Next INpact a réussi à se procurer l’une des premières évaluations de caméras-piétons, ces appareils embarqués dont sont dotées différentes équipes de police et de gendarmerie depuis 2013. Si les agents semblaient globalement satisfaits du dispositif, différentes remontées permettent de nuancer les discours de l’exécutif sur ce dossier.
Après une phase d’expérimentation, les caméras-piétons se déploient progressivement sur l’ensemble du territoire. À la fin de l’année 2015, les services de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police en comptabilisaient 1 584. Près de 400 appareils supplémentaires devaient par ailleurs être livrés au ministère de l’Intérieur l’année dernière.
Le gouvernement précédent, qui avait lancé la généralisation de ces caméras embarquées, en estimait le coût à 1,2 million d’euros par an (pour 1 000 caméras supplémentaires chaque année). Une addition à laquelle devaient se rajouter 150 000 euros pour les coûts liés au stockage des images réalisées par ces joujoux électroniques - valant normalement près de 1 200 euros pièce.
Pour justifier sa décision, l’exécutif mettait en avant « l’effet modérateur » de ces appareils portés au niveau du torse par les forces de l’ordre : « D’une manière générale, la captation d’images et de sons tend à dissuader les mauvais comportements et les écarts de langage des personnes contrôlées. » Mais qu’en est-il en détail ? N’existe-t-il pas des chiffres permettant de quantifier les prétendus bénéfices de ces caméras ?
Pour en savoir plus, nous avons demandé au ministère de l’Intérieur de nous transmettre ses rapports d’évaluation de ce nouveau dispositif. Faute de réponse, nous avons saisi la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), qui a donné une suite favorable à notre requête. Après deux mois d’attente, la Place Beauvau s’est résolue à nous envoyer une copie d’une « évaluation des caméras-piétons ».
De premiers retours plus contrastés que ce qu’avançait l’exécutif
Qu’y apprend-t-on ? Que « l’effet modérateur du dispositif » est effectivement « unanimement constaté » par la quarantaine de Directions départementales de la sécurité publique (DDSP) ayant été sollicitées pour évaluer leurs caméras-piétons. Ces dernières permettraient ainsi « d’apaiser une situation tendue ou qui tend à se dégrader ».
À Clermont-Ferrand, le service fourrière a même été doté de tels appareils en raison des difficultés et tensions fréquentes rencontrées par les fonctionnaires de cette unité. « Le résultat a été immédiat et a permis d’améliorer les conditions de travail des policiers », indique le rapport.
« D’une manière générale », poursuit le document, « la présence de la caméra piéton ne suscite pas d’inquiétude et n’a pas d’influence sur l’agressivité des personnes présentes lors de l’intervention. Au contraire, sa présence tend à dissuader les mauvais comportements et les écarts de langage des personnes contrôlées. » Par crainte d’être identifiés au travers des images et sanctionnés en bout de course, certains individus préféreraient en ce sens rester dans le droit chemin - au moins le temps de l’enregistrement.
Il y a toutefois un bémol, guère évoqué jusqu’ici par l’exécutif... « L’impact de la caméra sur la population n’est pas uniforme selon le contexte d’utilisation », nuance le rapport. Ainsi, « lors de certaines interventions, son utilisation peut engendrer des comportements agressifs, notamment dans un contexte de phénomènes de groupes ou lorsque le porteur de la caméra déclenche l’enregistrement en situation déjà dégradée ». Dans ce cas de figure, l’éclairage de l’écran avec retour vidéo visible par les personnes filmées s’avère même être parfois « ressenti comme une provocation par les individus et [peut] accentuer les tensions existantes ».
Différents problèmes pratiques
Même si les forces de l’ordre se disent satisfaites des effets induits par les caméras-piétons (sans qu’aucun chiffre ne soit toutefois donné par le ministère de l’Intérieur), les conclusions de cette évaluation insistent sur le caractère « encombrant » de ce nouveau matériel. Différentes difficultés d’ordre pratique et technique ont ainsi été remontées...
Tout d’abord, « l’immobilisation des caméras n’est pas totale et le système de portage de la caméra pourrait être encore amélioré, notamment en ce qui concerne l’ergonomie du harnais. La fixation unilatérale à l’épaule n’est pas satisfaisante pour les fonctionnaires chargés d’effectuer les enregistrements, ceux-ci craignant la chute du matériel dont le port demeure instable lors des interventions mouvementées. »
Plusieurs brigades ont d’autre part signalé des problèmes d’autonomie. Seule solution, si la charge de la batterie n’est pas suffisante : embarquer une deuxième batterie.
Concernant enfin la qualité des images et du son, différentes lacunes ont été identifiées. En cas d’enregistrement nocturne, « aucune exploitation des images ne peut être faite si les enregistrements ont été réalisés dans un endroit dépourvu d’éclairage public ou peu éclairé ». Quant à la restitution sonore, celle-ci est « parfois faible ou saturée », note le rapport (en contraste ainsi avec les propos de Manuel Valls, qui affirmait en mars 2014, lorsqu’il était ministre de l’Intérieur, que les images et le son étaient « de très bonne qualité »).
Des forces de l'ordre déjà en attente d'une doctrine d'utilisation
En guise de piste d’amélioration, le rapport souligne qu’une « bonne pratique consisterait à anticiper le déclenchement de la caméra ». Or on le sait, les caméras-piétons font l’objet de critiques en raison de leur activation par les forces de l’ordre... Policiers et gendarmes ne sont effectivement tenus de lancer l’enregistrement que « lorsque se produit ou est susceptible de se produire un incident, eu égard aux circonstances de l’intervention ou au comportement des personnes concernées ».
Des termes assez vagues, qui avaient notamment été décriés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Certains réclamaient d’ailleurs que les agents soient également contraints d’appuyer sur Rec à la demande des personnes concernées par une intervention... Chose qu’a refusée la précédente majorité.
Le ministère de l’Intérieur avait indiqué travailler à la rédaction d’une doctrine d’utilisation des caméras-piétons, qui n’a toujours pas vu le jour... Dans les conclusions de l’évaluation, on lit pourtant que celle-ci était déjà « très attendue par les DDSP ».
Le dossier n’est pas pour autant prêt d'être refermé. Conformément à la loi « Égalité et citoyenneté », une expérimentation est actuellement menée dans certains territoires afin que les forces de l’ordre activent systématiquement leurs caméras lorsqu’ils effectuent des contrôles d’identité. Le test, programmé jusqu’en mars 2018, donnera lieu à un nouveau rapport jaugeant de leur efficacité.
Commentaires (52)
#1
Le policier qui peut enregistrer quand bon lui semble, ça inspire confiance …
Ce qu’on trouve ici est instructif :
https://boingboing.net/?s=cop+plant
Des policiers sont trahis par leur caméra parce qu’elle enregistrent en permanence. Quand il appuis sur Rec, la caméra conserve plusieurs dizaines de secondes de vidéo prise _avant_ l’appui.
La seule configuration claire, net et non ambiguë, c’est l’enregistrement permanent et l’accès aux vidéo par toutes les parties (défense incluse). Quitte à ce que le policier se balade avec une batterie de camion ;-)
(prems ! Bon, facile, au mois d’août …)
#2
Un panneau solaire sur le dos, et c’est bon." />
#3
#4
les caméras-piétons font l’objet de critiques en raison de leur activation par les forces de l’ordre…
Ces caméras sont clairement là pour contre-balancer les vidéos prises au smartphone par les passants, contre-venants, militants, …
#5
Des termes assez vagues, qui avaient notamment été décriés par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Certains réclamaient d’ailleurs que les agents soient également contraints d’appuyer sur Rec à la demande des personnes concernées par une intervention… Chose qu’a refusée la précédente majorité.
Cool, on va pouvoir continuer à se faire insulter gratuitement.
#6
#7
#8
#9
http://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/bas-rhin/strasbourg-0/strasbourg-voiture-police-designee-voiture-plus-vetuste-france-1312917.html " />
#10
a moins que vous ayez invité une batterie d’un nouveau genre, ainsi qu’un stockage illimité apacher, il est pour l’instant irréalisable techniquement de maintenir l’enregistrement actif pendant la totalité d’une patrouille …
A partir de la il faut bien en effet qu’elle soit déclenchée manuellement, donc il y a toujours des gens qui retrouveront qqchse à dire
#11
1200 euros la caméra ça me paraît vraiment très cher. Je suppose que le contrat cadre généré par les appels d’offre était déjà bien généreux, mais là…
Prenons un appareil bien connu du grand public : une GoPro. La dernière en date permet de filmer en 4K à 30FPS je crois, et en full-HD 1080p à 120 FPS. C’est déjà trèèèèèès largement suffisant en termes de spéc optique/vidéo pour une utilisation par les forces de l’ordre. Elle coûte 400 euros en gros. Rajoutons à ça une carte SD de 128 Go en classe 10 U3, 100 euros.
On a un combo à 500 euros.
On rajoute 60% (+300 euros) parce que c’est du matos spécifique pour les forces de l’ordre, blah blah, peut-être même classe militaire : étanchéité, chiffrement du flux vidéo en live sur la carte SD (je suppose….. j’espère " />), batterie/autonomie, et la boîboîte qui va bien avec le harnais et tout.
Ça laisse encore beaucoup de marge je trouve : 50%. Et encore j’ai pris l’exemple de la GoPro, caméra où l’on paye énormément la marque plus que le hardware,à la Apple. D’autres marques sont déjà moins chère de base.
#12
as-tu très certainement compté les frais de mains d’œuvre/SAV/garantie sur plusieurs années derrière ? (habituel dans l’administration). Certes le tarif reste élevé, mais déjà plus explicable.
#13
Non, j’ai pas pris ça en compte en effet, mais je pense que cela ne rentre pas dans le prix d’achat. Il y a très certainement un budget séparé pour la maintenance. Quand bien même, comme tu le dis, ça reste un tarif élevé.
#14
#15
#16
#17
#18
C’est un commentaire de Hollande de 2014 qui à été complétement déformé.
#19
#20
#21
#22
une powerbank d’environ 10 000/ 20 000 mAh suffit pour enregistrer toute une patrouille/ journée et ce type de powerbank tiens dans la poche
#23
Rien n’interdit d’avoir sa propre cam " />
#24
#25
Tu n’es pas là depuis assez longtemps pour savoir qu’il ne te cible pas, mais qu’il essaie de rectifier les plus grosses conneries écrites ici. On est sur un site où les commentaires se doivent d’avoir une certaine tenue. Il y a plein de sites où tu peux écrire n’importe quoi, retourne y vite.
#26
#27
j’utilise régulièrement ma caméra embarquée , soit pour des timelapse de 24 heures ou plus , soit pour de longue balade en vélo et j’ai systématiquement une powerbank connectée à la caméra pour tenir toute la durée sans problème . le stockage n’est pas une problème dans la mesure où on ne stocke pas indéfiniment .
#28
#29
C’est pas faux " />
#30
#31
#32
Je n’ai jamais dit que c’était des travailleurs de nuit, juste qu’il leur arrivait de travailler la nuit. Et pas dans les proportions d’un policier. Je crois qu’on est d’accord du coup " />
#33
#34
#35
#36
#37
#38
Et elle ne travaillait qu’à l’établissement ? Parce que du travail le dimanche ou pendant les vacances à la maison, c’est du travail aussi pour moi.
#39
#40
Je ne vois pas en quoi filmer pose des problèmes à tous ces gens irréprochables.
D’autant plus que cela apaise leurs interlocuteurs.
#41
#42
#43
#44
#45
#46
#47
#48
#49
#50
#51
#52
Edith : la mise en forme de mon copier coller a volé en éclat, voilà un lien plus agréable à lire.
*
Voilà les contrôles en place :
Chapitre II Contrôle de l’action de la police et de la gendarmerieArticle R. 434-23 – Principes du contrôleLa police nationale et la gendarmerie nationale sont soumises au contrôle des autorités désignées par la loi et par les conventions internationales. Dans l’exercice de leurs missions judiciaires, la police nationale et la gendarmerie nationale sont soumises au contrôle de l’autorité judiciaire conformément aux dispositions du code de procédure pénale.Article R. 434-24 - Défenseur des droitsLa police nationale et la gendarmerie nationale sont soumises au contrôle du Défenseur des droits conformément au rôle que lui confère l’article 71-1 de la Constitution.L’exercice par le Défenseur des droits de ce contrôle peut le conduire à saisir l’autorité chargée d’engager les poursuites disciplinaires des faits portés à sa connaissance qui lui paraissent de nature à justifier une sanction.Lorsqu’il y est invité par le Défenseur des droits, le policier ou le gendarme lui communique les informations et pièces que celui-ci juge utiles à l’exercice de sa mission. Il défère à ses convocations et peut à cette occasion être assisté de la personne de son choix.Article R. 434-25 – Contrôle hiérarchique et des inspectionsL’autorité investie du pouvoir hiérarchique contrôle l’action de ses subordonnés.Le policier ou le gendarme est également soumis au contrôle d’une ou de plusieurs inspections générales compétentes à l’égard du service auquel il appartient.Sans préjudice des règles propres à la procédure disciplinaire et des droits dont le policier ou le gendarme bénéficie en cas de mise en cause personnelle, il facilite en toute circonstance le déroulement des opérations de contrôle et d’inspection auxquelles il est soumis.Article R. 434-26 – Contrôle des pairsLes policiers et gendarmes de tous grades auxquels s’applique le présent code en sont dépositaires. Ils veillent à titre individuel et collectif à son respect. Article R. 434-27 – Sanction des manquements déontologiquesTout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code l’expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant. Perso, je ne suis pas partisan d’un contrôle supplémentaire qui reste à mon sens totalement disproportionné par rapport aux situations problématiques.
Alors oui, ça aurait un côté pratique pour chaque fois qu’un type arguera de violences policières ou pour les dossiers d’outrage, mais je ne pense pas que ça vaille les aspects négatifs.