Une petite fille en train d'apprendre à programmer et hacker logiciels et appareils électroniquesCC BY-SA 4.0 FR Sandra Brandstätter & Matthias Kirschner

Un roman graphique explique les logiciels libres aux enfants

Hacking 4 freedom

Avatar de l'auteur
Jean-Marc Manach

Publié dans

LogicielSociété numérique

08/12/2023 6 minutes
22

Une petite fille en train d'apprendre à programmer et hacker logiciels et appareils électroniquesCC BY-SA 4.0 FR Sandra Brandstätter & Matthias Kirschner

Ada & Zangemann est roman graphique de 60 pages qui se présente comme un « conte sur les logiciels, le skateboard et la glace à la framboise ». Il a été créé pour expliquer l'intérêt des logiciels libres aux enfants, mais semble aussi intéresser les adultes peu au fait de leurs vertus.

Ce livre a été publié par la maison C&F Éditions, dirigée par Hervé Le Crosnier, dont la liste des auteurs fait référence en matière de numérique. On y trouve en effet des ouvrages de Stéphane Bortzmeyer, danah boyd, Anne Cordier, Cory Doctorow, Olivier Ertzscheid, Xavier de La Porte, Helen Nissenbaum, Tristan Nitot, Zeynep Tüfekçi, Fred Turner...

Le risque d’enfermement et de dépendance…

Elle raconte l'histoire d'Ada (en référence à Ada Lovelace, la première personne à avoir réalisé un véritable programme informatique), une jeune fille curieuse, et de Zangemann, un inventeur mondialement connu et immensément riche, semble-t-il inspiré de Steve Jobs et Elon Musk. Les enfants et adultes « adorent ses fabuleuses inventions », qui vont des skateboards sonores à la machine à glace capable de mixer n’importe quel parfum.

Or, résume François Saltiel dans sa chronique numérique Un Monde connecté sur France Culture, Zangemann prend « un malin plaisir à imposer ses goûts grâce à ces millions de machines connectées dont il est le seul à avoir la clef », jusqu'à ce que soudainement, les skateboards électroniques des enfants buguent et les glaces ont « toutes le même parfum ».

Ada va alors découvrir comment Zangemann « contrôle ses produits depuis son ordinateur en or ». Elle découvre également, « sur un Internet libre », comment bricoler et programmer avec ses amis des objets informatisés qui échappent aux décisions de Zangemann, « pour tenter de reprendre la main sur ce monde numérique, et ne plus en être une esclave ».

… rien de neuf sous le Soleil malheureusement

Et ce n’est pas que de la science-fiction, cette situation est déjà arrivée et arrivera certainement encore dans le futur. Il n’est pas toujours facile (ou même possible) de « reprendre la main » face à un monde numérique qui nous tient parfois pieds et poings liés.

Un exemple, avec une fin plutôt heureuse : le lapin connecté Nabaztag. Mort et enterré il y a une dizaine d’années, le projet a pu continuer, car les sources ont été libérées. Cette fois-ci, les utilisateurs ont pu reprendre – au moins en partie – la main sur leur objet connecté.

Mais d’autres fois, on se retrouve avec des produits qui ne servent plus à rien une fois arrêtés par leur fabricant. On pourrait citer l’enceinte connectée Djingo et les prises DECT d’Orange, mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt des objets connectés.

Récemment, Amazon a mis fin au support d’IFTTT dans Alexa, et tant pis pour ceux qui l’utilisaient jusqu’à présent. Nous parlions déjà de cette problématique (au sens large), il y a trois ans. Il ne faut pas se laisser enfermer, mais aussi être conscient que tout peut s’arrêter du jour au lendemain et, contrairement au Nabaztag, rien ne permet d'assurer que les sources seront ouvertes par la suite.

Le problème est plus large à l’heure du tout connecté. On se retrouve avec des prises et des interrupteurs qui ont parfois besoin de communiquer avec des serveurs à l’autre bout de la planète pour éteindre/allumer une ampoule qui se trouve à quelques mètres. Si les serveurs ferment, les objets connectés sont bons pour la poubelle.

De l’allemand vers le français, l’anglais, l’italien…

Le roman graphique a été conçu par un Allemand, Matthias Kirschner, président de la Free software fondation Europe (FSFE). Ne sachant pas trop comment expliquer son métier à ses enfants, il avait commencé à leur raconter des histoires du soir improvisées, qui ont finalement abouti à ce roman graphique de 60 pages.

Sous l'impulsion d'Alexis Kauffmann, le fondateur de Framasoft devenu chef de projet logiciels et ressources éducatives libre au ministère de l’Éducation nationale, 114 élèves de collèges et de lycées et leurs quatre enseignantes ont contribué à le traduire de l'allemand, avec l'aide (.pdf) de deux coordinatrices de l’Association pour le développement de l’enseignement de l’allemand en France (ADEAF).

Il a aussi été traduit et publié en anglais et en italien, et est notamment utilisé dans des lectures publiques dans des écoles, clubs de jeunes ou maisons de retraite. Le collectif PrimTux (auteur d'un système d’exploitation destiné aux élèves du primaire) en a profité pour créer un support pédagogique (et ludique).

La FSFE propose de nombreuses ressources associées, allant de supports de présentation à des lettres d'enfants en réaction au roman, la liste des critiques et recommandations, un wiki avec des ressources pour aider les enfants à apprendre à programmer.

Licence Creative Commons, bien évidemment

Le roman graphique, illustré par Sandra Brandstätter et logiquement placé sous licence Creative Commons, autorisant l’usage, la modification et le partage de l’œuvre. Il peut être téléchargé « à prix libre (gratuit + une éventuelle contribution pour C&F éditions si vous le souhaitez) » en versions epub et pdf, ou encore acheté en version imprimée pour 15 euros.

Alexis Kauffmann précise que pour cette édition française, Matthias Kirschner a décidé de reverser tous les droits d'auteur issus des ventes du livre en version papier à la Free Software Foundation Europe.

Il souligne aussi avoir offert ce livre à des amis (adultes) « qui n'ont rien à voir avec le numérique et encore moins avec le numérique libre ». Après l'avoir lu, ils lui ont répondu qu' « on comprend mieux ce que tu fais désormais et pourquoi tu t'intéresses à tout ça ».

Une manifestation défendant la liberté de coder et de hacker
CC BY-SA 4.0 FR Sandra Brandstätter & Matthias Kirschner

François Saltiel animait par ailleurs ce jeudi sur Twich un débat au sujet des coulisses de France Culture, à l'occasion des 60 ans de la radio de service public, qui devrait être rediffusé ce vendredi soir dans « Le Meilleur des mondes », une émission hebdomadaire qui « propose de mettre le futur en débat et de questionner les nouvelles technologies qui reconfigurent notre société » et qu'il anime également.

Écrit par Jean-Marc Manach

Tiens, en parlant de ça :

Sommaire de l'article

Introduction

Le risque d’enfermement et de dépendance…

… rien de neuf sous le Soleil malheureusement

De l’allemand vers le français, l’anglais, l’italien…

Licence Creative Commons, bien évidemment

next n'a pas de brief le week-end

Le Brief ne travaille pas le week-end.
C'est dur, mais c'est comme ça.
Allez donc dans une forêt lointaine,
Éloignez-vous de ce clavier pour une fois !

Fermer

Commentaires (22)


Elle raconte l'histoire d'Ada (en référence à Ada Lovelace, la première programmeuse de l'histoire de l'informatique)


J'ai fais une remontée mais je ne sais pas si elle sera prise en compte, dans la mesure où il ne s'agit pas d'une véritablement d'une erreur, mais d'une imprécision.

Ada Lovelace est le "premier programmeur" de l'histoire de l'informatique. Loin de moi l'idée de vouloir nier sa féminité, c'est bien au contraire pour souligner son rôle en tant que précurseur de l'histoire, en étant la première personne a être considérée comme étant "programmeur", et non pas seulement la première femme (surtout qu'aujourd'hui, c'est un domaine très "masculin", même si cela n'a pas toujours été le cas).
Merci de la remarque ; pour éviter de la mégenrer, j'ai précisé : la première personne à avoir réalisé un véritable programme informatique

Jean-Marc Manach

Merci de la remarque ; pour éviter de la mégenrer, j'ai précisé : la première personne à avoir réalisé un véritable programme informatique
Top. Merci. Une autre erreur, dès la première phrase (déjà signalé, mais toujours pas corrigé a priori) :
Ada & Zangemann est UN roman graphique


;)

Jean-Marc Manach

Merci de la remarque ; pour éviter de la mégenrer, j'ai précisé : la première personne à avoir réalisé un véritable programme informatique
Ne pas "mégenrer" c'est le plus important ouais.
Modifié le 09/12/2023 à 15h04
"Le problème est plus large à l’heure du tout connecté. On se retrouve avec des prises et des interrupteurs qui ont parfois besoin de communiquer avec des serveurs à l’autre bout de la planète pour éteindre/allumer une ampoule qui se trouve à quelques mètres. Si les serveurs ferment, les objets connectés sont bons pour la poubelle."

C'est quand même curieux que des gens utilisent ce genre de système.

Intéressant en tous cas comme lecture, beau projet. Pour un public à partir de quel âge par contre ? c'est vaste "enfant"
Perso, je l'ai lu à ma fille de sept ans, et elle a suivi l'histoire sans souci. Dans l'histoire, il y a une introduction à la distinction matériel/logiciel, ce qui est en soi intéressant du point de vue didactique pour un enfant de cet âge. Après, comme c'est en CC, tu peux aussi le lire par soi-même pour te faire ta propre idée avant de l'offrir/de l'acheter en format papier, et ça c'est cool.

zeVlad

Perso, je l'ai lu à ma fille de sept ans, et elle a suivi l'histoire sans souci. Dans l'histoire, il y a une introduction à la distinction matériel/logiciel, ce qui est en soi intéressant du point de vue didactique pour un enfant de cet âge. Après, comme c'est en CC, tu peux aussi le lire par soi-même pour te faire ta propre idée avant de l'offrir/de l'acheter en format papier, et ça c'est cool.
C'est ce que je vais faire je pense, merci !
Hmmm.... Si je comprends bien on explique que le logiciel libre c'est la solution pour garantir la durabilité des objets/services achetés.

C'est un poil réducteur, car des API ouvertes sur un logiciel fermé feraient aussi bien.
Ca sera d'ailleurs le prochain combat des licences libres. A l'heure du Cloud, les sociétés ne distribuent plus de logiciels et ne sont donc plus contraintes de publier les modifs faites en interne à du code GPL.
D'où l'intérêt de passer sur une licence AGPL pour les logiciels pouvant être utilisés en mode cloud :D
Modifié le 08/12/2023 à 11h57

Furanku

D'où l'intérêt de passer sur une licence AGPL pour les logiciels pouvant être utilisés en mode cloud :D
D'ailleurs l'idéal aurait été que la GPL soit révisée pour intégrer directement ce mode de fonctionnement là des logiciels.

Après je ne suis pas un expert juridique, donc il doit y avoir des subtilités qui font que l'on a vu émerger l'AGPL comme réponse.
Un logiciel fermé qui n'est plus maintenu ne tardera pas à avoir des failles de sécurité exposées. Donc non, des API ouvertes ne suffisent pas. Il faut pouvoir modifier le programme.
Le lien de téléchargement indiqué dans l'article https://cfeditions.com/ada/Zangemann ne fonctionne pas.
Merci pour cet article

Mihashi

Ha, grillé 😅 je l'ai signalé tout à l'heure via l'outil dédié, et je viens aussi de donner le bon lien

Dude76

Ha, grillé 😅 je l'ai signalé tout à l'heure via l'outil dédié, et je viens aussi de donner le bon lien
J'ai l'impression que le flux RSS est resté sur l'ancien lien.
(en attendant le fix de l'article :) )
lien pour acheter/télécharger la bd : https://cfeditions.com/ada/
Modifié le 08/12/2023 à 12h01
J'ai pris l'epub à lire ce week-end. Si j'aime le bouquin, Papa Noël offrira la version papier (car j'ai du mal à expliquer le libre avec des mots simples).
J'aime bien C&F Éditions, ils éditent (entre autres) Tristan Nitot :)
Je vois que le nouveau site fonctionne bien, même trop :)
Si la sword peut passer faire le ménage... Désolé du dérangement.
La même chose mais pour kubernetes
https://www.cncf.io/phippy/phippy-goes-to-the-zoo-book/
Egalement en vidéos https://www.youtube.com/watch?v=R9-SOzep73w
(d'autres aventures de phippy plus bas sur la page https://www.cncf.io/phippy/ )

Vous pouvez traumatiser vos enfants à vie :)
Modifié le 08/12/2023 à 14h53
Cela existe mais sans la surcouche woke ?
Le wokisme te pose t-il un souci ? Il sagit pourtant du respect des minorités, principe qui ne va pas super bien ces temps ci. Il n'y a que les extrémistes qui dénigrent cette pensée en essayant de lui donner une signification qui n'est absolument pas celle d'origine.
Les bouquins cités ayant un aspect militant, je ne vois pas le souci.
Au pire, tu trouveras de la littérature purement technique ailleurs, pas de souci :-) Mais il en faut bien pour tous les goûts.
Modifié le 10/12/2023 à 01h47
Par curiosité, qu’est-ce que tu trouves « surcouche woke » dans le conte ? C’est juste parce que c’est une fillette ?