Alors que la fibre jusqu'à l'abonné grignote chaque trimestre des dizaines de milliers d'abonnés à l'ADSL. Au sein de FFDN, des fournisseurs d'accès associatifs cherchent une porte d'entrée vers ces nouveaux réseaux, encore inaccessibles pour ces petits acteurs.
Les fournisseurs d'accès associatifs, parmi les plus petits acteurs du marché des télécoms, s'interrogent sur leur avenir avec la fibre. La fédération FDN (FFDN), qui compte une trentaine d'opérateurs, pour plus de 2 000 adhérents et environ 1 300 abonnés, se cherche une place dans ce nouveau paysage, entre réseaux privés sur les zones denses (pour 57 % de la population) et les dizaines de réseaux publics de collectivités (43 % de la population sur 85 % du territoire).
« Pour l'instant, nous n'avons aucune garantie de survivre au passage à la fibre » pense Oriane « Quota atypique » Piquer-Louis, la présidente de la fédération. En 2022, 80 % de la population doit disposer de la fibre jusqu'à l'abonné (FTTH), pour 2,4 millions d'abonnés au premier trimestre. Si les associations en elles-mêmes devraient tenir, l'activité de fournisseur d'accès pourrait en pâtir.
« Pour FDN [French Data Network, le principal acteur de la fédération] en tant que FAI, oui, c'est crucial : l'ADSL va finir par être dépassé, on ne pourra pas continuer à avoir des abonnés si on ne fournit pas de FTTH. En tant qu'association, tant que FDN a des adhérent·e·s, FDN existe » poursuit la responsable. L'un des grands enjeux est l'accès aux réseaux publics, dont l'obligation de non-discrimination sur les contrats ne permettrait pas, aujourd'hui, de s'adapter aux plus petits acteurs.
La santé des FAI associatifs, « marqueur du respect de l'intérêt général »
Pour la fédération, une éviction de ses membres de la fibre est « tout à fait inquiétant ». Aujourd'hui, le marché est dominé par l'opérateur historique (voir notre analyse), qui compte pour plus des deux tiers de recrutement de clients en fibre, en embarquant notamment des abonnés ADSL de concurrents. « On est en train de refermer un marché vivace, qui a permis à une foule d'acteurs locaux d'exister, sur quelques gros acteurs qui n'ont pas la même capacité d'innovation » appuie FFDN.
Il serait donc nécessaire de défendre l'accès de ces petits acteurs aux réseaux FTTH, à la fois pour leurs offres « neutres » et pour leur statut de « poisson-pilote », avec des compétences particulières. La fédération se targue de fournir un regard unique, fondé sur les droits fondamentaux et une longue expérience. Elle répond aussi bénévolement à des problèmes locaux (comme les réseaux hertziens en zones blanches) ou en palliant les manquements des opérateurs commerciaux.
« La santé des associations que je représente est un des marqueurs du respect ou non de l'intérêt général sur ce marché. On est un peu des canaris, déclare Oriane Piquer-Louis. Si les plus petits meurent, les plus grands doivent quitter la mine. »
L'enjeu des réseaux publics
Les réseaux d'initiative publique (RIP), initiés par des départements et régions, sont la voie la plus évidente vers la fibre pour les FAI associatifs. Ces réseaux sont tenus à une obligation de non-discrimination, soit les mêmes conditions tarifaires pour l'ensemble des opérateurs qui veulent y proposer leurs offres. Or, pour FFDN, les conditions ne conviennent pas à des acteurs qui comptent quelques centaines d'abonnés sur toute la France, alors que Bouygues Telecom ou Free négocient avec les délégataires des réseaux publics sur des millions de lignes.
« Ça interdit toute disposition préférentielle en faveur des petits. Les gros montent sans problèmes les grosses marches d'investissement qui se rentabilisent au million de lignes, nous pas » résume la présidente de la fédération. L'organisation demande de l'équité, non une égalité stricte de traitement, qui refermerait le marché sur les opérateurs qui ont les moyens d'investir.
« Équité, c'est à chacun selon ses moyens, affirme la fédération. On considère qu'il faut qu'il n'y ait un maximum d'opérateurs qui accèdent au RIP pour diversifier l'offre, et donc on prévoit un catalogue différencié, en fonction des moyens de chacun, pour ne pas faire de discrimination sur les tarifs. »
Fabien Sirjean, président du fournisseur d'accès FDN, dit déjà travailler avec des réseaux publics, dans les régions où de potentiels abonnés se signalent. « FDN, c'est environ 250 lignes en France, ça n'en fait même pas deux ou trois par département » resitue-t-il. Les coûts d'entrée, l'investissement initial et les conditions d'opérateurs sur chaque réseau public sont souvent des problèmes pour des acteurs de sa taille, affirme l'association.
Les pouvoirs publics en ligne de mire
La fédération compte demander des portes de collecte à plusieurs réseaux publics dans les prochains mois. « Si jamais ils le veulent bien, tant mieux. S'ils ne veulent pas, on ira probablement voir le juge administratif. Ce sont des sujets complexes. J'ai bon espoir que d'ici quelques mois ou années, on arrive à faire bouger les choses » détaille Fabien Sirjean. « Si des offres viables y apparaissent, on essaiera d'y souscrire, si un FAI membre est dans la zone. Si ce n'est pas le cas, on étudie plusieurs pistes pour soulever les problèmes dans les contrats des délégations de service public » nous affirme, pour sa part, Oriane Piquer-Louis.
Au niveau national, l'organisation répond aux auditions et consultations publiques de l'Agence du numérique (qui pilote le plan France THD) et de l'Arcep, le régulateur des télécoms. Pour Fabien Sirjean, le travail juridique mené avec les Exégètes amateurs (qui attaquent notamment les lois sécuritaires avec La Quadrature du Net) a rapproché la fédération d'avocats et contribué à former les membres sur le vocabulaire juridique... Utile pour lire les schémas directeurs et contrats des réseaux publics.
Depuis quelques années, la FFDN recense ces documents. Désormais, elle serait mieux armée pour s'y plonger. « Oui, [la fibre] est un facteur-clé de notre survie sur le marché à long terme et oui, je vais travailler activement à ce que ça advienne. Mais en faisant ça, je vais plus loin que « demander » quelque chose pour assurer un avenir à mes associations, je vise l'intérêt général » revendique Oriane Piquer-Louis.
Parmi les sujets, le statut de « zone fibrée », que l'autorité des télécoms a récemment vidé de sa substance initiale. Pour la fédération, il faut être certains que plusieurs opérateurs puissent proposer leurs offres FTTH pour décerner ce titre, destiné à la communication commerciale des FAI et à celle des collectivités. « Je crois que ça prend une tournure constructive. Je ne sais pas si ça suffira, mais en tout cas on est très loin de parler à des murs » relève la responsable de FFDN.
« Ils sont tous bienvenus sur les réseaux publics »
Qu'en disent les réseaux publics ? Pour l'Avicca, la principale association de collectivités sur le numérique, une partie des difficultés des FAI associatifs résulteraient de l'absence d'offres activées sur certains réseaux publics. Une situation qui devrait changer.
« Force est de noter que sous l’impulsion des groupes de travail de l’Avicca, du régulateur, mais aussi du travail réalisé par la Mission THD dans le cadre du plan France THD, ces catalogues de services tendent à s’harmoniser. Et de toute façon, s’agissant des catalogues de service FTTH, ils sont désormais sous contrôle de l’Arcep et devraient être, à quelques détails mineurs près, tous identiques » nous répond Ariel Turpin, délégué général adjoint de l'association.
La solution n'est pas encore évidente, pour l'Avicca, qui évoque des marques blanches ou un nouveau type d'offres. La dérogation pour un type particulier d'acteur est « inenvisageable », ne serait-ce que d'un point de vue légal. La principale réponse reste d'ouvrir le dialogue. « Les collectivités, toutes confondues, ont pour rêve de commercialiser à 100 % leurs réseaux. Ils sont tous bienvenus sur les réseaux publics » assure Ariel Turpin.
Les catalogues de services des réseaux publics peuvent être aisément publiés, pense l'association, « sous réserve de s’assurer qu’il s’agit bien de la dernière version », édités en moyenne chaque année. L'article 9 de la décision 2015 - 0776 de l'Arcep (PDF) prévoit d'ailleurs que ces offres d'accès soient publiées sur le site de l'opérateur d'immeuble, ici le réseau public. Le message est envoyé.
Commentaires (25)
#1
Hé dire qu’a Lille, ça fait 3ans qu’iels montent un projet de FAI indépendant et que cela va prendre forme bientôt. Et c’est vrai que la fibre, ça change pas mal la donne.
RIP.
#2
Ils fourniront des VPN pour survivre mais c’est vrai que des FAI plein et entiers serait mieux.
Allons nous tuer le plus vieux FAI de France ??? (FDN)
#3
Ils serait temps qu’ils se regroupent pour ne former qu’un seul et unique FAI.
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C’est clairement refusé par les intéressés qui si ils grossissent, trop craignent de perdre l’aspect humain.
Toutefois, ils ont font une fédération de FAI: FFDN
#6
L’enjeu maintenant pour Internet, c’est la fibre, point.
Les FAI associatifs n’ont aucune raison de ne plus faire partie du paysage à cause de cette évolution technologique.
Et maintenant, au législateur de se bouger. À suivre !
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Ils ont dit qu’ils étaient associatifs … Pas qu’ils étaient une holding basée aux Caïmans
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#8
Il y aurait quoi à gagner à n’être qu’un seul FAI ?
De multiples initiatives locales est bien plus intéressant.
La démocratisation de la fibre chez le particulier n’enlève pas d’intéret à la FFDN. Le but de la ffdn n’est pas de faire de concurrence mais de fournir un service unique à ses membre : faire de l’Internet neutre.
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Mouais… Dans une zone sous RIP, c’est 4000 € de location de baie 1500 lignes + 600 € d’entretien de la baie par mois, 1000 à 2000 € de frais de service pour tirer la fibre quelque part où elle n’a jamais existé, 20 à 1200 € de frais mensuel pour le maintien de la ligne selon le débit choisi.
Rares seront les FAI associatifs à pouvoir financer ça, et le client final sera loin de paier le prix d’une fibre Red/Orange/Autre.
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Après… quand on souscrit à un FAI associatif, c’est par choix, pas pour le prix " />
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Un modèle que je verrais pour les FDN et assimilé, ce serait une fibre qui arrive dans l’immeuble, typiquement en 1Gbps, voire 10 Gbps, et qui terminerait en ethernet gigabit (mais il faut du câble de bonne qualité, du cat6 par exemple). Les FAI associatifs ont un intérêt si plusieurs personnes dans l’immeuble sont dedans.
Je n’ai aucune idée du montant des offres fibres pro, mais si tu payes par exemple 150 euros par mois pour ça, à partir de 5 abonnés, ça commence à être un prix comparable pour du THD.
Le FTTH, n’oubliez pas l’inconvénient du transcepteur qui chauffe vachement en plus d’être bien fragile.
(edit : là ils proposent moins cher que 150 : https://boutiquepro.orange.fr/internet-offres-fibre-orange-pro.html)
Vous en pensez quoi ? " />
#19
Un des intérêts d’un FAI alternatif c’est de gérer son réseau, et donc entre autres de pouvoir garantir une neutralité dudit réseau. Si ça passe par une fibre Orange on perd cet intérêt car ça passe par le réseau d’Orange.
#20
FDN loue déjà des capacités, par exemple chez SFR il me semble… donc il loue un réseau, il y a une collecte, et après c’est son réseau à lui.
Pour moi si FDN ou OVH loue une fibre Orange, pas de souci, ça permettrait des trucs sympas (IP fixe et vrai IPv6 fixe et gérable, Routeur de son choix ou mode bridge, etc…).
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Oui, c’est l’idée.
Je prenais les fibres pro pour une comparaison de prix, bien évidemment qu’il faut signer un vrai accord avec Orange.
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FDN loue forcément déjà de l’accès au réseau, sauf s’ils ont de la boucle locale à eux
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Bon, on va résumer.
La régulation du FTTH a été faite par et pour ceux qui ont su profiter de la régulation du dégroupage. Ce sont les seuls qui ont survécus : les autres sont morts ou ont été rachetés (oui bon, c’est pareil) ou survivent sur des idéaux.
Tous ces acteurs sont structurés pour une certaine dépendance à l’infrastructure passive du Dino-Pérateur.
Le cœur du marché, les 99% visibles, ces 4 Dino-Pérateurs ont besoin de maintenir une certaine stabilité : ils ne sont pas prompt au mouvement.
Du coup, les Nabot-Pérateurs n’ont pas de marché de collecte sur le FttH, et seuls les tunnels ne sont possibles tant que l’ARCEP ne s’est pas sorti les doigts du cul. Ou que le marché se soit réorganisé de façon à nuire à l’intérêt du public entre-temps.
Donc, coté FFDN, la stratégie est simple :
Ce n’est pas suffisant, et il faudrait que plus d’abonnés ou aspirants expriment leur intérêt pour du vrai nain-ternet à la maison, en THD, auprès du régulateur de l’inertie du marché télécom. Et ça se fait par l’adhésion à un FAI fédéré.