Europe : vers une obligation de suppression dans l’heure des contenus terroristes ?
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Le 20 août 2018 à 14h55
5 min
Droit
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Selon le Financial Times, la Commission européenne entend présenter une proposition de loi contre les contenus terroristes. Elle accentuerait la régulation en ce secteur, exigeant des sites un retrait dans l’heure sous peine de sanctions financières.
Comment lutter contre les contenus terroristes sur Internet ? Selon nos confrères, la Commission européenne envisage de présenter une proposition de loi pour accélérer le retrait de ces contenus trouvés sur les sites web.
Julian King, commissaire européen à la sécurité, chargé de la lutte contre le terrorisme et la criminalité, promet des mesures plus « énergiques », considérant que les intermédiaires techniques « n’ont pas assez progressé ». Ainsi, « nous ne pouvons pas nous permettre d’être détendus ou de faire preuve de complaisance face à un phénomène aussi sombre et destructeur ».
Ces positions peuvent faire croire que cet univers est sans foi ni loi. Une déduction fausse. Depuis des années, les États membres ont adopté de nombreux textes pour combattre ou prévenir la délinquance ou la criminalité en ligne. La France par exemple a mis en œuvre un système de blocage ou de déréférencement administratif des sites faisant l’apologie du terrorisme en février et mars 2015.
Autre exemple, depuis la loi du 13 novembre 2014, le fait de faire publiquement l'apologie de ces actes « est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende » voire sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende lorsque le canal de communication est Internet (article 421-2-5 du Code pénal).
La loi sur le renseignement a aiguisé les pouvoirs des services en autorisant une exploitation des données de connexion afin de détecter les signaux faibles du terrorisme. La loi sur la confiance dans l’économie numérique prévoit enfin différents leviers pour contraindre un hébergeur à retirer promptement ces éléments, au besoin en passant devant un juge.
Un retrait dans l'heure, sous peine de sanctions financières
Selon nos confrères, la Commission européenne envisagerait toutefois de pousser plus en avant ce mouvement en imaginant cette fois une obligation de retrait dans l’heure des contenus terroristes, outre des sanctions financières pour les retardataires.
Le sujet est tout sauf aisé. La gravité des infractions contraste en effet avec des faits parfois difficiles à qualifier. L’intermédiaire technique qui doit prendre une telle décision, bien plus rapidement qu’un juge, se retrouve confronté à des éléments flirtant sur la ligne rouge de la liberté d’expression. Comment dès lors éviter le risque de surblocage et autres atteintes aux libertés fondamentales, surtout lorsque plane le couperet de l’amende ?
L'information est à prendre avec des pincettes puisqu'aucun texte ni aucune position officielle ne confirme ces éléments. Cette obligation de retrait dans l’heure n’est toutefois pas vraiment une nouveauté.
Un tempo déjà suggéré par la France
En mars 2018, la commission avait déjà publié une série de lignes directrices, sous forme de recommandations. Considérant que les contenus terroristes sont les plus nocifs dans l’heure de leur diffusion, elle plaidait pour un retrait dans ce même laps de temps, à compter du signalement.
Elle suggérait aussi pour des mesures proactives, avec détections automatiques afin de retirer ces contenus et empêcher leur réapparition. Soit un vrai système de filtrage automatisé des flux.
Hasard ou coïncidence, un mois plus tôt, Édouard Philippe réclamait lui aussi une coopération beaucoup plus volontariste des plateformes, non sans menace. À l’issue du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), le premier ministre français exigeait des réseaux sociaux et autres acteurs tels que YouTube, la mise en place d’« outils automatiques d’identification et de retrait afin que les contenus puissent être retirés moins d’une heure après leur mise en ligne ».
Des positions à raccrocher directement au plan franco-anglais de juin 2017, gorgé de mesures de filtrages et autres listes blanches, dont on retrouve trace en septembre 2017 à Bruxelles.
Fait notable, en juin de la même année, la Commission européenne tirait un premier bilan annuel du code de conduite signé avec Facebook, Twitter, YouTube et Microsoft. Le réseau de Mark Zuckerberg était alors félicité pour des retraits... dans les 24 heures après signalement.
Une délicate remise en cause de la directive de 2000
Cette nouvelle législation dédiée au terrorisme ou à la lutte contre les contenus illicites (terme beaucoup plus vaste) va nécessairement remettre en cause le socle de la directive de 2000 sur la société de l’information.
Ce texte oblige déjà les hébergeurs à supprimer rapidement, mais sans durée détermine, les contenus manifestement illicites signalés dans leurs serveurs. L’article 15 du texte interdit néanmoins aux États membres d’imposer aux prestataires « une obligation générale de surveiller les informations qu'ils transmettent ou stockent, ou une obligation générale de rechercher activement des faits ou des circonstances révélant des activités illicites ».
Soit à peu près l'opposé de ce que soutiennent aujourd’hui la France et la Commission européenne. Le sujet devrait nécessairement interesser l'industrie culturelle, l'article 15 étant un lourde contrainte dans la réforme actuelle de la directive sur le droit d'auteur, bientôt de retour au Parlement européen.
Europe : vers une obligation de suppression dans l’heure des contenus terroristes ?
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Un retrait dans l'heure, sous peine de sanctions financières
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Un tempo déjà suggéré par la France
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Une délicate remise en cause de la directive de 2000
Commentaires (22)
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Abonnez-vousLe 20/08/2018 à 14h58
vive les barbus qui écrivent des livres pour promouvoir la cuisine locale
Le 20/08/2018 à 15h10
" /> avec le titre j’avais compris qu’ils voulaient supprimer l’horodatage des messages terroristes ou communiqués " />
vite un café
Le 20/08/2018 à 15h12
Le 20/08/2018 à 15h15
en relisant, ça aurait été “de l’heure”, donc j’ai juste la cervelle en compote " />
Le 20/08/2018 à 15h19
Le 20/08/2018 à 15h20
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Le 20/08/2018 à 15h25
Le 20/08/2018 à 15h43
Le 20/08/2018 à 16h22
Si l’info est exacte, et c’est à craindre au regard de la philosophie des textes qui sont en discussion, outre le fait que les filtres des grosses plateformes vont être en mode “tout dézinguer au moindre doute”, les petites plateformes seront incapables de tenir un tel rythme;
. financièrement, elles ne pourront pas mettre en place la techno de filtrage automatique-concon,
. humainement, elle ne pourra pas assurer un filtrage dans les 24h.
La réglementation existante, si on veut bien se donner la peine de l’appliquer, est largement suffisante, mais non on veut de l’automatique, peu importe qu’une telle techno sabre des faux positifs et qu’au passage seules les grosses plateformes soient en mesure de se mettre en conformité.
Finalement et devant de telles évidences on peut se poser la question; sous le légitime but de lutter contre le terrorisme, est-ce qu’on veut pas déstabiliser l’écosystème des petites plateformes au seul bénéfice des géants du net, afin de s’assurer de pouvoir y policer toute publication?
Ils ne pourraient pas mieux s’y prendre pour donner du grain à moudre à tous les complotistes…
Le 20/08/2018 à 16h36
C’est toujours pareil, que ce soit vis-à-vis de la propriété intellectuelle ou de la lutte contre le terrorisme, les arguments contre sont les mêmes. Détecter les contenus de manière assez précise nécessite des ressources qu’un petit acteur ne peut avoir et la détection ne sera sans doute jamais parfaite peu importe les ressources investies (notamment vis-à-vis de la caricature, où souvent il faut suivre l’actualité pour pouvoir réellement faire la part des choses à mon avis).
Le 20/08/2018 à 17h35
Considérant que les contenus terroristes sont les plus nocifs dans l’heure de leur diffusion, elle plaidait pour un retrait dans ce même laps de temps, à compter du signalement.
Ce n’est pas contradictoire ? En gros, on les retire lorsqu’ils ont perdu leur efficacité …?
Elle suggérait aussi pour des mesures proactives, avec détections automatiques afin de retirer ces contenus et empêcher leur réapparition. Soit un vrai système de filtrage automatisé des flux. Hum - j’imagine déjà les ayant-droits saliver devant un tel dispositif… - je ne vois pas comment un tel filtre pourrait avoir la moindre efficacité sans un très au niveau de faux positif…
A ce propos, et “curieusement”, il n’est pas fait mention des signalements à tord et des indemnités (ou contreparties) dans ce cas de figure.
=> Si il n’y a pas de compensations, un tel outil (sous réserve qu’il voit le jour) sera très vite largement utilisé par les services de l’état… c’est pas comme si il n’y avait pas eu de précédents ! (Et puis quand on a qu’un marteau, tout ressemble à un clou)
Le 20/08/2018 à 17h39
Il faudra tout de même faire attention à ce que la Commission européenne définit comme contenus terroristes…. 🤔
Le 20/08/2018 à 19h09
Le viol est horrible
« nous ne pouvons pas nous permettre d’être détendus ou de faire preuve de complaisance face à un phénomène aussi sombre et destructeur ».
Donc fichons l’ADN de tous les Français
Le 20/08/2018 à 19h53
Le 21/08/2018 à 10h09
Dans pas longtemps ça va chi*r pour les écolos, les gauchistes, les bracos et les petits dealers de shit, alors, apparemment ? Enfin, si on se réfère à la pratique française en matière de « « « terrorisme » » »…
https://wiki.laquadrature.net/%C3%89tat_urgence/Recensement
Le 21/08/2018 à 13h07
On voit bien que celle qui a demandé ce filtrage n’y connais rien en informatique, “oui faite ca automatiquement dans l’heure”, sans se rendre compte que c’est quasiment impossible a faire, le résultat, va être des instance de server alternatif dans des pays qui n’ont pas a suivre cette règle, et aurevoir le système de filtre (car oui si cela passe seul les ip européenne seront touchée, donc un VPN plus tard, et tu sera pas filtré).
Le 21/08/2018 à 14h05
La langue de bois est terrible
« nous ne pouvons pas nous permettre d’être détendus ou de faire preuve de complaisance face à un phénomène aussi sombre et destructeur ».
Donc fichons l’ADN de tous les Français politiques
Le 21/08/2018 à 14h09
Sans oublier le remplacement de terroristes par pirates/faux/illégaux/ajouter la mention qui “gène” " />
Le 23/08/2018 à 08h25
Avec les questions de fond : qu’est-ce qu’un “contenu terroriste” ? Et qui décide ce qui est “terroriste” ?
Je rappelle que dans certains pays pas si géographiquement éloignés, “terroriste” = “tout ce qui s’oppose à la volonté du gouvernement”.
Le 23/08/2018 à 14h24
Articles 421 du code pénal.
Le 26/08/2018 à 15h38
Constituent des actes de terrorisme, lorsqu’elles sont intentionnellement en relation avec
une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l’ordre public
par l’intimidation ou la terreur,…..
jusque là…..ça va (c’est du bon-sens), mais c’est après que ça se gâte………
2° Les vols, les extorsions, les destructions, dégradations et détériorations,
3° Les infractions en matière de groupes de combat et de mouvements dissous définies par les articles 431-13 à 431-17
4° Les infractions en matière d’armes, de produits explosifs ou de matières nucléaires définies par les articles 222-52 à 222-54,322-6-1
6° Les infractions de blanchiment prévues
blablabla….
Le 26/08/2018 à 18h50