France Titres relance le dossier numérique citoyen
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L’arrivée de l’application France Identité relance le vieux serpent de mer du dossier numérique. Dans son contrat d’objectifs et de performance 2024 - 2026 publié début août, France Titres y fait directement référence. L’agence compte sur la synergie du cadre juridique européen pour proposer à terme un même service pour la totalité des justificatifs émis par l’administration française.
Le 05 septembre à 11h35
9 min
Internet
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En mars, l’application France Identité est sortie de bêta puis devenue officiellement disponible sur Android et iOS. Elle en profitait pour présenter une nouveauté : le support du permis de conduire. L’objectif de l’application est simple, puisqu’elle doit fournir une preuve dématérialisée de l’identité, grâce à la carte d’identité. Depuis, l'application est devenue fournisseur d'identité pour FranceConnect.
Cependant, comme nous l’indiquions déjà l’année dernière, cette preuve ne peut exister que si l’on possède la dernière version de la carte d’identité, sobrement qualifiée « d’électronique » (CNIE), lancée en 2021. L’immense majorité de la population ne peut pas encore profiter et il faut donc déclencher un renouvellement de CNI. Le bénéfice est pour l’instant mince, à moins de tenir absolument à ne se servir que de son smartphone pour la totalité des opérations. En outre, la reconnaissance de la preuve par l’application fait encore parfois grincer des dents, à la SNCF par exemple.
Mais les usages devraient prendre le large au cours des prochaines années. France Titres, l’ancienne ANTS (Agence nationale des titres sécurisés), a affiché ses ambitions dans un contrat d’objectifs et de performance pour 2024 - 2026, sous l’égide du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, dont elle dépend. On y apprend qu’elle compte notamment sur un doublement de l’utilisation de son application (développée par Atos) chaque année et que le nombre de documents pris en charge devrait décoller. Au point de relancer l’idée d’un dossier numérique citoyen, en profitant de l’élan donné par le règlement européen sur l'identité numérique, entré en vigueur le 20 mai.
Une identité numérique régalienne
Pour l’agence, l’identité numérique est « le pivot central autour duquel s’articule l’ensemble de la vie numérique des citoyens ». Elle représente donc un « enjeu crucial », dont il faut assurer la fiabilité et la sécurité. D’importantes questions sont soulevées sur la protection des données, la confiance numérique et la gouvernance des plateformes d’identification.
Le programme France Identité Numérique a un objectif ambitieux : « permettre aux usagers de retrouver des données d’identité numérique régaliennes, attestées, présentables partout, dans tout service en ligne ». Avec, à terme, la possibilité de remplacer la photocopie de la carte d’identité.
France Identité parle « d’installer l’identité numérique régalienne ». Toute personne doit ainsi pouvoir justifier de son identité « facilement, de manière sécurisée et maîtrisée ». L’agence évoque le déploiement d’une solution technique « robuste et sécurisée » apte à apporter la confiance nécessaire, l’internalisation et le maintien des compétences humaines nécessaires, ainsi que la généralisation de l’application mobile, pour « asseoir la valeur juridique du justificatif d’identité ». Elle souhaite aussi « faire émerger les usages de l’identité numérique » (en ligne ou non) et proposer une solution d’authentification à la hauteur.
Vers un dossier numérique citoyen
La grande ambition de France Titres apparaît page 26 du contrat. Nommée « coordinatrice de l’un des consortiums sélectionnés par la Commission européenne dans le cadre de la mise en place d’un portefeuille numérique européen interopérable sur la base de l’identité numérique », l’agence va piloter la mise en place d’un prototype.
Il s’agira du premier prototype de portefeuille européen. Six cas d’usage sont prévus : accès aux services gouvernementaux en ligne, ouverture d’un compte bancaire, enregistrement d’une carte SIM, permis de conduire dématérialisé, signature électronique qualifiée et prescription médicale électronique. Une liste restreinte, mais qui montre tout le potentiel pratique d’un tel portefeuille.
La mise en place de ce prototype est prévue sur deux phases. Dans la première, il sera question de rassembler les documents-clés. En France, l’opération a déjà commencé avec le permis de conduire. Pour rester dans le même domaine, la carte grise est aussi prévue. À terme, tous les titres sécurisés devraient être rassemblés dans le portefeuille.
Dans la seconde phase, l’agence prévoit d’ajouter l’ensemble des attestations pouvant être proposées par l’État. Cet ajout couvre un grand nombre de documents : droits sociaux, adresse de correspondance fiscale, statut d’étudiant, et autres éléments régulièrement demandés pour prouver une situation. L’objectif est de faciliter les démarches en ayant toujours sous la main tous les documents importants et en pouvant les envoyer quand nécessaire.
Procuration de vote en ligne, vote en ligne des Français de l’étranger, plaintes en ligne, acte notarié en ligne, transaction immobilière en ligne, évolution de contrat d’assurance-vie et tout autre usage impliquant des données sensibles (RIB, transactions…) sont autant d’exemples cités.
Un vieux serpent de mer
Cette idée de portefeuille numérique citoyen n’est pas neuve, loin de là. Le terme était déjà employé en 2019 dans une feuille de route gouvernementale. Il était alors question de créer « une vision à 360° des relations avec les organismes publics ». Les citoyens devaient alors pouvoir consulter la liste des informations dont les administrations disposent, suivre les échanges de données entre ces dernières et développer un système de notification pour informer de l’avancement des dossiers. La mission était confiée à la DINUM (Direction interministérielle du Numérique).
Fin 2021, le ministère de la Transformation et de la Fonction publiques lançait l’expérimentation « Mon FranceConnect » pour les 25 000 premières personnes inscrites. Cette version prenait en charge quatre documents : le justificatif de revenu fiscal de référence, la preuve d’inscription à Pôle Emploi (aujourd’hui France Travail), les droits à l’Assurance Maladie et le quotient familial de la Caisse nationale des allocations familiales. Seules quatre collectivités participaient à l’expérience : Créteil, Issy-les-Moulineaux, Saint-Ouen et Evry-Courcouronnes.
Depuis, on ne savait pas vraiment ce qu’il était advenu de ce projet. Dans son contrat d’objectifs, France Identités indique justement reprendre à son compte l’expérimentation Mon FranceConnect. Elle sera intégrée « à la logique du portefeuille numérique proposé aux usagers ».
Faire évoluer tout l'écosystème
Les défis sont multiples. Il va falloir en effet sensibiliser la population à ces nouvelles capacités, en travaillant en particulier un sujet sensible : la confiance. Le grand public n’est pas le seul visé, car les services eux-mêmes devront être adaptés pour tirer parti de ces nouveaux usages. France Identité cite notamment « des ajustements dans la collecte et le traitement des données » et des « améliorations dans l’expérience utilisateur ».
L’agence veut aussi développer les usages de proximité et encourager le développement d’applications spécifiques, comme France Titres, utilisée par les forces de l’ordre. En bref, faire bouger l’ensemble de l’écosystème. Consciente que la simple acceptation d’une preuve dématérialisée – dans les transports par exemple – pose toujours problème, France Titres dit réfléchir à une évolution législative en ce sens.
Cette ambition de généralisation se retrouve dans les chiffres imaginés. Utilisée par environ 500 000 personnes actuellement, l’application France Identité devrait finir son année sur un score de 600 000. L’agence table ensuite sur un doublement les deux prochaines années : 1,2 million en 2025 et 2,4 millions en 2026. Le nombre d’identités numériques certifiées générées par l’application devrait rapidement grimper : de 10 000 seulement en 2024 à un million en 2026. Même chose pour le permis de conduire : 200 000 l’année prochaine, un million en 2026.
Le bon moment
Mais pourquoi le mouvement prendrait-il mieux cette fois ? Au-delà d’un programme beaucoup plus ambitieux que précédemment, France Titres profite surtout de l’appel d’air provoqué par l’évolution du cadre juridique européen. Le règlement sur l'identité numérique est en effet entré en vigueur le 20 mai, modifiant l’ancien règlement eIDAS de 2014.
Ce nouveau cadre pose les bases de l’identité numérique en Europe. Il aborde des sujets variés comme la dématérialisation des documents importants et titres, l’harmonisation des pratiques en Europe, l’utilisation transfrontalière des services ou encore – nous y voilà – la constitution d’un portefeuille numérique et des règles de sécurité l’accompagnant. Le cadre impose en outre la gratuité de ce portefeuille et des mécanismes de validation l’accompagnant, le caractère open source du code pour les applications liées (sauf exceptions que les États devront justifier), ainsi que la preuve d’identité sans envoi de données personnelles.
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Un vieux serpent de mer
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Faire évoluer tout l'écosystème
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Le bon moment
Commentaires (36)
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Abonnez-vousLe 05/09/2024 à 12h00
1. sans garantie de sécurité parce que "m'voyez, la base était intégralement accessible à Jean-Mich Alternant dont le job était le dépétouillage des photos mais promis maintenant que c'est trop tard on fera attention aux accès."
2. qui sera délégué à un GAFAM sur lubie gouvernementale avec blanc-seing de la CNIL.
3. qui autorisera un peu plus le croisement de bases de données à des fins politico-douteuses.
Oui, c'est très mauvais esprit mais l'actualité prouve presque quotidiennement qu'on ne l'est jamais trop.
Le 05/09/2024 à 14h35
Le 05/09/2024 à 12h30
Le 06/09/2024 à 17h50
Je ne suis absolument pas contre le passage simple par FranceConnect plutôt que d'envoyer une photo de ma CNI lorsque je fais un achat en ligne qui nécessite légalement une procédure KYC, mais pour tous les sites en général, absolument pas.
Le 05/09/2024 à 12h58
Le 05/09/2024 à 13h30
Et : Plus spécifiquement : pourquoi un portefeuille numérique doit obligatoirement passer par une application mobile, cantonnée à des systèmes d'exploitations édités par des sociétés sous la menace d'enquête pour abus de position dominante ?
Le 05/09/2024 à 15h16
Le 05/09/2024 à 15h23
Le 06/09/2024 à 13h51
Le 08/09/2024 à 12h57
Le 05/09/2024 à 13h32
Je me demandais ce que pouvait être de dossier numérique citoyen.
Modifié le 09/09/2024 à 17h30
Le "portefeuille numérique" est un projet européen tout récent qui ressemble dans les grandes lignes au précédent mais en bien moins ambitieux sur le volet "guichet unique pour tous les services publics"
Ce que l'article essaie de dire c'est que France Titres profite du fait que l'Europe veut mettre en place le portefeuille numérique pour réanimer le projet "dossier numérique citoyen" plus ambitieux.
Modifié le 05/09/2024 à 13h51
Pour les justificatifs qui ne servent qu'aux administrations française, à voir. Mais bon va encore y avoir des problèmes pendant des années et qui empêcheront des gens d'accéder à leurs droits. Et ça parle d'application en plus, déjà que je ne peux pas changer l'adresse de mon entreprise pour cause d'application FranceConnect+ de mes c.....es qui demande un smartphone Android (et un qui lui convient, pas n'importe lequel), sans autre solution que raquer pour un certificat eIDAS à la con ce que je me refuse à faire. Tant pis je continue à payer mes impôts locaux au mauvais endroit, l'adresse physique ne me sert à rien d'autre.
Le 05/09/2024 à 14h15
Modifié le 05/09/2024 à 21h13
On peut toujours demander une attestation d'assurance mais ce n'est pas un document normalisé et pas forcément multilingue, donc sans garantie de validité sur le moment.
Et si je suis pas à jour et que ça vient d'être précisé, c'est bien tardif depuis le temps que cette dématérialisation est prévue, pour un cas pourtant évident et courant. C'est du bon numérique à la française, par la force avec des trous dans la raquette, au lieu d'un système bien pensé qui s'imposerait de lui-même par sa praticité. Et on s'en fout de ceux qui restent sur le bord. Et après on s'étonne que les gens aient une mauvaise image de l'informatique.
Le 06/09/2024 à 06h45
Le 05/09/2024 à 17h47
Cette page donne des explications assez ambigües : à la 1re question associée, il semble que l’on puisse utiliser le permis numérique lors d’un contrôle routier (en France), mais est-ce tous les policiers/gendarmes sont équipés du terminal qui va bien ? La seconde dit « non », mais sans vraiment en préciser les limitations effectives.
Le 06/09/2024 à 18h01
Le 05/09/2024 à 13h43
Le 05/09/2024 à 15h11
Le 05/09/2024 à 20h46
Pas envie de devoir lutter avec France Titre parce que le vendeur aura mis comme raison "comprends rien aux applications" ou "sais pas où c'est", c'est déjà suffisamment difficile aujourd'hui d'obtenir le code de cession que je n'insiste même plus si le vendeur ne sait pas immédiatement de quoi je parle, et je fais la démarche sans (et au début de l'ANTS on pouvait pas sans et c'était l'enfer).
Le 05/09/2024 à 15h12
Et truc marrant, j'ai constaté qu'en me connectant avec mon compte ANTS (vérifié avec numéro de sécu de mémoire) ou france Connect ben c'était 2 profils différents, ils avaient pas mergés les infos pourtant uniques et vérifiées.
Le 05/09/2024 à 17h12
Usages que je vois :
- Simplifier l'accès aux sites, via un simple lecteur USB de carte à puce
- prouver que l'on est réellement majeur sur les sites interdit au -18 ans (-21 dans certains pays)
- Je peux prendre ma voiture avec simplement ma carte d'identité. Plus besoin d'avoir permis et carte grise sur moi.
Le 06/09/2024 à 18h04
Ça devrait se généraliser "sous peu" (une demi-décennie peut-être) chez nous aussi.
Le 05/09/2024 à 19h46
Et ça marche sur LineageOS, Fairphone OS, /e/, etc... ?
Et sur un Laptop Linux avec un lecteur d'empreinte ?
Le 06/09/2024 à 18h10
L'equipe de France Identité est par contre au courant pour GrapheneOS, qui est bien plus sécurisé et digne de confiance pour une application aussi sensible qu'une identité numérique. On va voir s'ils choisissent de l'ajouter en whitelist ou non.
Sur un laptop Linux ça m'étonnerait, de la même manière que ça ne fonctionne ni sous Windows ni sous MacOS. Par contre j'aimerais bien qu'on puisse utiliser un lecteur de carte pour pouvoir signer des documents niveau qualifié eIDAS avec sa carte d'identité.
Le 07/09/2024 à 08h42
+1
Le 10/09/2024 à 08h20
Le 06/09/2024 à 09h21
Modifié le 06/09/2024 à 18h12
On va voir si cette interdiction dure encore longtemps avec des politiques qui sont de plus en plus "europhiles mais que quand ils font des lois qui nous plaisent, sinon on désobéi" comme notre nouveau premier ministre (même si lui c'est plutôt sur l'immigration et la Charte des droits de l'Homme)
Le 06/09/2024 à 21h22
Soit ce n'est pas le bon article, soit le explicitement interdit est loin de sauter aux yeux (donc pas vraiment explicite).
Modifié le 07/09/2024 à 16h32
Plus précisément le 5(c) qui est explicité par le considérant 31
Le 07/09/2024 à 18h08
Merci pour la précision ;)
Le 12/09/2024 à 07h55
Modifié le 16/09/2024 à 16h59
Après évidemment il y a des cloisonnements, les aides sociales au logement ne prennent pas en compte les feux piétons grillés ni même les condamnations pour des faits plus graves (sauf perte des droits) mais uniquement ce qui a trait au logement. Tout comme les impôts ne prennent en compte que le volet financier. Mais c'est une sorte de crédit social restreint.
Le 07/09/2024 à 08h52
😤
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