Les associations de consommateurs menacent de quitter la Commission Copie privée
#Dallas
Le 30 octobre 2019 à 15h33
10 min
Droit
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Nouveau couac au sein de la Commission Copie privée. La plupart des représentants de consommateurs pratiquent la chaise vide depuis plusieurs séances maintenant. Une démission collective est envisagée, à l'instar des fabricants et importateurs en 2013. Explications et témoignages.
La commission administrative chargée d’élaborer l’assiette et les montants de la redevance sur les supports vierges est théoriquement composée de 24 membres. Ses ardents défenseurs aiment à dire qu’elle est une structure paritaire, avec d’un côté 12 bénéficiaires ayants droit (SACEM, SACD, SPPF, SCPP, etc.) et de l'autre, 12 redevables.
Ces redevables sont toutefois divisés en deux groupes : d’un côté, six consommateurs, de l’autre, six représentants des industriels. 12 contre 6 + 6. Il suffit d'une voix pour que les 12 ayants droit voient leurs positions consacrées. Une organisation paritaire à l’équilibre subtil, où la division facilite le règne. Et quel règne !
L'instance abritée par le ministère de la Culture détermine le poids de la « rémunération » (ou redevance) que les titulaires de droits vont eux-mêmes percevoir via leur société civile, Copie France sur... les smartphones, tablettes, hybrides, disques durs externes, box, clefs USB, cartes mémoires et autres GPS à mémoire.
Depuis plusieurs séances, une crise frappe l’institution : la quasi-totalité des consommateurs ne vient plus, laissant les 6 industriels tentés de négocier, contre argumenter, « rivaliser » avec le mur des 12 ayants droit. Cette désertion n'est pas récente.
Des absences, des courriers sans réponse
Le 9 juillet dernier déjà, Stella Morabito, représentante de l’Afnum faisait part de ses regrets quant au « manque de participation des représentants des consommateurs aux travaux de la commission ». Elle avait questionné le président de l’instance administrative sur les actions à mener.
Jean Musitelli lui a simplement indiqué « regrette[r] également l’absence de tout représentant du collège des consommateurs aux travaux de cette séance ». Il a révélé que « les courriers qu’il a adressés aux représentants des consommateurs sont restés sans réponse », promettant de faire envoyer des relances aux membres du collège déserté.
Le 19 avril 2019, Chantal Jannet, qui représente l’association Familles Rurales au sein de ce collège, avait elle-même pointé l’absentéisme de ses collègues, non sans une piste explicative : « les organisations représentant les consommateurs ne considèrent pas la copie privée comme une priorité, car ils n’ont pas le sentiment de peser sur les décisions ». Pour elle, la solution serait de faire évoluer la structure de la commission « afin de mettre en place trois collèges disposant du même nombre de sièges (consommateurs, ayants droit et industriels) ».
« Procès d'intention »
Une position qui « gêne » Idzard Van der Puyl, l'un des représentants de Copie France, en ce qu’elle « remettrait en cause l’équilibre structurel de la commission ». Ainsi, « le risque [serait] d’aboutir à des systèmes de négociations bilatéraux (ayants droit/redevables directs), comme cela est le cas dans beaucoup d’autres pays », préférant donc les charmes de l'organisation non-bilatérale 12-6-6. « La représentation des consommateurs est mal assurée, a tout autant estimé le président de la commission, en précisant le fond de sa pensée : « la responsabilité en revient aux premiers intéressés ». Et donc aux associations absentes.
Un peu plus tôt, en février 2019, Chantal Jannet fit part de son amertume : après des années de participation aux travaux, elle a le sentiment profond « que le collège des ayants droit constitue un bloc soudé et qu’il est difficile pour les consommateurs et les industriels d’imposer une décision, d’autant plus qu’elle estime que le président a souvent voté avec le collège des ayants droit ». « Procès d’intention » lui rétorqua Jean Musitelli, épaulé par... les ayants droit.
« Nous n'avons plus personne » (depuis le printemps 2019)
Quoi qu’il en soit, depuis plusieurs séances, les sièges des « conso » se sont bien vidés. L’Association Force Ouvrière Consommateurs (Afoc), membre de la commission nous indique que les deux personnes qui étaient chargées de la représenter « ont démissionné de l’association, en conséquence, nous n’avons depuis plus personne dans la commission ». Cette démission ne date pas d’hier. Martine Derobert et Fabien Bilquez, titulaire et suppléant, ont quitté l’Afoc respectivement à l’automne 2018 et au printemps dernier.
L’Association de défense, d'éducation et d'information du consommateur (Adeic) ne siège plus non plus. « J’ai assisté aux premières séances pour prendre la température, ensuite, l’une de nos représentants y siégeait. Elle a cependant retrouvé son poste d’enseignante » nous indique Patrick Mercier, président, avant de préciser lui aussi n’avoir « trouvé personne pour lui succéder ».
Des associations-alibis
Depuis plus d’un an et demi, l’association n’occupe plus son siège. « Nous sommes actuellement en recomposition, le sujet de la copie privée n’a pas passionné les militants » nous avoue-t-il. « À titre personnel, je pense que les associations de consommateurs sont un alibi, une caution morale où tout se passe entre les deux structures prépondérantes, avec des négociations pour savoir qui va empocher le plus ». Il reconnaît en outre que le monde associatif souffre financièrement. « Les subventions et les cotisations diminuent, on se retrouve avec moins de possibilités ».
Du côté de Familles Rurales, Chantal Jannet nous fait part de son « énorme lassitude » face à des travaux « chronophages ». « Cela fait neuf ans que j’y suis et je trouve qu’on ne sert à rien. Les associations sont de plus en plus des cautions et on a moins en moins de possibilités d’intervenir sur le fond. Nous sommes par ailleurs très demandés dans de multiples commissions et autant choisir celle où notre présence peut apporter un plus ». Ambiance.
Le code et son application
Voilà en tout cas trois réunions où les absences sont encore plus flagrantes. Selon l’article R.311 - 6 du Code de la propriété intellectuelle, « est déclaré démissionnaire d’office par le président tout membre qui n’a pas participé sans motif valable à trois séances consécutives de la commission ».
En droit, « l'emploi du présent de l'indicatif [a] valeur impérative », rappelle la décision n° 2007 - 561 du Conseil constitutionnel du 17 janvier 2008 (considérant 17). La logique voudrait donc que ces absences répétées débouchent sur une démission d'office. Dura lex, sed lex.
La Commission Copie privée profite toutefois de l'interprétation généreuse de son président. Celui qui fut à la tête de l’Autorité de régulation des mesures techniques (ARMT) a fait connaître son interprétation pas plus tard qu'en janvier 2019 : il hésitera toujours à activer cette procédure « dans la mesure où il est très difficile de trouver des associations de consommateurs disponibles afin de participer aux travaux de la commission ».
Il s’est donc contenté d'adresser des vagues de courriers aux associations absentes, réduisant la disposition du code à une simple option, une politesse.
La menace d'une démission en bloc
Désormais, la situation est telle que plane la menace d’une crise plus béante encore. « Nous envisageons une démission collective » nous confie l’Afoc, qui considère que la composition comme le fonctionnement de la commission ne permettent pas de défendre convenablement les intérêts des consommateurs.
L’Adeic n’a pas pour habitude de quitter les instances où elle est conviée, admet-elle, toutefois « en cas de démission en bloc, nous démissionnerons également ». Une démission est bien « en réflexion » ajoute Chantel Jannet, de Familles Rurales.
Nous avons tenté de joindre le représentant de la Confédération nationale des associations familiales catholiques, vainement. Plusieurs membres nous ont cependant indiqué qu’elle n’était plus vraiment représentée. Même tentative infructueuse du côté de la Confédération syndicale des familles. Notre tour de table des consommateurs a été plus fécond auprès de l’Association pour l'information et la défense des consommateurs salariés (Indecosa-CGT).
Une association de consommateurs sensible aux 25 % de la copie privée
Franck Lavanture, son actuel représentant, n’est arrivé qu’au printemps à la table de la commission. Il nous concède donc ne pas bien connaître encore ce sujet technique. Lors d’une dernière réunion, ce membre en formation nous affirme avoir tout de même soulevé une question : « qu’est-ce que la collecte rapporte au consommateur indirectement ? ».
Aux antipodes des positions des autres membres du collège, cette interrogation vient relativiser le poids de la redevance sur le porte-monnaie des consommateurs. Sur l'autre plateau de la balance, il faudrait en effet tenir compte des avantages indirects qu’ont ou auraient les consommateurs.
Pour mémoire, un quart des sommes amassées sont réinjectées par les sociétés de gestion collective notamment dans le financement des festivals, soit 70 millions sur 277 millions collectés en 2018 (notre actualité). Et ces festivals sont forcément appréciés des consommateurs. Le fameux cercle vertueux.
Il fait d’ailleurs un parallèle avec le CNC, « si décrié, mais qui grâce à une taxe sur prix du billet, permet de financer la production française ».
Pour obtenir les coordonnées de l'intéressé, le parcours a été un peu celui du combattant perdu dans une drôle de tuyauterie. L’Indecosa-CGT nous a invités à appeler la Fédération nationale des syndicats du spectacle du cinéma et de l’audiovisuel et de l’action culturelle (la Fédération du Spectacle CGT), laquelle nous a renvoyé devant le SYNPTAC-CGT, le syndicat des professionnels du théâtre et des activités culturelles.
Pour contextualiser, Franck Lavanture reconnait avoir œuvré préalablement « dans les organismes sociaux de l’action culturelle », mais il insiste : Indecosa-CGT est bien la porte-parole des consommateurs.
Son prédécesseur avait déjà tenu un discours encore plus directement favorable à la ponction. En 2018, alors qu’était ausculté le barème sur les smartphones, Patrice Bouillon avait plébiscité la proposition de tarifs des ayants droit, soulignant que finalement, « le niveau de la RCP n’est pas si élevé lorsqu’on le ramène au prix d’un smartphone ou d’une tablette ». Et le membre d'Indecosa de viser « un équilibre afin que les acteurs de la création soient rémunérés de façon équitable ».
En 2017, selon les flux indexés par la plateforme AidesCreation.org, l’Adami, une des sociétés percevant la redevance, avait versé 89 628 euros au titre de la Convention SFA-CGT. En 2016, cette fois en « soutien aux actions de défense des droits des artistes-interprètes », la même Adami avait attribué au même SFA-CGT un chèque de 88 495 euros. Selon le site officiel, « le SFA est le syndicat professionnel des artistes dramatiques, chorégraphiques, lyriques, de variété, de cirque, des marionnettistes et des artistes traditionnels. Il est affilié à la Fédération du Spectacle CGT et à la Fédération Internationale des Acteurs ».
Les associations de consommateurs menacent de quitter la Commission Copie privée
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Des absences, des courriers sans réponse
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« Procès d'intention »
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« Nous n'avons plus personne » (depuis le printemps 2019)
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Des associations-alibis
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Le code et son application
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La menace d'une démission en bloc
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Une association de consommateurs sensible aux 25 % de la copie privée
Commentaires (56)
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Abonnez-vousLe 31/10/2019 à 09h31
Le 31/10/2019 à 09h37
Le 31/10/2019 à 09h39
Le 31/10/2019 à 10h17
UFC-que choisir a refusé de siéger, en raison du déséquilibre de cette commission
Le 31/10/2019 à 10h41
Le 31/10/2019 à 12h06
Le 31/10/2019 à 14h24
Y a l’arsenal de la salle B4 pour servir.:)
Le 31/10/2019 à 14h29
Le 31/10/2019 à 20h12
Je suis d’accord, c’est seulement que la comparaison avec le “racket de rue” (l’impôt a une légitimité, l’arnaque ou le racket, c’est la loi du plus fort et c’est de l’arbitraire) et parler de “devoir citoyen” en parlant de piratage n’a pas de sens (le piratage pourrait être de la désobéissance civile ou de la rébellion à l’impôt). Mais bon, j’ai peut-être mal compris le 1er commentaire.
Ce n’est pas seulement de la sémantique. C’est savoir définir de quoi on parle, sinon on finit par ne pas se comprendre mutuellement et par ne pas se comprendre soi-même. Bref, je suis peut-être encore trop légitimiste.
Le 01/11/2019 à 01h51
Le 01/11/2019 à 09h32
Le 01/11/2019 à 13h50
Le 01/11/2019 à 22h47
Cette commission n’est qu’un jeu de dupes, une farce. Les participants savent tous comment ça finit, les ayant-droits votent leur barème à la fin. Les politiques au mieux s’en fichent, au pire sont complices de cette mascarade (et peut être plus cyniquement s’imaginent que ce genre de commissions équivaut à la démocratie …)
Quand aux associations de consommateurs, que dire sinon je doute fortement que famille de france soit vraiment au service de tous les consommateurs, de même que l’Indecosa CGT soit capable d’avoir un avis différent de la CGT (il suffit de lire le site de cette association…) ou qu’elle défende vraiment les consommateurs.
Je ne suis pas même convaincu que toutes les associations de consommateurs démissionneraient vraiment et réellement.
Bref, je crois que cette commission est pourrie jusqu’à la moëlle !
Le 02/11/2019 à 09h00
Le 02/11/2019 à 09h28
Le 02/11/2019 à 13h25
Le 30/10/2019 à 15h38
Pour elle, la solution serait de faire évoluer la structure de la commission « afin de mettre en place trois collèges disposant du même nombre de sièges (consommateurs, ayants droit et industriels) ».
Faut pas rêvez, les AD ne changerons pas ce système facilement." />
Le 30/10/2019 à 16h01
Le Racket Pour Copie privé a de beau jours devant lui … " />
Le 30/10/2019 à 21h04
Pour foutre le bordel, il faudrait des lecteurs de nxi sois membres des associations et des représentant des industriel." /> Y aurai de l’ambiance." />
Le 30/10/2019 à 21h32
" /> " /> Vaut mieux pas, la discussion tournerait court et ça finirait en baston. " />
Le 30/10/2019 à 21h33
Ça vous branche un partage de toutes les partions de Brassens et de tous les textes de ses chansons? C’est un pote de mon daron qui bossait à la SACEM qui les a illégalement imprimé et distribué à tous ces potes (en gros tout le club du PUC en sachant qu’il y a des équipes de foot, de rugby, de hand, de grs …ça ne fait que 1000 personne par année). Faudrait que je mate parce que pour les musiques c’etait sur k7 à l’epoque et mon vieux en a tout un mur (bon va falloir que je numérise)
C’est pas du piratage c’est gracieusement offert par la SACEM dans son esprit de partage de la culture
Le 30/10/2019 à 22h11
Le 30/10/2019 à 22h43
Le 30/10/2019 à 22h54
Le 30/10/2019 à 23h17
Le 31/10/2019 à 05h58
Le 31/10/2019 à 07h01
C’est moi ou toutes les associations de consommateurs citées sont presqu’inconnues du grand public? Ils sont où les ufc et 60 millions?
Le 31/10/2019 à 08h03
Le 31/10/2019 à 08h20
Cela ma fait penser à la fin d’iron sky.:)
Le 31/10/2019 à 08h40
La CGT qui défend une taxe, c’est assez logique quand même.
Le 31/10/2019 à 08h45
Le 31/10/2019 à 08h48
Le 31/10/2019 à 08h58
Copie France aurait 10 sièges sur 12 représentants des bénéficiaires ? et sur 24 membres (+le président) de la commission ?
Le 31/10/2019 à 09h24
Il y a quand même une enorme différence entre l’augmentation du gaz, essence, taxe fonciere, … qui correspondent à un service ou un produit fournit et cette CP qui ne fait qu’engraisser ces dinosaures d’ayant droits sans aucun bénéfice pour le consommateur derrière.
Le 30/10/2019 à 16h09
Au fait les 25% n’avaient pas été déclaré parfaitement illégal par l’Europe car n’ayant rien à voir avec la compensation à la copie privé, et ne serait qu’un moyen pour “acheter” les élus locaux ?
Le 30/10/2019 à 16h12
Source, jamais entendu parler de cela." />
Le 30/10/2019 à 16h13
Le 30/10/2019 à 16h29
Ils devraient voter un barème a 10€ le Go quelquesoit le media, comme ca, le marché serait complètement bloqué, et on repartirait sur de bonne base. Des “actions” comme ils le font est contre-productif. Soit on fait, soit on fait pas. Éventuellement, la démission de tout les membres comme indiqué pourrait-être utile.
Le 30/10/2019 à 16h37
Depuis plus d’un an et demi, l’association n’occupe plus son siège. « Nous sommes actuellement en recomposition, le sujet de la copie privée n’a pas passionné les militants » nous avoue-t-il.
Et dire qu’il suffirait que Marc adhère à une de ces assos pour avoir son siège… " />
Le 30/10/2019 à 16h37
A 10€ le Go , la ballade hors des frontières et rentabilisé." />
Le 30/10/2019 à 16h39
sous titre de compétition " />
Le 30/10/2019 à 16h57
Enfin.
Le 30/10/2019 à 17h02
Autant utiliser le différentiel pour faire un peu de tourisme.
Le 30/10/2019 à 17h11
Il pourrait même arriver à faire démissionner les ayants-droits pour notre plus grand plaisir et nous sortir un article exclusif après chaque séance. " />
Le 30/10/2019 à 17h40
ceux qui représentent quelques dizaines de millions de consommateurs sont 6
ceux qui représentent quelques dizaines de milliers d’ayant droit sont 12
Bof ce ne sont que des histoires de 0
" />
Le 30/10/2019 à 17h49
Le 30/10/2019 à 20h07
Le 30/10/2019 à 20h10
Ce dernier paragraphe " />
Le 30/10/2019 à 20h12
Le 30/10/2019 à 20h14
Le 04/11/2019 à 15h11
Le 04/11/2019 à 17h31
Le 04/11/2019 à 18h20
Très bon choix de l’INDECOSA de faire siéger un représentant des bénéficiaires de la redevance, ça rééquilibre une mascarade commission qui en avait bien besoin !
Corporatisme, quand tu nous tiens…
Le 05/11/2019 à 08h56
Le 05/11/2019 à 09h01
Le 05/11/2019 à 09h40