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[Interview] Visite de la Bibliothèque Nationale de France, l’une des plus grandes ludothèques de France

Avis aux collectionneurs !

[Interview] Visite de la Bibliothèque Nationale de France, l’une des plus grandes ludothèques de France

Le 05 septembre 2022 à 08h41

Dans le cadre d’un article sur le retrogaming et l’archivage des œuvres numériques prévu dans notre Mag #4, nous avons rencontré Laurent Duplouy, chef du service multimédia de la Bibliothèque Nationale de France (BNF). L’occasion de revenir sur la mission, le suivi et les engagements de son équipe. Un travail de fourmi confronté à trois problèmes majeurs : la collecte, la quantité et la pérennité.  

Quel est le rôle de la BNF en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine vidéoludique ?

Il y a une obligation de dépôt légal depuis 1992 sur tout ce qui concerne le multimédia. Nous voudrions d’ailleurs fêter les 30 ans l’année prochaine, date à laquelle est passé le décret d’application qui a marqué le début de la collecte, donc en 1993.

Notre rôle est de mettre à disposition tous ces éléments, que ce soient les jeux ou les consoles, pour comprendre leur utilisation, savoir comment ils se sont inscrits dans leur époque et ce que ça racontait de cette industrie et de notre société. C’est la raison pour laquelle vous trouverez dans nos archives des titres datant d’après le début de la collecte, mais aussi des objets bien plus anciens comme une Magnavox Odyssey, la première console jamais sortie.

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Crédits : Cyril Trigoust et Sébastien Gavois

Il faut, autant que possible, que nous mettions toute cette matière à disposition des chercheurs. Pour cela, en plus du dépôt légal, nous avons la chance d’avoir des dons faits par des particuliers. Nous procédons aussi par acquisition uniquement dans des salles de vente puisque nous n’avons pas de droit d’acheter, par exemple, sur des sites d’occasion. Il s’agit d’argent public, tout est très encadré, c’est bien normal.

N'avez-vous pas vocation à devenir un musée ?

Alors non, ce n’est pas notre but, la BNF est vraiment dédiée à la consultation d’archives et la recherche. Et puis nous ne cherchons pas de pièces de collection, ça n’a aucun intérêt pour nous. Juste un exemplaire d’un produit, si possible en état de marche.

Cela étant dit, vous avez raison. Beaucoup de gens pensent que la BNF est avant tout réservée aux livres, mais c’est bien plus vaste que ça. Nous avons des costumes, des maquettes, des marionnettes, des bijoux, le tout surtout accessible à des chercheurs.

Nous avons souhaité ouvrir cela au grand public, car ces trésors sont notre bien commun à tous. Aussi nous allons exposer des pièces de nos différentes collections. Elles tourneront selon des cycles dépendant des objets exposés. Ce musée ouvrira le 17 septembre.  

BNFCrédits : Sébastien Gavois

Pour en revenir au jeu vidéo, comment organisez-vous la préservation des œuvres ?

Il faut savoir que la sauvegarde d’un patrimoine est avant tout une espérance sur les décennies, voire les siècles à venir. On pense que l’on sera toujours capable de recréer un PC virtuel. Donc c’est un peu comme les matriochkas, nous faisons tout tourner sur un PC lambda qu’il suffira de réémuler plus tard, quelle que soit la machine, pour lancer le jeu en question.

Nous avons de notre côté tout préparé. La personne venant consulter peut juste cliquer sur un exécutable. Elle n’a pas besoin de se préoccuper de tout le système d’émulation qui tourne derrière. Évidemment, nous avons au préalable documenté et archivé tout ce qui concerne le jeu en question.

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Crédits : Cyril Trigoust et Sébastien Gavois

Vous avez donc le droit à l’émulation ?

Oui, grâce à l’exception bibliothèque, nous y sommes autorisés, et cela sur le BIOS des machines comme sur les jeux. Nous avons aussi le droit de copier à vocation de conservation. Sinon tout cela n’aurait pas de sens, on finirait par regarder des galettes inutilisables ! Ça nous est arrivé de commander un émulateur, comme celui du TO7, un produit franco-français qui a un très grand intérêt historique.

Il rappelle en effet le programme public lancé autour du Centre d’Études des Systèmes et des Technologies Avancées (CESTA) dont l'idée, entre autres, était de former les jeunes à l'informatique et essayer de favoriser des générations d'ingénieurs. Le corps professoral s’est emparé du BASIC, des jeux ont été créés, il y a vraiment quelque chose de la genèse du ludoéducatif. Au niveau de la recherche, c’est passionnant.

Pour l’instant nous n’avons pas besoin d’autres ingénieurs pour les émulateurs. Nous arrivons déjà à peine à traiter, cataloguer, inventorier tous les émulateurs et documents qui peuvent nous servir. Notre stratégie est donc d’identifier une collection, d'avoir un référentiel technique à mettre en lien avec nos nombreux documents [les jeux et applications multimédias, ndlr].

Mes collègues ont une base de données d'émulation dans laquelle on indique les propriétés et si possible les failles, car il y en aura et notre rôle est de les diminuer au maximum. Le numérique n’est pas parfait, pas plus que l’analogique. Il y a sans doute dans notre bibliothèque des livres auxquels il manque des pages !

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Crédits : Sébastien Gavois

Comment procédez-vous avec les œuvres totalement numériques ?

On dialogue avec les producteurs, mais c’est compliqué, il y a une vraie démarche pédagogique de notre part pour d’abord les prévenir de l’obligation de dépôt légal et parfois les accompagner dans cette démarche. Mais le problème est plus vaste que ça : dois-je prendre la version première, plusieurs mises à jour ? C’est un débat encore en cours ici.

En réalité, notre mission n’a jamais été aussi complexe, mais c’est un défi pour nous et c’est absolument passionnant. Nous allons parfois jusqu’à accueillir des événements comme l’Indiecade en 2019 pour notamment sensibiliser les acteurs du jeu indépendant. Les blockbusters nous intéressent, mais, déjà, ils sont plus « faciles » pour nous à obtenir, et les titres indés sont le cinéma d'art du jeu vidéo.

On échange aussi avec les plateformes telles que Steam, mais ça reste compliqué, et c'est normal. Le dépôt légal du livre est intégré à l’ADN des éditeurs, ce n’est pas le cas dans le jeu vidéo. Tout un univers qui nous intéresse reste regroupé autour de petits studios dont la durée de vie dépend parfois simplement du succès d'un jeu. Ils n'ont même pas idée que leur titre est soumis à dépôt légal.

Il y a donc quelque chose de proactif dans votre métier. Vous créez la collection, elle ne croît pas par l’obligation du dépôt légal.

Tout à fait. On ne fait pas jouer le côté coercitif de l’obligation légale, sinon on ne s’en sort pas. Pour l’anecdote, en nous rapprochant d’Apple, nous leur avons expliqué que toute application non déposée exposait à 75 000 euros d’amende.

Vous imaginez le nombre de milliards que cela représente avec l’AppStore ! Il savait que l’on n’en viendrait pas là, mais on a capté leur attention. On se déplace aussi sur des événements comme la Paris Games Week, par exemple, pour rencontrer les professionnels du milieu.  

Rendez-vous dans le magazine papier pour la suite de cet entretien. Nous reviendrons sur la difficulté de préservation des œuvres numériques, mais aussi une démarche passionnante de la BNF : les archives de la jouabilité. 

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Crédits : Cyril Trigoust

Commentaires (16)

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Deux choses qu’on peut apprendre sur la BNF :




  • XP est encore la norme

  • Quelqu’un a réussi à refourguer à l’époque un musée des publicités, sur deux disques pour le prix d’un (grosse occas’ !) :transpi:

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Quel souvenir amer quand je me rappelle que mes premiers CD gravés coûtaient 10€ et je ne parle pas du ré-inscriptible.



edited : typo

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J’ose espérer qu’XP n’est la que pour lancer des programmes qui ne sont compatibles qu’avec XP, et pas la “norme” :transpi:

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Si jamais : France Culture avait consacré un épisode de La Série Documentaire sur ce sujet en 2020. Voilà le lien vers toute la série (l’épisode sur la BNF est le 4). ;)

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Bonjour,



Le premier juillet 2022 paraissait un article sur la situation critique que rencontrait Next Inpact.
Dans l’un des posts de cet article, nous étions informés que :



Nous avons besoin de mécènes, j’y travaille.
C’est à partir du moment où on pourra recruter de nouveaux pigistes et ou journalistes que nous pourrons proposer plus de diversité, et ainsi attirer plus d’abonnés.
Je réfléchis à un billet récapitulatif, mais il n’y aura pas toutes les réponses à vos questions puisque certaines de vos questions sont en gestation.
Je me concerte avec la team régulièrement.



Deux mois se sont passés. Quand sera publié ce billet? Quelles sont les nouvelles?



Merci de votre réponse.



PS : Je sais que ce post n’a rien à voir à ce sujet. J’ai voulu en parler dans le forum.
Mais on m’a informé que l’équipe ne vient pas sur le forum.

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Dans l’article du 5 juillet, celui sur “Le fonctionnement de la rédaction de Next INpact, les évolutions à venir”, il était notamment question de voir très rapidement un billet de blog sur les finances.



Qu’en est-il?

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nextinpact.com Next INpacttu peux poser une question directement à la rédaction.

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Merci. Je viens de les contacter en posant les mêmes questions. Wait and See. :fumer:

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Il serait intéressant de savoir si ils peuvent demander le code source des logiciels en question, ce qui serait bien plus intéressant à conserver.

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Arcy a dit:


Deux choses qu’on peut apprendre sur la BNF :




  • XP est encore la norme


Quand on ne regarde que les photos sans lire l’article, on pense apprendre ça oui.




Quelqu’un a réussi à refourguer à l’époque un musée des publicités, sur deux disques pour le prix d’un (grosse occas’ !)


Dans les années 90 (voire début 2000 peut-être), il existait des émissions qui traitaient des publicités. Donc ça ne m’étonne pas que des CD-ROM soient sortis sur le sujet.

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Leur assertion qui dit qu’il sera toujours possible d’émuler un PC me paraît assez correcte, mais j’ai remarqué qu’il y a parfois des “fuites d’émulations” venant du matériel réel qui tourne derrière. Par exemple, un jeu Windows en 3D utilisera une API 3D standard que l’émulateur traduira vers une API 3D présente sur le système hôte, qui sera ensuite traitée par la vraie carte graphique. Mais il peut y avoir des différences de résultat en fonction des cartes graphiques, surtout si c’est traduit vers une API 3D un peu vieille qui n’est plus trop testée par le fabricant de la carte.



Une solution serait que l’émulateur fasse un rendu purement logiciel en profitant de la puissance plus élevée qu’au moment de la sortie du jeu, comme avec les consoles non 3D ou les jeux DOS, mais parfois ça consomme vraiment beaucoup plus de ressources de faire ça avec un CPU qu’avec un GPU et le surplus de puissance peut ne pas suffire.



En plus, il me paraît difficile depuis le milieu des années 2000 de trouver des implémentations purement logicielles des API 3D usuelles, plus personne ne me semble faire ça (alors qu’à une époque tous les jeux sortaient avec un module de rendu logiciel intégré), on suppose que tout le monde a une carte 3D.



J’ai eu le problème avec un vieux jeu Windows qui paraissait bien fonctionner, mais certains éléments précis du décor manquaient à l’écran, le rendant quasiment inutilisable, alors que la même machine virtuelle copié vers un autre PC avec le même émulateur n’avait pas ce défaut. Le jeu était installé depuis le CD d’origine donc on suppose que l’installation est complète et pas corrompue.

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Inodemus a dit:


Leur assertion qui dit qu’il sera toujours possible d’émuler un PC me paraît assez correcte, mais j’ai remarqué qu’il y a parfois des “fuites d’émulations” venant du matériel réel qui tourne derrière.


C’est exact et très connu de l’émulation PS1 (pas de Z-buffer, Popping des textures), ou du CGA composite (4 couleurs sur un écran RGB, 16 “couleurs” sur un écran composite).
De même, certains timings dans les émulateurs sont totalement faux, mais autant émuler une NES était possible sur un 486 (et même un 286 via un recompiler, le bon temps), l’émuler avec le bon timing reste difficile sans un PC à 3GHz qui tourne à fond.
Là on reste encore dans de la puissance brute …



Va aussi émuler correctement une Vectrex, ou tout dispositif de pointage lié au signal écran sur un LCD (le zapper nintendo, le crayon du TO7).
Là on touche à des phénomènes physiques…



Le premier élément qui fait qu’un émulateur “tord” l’image qu’on a de l’objet émulé: quel émulateur simule le temps de chargement réel d’une cassette???

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J’ai appris un truc incroyable hier, c’est que grace a un compte BNF (15€ par AN ou 0€ pour chomeur/rsa/aah) on peut avoir acces illimité à la BNF, ok normal, mais surtout sur son pc/tel on peut avoir acces a la presse/magazine (le monde/figaro/libé/diversPQR/diverspresseinternationale/mediapart/les inrocks/premiere/GQ/l’informaticien/01net/jeuxvideomag…. +100) et a musicme (spotify like) mais aussi a d’autres trucs
Bref j’ai créé mon compte bnf (c’est chiant ca prend quelques jours).

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En parlant de la BNF, pour ceux que ça intéresse, l’offre numérique n’est vraiment pas cher (15€/an) et donne accès à quasiment tous les quotidiens et pas mal de magazine sur PressReader ou Europresse.
En plus de centaines d’autres trucs plus ou moins obscurs…



Pas accès directement à LeMonde sur PressReader par exemple, mais on peut avoir tous les articles directement sur Europresse en les recherchant.



Légal et pas cher, c’est la méthode que je préfère ;
https://threadreaderapp.com/thread/1482037482858463236.html




(reply:2091429:UtopY-Xte)
Edit : Grillé de 10mins mais moi j’ai un lien qui explique tout :)


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Ils ont des cartes de Magic TG ??

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(reply:2091350:Dude76) Toujours pas de réponse pour l’instant. Pour ceux qui seraient intéressés d’en discuter, en attendant une réponse officielle (qui espérons le, arrivera bientôt) : Next INpact est en réel danger de mort


[Interview] Visite de la Bibliothèque Nationale de France, l’une des plus grandes ludothèques de France

  • Quel est le rôle de la BNF en ce qui concerne la sauvegarde du patrimoine vidéoludique ?

  • N'avez-vous pas vocation à devenir un musée ?

  • Pour en revenir au jeu vidéo, comment organisez-vous la préservation des œuvres ?

  • Vous avez donc le droit à l’émulation ?

  • Comment procédez-vous avec les œuvres totalement numériques ?

  • Il y a donc quelque chose de proactif dans votre métier. Vous créez la collection, elle ne croît pas par l’obligation du dépôt légal.

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