Arnaque au faux conseiller bancaire : pas de « négligence grave » de la victime, tranche la justice
Client vs banque : 1 - 0, mais le pirate rafle la mise
La Cour de cassation vient de rendre une décision importante dans le cadre d’une arnaque au faux conseiller bancaire, en faveur d’un client qui avait perdu 54 500 euros. La banque refusait de rembourser, affirmant que son client avait commis une « négligence grave ».
Le 24 octobre à 11h27
4 min
Droit
Droit
Les tentatives de fraudes bancaires se multiplient, avec parfois des conséquences dramatiques pour les clients quand les pirates arrivent à leur fin. Le ministère de l’Économie rappelle que « la réglementation prévoit une obligation de remboursement par la banque en cas de fraude ».
C’est quoi une « négligence grave »
Mais il existe des exceptions : « Le remboursement peut toutefois être refusé si l'utilisateur du compte est soupçonné de comportement frauduleux ou de négligence grave. La banque doit apporter la preuve de la fraude ou de la négligence ».
La notion de « négligence grave » est assez vague, et donc sujette à interprétation C’est celle qui nous intéresse aujourd’hui. Le ministère donne deux exemples tirés de textes européens et de la jurisprudence : « conservation des données utilisées pour autoriser une opération de paiement à côté de l'instrument de paiement, transmission à un tiers des données personnelles ».
L’arnaque au faux conseiller
La Cour de cassation a été saisie d’un dossier intéressant, car il correspond à une pratique répandue actuellement chez les escrocs : se faire passer pour un faux conseiller. La question posée à la Cour était la suivante : « Une personne qui contribue indirectement à se faire escroquer en suivant les consignes d’un faux conseiller bancaire commet-elle une négligence grave qui la prive du droit à être remboursée par sa banque ? ».
C’est la société BNP Paribas qui a formé le pourvoi contre l'arrêt rendu le 28 mars 2023 par la cour d'appel de Versailles. Cette dernière avait condamné la banque BNP Paribas à rembourser son client du montant des virements frauduleux effectués depuis son compte, pour un montant de 54 500 euros.
Le client affirme avoir alerté la banque le jour même, précisant « avoir été contacté par téléphone par une
personne se faisant passer pour une préposée de l'établissement lui demandant d'ajouter, grâce à
ses données personnelles de sécurité, cinq personnes sur la liste des bénéficiaires de virements ».
Spoofing téléphonique
Les circonstances de l’affaire sont importantes pour répondre et préciser la nature de la négligence. La Cour de cassation explique que le faux conseiller a utilisé plusieurs stratagèmes pour mettre sa victime en confiance et diminuer sa vigilance :
« L’escroc est parvenu à faire apparaître sur le téléphone portable du client un numéro d’appel identique à celui de sa vraie conseillère bancaire [on parle de spoofing téléphonique, ndlr]; la fausse salariée de banque qui se trouvait au bout du fil a assuré au client qu’en suivant ses consignes, il effectuait une opération sécurisée ».
Dans le détail de sa décision, la Cour explique que le client « avait été contacté par téléphone par une personne se présentant comme l'assistante de sa conseillère bancaire, qui lui avait expliqué qu'il avait été nécessaire de supprimer des bénéficiaires de virement pour déjouer une attaque informatique et qu'il fallait désormais les réenregistrer, et qu'il était alors resté en ligne avec cette personne et avait reçu sur son téléphone mobile des messages l'invitant à valider des ajouts de bénéficiaires ».
Le client « croyait être en relation avec une salariée de la banque »
La Cour rappelle que c’est à la banque d’apporter la preuve d’une négligence grave de son client. Mais, dans cette affaire, « il ne peut [lui] être reproché d’avoir commis une négligence grave », confirme la Cour de cassation.
Elle s’explique. Comme « le numéro d'appel apparaissant sur le téléphone portable de M. [J] s'était affiché comme étant celui de Mme [Y], sa conseillère BNP », le client « croyait être en relation avec une salariée de la banque », qui lui « assurait qu'il s'agissait d'une opération sécurisée ».
De plus, le spoofing a mis le client « en confiance et a diminué sa vigilance ». Ce n’est pour la Cour pas les mêmes circonstances qu’une « personne réceptionnant un courriel, laquelle aurait pu disposer de davantage de temps pour s'apercevoir d'éventuelles anomalies révélatrices de son origine frauduleuse ».
Au final, la Cour de cassation rejette la demande de la société BNP Paribas et la condamne à payer à son client la somme de 3 000 euros.
Arnaque au faux conseiller bancaire : pas de « négligence grave » de la victime, tranche la justice
-
C’est quoi une « négligence grave »
-
L’arnaque au faux conseiller
-
Spoofing téléphonique
-
Le client « croyait être en relation avec une salariée de la banque »
Commentaires (49)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 24/10/2024 à 11h32
Rien que ça aurait dû alerter le client.
La banque n’a pas besoin de vous pour bloquer une transaction frauduleuse.
Modifié le 24/10/2024 à 11h42
Surtout sur des sommes pareil.
Pour moi, la banque a fait office de négligence aussi.
Ils réduisent le nombre de conseillers dans leurs agences pour réduire les coûts, et c'est leur droit, mais il faut aussi payer les conséquences de ces choix.
J'espère que ça va inciter les banques à aller faire les gros yeux aux opérateurs pour qu'ils rendent impossible le spoofing de numéro. Ça me rend fou qu'on ai la possibilité de faire du spoofing de numéro de téléphone en 2024 alors qu'il "suffit" de s'assurer que le chemin suivi par l'appel soit cohérent, ou même envoyer une demande de confirmation auprès de l'opérateur titulaire du numéro que la ligne est bien utilisée pour cet appel.
Le 24/10/2024 à 11h41
Le 24/10/2024 à 11h51
Ca ne pose pas de problème à ma banque de temporiser mes virements, pour une somme moindre, vers un compte externe déjà enregistré et dont je suis le titulaire également... Obligé de les appeler pour débloquer le truc... J'adore !
Le 24/10/2024 à 11h57
Basculer intégralement vers de la téléphonie "IP" sécurisé serait LA solution mais ça freine des 4fers (interdire la vente de terminaux et forfait non 4G serait déjà le minimum politiquement...pusiqu'on sait déjà que ces protocoles sont troués).
Pour la banque, je confirme, dans mon cas pour des virements externes il est obligatoire d'attendre 24h ou 48h après l'ajout d'un bénéficiaire pour pouvoir faire un virement...
Modifié le 24/10/2024 à 13h13
Pour information, la suppression de la 2G est effective dans un certain nombre de pays développés, en France c'est également imminent et la 3G va suivre. Il reste toutefois un énorme problème étant donné volte/vonr ne sont pas assez bien standardisés (les opérateurs whitelistent les terminaux pour différentes raisons) et ce sujet est une bombe à retardement.
Edit: effectivement il semblerait que cette suite se limite aux protocoles voip
Le 24/10/2024 à 13h15
Veritasium avait fait une vidéo là-dessus, avec un expert Français spécialisé, ce qui m'avait étonné, justement, où ils peuvent même intercepter les appels... :
YouTube
Le 24/10/2024 à 12h16
C'est quand même le but des virements de pouvoir ajouter qui tu veux et faire un virement ensuite. Et heureusement que les banques ne bloquent pas d'office de type de virement.
Après, je manque un peu de contexte:
Une dame au téléphone aurait indiqué avoir effacer 5 de ses bénéficiaires, et non seulement ferait rajouter 5 nouveaux bénéficiaires (pas certains que la dame ait du donner des bénéficiaires réels de la victime).
Puis la victime aurait fait des virements (5 ou plus) pour 55000 euros à ces bénéficiaires ?
Alors, certes, la banque aurait du bloquer et contrôler 5 virements de 10000 (ma banque m'a déjà appeler lorsque les montants atteignent un certain niveau).
Mais pourquoi avoir fait ces virements. Un conseiller pourra même me le demander en physique, jamais je ne ferai ça sans raison.
Je pense qu'il nous manque un peu d'info sur le contexte ici, car pour moi la négligence est là : c'est la victime qui a fait les virements (et pas seulement ajouter des bénéficiaires inconnus).
Le 24/10/2024 à 12h36
Le 24/10/2024 à 15h07
Le 24/10/2024 à 14h38
Ca m'est arrivé d'envoyer chier des centres d'
appelarnaque avec un rappel dans les 30s sous un autre numéro et la même personne pas contente de s'être vue conseiller de trouver un vrai boulot... lui répondre d'aller se faire enc... et, 3ème numéro 10s après avec cette réponse: "Commissariat du 18ème, bonjour, votre 3ème appel a permis de vous localiser merci encore!".Le 24/10/2024 à 16h32
Oui, et ça c'est aussi la faute des opérateurs téléphoniques qui ont traîné des pieds pour implémenter la loi dit Naegelen : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000042148119, permettant cette "mise en confiance" des victimes qui voient bien le numéro de leur banquier.
Il semblerait néanmoins que ce soit en place depuis le 1er octobre de cette année, mais trop tard pour la victime dont il est question.
Après, ce n'est pas la panacée non plus, et aucune loi ne peut protéger contre la bêtise humaine qui est infinie comme le dit une pensée attribuée à Einstein :
“Deux choses sont infinies : l’Univers et la bêtise humaine. Mais, en ce qui concerne l’Univers, je n’en ai pas encore acquis la certitude absolue.”
Le 24/10/2024 à 11h56
Il ne faut pas négliger justement notre capacité de réaction qui peut différer entre l'oral et la lecture.
Le 24/10/2024 à 23h29
Le 24/10/2024 à 12h38
Le 24/10/2024 à 13h30
Le 24/10/2024 à 12h39
Mais bon le client ici au téléphone, l'usurpatrice lui a fait créer des comptes de personnes qu'il ne connaissait pas ??
Le 24/10/2024 à 13h17
Le 24/10/2024 à 15h28
Le 24/10/2024 à 15h52
Le 24/10/2024 à 15h53
Le 24/10/2024 à 15h56
Modifié le 24/10/2024 à 17h22
Par contre, si comme moi, étant un peu con pour réinstaller trop régulièrement Windows et faire trop souvent des factory reset de mon Android @ LineageOS (à trop bidouiller du Magisk et pan ! bootloop), donc aucun appareil validé dispo alors là c'est :
- Numéro identifiant
- PIN d'accès
- Code SMS
- Photo recto - verso de la carte d'identité
- Selfie en fixant l'objectif, clinier des yeux, tourner lentement la tête à droite , tourner lentement la tête à gauche (pour vérifier que ce n'est pas une photo 2D de la future victime)
Bref, ça fait quand même 5 étapes (4 1/2, l'identifiant pouvant être plus facile à connaître) à valider pour se connecter sur un autre ordi ou un autre smartphone...
et bien sûr, immédiatement après, un email d'alerte dans sa boîte informant d'une nouvelle connexion avec le nom de la machine mentionnée.
Donc bon...
Le 24/10/2024 à 20h35
Caisse d’épargne je dois aussi valider la connexion à l'espace client via l'appli.
Le 25/10/2024 à 03h05
Le 25/10/2024 à 08h27
Le 25/10/2024 à 09h57
Le 25/10/2024 à 11h38
Le 26/10/2024 à 16h35
Le 25/10/2024 à 21h09
Quant au fait de donner son code à 6 chiffres, autant donner le numéro du compte avec : ainsi l'escroc n'a même plus besoin de la victime pour accéder au compte.
Modifié le 26/10/2024 à 16h47
J'ai fait la liste de toutes les données dont le SYSTÈME a besoin et qu'il faut rentrer/taper/renseigner pour s'authentifier et valider une nouvelle connexion sur un appareil inconnu quand on n'a pas d'autre appareil sous la main de déjà authentifié pour valider la connexion à partir de l'application.
Et sinon jamais personne d'une seule banque ne m'a appelé en 15 ans... Et si ça arrivait, je raccrocherai poliment à mon interlocuteur et je rappelerai moi même juste derrière ma banque. Après, faut pas être trop naïf non plus... Mais le coup de l'ID de la banque qui s'affiche sur l'écran du téléphone, c'est assez, voire très vicieux.
Aux compagnies de téléphone de faire leur part du boulot aussi et de sécuriser leurs réseaux.
Modifié le 26/10/2024 à 16h53
Après je ne me rappelais même plus de la réponse pour une (votre plat favori ? ) car renseignées il y a plus de 10 ans dans le système...(Et les goûts culinaires changent avec l'âge... )
Bon Finalement, on y est arrivé mais elle ne m'a jamais donné la réponse à cette question... Mystère...
Le 24/10/2024 à 18h06
Modifié le 25/10/2024 à 03h32
Pour moi, à cause de quelques négligeants, on va mettre 10 jours à effectuer des virements: 24 ou 48h pour l'émission et des seuils de plus en plus bas.
Personnellement, je ne connais pas le numéro de mon conseiler et la banque n'arrête pas de ne pas valider des demandes de virements qu'on n'a pas initier soi-même: c'est la bas à bas.
Le 24/10/2024 à 18h18
Je lui avais expliqué que je m'étais laissé surprendre, mais que je ne ferai plus jamais une authentification de ce type, dans la mesure où je n'avais de mon côté aucune garantie que la personne en face était bien qui elle prétendait être. Elle m'a compris. J'ai relevé le problème du côté du service client en précisant que c'était un anti-pattern du point de vue de la sécurité, j'ai l'impression qu'ils se sont rendu compte de leur erreur, ils ont revu leur design depuis - chez moi ils passent maintenant par une authentification à leur appli mobile, sur mon téléphone que j'ai référencé comme "de confiance".
Concernant les virements, dans la même banque, quand j'ajoute un nouveau destinataire je ne peux lui faire des virements qu'à partir du lendemain. Même si j'ai effectué l'ajout via le site web, et validé avec mon téléphone. C'est peut-être suite à cette affaire.
Le 25/10/2024 à 03h36
Ne pas installer des applications sur son téléphone dont le développeur n'est pas connu.
Le 26/10/2024 à 16h55
Le 25/10/2024 à 03h01
Le 25/10/2024 à 03h38
Il existe aussi des calculettes avec carte founies par certaines banques.
Le 25/10/2024 à 10h27
J'ai beau être sensibilisé à toutes ces affaires (arnaque téléphonique, phishing ...), je suis conscient que je peux très bien me faire avoir un jour pour x raisons : fatigue, stress, affaire légitime concomitante ...
Modifié le 25/10/2024 à 13h08
Le plus simple est d'éviter ce genre de moyens, d'avoir des plafonds plus élévés et de ne valider que les opérations qu'on a soi-même initialisé, opérations validées par les notifications de son application bancaire sur son téléphone portable (pas par sms).
Comment un conseiller bancaire peut vérifier qu'il a le bon client au bout du téléphone et vice-versa?
Soit-dit en passant, j'ai des amis qui mettent encore des lecteurs PDF et des scanners sur leur téléphone sortis de je ne sais d'où. Y en a qui cherchent vraiment les ennuis.
Je ne suis pas à l'abri mais il ne faut pas faire n'importe quoi. D'ailleurs, dans la famille, il n'y a qu'un accès bancaire qui est autorisé à faire des virements et j'évite de me connecter via un PC.
Pour l'anecdote, une fois j'ai signalé à mon conseiller un mauvais fonctionnement de l'appli: il m'a demandé mes identifiants et mots de passe pour vérifier......
Le 26/10/2024 à 17h07
Quand ON appelle sa banque et non sa banque qui vous appelle, évidemment que la personne au bout du fil vous fait passer plusieurs étapes d'authentification pour vérifier votre identité...
Le 28/10/2024 à 13h42
Il manque une petite passphrase ou éventuellement l'envoi d'un code.
Le 28/10/2024 à 15h21
Modifié le 26/10/2024 à 17h10
Mon ordi devait avoir un spyware - Trojan / keylogger. La banque (Bourso a remboursé les 2500€ @ 3 débits frauduleux sans aucune notification d'ailleurs sauf relevé de compte de fin du mois).
Après tu ne peux pas demander à tout le monde, cad pour 90% des gens qui n'y connaissent rien ou pas grand chose à l'informatique de lancer un scan antivirus + un scan de spyware + un scan de rootkit + un scan de keylogger, et bien sûr tout ça offline sur un recovery disk Linux ou un Windows PE pour être bien bien sûr , et cela avant de se connecter sur son site bancaire...
Personne ne le fait... Personne...
Modifié le 29/10/2024 à 10h17
Et donc quand les gens ne se protègent pas eux-même et leur argent, c'est à leur banque de payer ? Un peu facile, tu ne trouves pas ? D'ailleurs, s'il y avait un peu plus de conséquence à un hack de particulier, les gens feraient peut-être plus gaffe 🤷♂️
Modifié le 29/10/2024 à 15h40
Je suis d'accord, pas la même chose.
Le 25/10/2024 à 14h18
fauxvrai conseiller."Ou alors l'intérêt de la manoeuvre m'échappe.
Le 26/10/2024 à 17h11