Rejeté le mois dernier par l’Assemblée nationale, le couplage entre images de vidéosurveillance et logiciels de reconnaissance faciale est de retour. Au Sénat, une proposition de loi a été déposée vendredi 17 juin afin d’arriver, à terme, à une détection automatique des personnes « fichées S ».
« Et si la reconnaissance faciale était un moyen supplémentaire d'éviter les attentats ? » s’interroge faussement Roger Karoutchi, au travers d’un texte qui n’est pas encore sur le site du Sénat (mais que Next INpact a pu consulter). L’élu Les Républicains affirme que l’identification de Mohamed Abrini, « l'homme au chapeau » des attentats de Bruxelles, « a été rendue possible grâce à un logiciel de reconnaissance faciale développé par le FBI ». Sauf qu’en France, ce type de dispositif est très difficilement implémentable – comme l’a récemment déploré le maire de Nice, Christian Estrosi, lui aussi LR.
L’idée ? Dès lors que le programme détecte, à partir d’images de vidéosurveillance, un visage s’apparentant à celui d’un individu recherché, l’agent de police scrutant ses écrans est directement averti. Plus besoin donc de conserver sous le coude les photos de personnes à retrouver... Roger Karoutchi croit d’autant plus au potentiel de ces dispositifs que ceux-ci seraient de plus en plus performants : « Capables d'identifier des individus en fonction de l'écartement des yeux, des caractéristiques des oreilles ou encore du menton, des arêtes du nez ou de la commissure des lèvres, ces systèmes automatisés sont en constante amélioration. On notera, par exemple, le développement de capteurs 3D, la reconnaissance de visages en mouvement, le traitement de visages vus de profil et la capacité à vieillir un modèle. »
Un texte à la mesure des arguments opposés par la majorité
Le mois dernier, lors de l’examen du projet de loi sur la justice du 21ème siècle, plusieurs députés LR menés par le très droitier Éric Ciotti ont tenté de faciliter le déploiement de tels dispositifs en France. Leur amendement aurait permis aux forces de l’ordre de disposer d’un accès aux « clichés anthropométriques » (vue de face, de profil, etc.) contenus dans le fichier automatisé des empreintes digitales. Ce dernier vise plus de trois millions de personnes, impliquées notamment dans des enquêtes relatives à des crimes et délits – sans forcément qu’elles se révèlent finalement coupables.
Le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, s’y est toutefois opposé, expliquant tout d’abord qu’il avait du mal à voir pourquoi les promoteurs de la reconnaissance faciale réclamaient un accès à ce fichier en particulier. Le garde des Sceaux avait ensuite fait valoir que leur amendement présentait à ses yeux « des risques d’atteinte aux libertés publiques ». La CNIL explique effectivement qu’il faut être vigilant face au caractère intrusif des technologies de reconnaissance faciale, la liberté d’aller et venir anonymement pouvant progressivement être « remise en cause » selon l'institution.
Constitution d’une base des « fichés S » à rechercher automatiquement
Roger Karoutchi semble avoir retenu la leçon, puisque la proposition de loi qu’il vient de déposer devant le Sénat s’attache à répondre méticuleusement aux craintes exprimées par la majorité.
« Chaque fiche du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) comporte une photo prise dans un cadre normalisé et identique pour toutes, seule exploitable par des logiciels de reconnaissance faciale. Tel n’est pas le cas des autres fichiers » explique tout d’abord l'ancien secrétaire d'État de Nicolas Sarkozy. Il propose ainsi de coupler les clichés anthropométriques du FAED avec le fichier des personnes recherchées (FPR), tout du moins pour son volet relatif aux « personnes faisant l'objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l'État » – les fameux « fichés S ».
L’objectif : « Constituer une base de données fiable, qui sera ensuite reliée à un système de vidéo-protection ». Pour « les seuls besoins de la prévention du terrorisme », le recueil en temps réel de l’image d’une personne pourrait ainsi être autorisé « à des fins d’exploitation biométrique », par le Premier ministre. Matignon devrait respecter « le principe de proportionnalité » et préciser le « champ technique de la mise en œuvre » d’un tel traitement.
La CNCTR et la CNIL mises dans la boucle
Roger Karoutchi l’assure, « seule l’identité des "fichés S" pourra être rentrée dans la base de données, puis complétée avec les données anthropométriques issues du FAED. Ainsi, aucune autre personne ne pourra être identifiée ou localisée au moyen de ce dispositif. » Pour faire taire les craintes exprimées par Jean-Jacques Urvoas quant aux atteintes aux libertés publiques, le parlementaire a ajouté un « garde fou » : la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, instaurée par la loi Renseignement, serait amenée à donner son avis – purement consultatif – sur l’autorisation du Premier ministre. L’institution disposerait en outre « d'un accès permanent, complet et direct à ce traitement ainsi qu'aux informations et données recueillies ».
Le décret en Conseil d’État destiné à mettre en musique ces dispositions devrait d’autre part être pris après avis de la CNIL (même si celui-ci reste lui aussi consultatif, dans la mesure où le gouvernement n’est pas tenu de le suivre). Ce texte complémentaire viendrait quoi qu'il en soit préciser « la nature des informations enregistrées, la durée de leur conservation ainsi que les autorités et les personnes qui y ont accès ».
Restera maintenant à voir si l’élu arrive à trouver un créneau permettant l’examen de son texte, sachant que l’Assemblée nationale devra s’en saisir ensuite pour espérer une adoption. Or l’embouteillage parlementaire se fait de plus en plus ressentir au fur et à mesure que 2017 approche...
Commentaires (51)
#1
Owi, là on se met bien niveau surveillance de masse !
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Roger Karoutchi l’assure, “ seule l’identité des “fichés S” pourra être rentrée dans la base de données”
Ouf. Me voilà rassuré.
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Ce qu’il ne dit pas, c’est que tout le monde sera fiché S d’ici là " />
#4
Person of interest à la française ?
#5
5 à 10 000 fiches S, ce n’est pas de la surveillance de masse tant qu’on en reste là.
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#7
Je te trouve bien optimiste !
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#10
Pour « les seuls besoins de la prévention du terrorisme »
Bien sûr, une fois que ce sera en place, ils n’essayeront pas d’y ajouter d’autres cas " />
Patience Roger, dans un an tu retournes ta veste, et ta nouvelle maîtresse adoptera ta proposition.
#11
Souvenez vous du scandale des écoutes téléphoniques, en tout cas pour les plus vieux.
Dès que le gouvernement a un outil dans les mains, il est toujours détourné par le pouvoir en place.
Pourquoi celui-ci échapperait-il à la règle ?
#12
Parce qu’on l’utilisera que contre les fichés S et autres terroristes Promis-Juré-Craché
#13
Ca permettrait de suivre les personnes fichées ou mentionnées sur avis de recherche pour quelque chose de sérieux, mais il faudrait que l’encadrement soit sérieux, plus sérieux que ce qu’on a pu faire précédemment…
Si tu rentres la tronche d’un type pas recherché et pas fiché, il faudrait que la sanction soit dissuasive et appliquée, mais encore faudrait-il que la justice en ait connaissance…
C’est globalement pas une mauvaise initiative, mais pour la mise en oeuvre… On risque la catastrophe comme d’habitude.
#14
Bin si c’est de la masse : tu dois bien vérifier la tronche de tout le monde pour voir si il y a un dangereux écolo fiché “S” dans le tas.
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#16
L’association de défense des droits des pédophiles va finir par se plaindre que les politiques favorisent désormais la communauté terroriste aux dépends de leur communauté pour justifier les avancées en matière de tracking généralisé.
#17
On n’est pas obligés de sauvegarder la tronche de tous les gens qu’on a croisés…
Mais ce genre de précision technique a tendance à se perdre au niveau de la loi ou de l’implémentation, et là on est à la surveillance de masse si l’on garde une photo de chacun dans tous les lieux où ils sont allés, fichés ou pas.
J’espère que le budget stockage les découragera de faire un truc du genre.
#18
C’est fou tout ce qu’on peut faire avec comme prétexte le terrorisme et/ou l’évasion fiscale :
Et bientôt, faire mourir les chèques et coupler la surveillance avec de la reco faciale.
Rien à dire, c’est beau la démocratie :-)
#19
Salut,
Petite question: qu’en est-il des établissements scolaires qui avaient déjà pensé à cela, il y a plus de 10 ans, pour faire appliquer l’interdiction de passage, ou simplement d’entrée, à toutes les personnes n’étant ni élève ni du personnel (hors journées portes ouvertes et parents-professeurs)?
Je connais personnellement au moins un lycée qui veut pouvoir le faire en toute légalité.
#20
une proposition de loi pour coupler vidéosurveillance et reconnaissance faciale Au Sénat. photosurveillance devrait suffire. Ils bougent plus beaucoup nos sénateurs.
#21
Comme d’hab, les dérives possibles sont inquiétantes…
Comme je bosse avec des tapés dotés d’une mentalité d’agents de la Stasi, le service du personnel de mon administration va pouvoir voir combien de temps j’ai passé à Monoprix pour acheter mes sandwiches de ma pause repas de midi…
#22
Ça t’apprendra à être fiché S !
#23
On s’occupera des dérives plus tard si elles sont révélées puis on régularisera tout ça a posteriori pour garder le statu quo " />
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#25
Ce sera géré par Orange, Thales, Total, SNCF, ERDF ?
#26
Et comme d’habitude :
“la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement,
instaurée par la loi Renseignement, serait amenée à donner son avis – purement consultatif – sur l’autorisation du Premier ministre.”
Donc, en clair, la CNCTR pourra dire non et le premier ministre VTFF !
C’est du déjà vu … et ça ne sort pas de MATRIX " />
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#28
Avec le big data ils pourront suivre toute la population française.
#29
Si ma mémoire est bonne, il n’est pas fonctionnaire, mais travail pour une administration.
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#31
On ne va même pas s’en servir pour les manifestants ? Quel argent public dépensé pour rien…
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#32
Et il finance ça avec quoi Karoutchi ? Les fonds cachés de l’UMP ? La dette publique ?
Il y a un truc que je ne comprends pas c’est qu’un sénateur puisse être réélu. Avec le suffrage indirect, les français n’ont alors aucun pouvoir pour l’empêcher d’être réélu à part si plus personne ne vote pour son parti pendant suffisamment longtemps.
#33
On va tous se faire Cazeneuver !
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#35
de toute facon faut aller au bout de la logique…
#36
Et les pedophiles alors ? On les laisse circuler librement ?
T’en fais pas, les projet de loi pour étendre celui là est déjà dans les cartons.
Ainsi que le suivant
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Et puis si elles sont révélées c’est du vol de données, vu que la CNCTR ne donne qu’un avis consultatif et non public.
Et les voleurs de données c’est eux les méchants, faut pas faire attention à ce qu’ils volent.
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#39
Donc ma mémoire est à chier, est du confondre avec quelqu’un d’autre." />
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Escusez moi, j’ai pas trops suivi, mais fiches S c’est pour syndiqués ou juste Syndicalistes ?
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Avec AF peut-etre " />
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C’est pour ca que je garde mon salaire allemand en Allemagne " />
Mais cherchant aussi du taf en Suisse, je vais surement me heurter a ce genre d’incident “collatéral”… .
#44
uniquement pour les fichés S, ben voyons.
suffit d’ajouter des fichés S.
facile: note blanche sur un coin de table.
ou d’ajouter des gens qui sont pas S dans la liste.
facile: pas de contrôle (enfin plutôt contrôle de personne).
y’a encore des gens qui tombent dans le panneau du “ouais mais c’est juste pour quelques méchants”?
ou tout le monde fait semblant d’y croire?
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tfacon quand on vénère un cône libre, on est forcément un barbu terroriste " />" />
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Possible, mon cerveau est comme un gruyère des fois." />
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#50
Si, après que j’ai utilisé mon couteau pour en manger." />
#51
tricheur ! " />