquête sur des cadeaux de valeur, voire des pots-de-vin versés à des employés du Parlement européen. Retour sur le scandale de corruption qui secoue le Parlement européen depuis une dizaine de jours.

Le 26 mars à 09h30

Depuis la mi-mars, le Parlement européen est au centre d’une nouvelle affaire de corruption. Après le « Qatargate », qui avait secoué l’institution fin 2022, puis l’enquête conjointe de Follow the Money et 24 médias européens révélant que près d'un quart des parlementaires européens ont été impliqués, de près ou de loin, dans des affaires allant de la corruption au harcèlement, voici qu’une nouvelle enquête a été ouverte pour soupçon de corruption par le géant technologique chinois Huawei.

Premiers à révéler l’affaire, la plateforme d’enquête Follow the Money, le quotidien belge Le Soir et le média flamand Knack rapportaient le 13 mars la perquisition de 21 adresses en Belgique et au Portugal.

Après plusieurs mois d’enquête, une centaine d’officiers de police judiciaire, menés par l’Office central belge pour la répression de la corruption, ont finalement interpellé plusieurs lobbyistes œuvrant pour Huawei. Ces derniers sont soupçonnés de « corruption », « faux et usage de faux », « blanchiment » et « organisation criminelle ».

Opérations « régulières » et « très discrètes »

Cible principale du coup de filet : Valerio Ottati, 41 ans. Depuis 2019, détaille Le Soir, il était directeur des affaires publiques du bureau de Huawei auprès de l’Union européenne. Le parquet le soupçonne d’avoir lancé de multiples « invitations à des événements » totalement légaux, mais dont la tenue aurait permis de réaliser les opérations de corruption présumée.

Pas de valise de cash comme dans le cas du Qatargate, mais plutôt des cadeaux de valeur (smartphones Huawei inclus), des frais de bouche, des voyages, des places à des matchs de football et des virements de plusieurs milliers d’euros. Le code de conduite des parlementaires européens les oblige normalement à déclarer dans le registre des cadeaux tout bien d’une valeur supérieure à 150 euros qui leur aurait été fourni par un tiers.

Dans la foulée des interpellations, les bureaux de deux assistants parlementaires soupçonnées d’être impliqués dans l’affaire – un de la délégation italienne du Parti populaire européen (PPE), Fulvio Martusciello, et un autre de la délégation bulgare au sein de Renew – ont été scellés.

Les financements et cadeaux versés par Huawei ont notamment servi à motiver des eurodéputés à signer une lettre qualifiant de « racisme technologique » l’exclusion des sociétés chinoises des réseaux 5G, explique Follow the Money. D’après le mandat d’arrêt, « une somme de 15 000 euros pourrait avoir été proposée à l’auteur de la lettre, tandis que chaque cosignataire pourrait s’être vu proposer une somme de 1 500 euros ».

Au Portugal, les perquisitions se sont concentrées sur une des sociétés soupçonnées d’avoir reçu des virements à destination d’eurodéputés. D’après la justice belge, les opérations de corruption auraient été menées « régulièrement et très discrètement » depuis 2021, mais la « lettre 5G » concentre une partie des accusations : « les expéditeurs de cette lettre auraient été rémunérés de manière indirecte et déguisée par [le consultant portugais] Nuno W.M., qui aurait envoyé deux factures fictives » à deux sociétés d'événementiel, depuis lesquelles il aurait pu redistribuer les fonds liés à la rédaction et la signature de la lettre.

Le 18 mars, quatre personnes ont été placées sous mandat d’arrêt et une cinquième libérée sous caution. Nuno W.M. a été interpellé en France. De même, l'assistante parlementaire Lucia S. a été interpellée sur la base d'un mandat d'arrêt européen. En parallèle, de nouvelles perquisitions étaient menées au Parlement européen, à Bruxelles.

Contrer l’opposition de Washington

Objectif présumé de la corruption : contrer le lobbying de Washington, dont l’hostilité envers les produits chinois s’est intensifiée depuis six ans. L’entreprise a notamment cherché à contre-attaquer les accusations d’espionnage, qui ont accompagné les pressions à réduire la dépendance des États occidentaux aux équipements 5G de sociétés comme Huawei ou ZTE. Il s’agissait, aussi, de plaider en faveur de l’ouverture du marché aux investissements chinois.

D’après les registres de transparence de l’Union européenne, Huawei a déclaré un travail de lobbying auprès de 24 députés européens depuis 2020, dont près du quart viennent d’Espagne. Le Point décrit une stratégie d’influence concentrée dans les pays du sud et de l’est de l’Europe.

Côté Commission européenne, la société a enregistré 76 réunions avec des représentants de l’exécutif depuis 2014, relativement loin derrière Google (362 réunions), Meta (198 réunions) ou Apple (104 réunions).

Perte d’influence

Mais au cours des deux dernières années, Huawei a déjà perdu de son influence, alors que les gouvernements européens ont précisément adopté une approche plus prudente à son égard. En réaction à l'affaire actuelle, le Parlement et la Commission ont interdit aux lobbyistes d’entrer dans leurs locaux. Le groupe d’influence Digital Europe a suspendu l’adhésion de la société chinoise, mais d'autres groupes de pression continuent de le représenter.

Dans la journée du 13 mars, Huawei a indiqué prendre « ces allégations au sérieux », détaillait Politico, et prévoir de communiquer « de manière urgente avec les enquêteurs pour mieux comprendre la situation » :

« Huawei applique une politique de tolérance zéro à l’égard de la corruption et d’autres actes répréhensibles, et nous nous engageons à respecter à tout moment l’ensemble des lois et réglementations applicables. »

D’après les mandats d’arrêt vus par Follow the Money, les dirigeants de l’entreprise, et notamment le vice-président à la région Europe Abraham Liu, auraient approuvé les transferts d’argents organisés via le Portugal pour dissimuler leur nature de pots-de-vin.

L’épisode relance le sujet de la lutte anticorruption au sein de l’Union, alors qu’un groupe d’eurodéputés de droite a freiné la création d’un comité d’éthique commun. Sur Franceinfo, la députée Nathalie Loiseau (Renew) s’est ainsi déclarée « dans une colère noire, si la cupidité de quelques-uns jette l’opprobre sur tous les autres ». Certains de ses collègues ont adressé deux lettres à Ursula von der Leyen et Roberta Metsola, respectivement présidentes de la Commission et du Parlement, pour leur demander d'interdire l'usage d'appareils Huawei dans le cadre professionnel des institutions.

Commentaires (12)

votre avatar
Huawei, Huawei, Huawei
Always sunny
In the rich man's world
votre avatar
de quoi Huawei est-il accusé ?
Pour le moment, de rien. Il ne s'agit que de soupçons. On parlera d'accusation au moment d'un procès s'il a lieu.

Sur le même thème, pourquoi utiliser par moment l'indicatif et pas le conditionnel pour relater des soupçons :
Les financements et cadeaux versés par Huawei ont notamment servi à motiver des eurodéputés à signer une lettre
alors même que le mandat d'arrêt cité juste après est au conditionnel ?

Quant à l'origine du lobbying, il me semble que l'on n'a toujours aucune preuve des accusations d'espionnage contre Huawei ou ZTE. Un point sur la situation aurait été bienvenu, ne serait-ce qu'en citant les derniers articles de Next sur la question.

:chinois:
votre avatar
et pour le moment personne n'a fourni de preuve, pas les US sur les soit disant espionnage chinois via Huawei.
Donc il faut quand même se poser la question si ce n'est pas que du BS des US pour faire pression sur la chine ?
Est ce qu'il y a ne serait qu'un début de quelque chose de tangible ?

Est ce que le lobyying est pour cacher quelque chose ou pour juste éviter de tomber dans la propagande US ?
Je n'arrive réellement pas à savoir sur quel pied danser avec Huawei.
votre avatar
Mon point de vue :
Je trouve gonflé de faire un parallèle avec le quatargate par la presse ou je rappelle on avait des valises de cash et des comptes bancaires avec plusieurs 100aines de millier d'euros.

Ici ça porte sur des cadeaux tel., places, réunions rémunérés jusqu'à preuve du contraire donc ouais je trouve ça crédible mais c'est ce que font tous les autres lobbyistes à Bruxelles (GAFAM, entreprises pétrolières/gazières/chimique, constructeurs auto. etc...).

Petit rappel il y a 50 000 lobbyistes travaillant là-bas.
"Il y a en moyenne 70 lobbyistes par député".
En début de carrière, un lobbyiste peut espérer un salaire annuel brut entre 35 000 € et 45 000 €. Avec l'expérience, son salaire peut s'élever jusqu'à 80 000 €, voire plus pour des postes de direction ou dans des grandes entreprises internationales.

https://www.france24.com/fr/%C3%A9missions/l-entretien-de-l-intelligence-%C3%A9conomique/20230808-institutions-europ%C3%A9ennes-50-000-lobbyistes-incontournables-%C3%A0-bruxelles

https://www.tf1info.fr/elections/video-union-europeenne-compte-t-on-vraiment-70-lobbyistes-pour-un-depute-europeen-a-bruxelles-et-strasbourg-2287676.html

Donc le vrai problème c'est ce lobbying des grands groupes sur l'UE.
My 2 cents.
votre avatar
avec plusieurs 100aines de zéros
Plusieurs centaines :eeek2:

(Le PIB mondial, c'est environ 100 000 M$, donc « seulement » 14 zéros 😅)


Mais sinon d'accord avec le reste :yes:
votre avatar
Yep, j'ai mal tourné le truc my bad.
Bon j'entendais plusieurs pot de vins du genre €250,000, €50,000, €60,000, ... (extrait wiki).
votre avatar
Juste dire que le problème est les lobby est une solution de facilité.

Il faut pouvoir concilier la défense des intérêts des sociétés et celui des citoyens via l'ue. C'est comme tout le reste il faut toujours trouver un équilibre entre les droits et devoir de chacun.
La solution actuelle via le lobbying est certes peut être bancale mais elle permet aux sociétés de faire valoir leur opinion donc il répond au cahier des charges.

On peut aussi dire que le problème est les députés qui se laissent graisser la patte.
Les déclarations d'intérêts/de cadeau etc que doivent remplir les députés est pour réduire le graissage de patte mais bon vu que les députés "oublient" de la remplir ça ne remplit pas la fonction. Il faut trouver une solution qui améliore ce point sans casser tout le système actuel mais beaucoup de solution possible repose sur une certaine honnêteté des députés. Si après on part du principe que l'être humain est corruptible tout le système actuel repose sur le fait que seulement quelques uns vont être corrompu mais pas suffisamment pour faire trop pencher la balance d'un coté mais si ce n'est plus le cas alors tout le système tombe.
Et c'est un peu ce que l'ont voit actuellement avec ces boites qui ont tellement de moyens qu'elles peuvent maintenant corrompre suffisamment de députés pour faire pencher la balance dans le sens qu'elle veulent.

Donc oui le lobbying pose problème actuellement mais il a pas si mal fonctionner sauf dans le cas de boites ayant plus de poids (capital) que le pib de certains pays c'est plus ça pour moi le problème actuel qui imposerait une refonte complète du système de lobbying.
votre avatar
Yep mais regarde les liens que j'ai passé vu comment c'est depuis des années ça va être dur.
Un autre pour la route : https://transparency-france.org/convaincre/lobbying/

Mais tu peux très bien entendre les intérêts de ces entreprises en les auditionnant sans passer par ce système bruxellois de lobbying.
votre avatar
Les moyens financiers ne suffisent pas, encore faut-il que la technologie à vendre puisse être suffisament impressionante pour créer une situation où le-la député.e abandonne tout esprit critique.

Ce qui revient à constater pour le produit phare dont il est question qu'on veut bien qu'un Européen cartographie l'espace public avec un magne-ouate-tronⒸ mais pas qu'un Chinois cartographie.
(Les risques d'étouffement sont pourtant identiques)
votre avatar
Pas sûr que ça Huawei soient les seuls à faire ça… ça serait bien de voir aussi au niveau des boites US (fournisseur de système d'exploitation par exemple) et même françaises (genre un certain pétrolier).
votre avatar
Bin l'article en parle un peu
Côté Commission européenne, la société a enregistré 76 réunions avec des représentants de l’exécutif depuis 2014, relativement loin derrière Google (362 réunions), Meta (198 réunions) ou Apple (104 réunions).
Alors cela ne dit pas s'il y a corruption. Mais bon; plus on se voit, plus on se paye des "tournées" dit-on.
votre avatar
Pas directement sur le sujet mais très intéressant, je vous conseille fortement la série documentaire d’Arte nommée "Capitalisme américain".

C'est un peu énervant des fois de constater à quel point certaines entreprises/ riches ont pu se hisser à un tel niveau d'influence et comme l'histoire se répète.
Mais comme c'est (à peu près) notre histoire, autant la connaître à défaut de l'apprécier...

Corruption au Parlement européen : de quoi Huawei est-elle soupçonnée ?

  • Opérations « régulières » et « très discrètes »

  • Contrer l’opposition de Washington

  • Perte d’influence

Fermer