Droit à l’oubli mondialisé : la CNIL rejette le recours gracieux de Google
En route pour le contentieux ?
Le 21 septembre 2015 à 09h00
5 min
Droit
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Sans surprise, la CNIL a rejeté le recours gracieux formé cet été par Google. Elle campe donc sur ses positions, refusant que le droit au déréférencement soit limité à l’Europe, comme le voudrait l’entreprise américaine, mais bien porté à l’échelle mondiale.
Le 13 mai 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a reconnu à tous les citoyens européens un droit à l’effacement ou au déréférencement (baptisé parfois « droit à l’oubli ») dans les moteurs de recherche. Il leur suffit de justifier que ces intermédiaires aient référencé des données personnelles inadéquates, non pertinentes ou inopportunes pour pouvoir exiger un tel nettoyage.
Outre ces critères flous, le sujet a fait l’objet d’un bras de fer entre la CNIL et Google. Dans sa grille de lecture de l’arrêt, l’entreprise américaine estime que le déréférencement doit être uniquement limité aux versions européennes de son moteur. La CNIL a une vision plus ambitieuse, estimant que le déréférencement doit être mondial. En juin 2015, elle mettait ainsi en demeure Google de s’y conformer.
Google avait exercé un recours gracieux que la CNIL vient tout juste de rejeter. « La société Google a reçu plusieurs dizaines de milliers de demandes de citoyens français. Elle a procédé au déréférencement de certains résultats sur les extensions européennes du moteur de recherches (.fr ; .es ; .co.uk ; etc.). En revanche, elle n’a pas procédé au déréférencement sur les autres terminaisons géographiques ou sur google.com, extensions que tout internaute peut consulter alternativement » rappelle aujourd'hui la Commission.
La CNIL milite toujours pour un droit à l'oubli mondial
Celle-ci détaille plusieurs raisons pour justifier son positionnement : « Les extensions géographiques ne sont qu’un chemin d’accès au traitement. Dès lors que le déréférencement est accepté par le moteur de recherche, il doit s’opérer sur toutes les extensions conformément à l’arrêt de la CJUE ». Autre chose, la CNIL estime que le droit à l’oubli pourrait trop facilement être contourné, en effectuant la recherche censurée en France cette fois depuis l’extension .com. « Cela reviendrait donc à priver d’effectivité ce droit, et à faire varier les droits reconnus aux personnes en fonction de l’internaute qui interroge le moteur et non en fonction de la personne concernée ». Enfin, les données déréférencées ne concernent que l'association entre une page Internet et un nom. Les pages ne sont pas effacées des moteurs, et restent accessibles depuis un pays non européen ou directement, depuis le site.
Le 14 septembre, dans une longue interview, Isabelle Falque-Pierrotin nous avait expliqué plus en avant encore l'obstination de la CNIL : « Notre raisonnement consiste à dire qu’en vertu de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, ce droit au déréférencement est offert aux personnes physiques européennes, dès lors que le responsable de traitement est soumis au droit européen. Or le traitement de Google est un traitement mondial. Les extensions .fr, .it, .com ne sont pas le traitement, c'est le chemin technique d'accès au traitement. Le traitement, lui, c'est le même pour tout le monde. Google a donc choisi d'avoir un traitement mondial, très bien. Mais dès lors que le déréférencement est octroyé, alors il doit naturellement être effectif sur l'ensemble des extensions liées à ce traitement ! »
De même, si le droit au déréférencement doit être effectif pour le citoyen européen, « il ne peut pas l'être si d'un petit clic, en passant du .fr au .com, le .com vous restitue ce qui ne doit plus remonter dans le moteur de recherche ! Les raisonnements juridiques et techniques conduisent facilement à une conclusion de ce type. »
La présidente de la CNIL dénonçait enfin le « très mauvais procès » que lui a fait Google. « Il ne s'agit pas de dire qu'on veut imposer notre droit au bénéfice de citoyens américains ou chinois, il s'agit de dire que ce droit est effectif en Europe si vous, acteurs américains, venez prester en Europe, le moins qu'on puisse vous demander c'est quand même de respecter le droit européen. Le débat sur l'extraterritorialité est quand même très excessif, puisqu'on n'impose pas notre droit à des acteurs américains aux États-Unis ou chinois en Chine ! »
Une pluie d’amendes à l’encontre de Google ?
Désormais, Google doit se conformer à la mise en demeure de la CNIL. Sinon ? L'institution, qui joue d’une certaine manière sa légitimité, pourrait décider d’une sanction à son encontre. D’ailleurs, selon les articles combinés 22 - 24, 131 - 38, 131 - 39 et 226-18-1 du Code pénal, Google risque en justice jusqu’à 1,5 million d’euros de peine d’amende. S'ajoutent les 7 500 euros encourus pour chaque opération vainement demandée par une personne physique, sachant que la CNIL a déjà été saisie « de plusieurs centaines de demandes de particuliers s’étant vu refuser le déréférencement de liens Internet (ou adresses URL) par Google ».
Droit à l’oubli mondialisé : la CNIL rejette le recours gracieux de Google
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La CNIL milite toujours pour un droit à l'oubli mondial
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Une pluie d’amendes à l’encontre de Google ?
Commentaires (49)
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Abonnez-vousLe 21/09/2015 à 09h10
Euh vous savez qu’il n’y a pas que Google comme moteur de recherche? Avec Internet, il n’y pas de droit à l’oubli, tout existe toujours quelque part
Le 21/09/2015 à 09h15
Le 21/09/2015 à 09h16
[…] puisqu’on n’impose pas notre droit à des acteurs américains aux États-Unis ou chinois en Chine !
Oui, c’est bien le cas actuellement. Une demande de dereferencement ne touche que la France.
Mais si ça devient obligatoire pour Google de dereferencer tous les liens sur tous les domaines, ca sera le cas, au final.
Solution = geolocalisation des addresses IP? Toujours (très) facilement contournable pour les personnes y connaissant un minimum…
J’aimerai juste voir la tête de la CNIL le jour ou la Chine, en disant qu’ils veulent comme la France, retirer des liens de Google.
Le 21/09/2015 à 09h29
La République Populaire de Chine demande instamment la suppression de toutes les références à M.
Nom:Lama
Prénom: Dalai
pour respecter son droit à l’oubli
Cette décision devra prendre effet non seulement sur Google.cn mais sur toutes les extensions
Le 21/09/2015 à 09h31
Sur ce droit à l’oubli, je suis très circonspect. Pour des mineurs, cela est certainement nécessaire.
Pour le reste, cela ouvre le droit à la ré-écriture de l’histoire.
Je ne comprends pas pourquoi passer par le référencement et non pas directement sur les sites ?
Toute cette censure sans passer par un juge, me laisse perplexe, surtout au vu du flou des critères.
De plus, pourquoi uniquement Google, cela n’est pas vrai pour bing ou qwant ? Applique t’il déjà cela au niveau mondial ?
Quand le Chine fera une loi équivalente pour faire retirer toute référence à Tien An Men, il faudra faire pareil ?
(c’est un peu extrême, comme comparaison, mais cela reste de même nature).
Drôle de loi, cela laisse l’impression que certains politiques veulent maîtriser de bout en bout l’ensemble des informations accessibles au grand nombre, sous couvert de bonnes intentions.
Imapct sur Wikipedia par exemple
Le 21/09/2015 à 09h39
Tourner 7 fois sa langue… ça éviterais a certains d’avoir recours au “droit” à l’oubli.
Le 21/09/2015 à 10h15
Le 21/09/2015 à 10h16
Le 21/09/2015 à 10h32
et comment la CNIL, française, fera appliquer de droit européen en Californie , ou ailleurs hors UE ?
Le 21/09/2015 à 10h33
Mais quelle connerie…
Donc demain, Sarko sous couvert de droit à l’oubli, fait déréférencer le photoshopage de ses bourrelets.
Après demain, Kim Jong Un fait déréférencer toute la critique le concernant, sous couvert de droit à l’oubli.
Et ensuite quoi ? Le gouvernement chinois fait déréférencer l’ensemble des gouv.fr pour faire oublier à quel point ceux qui gouvernent la france sont des abrutis incompétents ?
Le 21/09/2015 à 10h36
Le 21/09/2015 à 10h53
Hé les mecs, vous allez arrêter avec votre paranoïa mondiale ?
Comme le dit très bien la CNIL, c’est Google qui a choisit d’avoir un traitement égale sur tous les territoires. Sauf que malheureusement, cela ne marche pas comme ça, les territoires ont des lois différentes, donc ils faut adapter (diviser) son service selon les territoires (les lois).
Toutes les entreprises font ça. On peut le regretter, voir essayer de le faire changer, mais quand on vous dit non, essayer de passer en force comme le fait Google, ça s’appelle de l’abus de pouvoir.
Et j’aimerais rappeler à ceux qui s’insurge que seul Google soit accusé ici, que Google oscille entre 98% et 99% de part de marché en France. Rien que ça.
De même pour ceux qui savent qu’il est possible de contourner les techniques de division des services sur internet, même si c’est effectivement possible au niveau des requêtes (via vpn/proxy) ça reste relativement compliqué (faut acheter/configurer ça), mais c’est impossible au niveau des résultats (lemonde.fr c’est le lemonde.fr, y a pas de tricherie possible).
Tout cette aveuglement m’étonne, on est vraiment tombé au niveau du figaro dans les commentaires de NXi ?
Le 21/09/2015 à 10h56
Le 21/09/2015 à 11h02
Le 21/09/2015 à 11h08
Le mieux serait que google redirige vers l’extension correspond à la géolocalisation de l’adresse IP. " />
Limite je préférerais ça plutôt que de voire des requêtes de censures provenant de Chine impacter mes résultats de recherche.
“Comme le dit très bien la CNIL, c’est Google qui a choisit d’avoir un traitement égale sur tous les territoires. Sauf que malheureusement, cela ne marche pas comme ça, les territoires ont des lois différentes, donc ils faut adapter (diviser) son service selon les territoires (les lois). ” Non, Google à fait le choix d’avoir un traitement par pays / extension, mais de laisser libre accès au autres extensions. Si google avait choisit un traitement égale sur tous les territoires, il n’y aurai pas de particularité sur chaque extensions. J’aimerais bien savoir si un moteur de recherche destiné à un autre pays, comme baidu, applique le droit à l’oubli…
Le 21/09/2015 à 11h22
Le 21/09/2015 à 11h22
Comme pour la justice américaine qui donne des amendes aux banques étrangères parce qu’elles libellent des opérations en dollar.
La guerre autour des lois et de leur territorialité ne fait que commencer. " />
Le 21/09/2015 à 11h28
Le 21/09/2015 à 11h29
Le 21/09/2015 à 11h52
Le 21/09/2015 à 11h55
Bah deja que c’est geolocalise à mort que ca revient toujours à des recherches en francais avec peu de reponse par rapport à d’autres langues (ex des quetes pour jeu…). La CNIL s’avance beaucoup sur le traitement égalitaire y a deja plein de lois de distortion des réponses (les objets du passé nazis etc.). Au pire Google pour rigoler bloquent les IP geo-french ou euro pour les envoyer paitre et renvoie que les pubs de contrats des clients. Dire que Google passe en force c’est rudement gonflé puisque le retrait est effectif des moteurs sur lequel les internautes sont redirigés. On voudrait avoir chacun son internet different qu’on ne s’y prendrait aussi mal pas autrement. La CNIL a qu’ à faire comme en Chine avec son .com et son .fr redirigé vers ce qu’on a envie … de pas voir. Avouez que c’est drôle ! C’est typiquement le genre de connerie juridique qui fait que personne en europe va lancer un moteur de recherche soumis à un nouveau vent de doctrine tous les ans.
Le 21/09/2015 à 11h55
Le 21/09/2015 à 11h56
Le 21/09/2015 à 11h56
Le 21/09/2015 à 11h57
Le 21/09/2015 à 11h57
Le 21/09/2015 à 11h59
Le 21/09/2015 à 11h59
Ca va se finir avec un cheque sur la table comme toujours. On l’a vu deja avec le fond de 60M pour la presse sur 3 ans. Des que les 3 ans seront passés on va encore en entendre reparler. Google vache à lait ^^
Le 21/09/2015 à 12h01
Le 21/09/2015 à 12h02
Le 21/09/2015 à 12h06
Le 21/09/2015 à 12h12
Le 21/09/2015 à 12h26
Le 21/09/2015 à 12h56
Je trouve que la CNIL pousse trop loin, avoir le déréférencement au niveau de l’Europe c’est déjà très bien, et outre le fait du “complotisme”, y en a qui ont pensé à un truc aussi con que les homonymes dans le droit à l’oubli?
Le 21/09/2015 à 13h13
Le 21/09/2015 à 13h32
Le 21/09/2015 à 13h41
c’était pas Puteaux où il y avait ce genre de truc ?
(oui ça daynonce)
Le 21/09/2015 à 13h45
Le 21/09/2015 à 14h00
Le 21/09/2015 à 14h17
Bah le truc c’est que google s’est mis un peu entre deux choix :
-soit un portail est pour un pays, et dans ce cas seul ce portail est accessible pour ce pays.
-soit le portail est pour une langue, et dans ce cas l’ensemble des portails peuvent etre accessible dans chaque pays, mais ils doivent tous suivre la réglementation du pays.
Actuellement, un internaute résident en France mais non-francophone ne sera pas concerné par la lois Française, et je pense que c’est ce qui dérange la cnil.
La solution, c’est que seul le portail d’un pays soit accessible dans le pays concerné, mais qu’il soit possible sur le portail de changer de langue. Enfin quand je parle de solution, je parle d’un point de vue juridique, pour Google ça serait assez chiant à gérer je pense.
Ca veux aussi dire qu’on se tourne vers un internet ou les sites ne seront ouvert que pour un pays en particulier, à part pour les grands groupes qui auront les moyens (service juridique, dev, etc) de faire du spécifique en fonction de chaque pays, identifié par l’adresse IP.
C’est triste.
Le 21/09/2015 à 14h25
Le 21/09/2015 à 14h44
Le 21/09/2015 à 17h09
J’avoue, le cette pique les yeux :p
Mais les commentaires suivants sont vraiment affligeants, c’est niveau discutions de bar à 2h du mat. Quand on est alcoolisé c’est cool, sinon, c’est pitoyable et donc guère agréable. J’ai même pas envie de quote tellement c’est bas.
Le 21/09/2015 à 17h19
Ce n’est évidemment pas ce que j’ai voulu dire. Comme c’est evident, je n’ai pas prit la peine de rajouter la proposition nécessaire à prévenir ce genre d’interprétation.
Si tu ne comprends pas le sens de cette phrase, désolé pour toi, honnêtement.
Le 21/09/2015 à 17h59
Donc parce que les commentaires n’abondent pas dans ton sens ils sont affligeants.
Ca aussi c’est de l’analyse de haut niveau
Le 21/09/2015 à 19h34
A force de proposer de tout mettre dans le cloud, Google devait bien s’attendre à ce qu’on ait un compteencieux avec eux
——————–》 []
Le 21/09/2015 à 09h09
“L’institution, qui joue d’une certaine manière sa légitimité” : ==> Clairement !
“pourrait décider d’une sanction à son encontre” ==> Elle devrait decider d’une sanction.
Le 22/09/2015 à 08h44
“Les pages ne sont pas effacées des moteurs, et restent accessibles depuis un pays non européen ou directement, depuis le site.”
En fait, “les pages ne sont pas effacées des moteurs, et restent accessibles, pour le moment par moteur de recherche depuis un pays non européen, ou directement depuis le site.” serait plus juste.
Le 23/09/2015 à 08h46