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La nationalisation d’Atos revient dans le débat politique

Pas de pathos

La nationalisation d’Atos revient dans le débat politique

Le siège social d’Atos à Bezons en région parisienne – crédit Atos

Approuvé par la Commission des Finances de l’Assemblée nationale dans le cadre de l’examen du budget 2025, un amendement déposé par des députés NFP propose de nationaliser le géant de l’informatique Atos. Si l’État tente bien de protéger, voire de racheter, certains actifs Atos qualifiés de stratégiques en matière de souveraineté, la nationalisation totale a jusqu’ici toujours été exclue par le Gouvernement.

Le 07 novembre à 08h34

Présenté vendredi en Commission des Finances, un amendement au projet de budget 2025 propose d’amputer le budget dédié au développement du système de combat du futur SCAF de 70 millions d’euros, au profit de la nationalisation d’Atos.

Le texte propose 70 millions d’euros pour nationaliser Atos

Dans leur exposé sommaire, les députés LFI-NFP cosignataires de l’amendement rappellent que Bruno Le Maire, alors ministre de l’Économie, avait évoqué, fin juin, une enveloppe de 700 millions d’euros pour nationaliser les « activités stratégiques » d’Atos, « sans dire ce qu’elles sont, ni comment il comptait s’y prendre ».

« Cette somme est-elle toujours à l’ordre du jour ? Impossible à dire », interrogent-ils ensuite, avant de formuler une contre-proposition. « En revanche, au regard du cours des actions qui ne valent plus que 0,65 centimes [NDR : en réalité, 0,65 euro], on en déduit aisément que l’entreprise ne vaut en réalité que 70 millions d’euros. Et qu’une offre à 700 millions, est un cadeau inespéré pour les actionnaires ».

 Mobiliser ces 70 millions d’euros – qui correspondent effectivement peu ou prou à la capitalisation boursière d’Atos début novembre – permettrait, selon les signataires, de sécuriser les activités liées à la défense et à la sécurité françaises, mais aussi et surtout l’entreprise à l’origine d’outils utilisés au quotidien par les Français.

« L’entreprise est essentielle à tous les échelons de la nation. FranceConnect, la CNAM, la SNCF, la Caisse des dépôts, EDF, une grande partie des logiciels de gestion de sécurité informatique des collectivités territoriales et des mairies sont portés par Atos », affirment les auteurs, avant de porter la charge.

« Faut-il comprendre que ces activités ne sont pas stratégiques ? Que la France serait prête à brader la gestion des données de ses citoyens au plus offrant quitte à ce qu’il s’agisse d’une entreprise étrangère ? Les éléments de langage du gouvernement ne trompent personne. On ne sauve pas Atos, on brade Atos, comme Macron l’a fait pour Arcelor, Alstom, Technip et Alcatel ».

« Il ne saurait être question de la laisser vendre à la découpe », a résumé le député LFI Aurélien Saintoul, avant que le rapporteur spécial, le député Horizons Christophe Plassard, n’exprime un avis négatif. « Je partage avec vous le fait qu’Atos soit une entreprise stratégique (…), c’est un dossier complexe, je sais que la DGE et la DGA sont engagées sur ce dossier, mais à mon avis la nationalisation n’est pas la seule solution envisageable, ce qui ne veut pas dire que l’État ne prenne pas une participation, aujourd’hui le sujet reste ouvert », a fait valoir ce dernier, avant de formuler une demande de retrait.

Soumis au vote, l’amendement a finalement été adopté, ce qui signifie qu’il pourrait être présenté, et donc potentiellement débattu, en séance plénière, dans l’hémicycle.

L’État d’abord opposé, puis favorable, à une nationalisation partielle

Il ranimerait ainsi un débat politique qui court depuis le printemps, soit quelques mois après le début de la tourmente boursière d’Atos. À l’été 2023, le titre Atos s’échange aux alentours de 15 euros en bourse, quand l’entreprise alerte : les conditions de marché dégradées, ajoutées à ses mauvais résultats, l’empêchent de refinancer sa dette colossale, évaluée à quelque 5 milliards d’euros.

L’avertissement fait craindre une cessation de paiement : un comble pour un groupe qui affiche 100.000 employés et quelque 10 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. S’en suit une longue dégringolade boursière, qui amène l’action Atos sous la barre des 2 euros, début 2024. Le groupe entre alors dans une procédure de conciliation avec ses créanciers, et se met en quête d’un partenaire, industriel ou financier, capable de l’aider à restructurer sa dette et, accessoirement, ses activités déficitaires.

L’hypothèse d’un rachat, total ou partiel, suscite rapidement l’émoi de la classe politique, du fait des activités du groupe en matière de défense, de sécurité et de nucléaire. La question se pose d’ailleurs au Sénat dès la fin 2023, déjà dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances. Trois groupes de gauche déposent ainsi, le 2 décembre, un amendement proposant de dégager 390 millions d’euros pour un programme de « nationalisation temporaire des actifs stratégiques d’Atos ».

Lors des débats qui suivent, le gouvernement exprime un avis négatif. « La nationalisation ne réglerait pas les problèmes opérationnels, financiers ou de rentabilité que peut connaître l’entreprise », fait valoir Olivia Grégoire, la ministre chargée des Entreprises, du Tourisme et de la Consommation.

Au printemps, le ton change, quand Bercy rentre dans la danse. Deux repreneurs potentiels se disputent alors au chevet d’Atos. D’un côté le consortium emmené par David Layani de Onepoint. De l’autre, le milliardaire tchèque Daniel Kretinsky.

Cette fois, c’est Bruno Le Maire qui monte au créneau et qui signe, un dimanche d’avril, une lettre d’intention proposant au conseil d’administration l’acquisition de « 100% des activités d’Advanced Computing, de Mission-Critical Systems et de Cybersecurity Products de la division BDS (Big Data & Cybersécurité) d’Atos SE ».

La promesse porte sur une enveloppe comprise entre 700 millions et 1 milliard d’euros, pour un portefeuille qui réunit, notamment, la branche calcul intensif d’Atos, dont les supercalculateurs utilisés pour la dissuasion nucléaire,  mais aussi la division en charge des systèmes informatiques pour les applications critiques.

Atos vend Worldgrid, l’État sécurise une action Bull SA

Six mois plus tard, Atos et l’État n’ont pas encore trouvé de terrain d’entente, alors que le groupe informatique a réussi à négocier les conditions d’un plan de sauvegarde accéléré avec ses créanciers. Le 7 octobre, les deux parties ont annoncé l’ouverture d’une nouvelle phase de discussions, « sur la base d’une nouvelle proposition compatible avec le plan de restructuration financière de la Société ».

La récente décision du ministère des Armées, qui a préféré le duo constitué par Orange et HPE à Atos pour la construction de son futur centre de données classifié, n’a sans doute pas contribué à mettre de l’huile dans les rouages, même si aucun commentaire officiel n’a été formulé.

En attendant, les manœuvres se poursuivent. Le 4 novembre dernier, l’État a ainsi fait valoir la contrepartie prévue dans le cadre d’un prêt accordé à Atos, et annoncé l’acquisition d’une action de préférence dans Bull SA, la filiale historique dédiée aux activités de calcul intensif.

« L'État bénéficiera ainsi de droits renforcés, inscrits dans les statuts et pouvant aller dans certains cas jusqu'au veto, sur les informations et décisions que pourrait prendre la société. La convention et l'action de préférence garantissent un haut niveau de sécurité indispensable à la souveraineté de la Nation et démontrent la capacité de l'État à déployer les protections nécessaires dans les entreprises qui opèrent des activités stratégiques », a déclaré à cette occasion Antoine Armand, ministre de l’Économie, des Finances et de l'Industrie.

Atos a de son côté pris les devants sur le volet civil de ses activités dans le nucléaire. Mercredi, le groupe a annoncé la finalisation d’un accord portant sur la cession de sa filiale dédiée, Worldgrid, au groupe français spécialisé dans l’ingénierie Alten. Le prix de vente est fixé à 270 millions d’euros, pour une filiale qui compte 1 100 employés et réalise 170 millions d’euros de chiffre d’affaires, dont environ 80% auprès d’EDF.

Une restructuration plus qu’une nationalisation

Dans la mesure où les discussions achoppent déjà sur le volet des activités souveraines, l’hypothèse d’une nationalisation totale d’Atos parait fort peu plausible… à plus forte raison dans le contexte politique explosif des débats liés au budget 2025. La nationalisation d’activités stratégiques reste toutefois une option envisageable et envisagée, comme en témoigne l’exemple récent d’Alcatel Submarine Network, dont l’Etat rachète 80% du capital à Nokia.

Commentaires (6)

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Atos a 2 Milliards de dette. Ça couterait donc un peu plus que 70 millions.
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Mais c'est du communisme !

:cartonrouge:
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non, c'est du capitaliste : "privatiser les bénéfices, nationaliser les pertes"
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Sauf qu'en cas de reprise, tu négocie avec les créanciers en mode "on réduit a X €, sinon on ferme et vous perdez la totalité"

Et l'état a tendance a laisser tomber ses créances (impôts etc) pour ne pas que les gens disent "on a fait faillite a cause de l'état"
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Dans les précédentes news, c'est effectivement le sujet : les banques créancières négocient avec l'Etat pour étaler la dette et voir qui est prêt à re-financer le bignou.
Sinon c'est faillite et vente au plus offrant, et là personne ne sait combien les banques vont récupérer. Un gros trou en perspective.
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Oui et non.
Oui l'entrprise faut plus que ces 70 M€, et oui avec 2 G€ de dette il faut pouvoir son remboursement. Cependant, la dette n'est (peut-être) pas à regler tout de suite.
Ce qui peut faire que l'on peut "acheter" l'entreprise pour 70M€, et qu'il faut "juste" prevoir le financement du remboursement des dettes à courtes échances, le reste devant être remboursé par l'activité habituelle de l'entreprise.

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