Network for AI : Orange fait all-in sur l’IA, qui fera « vendre la 5G »
IA plus qu'à

Orange saute à pieds joints dans l’intelligence artificielle générative avec son « Network for ». Un changement de paradigme important puisqu'il est question d’adapter ses réseaux à l’IA. Mais n’était-on pas en plein dans la promesse de la 5G ? « Oui… et non », nous confirme le directeur de la Recherche d’Orange.
Le 27 novembre 2024 à 10h14
9 min
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Orange OpenTech : moins de fondamental, plus de concret
Hier, Orange donnait le coup d'envoi de sa seconde édition de ses OpenTech (Days). Ce rendez-vous annuel prend la suite du Salon de la Recherche et de l'Innovation. Un changement voulu par Bruno Zerbib, Chief Technology & Innovation Officer d’Orange depuis juin 2023.
Il nous explique changer d’approche et se concentrer sur des innovations aujourd'hui à un stade avancé de maturité et dont la mise en production peut se faire dans un délai raisonnable, plutôt que mettre en avant des recherches plus fondamentales… avec toutes les incertitudes que cela engendre.
Oh quelle surprise… de l’IA partout
Cette édition est marquée par l’intelligence artificielle, ce qui ne surprendra personne. Selon Bruno Zerbib, c’est un enjeu capital pour Orange puisque, à l’horizon 2030, l’IA 2030 « sera absolument partout et touchera tous les cas d’usage ».
Dans un numéro d’équilibriste sans filet ou presque, le CTIO veut une IA utile, mais aussi frugal et accessible par tous. C’est pour aller dans cette direction que le groupe annonce un « partenariat technologique avec Meta et OpenAI pour mettre en place des LLM dans les langues régionales » africaines.
Comme d’autres l’ont fait, Orange lance aussi « Live Intelligence », une interface « multi-LLM aidant à démocratiser l’accès à l’IA générative pour les entreprises », issue d’un test interne qui était ouvert à l’ensemble de ses salariés. Nous y reviendrons dans une prochaine actualité.
Orange, par l’intermédiaire de son directeur exécutif et CEO Jean-François Fallacher, en profite de son salon pour annoncer l’arrivée de « fonctionnalités d’IA dans l’email Orange Pro ». L’opérateur revendique la deuxième place d’email en France, mais se contente d’ajouter des « features IA gen assez classiques ».
La révolution IA ne fait que commencer (doucement)
Mais, pour Orange, le plus gros morceau est sans aucun doute l’IA vue par la lorgnette du réseau. Actuellement, selon Bruno Zerbib, à peine 1 % des flux dans les réseaux sont en lien avec l’intelligence artificielle, principalement limitée à du texte.
La multimodale (avec de la voix et/ou de la vidéo) prend de l’importance et va occuper plus de place dans les tuyaux d’Internet. Le CTIO a mis en avant à plusieurs reprises durant ses différentes interventions un chiffre qu’il considère comme symptomatique : « d‘ici 2027, plus de 40 % des interactions seront multimodales ».
Actuellement, les réseaux tiennent sans problème la charge et le CTIO observe une croissance ralentie des consommations. Il explique cette inflexion par le fait qu’on atteint une limite : les accros au smartphone sont déjà sur leurs réseaux du matin au soir en consommant de la vidéo (TikTok, Instagram, Facebook…).
Orange anticipe un Jarvis à la Iron Man sur ses réseaux
Si la vidéo et le streaming sont la « killer feature » de la 4G, l’IA générative serait celle de la 5G. L’IA et surtout l’intelligence artificielle générative multimodale pourraient changer la donne. C’est un changement de paradigme important qui se prépare : « on parle d’une nouvelle espèce d’application autour de l’IA pour vous fournir un service à la Jarvis comme dans Iron Man, dans laquelle il n’y a pas de possibilité de faire du buffering ». Le buffering, ou mise en mémoire tampon, est largement utilisé par les plateformes de streaming pour combler certaines lenteurs sur le réseau.
L’utilisation des réseaux va changer avec l’IA générative qui pourra avoir besoin d’une bande passante garantie avec une faible latence, suivant les usages. Deux exemples sont mis en avant par les responsables d’Orange : guider des déficients visuels avec une analyse en temps réel de leur environnement proche et utiliser des voitures autonomes. Dans les deux cas, on se rend bien compte qu’une latence de quelques secondes peut avoir de graves conséquences si le traitement n’est pas local.
Avec ces nouveaux usages, l’application va discuter avec l’infrastructure et lui dire, par exemple « j’ai besoin que tu me permettes pour les 15 prochaines minutes d’avoir du temps réel sur mon flux vidéo ». Cela « remet en cause la façon dont on conçoit nos réseaux » et dont on « interagit avec nos réseaux », affirme le CTIO. « On n’a jamais eu ça », ajoute-t-il.
Sans réseau, « l’IA ne deviendra pas ce qu’elle est censée devenir »
Orange anticipe également un autre changement à venir sur la couverture mobile : combiner des applications types GPS avec des cartes de couvertures afin de proposer un trajet durant lequel on est certain d’avoir une bonne couverture. Si le grand public peut perdre quelques minutes de connectivité en général, l’enjeu est différent pour des usages professionnels ou des voitures autonomes.
Les opérateurs ne veulent pas rater le coche. Pour Bruno Zerbib, dans le cas contraire, « l’IA ne deviendra pas ce qu’elle est censée devenir dans les prochaines années ». Une manière pour les opérateurs de se rappeler au bon souvenir des géants du Net, et que l’un a besoin de l’autre pour fonctionner.
L’IA va permettre « de vendre la 5G »
Pour appuyer ses dires, Orange a fait venir Dali Kilani (cofondateur et CTO de FlexAI), qui abonde : « on a besoin de tout repenser, on ne peut pas faire du neuf avec du réchauffé ». Jean-François Fallacher y voit une réalité commerciale : « expliquer le bénéfice de la 5G au BtoB ça va. Expliquer la latence [une des avancées de la 5G, ndlr] au grand public, ce n’est pas trivial ». Bref, pour le patron d’Orange France, l’intelligence artificielle va permettre « de vendre plus de valeur sur les réseaux, de vendre la 5G ».
En prenant un peu de recul, on se dit que tous les usages mis en avant (débit augmenté surtout en upload, latence en baisse, portion de réseau dédié avec le slicing) ne sont finalement que les promesses initiales de la 5G. Jean Bolot, directeur de la Recherche d’Orange confirme, mais nuance : « Oui… et non ».
5G GenAI : quand l’IA veut comprendre l’intention
Oui, car sur le papier, c’est en effet la même chose. Non, car le changement en profondeur annoncé par Orange avec Network for AI s’appuie sur la « 5G GenAI », de l’intelligence artificielle générative pour piloter les réseaux. Vraiment ?
Là encore, oui et non (cette fois la réponse est de nous), Orange propose une démonstration sur la 5G GenAI, nous avons donc été voir de quoi il en retourne. Utiliser un chabot n’a rien de nouveau, mais encore faut-il savoir parler son langage et lui donner le bon prompt pour avoir le résultat attendu. Dans le cas présent, un mot fait la différence : l’intention. Le bot va donc essayer de comprendre celle de son interlocuteur pour proposer la solution la plus adaptée.


Là où plusieurs techniciens spécialisés étaient nécessaires pour déployer des fonctionnalités dans le réseau, un seul sera nécessaire avec la 5G GenAI (en théorie). Lors des discussions pendant la démonstration, Orange nous confirme en effet qu’il ne sera jamais possible d’atteindre une sécurité à 100 % sur les commandes générées par le chatbot. Il y aura donc toujours une vérification humaine sur ses opérations, surtout quand elles touchent directement au réseau.
Les délais ne sont par contre pas du tout les mêmes. La où plusieurs semaines sont visiblement nécessaires pour modifier certains pans du réseau par Orange, avec la 5G GenAI les changements pourront se faire bien plus rapidement. Cette différence peut sembler anodine, mais c’est « LA » différence entre la 5G qu’on nous a vendu il y a quelques années et qui est déjà en place (y compris le slicing pour des usages professionnels) et le « Network for AI » vers lequel tend Orange.


One more thing : les relations opérateurs et entreprises techs
Lors de la conférence d’ouverture, Vivek Badrinath (qui sera directeur général de la GSMA à partir du 1er avril 2025), est revenu sur les relations entre les opérateurs de télécommunications et le monde de la tech.
S’il reconnait qu’on « peut parler de rapport de force, de conflit, le terme biologique est mutualisme ». C’est-à-dire que « chacun a besoin de l’autre » dans une forme de co-dépendance. Il reconnait qu’il y a bien un sujet de « faire share » (partage des revenus pour construire les réseaux). Pour le futur patron de la GSMA cependant, il faut que « les acteurs de la tech et les opérateurs arrivent à se parler ». Faute de quoi, on en reviendrait à ce que disait Bruno Zerbib : « l’IA ne deviendra pas ce qu’elle est censée devenir dans les prochaines années ».
Problème, les géants du Net sont souvent « seuls » face à près de deux cents opérateurs dans le monde, dont des dizaines en Europe. Seuls… mais avec le poids d’un troupeau d’éléphants. Des sociétés comme OpenAI, Google, Meta ou Amazon (pour ne citer qu’eux) ne vont pas développer autant de versions d’une application qu’il existe d’opérateurs.
Ne faut-il pas considérer les FAI comme des tuyaux ? Ce n'est pas si simple avec les usages de l’IA multimodale qui se dessinent. Pour faire front, les opérateurs se fédèrent pour proposer une solution, dont nous parlerons dans la seconde partie de notre dossier.
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Commentaires (7)
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Maintenant, cela sera possible seulement si l'on comprends ce que fait la machine, ce qu'on ne sait pas vraiment faire et qu'un humain reste maitre des modifications.
Le 27/11/2024 à 15h10
Le 27/11/2024 à 20h23
On répète après moi : "des véhicules autonomes qui ont besoin de réseau (en plus à faible latence) ne sont pas autonomes".
Quant à l'autre exemple, guider à distance des déficients visuel, c'est criminel. Le guidage doit se faire en local donc, là aussi sans besoin d'un réseau faible latence. On peut très bien charger un peu à l'avance les données nécessaires au guidage, comme le font les applications de guidage de nos smartphones qui n'ont pas les cartes en local. Ils ne nous demandent jamais de nous arrêter pour télécharger la carte ou de faire marche arrière pour capter à nouveau le réseau et finir le téléchargement.
Modifié le 28/11/2024 à 02h55
-Du Wi-Fi ? Non
-Du Bluetooth ? Non
-Alors du Zigbee ? Non
-Et bien du Z-wave ? Non plus
-Du DECT !! car chez nous, chez Orange, on ne fait pas les choses comme tout le monde. D’ailleurs on ne les fait même pas du tout en fin de compte…
Le 28/11/2024 à 12h41