Une sénatrice veut une autorité pour « préjuger » de l’illicéité des contenus du Net
La blague au doigt
Le 29 novembre 2016 à 13h35
4 min
Droit
Droit
Au travers d’une proposition de loi, une sénatrice prône l'instauration d'une autorité administrative indépendante qui statuerait sur l’illicéité (ou non) de contenus litigieux publiés sur Internet. Les hébergeurs, FAI ou moteurs de recherche qui suivraient ses avis – rendus au cas par cas – bénéficieraient d’une exonération de responsabilité.
Comment distinguer une blague vulgaire d’un acte de sexisme ? Juger que tels propos relèvent de la diffamation ou que d’autres font l’apologie du terrorisme ? Les hébergeurs sont souvent confrontés à des casse-têtes de ce type, la loi les obligeant à supprimer (et/ou à dénoncer aux autorités) de nombreux écarts de langage émanant de leurs utilisateurs : incitation à la haine raciale, négationnisme, discours homophobes...
On pourrait également parler du « droit à l’oubli » en vigueur en Europe depuis l’arrêt « Google Spain » de 2014. Pour le piratage, la problématique est similaire : les hébergeurs de fichiers (ou les plateformes de vidéos, à l’image de YouTube) sont tenus de retirer promptement tout contenu qui leur est signalé comme étant manifestement illicite.
Sauf qu’il y a parfois des erreurs – tant du côté de ceux qui notifient un contenu qu’ils jugent illégal, que de ceux qui ont la charge d’examiner ces requêtes. Aujourd'hui, seul le juge peut, en bout de course, dire si un contenu est licite ou illicite.
Des « requêtes en qualification » de contenus litigieux
Pour sécuriser le travail des intermédiaires, la sénatrice Nathalie Goulet vient toutefois de déposer une proposition de loi « portant création d'un Ombudsman [sorte de Défenseur des droits, ndlr] compétent pour qualifier le contenu sur l'internet de licite ou illicite ». Cette autorité administrative indépendante, composée d’un seul membre, issu de la CNIL, serait ainsi saisie de « requêtes en qualification » :
« Concrètement, cet Ombudsman interviendrait dans les cas où l’acteur de l’internet concerné par une demande de déréférencement, blocage ou suppression estimera ne pas posséder l’expertise nécessaire pour se prononcer avec certitude sur ladite demande. Le cas échéant, l’acteur de l’internet enclenchera la procédure en déposant une requête en avis auprès de l’Ombudsman, lequel devra rendre un avis définitif et non contraignant sur la qualification du contenu (illicite ou licite) sous 7 jours. »
Si le texte de l’élue UDI précise que l’Ombudsman n’aura « pas de compétence juridictionnelle », ses avis seront censés offrir une belle immunité aux demandeurs : « l’acteur de l’internet qui suit l’avis de l’Ombudsman bénéfice d’une exonération de responsabilité, tant au niveau civil que pénal », précise ainsi sa proposition de loi. En clair, Si l’autorité administrative indépendante dit que tel message litigieux ne relève pas d’un délit de diffamation par exemple, alors le réseau social qui l’aura maintenu ne pourra pas être attaqué en justice. L’auteur des propos pourra par contre faire l’objet de poursuites.
Exonération de responsabilité pour les intermédiaires
L’Ombudsman examinera chaque contenu « en exerçant un contrôle de proportionnalité entre le droit à l’information du public et le droit au respect de la vie privée et s’appuyant sur les dispositions pénales prohibant certains discours », poursuit le texte. L'institution sera en outre tenue au secret professionnel et ne pourra dévoiler ni l’identité de l’acteur de l’internet qui la saisit, ni celle de l’auteur du contenu litigieux.
« D’un point de vue pragmatique, fait valoir Nathalie Goulet, un régime d’exonération de responsabilité encouragerait les acteurs de l’internet à adopter un comportement proactif dans le traitement des demandes de déréférencement, blocage ou suppression sans craindre de subir des conséquences juridiques mais échappant également à un devoir de juger dans quelle mesure de telles demandes seraient constitutives d’une violation de la liberté d’expression. »
Restera maintenant à voir si cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour du Sénat, ce qui relève bien souvent du parcours du combattant. Le nombre de textes d’origine parlementaire est en effet bien supérieur à celui des créneaux disponibles...
Une sénatrice veut une autorité pour « préjuger » de l’illicéité des contenus du Net
-
Des « requêtes en qualification » de contenus litigieux
-
Exonération de responsabilité pour les intermédiaires
Commentaires (53)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 29/11/2016 à 14h08
C’est une approche assez pragmatique, mais un type tout seul, c’est en effet un inquisiteur…
Je pense qu’à 3, on est toujours mieux. Avec un juge, une personne mandatée par la cnil et un je sais pas trop quoi parce que trois c’est mieux, le troisième serait surement un représentant du gouvernement…
Et il en faut donc deux pour avoir une majorité, et ils pré-classent le contenu.
S’ils le classent inoffensif, l’hébergeur a son immunité, on décourage ceux qui voudraient porter plainte pour une idiotie et s’ils le classent autrement, la justice décidera (parce qu’elle seule peut décider, mais il faut éviter de la noyer).
Et aussi, on forme plus de personnel de justice en masse et dans 10 ans, la justice fonctionne super bien et peut s’occuper même des cas idiots.
Le 29/11/2016 à 14h09
Quand on lit on croirait presque que l’intention est louable
Mais rien que d’imaginer ce que nos chères élites françaises en feraient j’en ai froid dans le dos…
(Coucou les pirates " />, les pédonaziterroristes " />, les écolos un peu trop prolixes " />, les utilisateurs de Bitcoin " />)
Le 29/11/2016 à 14h11
Le 29/11/2016 à 14h12
Le pauvre type qui va devoir gérer des milliers de mails sous 7 jours, il sera rémunéré par demandé traité ou par le lance-pierre du smic ? " />
Le 29/11/2016 à 14h14
Le 29/11/2016 à 14h16
Le 29/11/2016 à 14h26
Un peu d’informations.
Nathalie Goulet : « sénatrice membre du groupe Union des démocrates et indépendants (ah quand même) ex-avocate radiée en janvier 2000 par le Conseil de l’ordre de Paris pour des manquements graves à la déontologie du métier d’avocat ». La politique est bien le refuge des fripouilles… oh me voilà flashée maintenant.
Le 29/11/2016 à 14h28
Quand je vois dans mon flux RSS un titre qui commence par “un sénateur (ou un député) veut” lié à un dépôt de loi ou d’amendement en lien avec le numérique, je m’attends à un gros tas d’âneries ainsi qu’à un essai de limiter la liberté d’expression d’une façon ou d’une autre.
Gagné !
Décidément, l’affirmation d’Asimov au sujet des gouvernements et politiques qui détestent les moyens de communication qu’ils ne peuvent maîtriser se vérifie toujours.
Le 29/11/2016 à 14h29
Elle ne devrait pas voir le droit de se présenter à des élections :-(
Le 29/11/2016 à 14h32
Ils en ont pas marre de créer des autorités à tout bout de champs." />" />" />
Le 29/11/2016 à 14h32
Dès que je vois écrit les mots “autorité indépendante” dans le cadre de ces thématiques, je sais pas, ca me file des boutons et j’ai mal aux impôts.
c’est grave docteur? :o
Le 29/11/2016 à 14h33
Le 29/11/2016 à 14h38
Le 29/11/2016 à 14h42
Le 29/11/2016 à 14h42
Le 29/11/2016 à 14h42
“Equilibrium - Censure EC-10”, nous y voilà tranquillement.
Vu la quantité de contenu disponible à tous chaque minute, va falloir embaucher.
Moi je propose d’aller plus loin : chaque pays du monde se dote d’une telle autorité administrative, qui valide ou non le contenu, puis autorise tout ou partie de ceux-ci à être mis à disposition du reste de la planète. Comme ça, on ne voit sur le NET que ce qui y est approuvé. Evidemment, chaque autorité nationale est libre d’accepter ou non le contenu validé par un autre pays.
Le 29/11/2016 à 13h45
pourquoi appeler ça “Ombudsman” : c’est juste un “grand inquisiteur” qui déclare ce qui est “hérétique” ou pas.
Le 29/11/2016 à 13h47
Quoi l’inquisition va revenir …. pourquoi pas un ministère de l’hérésie aussi ….
Le 29/11/2016 à 13h51
C’est fou ce que nos parlementaires font pour contourner la justice. Je trouve ça presque dangereux :(
Le 29/11/2016 à 13h51
Le 29/11/2016 à 13h52
Qu’ils arrivent à faire condamner un facebook ou un google pour “fourniture de contenus illégaux”, et on en reparlera.
Vive l’Inquisition, vive le moyen age !
Le 29/11/2016 à 13h59
J’aimerai bien que quelqu’un préjuge la taille des capotes pour savoir si elles sont conformes à mon attribut !
-> Non mais où va-t’on ????
Le 29/11/2016 à 14h01
J’aurai appris un mot du coup..
Sinon le job improbable à faire " />
Le 29/11/2016 à 14h06
Merci wikipedia pour la définition de Obudsman " />
Le 29/11/2016 à 14h08
Le 29/11/2016 à 14h42
Tiens, un retour au XIIIème siècle ??
On a déjà Hadopi qui nous a fait un énorme pas en arrière mais là, c’est un retour dans le passé antérieur…
Le 29/11/2016 à 14h48
Le 29/11/2016 à 14h52
Le 29/11/2016 à 14h53
j’imagine bien la commission se retrouver à regarder 200 000 twits par jour 100 000 messages facebook, 3 000 000 liens/URL et je parle même pas des commentaires sur les sites d’actualité …
Ils ont intérêt à prévoir du monde et des sacs à vomi " />
Le 29/11/2016 à 14h55
En gros ils cherchent un modo qui met sont slip par dessus son pantalon. " />
Le 29/11/2016 à 14h55
Et j’imagine bien la tête de la commission quand on leur enverra les liens sur ce que dit Trump … " />
Le 29/11/2016 à 15h07
Le 29/11/2016 à 15h12
Pourquoi ce n’est pas ceux qui demandent les retraits qui devraient faire valider leurs demandes par cette autorité ? Ca serait plus logique.
Le 29/11/2016 à 15h12
La grosse différence avec d’autres autorités, c’est que celle là ne va pas condamner l’entreprise qui fera une requête mais indiquer si le contenu est légalement dangereux pour l’entreprise. C’est une sorte d’assistance légale d’état.
C’est un certain confort face aux procédures judiciaires, puisque ça peut te prémunir de poursuites, ou te prévenir qu’elles ne sont pas à exclure.
On te dénonce un contenu, tu transmets à cette autorité, elle te répond si tu as un risque légal par rapport à ce contenu, tu es couvert légalement si elle te dit que le contenu n’est pas hors la loi.
Je trouve que ça permet de travailler plus sereinement pour les gens qui doivent modérer du contenu.
Si l’autorité dit que le contenu est potentiellement dangereux, on est de retour au système actuel, c’est tout, quelqu’un pourra intenter un procès contre l’auteur et ta plateforme pour ne pas l’avoir retiré, mais ça existe déjà !
Le 29/11/2016 à 15h12
Je sais pas ce qu’elle bouffe à la cantine du Sénat la Miss Goulet, mais j’en veux aussi !
Le 29/11/2016 à 15h17
Le 29/11/2016 à 15h20
Si l’autorité est contactable électroniquement, dès qu’un contenu est dénoncé sur ta plateforme, un modérateur de la maison peut demander transmission à cette autorité (ou sinon, ça le fait automatiquement), alors oui, ça fait faire quelques développements, mais quel hébergeur ne rêve pas actuellement d’obtenir la garantie qu’un contenu sur lequel il se pose des questions ne va pas lui causer des ennuis avec la justice ?
Ca n’est pas un doublon, c’est un filtrage préalable avec une garantie au bout. Sans la garantie (si l’autorité indique que le contenu comporte un risque), le passage par la case justice arrivera quand même s’il y a une plainte et les juges décideront ce qui doit l’être. Sinon, ce sont les hébergeurs qui doivent juger les propos des gens et les retirer ou pas, à mon avis, ça n’est pas leur boulot.
Le 29/11/2016 à 15h25
L’autorité n’a pas tous les pouvoirs du juge, elle ne peut pas condamner la plateforme ou l’auteur.
Condamner sans procès équitable, c’est grave.
Une plateforme qui reçoit de l’aide sur quels contenus comportent un risque et une garantie pour le reste, c’est quand même drôlement pratique quand tu dois trier les réclamations par rapport aux contenus que tu héberges.
Le seul pouvoir de cette autorité, c’est d’apporter une garantie, elle ne peut pas condamner.
Et en plus l’auteur reste responsable de ses propos, seule la responsabilité de la société est retirée en cas de garantie.
Le 29/11/2016 à 15h27
Sauf qu’ils ne peuvent pas forcer la plateforme à censurer, seule la justice pourra s’en occuper.
Je suppose qu’il y aura des sociétés pour suivre ce que dit cette autorité à la lettre pour se retirer tout risque légal, mais c’est mieux que ceux qui seraient tentés de supprimer tout le contenu qui est dénoncé pour supprimer tout risque légal.
Le 29/11/2016 à 15h32
J’imagine que cette chère sénatrice y aura elle même pensé, mais est-ce qu’une telle autorité n’existe pas déjà, et s’appelle “tribunal” ???
Le 29/11/2016 à 15h53
Je ne voit pas la proposition aussi négativement que les commentaires précédent. Actuellement une entreprise privé à plutôt intérêt à faire du zèle question censure. Quand le contenu est manifestement illégale ou légal, pas de problème. Mais quand c’est difficile de juger, il est plus logique de censurer au moindre doute pour éviter le risque juridique, quite à restreindre la liberté d’expression. Si on permet à l’entreprise d’éviter le risque juridique pour les cas borderline, alors il y a plus de chance que celle-ci fasse moins de censure.
Bien évidement, cela vaut si on considère que l’entreprise utilise ce moyen uniquement pour les cas qui lui ont été signalé comme problématique par son propre système de modération. Si elle le fait par défaut pour tous les contenus, alors oui, on sera dans un mode “inquisiteur” avec un regards sur tout ce qui est publié par cette autorité et donc plus de censure. Mais ce deuxième cas est une quasi impossibilité pratique vu les moyens prévu pour cette autorité. Celle-ci ne pourra être sollicité que sur les cas pré-analyser par le système de modération de l’entreprise.
Le 29/11/2016 à 17h09
Le 29/11/2016 à 17h30
Le 29/11/2016 à 17h59
Elle n’a plus qu’à écrire sa thèse comme Fredric Wertham et nos enfants iront brûler internet ?
Le 29/11/2016 à 18h05
Est il prévu une haute autorité pour juger de l’illicéité du contenu des automobiles afin de faire bénéficier d’une exonération de responsabilités les sociétés d’autoroutes qui suivraient ses recommandations ?
Le 29/11/2016 à 19h20
il parait qu’ils veulent réduire le nombre de fonctionnaires…si ca sert autant que la hadopi…quel intérêt…
Le 29/11/2016 à 19h21
Le 29/11/2016 à 19h33
Le 29/11/2016 à 20h13
Le 30/11/2016 à 09h47
Le 30/11/2016 à 11h00
Il n’est pas dit qu’il y a un changement de sa responsabilité vers une responsabilité plus importante qu’actuellement quand il est passé par l’autorité et que celle-ci lui répond qu’elle ne lui donne pas l’immunité sur le sujet.
Si ça devait être le cas, a changerait totalement mon avis sur cette proposition de loi.
Je reste sur ce que j’ai compris, le seul pouvoir est de donner l’immunité à l’hébergeur face à un contenu jugé inoffensif. Dans le cas contraire, on reste dans le système actuel, donc ça permet quand même de décharger une partie des risques liés au choix du retrait des contenus des épaules de l’hébergeur.
Le 30/11/2016 à 11h03
Je suis curieux de connaître les statistiques de contenus soumis à dénonciation auprès des plateformes…
C’est surement monumental, bah ils mettront les moyens, sinon, la bonne solution, c’est que sans réponse de l’autorité au delà d’un délai défini, l’hébergeur acquiert l’immunité, ça évite de casser le système.
Les auteurs seront poursuivis (puisque ça n’est jamais écarté), mais on laisse tranquille l’hébergeur.
Le 30/11/2016 à 17h14
Pas du tout.
Aujourd’hui quant M.Raleur envoie une notification à M.Hébergeur pour lui demander de retirer un contenu illégal de son site, soit H s’exécute, soit il risque d’être condamné si R attaque en justice et que le juge estime que le contenu était effectivement illégal.
Avec ce système, H aurait la possibilité de demander son avis à cette autorité, et si l’autorité dit que le contenu est légal, H pourra le conserver sur son site sans risquer d’être condamné (même si par la suite, R décide d’attaquer en justice, et gagne, ie le juge dit qu’en fait si, c’était illégal). Il ne pourra pas être reproché à H de ne pas avoir censuré le contenu.
Si H ne demande pas son avis à l’autorité, ou si l’avis de l’autorité est que le contenu est illégal, on revient dans la situation actuelle : H peut refuser de supprimer le contenu, mais il prend dans ce cas le risque d’être condamné s’il perd en justice.
Il y a peut-être des abus possibles qui m’échappent, mais a priori, c’est plutôt protecteur pour l’hébergeur.