Réforme pénale : la petite farce de l’IMSI catcher
Cacher la voix
Le 31 mars 2016 à 10h00
5 min
Droit
Droit
Une petite farce. Voilà comment pourrait être résumé le vote par les sénateurs, dans le silence poli du gouvernement, de l’article 2 du projet de loi sur la réforme pénale, celui visant - en façade - les IMSI catcher.
D’abord, un petit rappel. Pour mémoire, derrière la curieuse expression, se cachent de fausses antennes relai destinées à s’intercaler entre les vraies antennes pour glaner les données des appareils connectés passant dans son spectre. Elles ont déjà été sanctuarisées par la loi sur le renseignement. Le projet de réforme pénale entend les généraliser dans plusieurs procédures judiciaires.
À l’origine, l’article 2 de ce projet de loi en cours de discussion, était taillé pour autoriser « le recours au dispositif d’IMSI catcher pour la criminalité et la délinquance organisée ». C’est ce qu’explique le gouvernement dans la présentation de son texte : « Ce dispositif, qui sera autorisé soit par le juge des libertés et de la détention, ou, en urgence, par le procureur de la République, soit par le juge d’instruction, permettra de recueillir les données techniques de connexion permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ».
Dans une main, on a donc un IMSI catcher, dans l’autre, le recueil des données de connexion « permettant l’identification d’un équipement terminal ou du numéro d’abonnement de son utilisateur ». Sauf que ces affirmations n’ont supporté ni l’épreuve du temps, ni celle des textes. Un vrai déluge de farces.
Première farce : le texte ne concerne que les IMSI catchers
C’est faux car beaucoup trop réducteur. Comme nous l’avions déjà dit pour la loi sur le renseignement, le texte gouvernemental autorise la mise en place non d’un « IMSI Catcher » mais d’« un dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226 - 3 du Code pénal ». L’enjeu pour lui est de ne pas être figé sur une technologie.
L'article 226 - 3 en question vise en effet tous les appareils et logiciels qui, par conception, permettent d’ouvrir, supprimer, retarder, détourner, prendre connaissance, intercepter, utiliser ou divulguer une correspondance privée. Cela embrasse donc les IMSI catchers, mais également toutes les autres technologies intrusives disponibles ou à venir qui assurent ce type de services.
Seconde farce : le texte ne concerne que les données de connexion
Face aux députés, Jean-Jacques Urvoas avait tenté de rassurer : « ce matériel sera utilisé uniquement pour obtenir le numéro de la carte SIM, voire le numéro IMEI, c’est-à-dire l’immatriculation du téléphone portable. Aucune donnée de flux ou de contenu n’est donc concernée, et l’atteinte à la vie privée est minime au regard de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme ».
Il disait vrai en l’état du projet de loi. Mais comme par magie, cette limitation a sauté au Sénat. Dans un amendement adopté en Commission des lois, ces IMSI catchers (et autres techniques intrusives) ont été étendus pour l’interception « des correspondances émises ou reçues par un équipement terminal ». Soit des écoutes frappant une conversation et toutes autres formes de correspondances privées. Et hier, le gouvernement s’est bien gardé de déposer un amendement pour revenir sur ce texte et faire en sorte qu’« aucune donnée de contenu » ne soit concernée.
Troisième farce : la portée limitée des IMSI catcher
Au Sénat, Cécile Cukierman a décrit très justement cette technique comme étant « très intrusive » l’assimilant à la « pêche au chalut » puisque « toutes les données à la ronde sont collectées, et pas seulement celles de la personne ciblée. » En vain : son amendement de suppression a été bazardé en quelques secondes en séance.
Plus amusant. D’autres sénateurs ont voulu limiter la portée de cette technologie à un rayon inférieur « à deux cents mètres ». Pour Jacques Mézard, en effet, l’enjeu est de s’assurer « que l'usage de telles captations concerne un minimum de personnes collatérales en tenant compte des capacités technologiques actuelles, dont la portée varie entre un rayon de deux mètres ou de quelques centaines de mètres ».
Jean-Jacques Urvoas s’y est opposé, main sur le cœur et œil humide : « Deux cents mètres, c'est beaucoup trop ! Les IMSI-catchers ne vont pas jusque-là. Plus courte est la portée, mieux c'est ! ». Cette fois, l’amendement a été retiré par ses auteurs.
Mais ce qu’a oublié de rappeler le garde des Sceaux, c’est que le gouvernement a notifié fin février à la Commission européenne un texte pour modifier le champ d‘application de l’article 226 - 3 du Code pénal. La réforme attendue autorisera le recueil des données de connexion et de contenus via également une vraie antenne relai de téléphonie mobile. Grâce à l’intelligence embarquée dans ces éléments de réseaux de nouvelles générations, il sera possible de dupliquer l’ensemble des correspondances échangées dans son rayon d’action. Et ce rayon dépasse allègrement les 200 mètres qu’Urvoas feignait de trouver tellement « trop » vastes.
Réforme pénale : la petite farce de l’IMSI catcher
-
Première farce : le texte ne concerne que les IMSI catchers
-
Seconde farce : le texte ne concerne que les données de connexion
-
Troisième farce : la portée limitée des IMSI catcher
Commentaires (65)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 31/03/2016 à 11h16
Sauf que cette utilisation des antennes relais se fait pour des cibles limitées sous le contrôle d’un juge.
Donc, ton Big Data, est hors sujet.
Le 31/03/2016 à 11h18
Le 31/03/2016 à 11h28
Des cibles comme des militants politiques écologiques assignés à résidence pendant la grande FARCE de la cop21? " />
Le 31/03/2016 à 11h29
Le 31/03/2016 à 11h29
Le 31/03/2016 à 11h32
Tu confonds encore l’état d’urgence et ces décisions administratives sans contrôle d’un juge a priori et les les décisions d’un juge dans le cadre de procédures pénales dont il s’agit ici.
Je sais, réfléchir, c’est fatigant, mais cela évite de dire des conneries ou de faire de la désinformation.
Le 31/03/2016 à 11h37
Le 31/03/2016 à 11h38
Le 31/03/2016 à 11h41
Encore une remarque de râleur anarchiste punk rebelle anti-système communiste. On en a marre des gens qui font des commentaires
" />
Le 31/03/2016 à 11h49
Le 31/03/2016 à 11h50
Le 31/03/2016 à 12h03
Même si c’est la seule manière, l’IMSI Catcher est trop intrusive pour les personnes à proximité.
Le 31/03/2016 à 12h10
Mais si je ne me trompe pas les IMSI Catcher ne marchent qu’en 2G (GSM) parce qu’a partir de la 3G (UMTS), les antennes sont authentifiées par les portables. Du coup, il suffit de cocher l’option “Utilisez seulement la 3G” ou tout équivalent sur son téléphone pour s’en prémunir.
Bien entendu, ça ne protège pas si l’opérateur est complice de la collecte de donnée. Mais normalement, ça n’est pas le cas avec les IMSI Catche.
Le 31/03/2016 à 12h11
Le 31/03/2016 à 12h11
Le 31/03/2016 à 12h26
Merci de ta réponse.
Pour les 200 m, j’ai fait un raccourci dans ma façon de l’exprimer, mais, je t’assure, j’ai lu en détail ton article et tes articles précédents, c’est même pour cela que ma réponse a un peu tardé. J’ai bien compris que c’était le ministre que tu visais.
Je regrette aussi que l’on ait un spécialiste de l’écoute et du renseignement comme Garde des Sceaux. Je trouve que c’est une très mauvaise image. Même si tout n’est pas à jeter : ce matin sur France Inter, il disait que sa priorité pour la fin de mandat, c’est le budget de son ministère qui ne paye pas ses dettes et cela, je pense que c’est plutôt pas mal pour la justice s’il arrive à faire quelque chose.
Le 31/03/2016 à 12h28
Des mamies dans le Cantal qui font du trafic de drogues ça existe. Et comme le trafic de drogues (peut) finance® le terrorisme le chemin est fait.
bien que l’article le soit, la question de font n’est pas sur la technologie mais sur son usage et encore plus spécifiquement sur celui qui l’utilise.
Bien sûr en France la Justice est indépendante de l’Exécutif mais ces dernières années il a été démontré à maintes reprises que l’Exécutif se passe de plus en plus de l’autorisation de la Justice.
Et bien que se soit un poncif :
Les plus grandes dictatures ont été mises en place en utilisant les outils de la démocratie.
Une arme à feu reste une arme à feu mais mais on ne l’appréhende pas de la même manière si elle est portée par un policier ou un milicien…
Le 31/03/2016 à 12h38
Le 31/03/2016 à 13h09
Le 31/03/2016 à 13h11
Certains en rêvaient, la France l’a fait.
#FrenchTech
Le 31/03/2016 à 13h13
Dire “un appareil ou un dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal” suffit si j’ai bien compris l’article. En tout cas, c’est plus précis.
Le 31/03/2016 à 13h14
De quoi parles-tu précisément ?
Le 31/03/2016 à 13h23
Le 31/03/2016 à 13h33
hop tcpdump au niveau du matériel réseau collé au cul de l’antenne.
Le 31/03/2016 à 13h34
Le 31/03/2016 à 13h58
Le 31/03/2016 à 14h02
Le 31/03/2016 à 14h13
Ca va en chopper du p0rn….
Si vous saviez la quantité de sites de p0rn vus sur mobile…
Le 31/03/2016 à 14h59
Le 31/03/2016 à 16h05
Le 31/03/2016 à 16h08
Le 31/03/2016 à 16h16
Le 31/03/2016 à 10h06
Brave new world n’est pas suffisant, il faut 1984 en plus…
Le 31/03/2016 à 10h12
J’ai envie de dire, le gouvernement entier est une vaste blague depuis plusieurs années, pas seulement depuis l’arrivée de Flamby.
M’enfin bon, on va encore me taxer d’anarchiste rebelle punk à chien terroriste :)
Le 31/03/2016 à 10h17
ouais ben le mec qui va avoir à trier les infos péchos sur 200m à la ronde, bonne chance
Le 31/03/2016 à 10h17
Merci Marc " />
Le 31/03/2016 à 10h17
Là, on parle des moyens techniques, mais qui (ou quelle organisation) a le droit de les mettre en oeuvre et dans quelles conditions (ou limites)?
Le 31/03/2016 à 10h19
Merci pour l’article, je viens d’installer l’application Cell Spy Catcher, et je vais informer mes contacts qui participent à des manifs
Le 31/03/2016 à 10h19
La France est une farce, comme il y a un âge pour arrêter de croire au père noël, il y a un âge pour arrêter de croire à la démocratie " />
Le 31/03/2016 à 10h24
Le 31/03/2016 à 10h35
J’ai le fâcheux sentiment d’assister aux préparatifs silencieux mais organisés d’une future dictature.
Le 31/03/2016 à 10h38
Le 31/03/2016 à 10h43
Le 31/03/2016 à 10h47
Le 31/03/2016 à 10h51
Je sens que je vais m’amuser sur cette news
Le 31/03/2016 à 10h51
Le 31/03/2016 à 10h52
Le 31/03/2016 à 10h53
C’est bien dommage de confondre République et Démocratie à un tel point que s’en est pathétique…
La République française n’est plus que vaguement démocratique car elle est taillée pour permettre un gouvernement efficace par quelques politiques au pouvoir… Et on en voit le résultat.
Bref, comme le dit si bien Neliger, on s’approche doucement mais sûrement de la fin de la Démocratie en France, au profit d’une République totalitaire.
Le 31/03/2016 à 10h53
Le 31/03/2016 à 10h56
Farce 1: Décrire pour les principes du dispositifs pour éviter de repondre une loi en fonction de l’évolution des équipements est en effet quelque chose de stupide
Farce 2: Etendre les écoutes téléphoniques aux IMSI Catcher dans le cadre d’une procédure judiciaire est en effet stupide
Farce 3: Utiliser des antennes relais dans le cadre d’une procédure judiciaire est effectivement stupide
Le 31/03/2016 à 10h56
Le risque, ce n’est pas tellement la surveillance de masse en soi, c’est de pouvoir obtenir des infos sur qui l’on veut très facilement avec ce genre d’infos centralisées.
En plus, le dispositif dans le cadre du terrorisme est plus que limité. A partir du moment où l’achat de carte sim peut se faire anonymement, c’est quoi l’intérêt de ces dispositifs ?
Le 31/03/2016 à 11h01
Le 31/03/2016 à 11h06
toi comme d’autre n’ont pas compris le dernier paragraphe habilement soulevé Marc, le texte permet de place le catcher (logiciel/materiel de la capture, pas forcement imsi catcher) DANS L ANTENNE RELAI directement, c’est pas cher, c’est facile après de stocker/trier les données avec le ‘Big Data’ de nos jours.
Le 31/03/2016 à 11h11
Encore un article de mauvaise foi qui n’apporte presque rien par rapport à l’article précédent
L’article de loi proposé par M. Mercier étaient déjà lisible par les lecteurs de NXI et faisaient bien référence à l’article 226-3 du code pénal. Ce n’est que dans son explication pour les profanes (dans l’objet) qu’il parle de “la technique dite de l’IMSI catcher”. Cela est habituel et permet à tout le monde de comprendre de quoi on parle ce qui ne serait pas le cas avec le terme utilisé dans l’article de loi proposé “un appareil ou un dispositif technique mentionné au 1° de l’article 226-3 du code pénal”
Concernant les “correspondances émises ou reçues par un équipement terminal”, un amendement du gouvernement aurait-il changé quelque chose au Sénat où l’opposition est majoritaire ?
Non. Il y aura un second passage à l’assemblée nationale ou en commission mixte paritaire ou tout l’article risque de sauter.
J’ai dit presque rien un peu plus haut parce que l’histoire des 200 mètres est nouvelle, mais tout autant ridicule. À partir du moment où l’on peut utiliser les équipements réseau standards (car autorisé par les textes) qui effectivement couvrent plus de 200 m et c’est heureux, il faudrait utiliser quand même des IMSI catcher plus difficiles à mettre en œuvre parce que l’on veut limiter la distance ? Cette histoire de distance n’est là que pour limiter les cibles et là, c’est les juges qui autorisent uniquement certaines cibles et pas la population entière du coin concerné, cela ne change donc rien. Les dispositifs d’écoute seront paramétrés pour ces cibles uniquement. De plus, je ne vous pas en quoi cela différerait d’écoutes faite plus au cœur du réseau de l’opérateur.
Le 31/03/2016 à 11h11
Le 31/03/2016 à 11h11
Le 31/03/2016 à 16h24
Le 31/03/2016 à 16h42
Le 31/03/2016 à 16h58
Le 31/03/2016 à 17h06
Bon ben globalement on est donc d’accord… " />
Le 31/03/2016 à 17h17
Non, la création du royaume Europa, mais va falloir organiser des jeux de cirques comme les usa pour élire à vie le gagnant.😆
Le 01/04/2016 à 05h42
Heureusement que dans quelques années cela ne l’intéressera plus.
Plus de portable , plus de net : becanne, bouffe et sexe en liberté !
Le 01/04/2016 à 05h50
… c’est juste une étape cher camarade !
Le 03/04/2016 à 19h53
Le 04/04/2016 à 05h44
Peut être pour l’indépendance, par contre côté financier…