Elle n’est pas vraiment contente, Nathalie Martin. La directrice exécutive de Wikimédia France juge scandaleuse l’arrivée d’une redevance sur les moteurs d’images. Après les restrictions sur la liberté de panorama, puis celles sur les monuments nationaux, c’est la goutte de trop.
Comment analysez-vous la redevance sur les moteurs d’images ajoutée au projet de loi Création ?
C’est scandaleux, c’est fou ! Nous sommes au summum de ce qu’on pouvait faire en termes de privatisation du domaine public, avec la complicité des parlementaires. Les sociétés de perception et de répartition des droits sont arrivées à annihiler complètement ce que pouvaient permettre les licences Creative Commons. Désormais, toute image apportera quelque chose à ces sociétés, sans même respecter le désir et le droit de l’auteur de décider de l’utilisation de son image.
Les partisans de la redevance sur les moteurs jugent anormal que les moteurs puissent exploiter sans contrepartie ces créations
C’est une autre question qu’il faut plutôt poser aux moteurs de recherches. Ce qui a été choisi pour répondre à cette problématique permet selon moi d’atteindre d’autres objectifs cachés et latents.
C’est-à-dire ?
Les licences CC sont décriées depuis belle lurette par les sociétés de gestion collective. Armées de l’épouvantail Google, elles vont en réalité pouvoir œuvrer beaucoup plus largement puisque grâce à cette disposition, quiconque mettra une image sur Internet enrichira les SPRD alors même qu’il souhaitait le partage et la réutilisation.
Peut-on anticiper une réaction épidermique des moteurs à l’instar de l’Espagne ?
Je n’ai aucune idée de ce qui va se passer de leur niveau. Au niveau de la communauté, nous allons publier une information, compte tenu des implications pour Wikipédia Commons. Entre ça, les domaines publics nationaux et la liberté de panorama, nous avons vraiment le sentiment d’être dans une régression totale par rapport à nos valeurs.
Avez-vous été auditionnée d’une manière ou d’une autre par les parlementaires en amont du PJL Création ?
Pas du tout. C’est un silence radio sur cette affaire-là, nous avons donc l’impression d’un jeu en sous-marin. Autant, on nous auditionne sur tous les sujets possibles et imaginables, mais sur ce projet de loi Création, tout le monde a bien pris soin de ne rien nous communiquer.
Dans un récent communiqué, vous considérez aussi que le projet de loi Création organise un copyfraud sur les domaines nationaux, pourquoi ?
On vise ici des domaines ayant un fort lien historique avec la France et jusqu’alors dans le domaine public. Pour une affaire de « fric » entre le domaine de Chambord et une marque de bière, le texte donne au gestionnaire un « droit d’autoriser » et de facturer complètement séparé du droit d’auteur. Si cette loi est entérinée dans quelques jours, ce qui a de fortes chances d’arriver, les contributeurs seront obligés de retirer toutes les photos en question, notamment celles des fiches du Château de Versailles ou de Chambord. C’est tout de même incroyable pour des monuments aussi représentatifs de la culture française !
On a milité des mois pour faire advenir la liberté de panorama qui déjà, nous semblait correspondre aux usages, cette fois, on retombe dans l’Ancien régime !
Ses partisans pourront cette fois répondre que ce droit vise seulement l’utilisation commerciale des images de ces immeubles, non Wikipédia…
Sur Internet, 90% des espaces sont considérés comme commerciaux. Les licences sous Wikipédia permettent le libre partage par rapport à cette réalité où tout est considéré comme commercial, du fait de la publicité, des réseaux sociaux, etc.
Comme les projets permettent la libre réutilisation, il n’est pas possible de mettre en danger les contributeurs. Si demain quelqu’un met une photo du Château de Chambord sur Wikimédia Commons et qu’une autre personne la réutilise sur les réseaux sociaux, et si pour X raisons, elle fait le buzz, cette réutilisation commerciale entraînera une insécurité juridique.
Êtes-vous malgré tout satisfaite de la liberté de panorama tel qu’envisagée par le projet de loi d’Axelle Lemaire ?
Absolument pas. Le texte exclut l’usage « à caractère directement ou indirectement commercial » tout en réservant cette liberté aux particuliers. Même constat donc : c’est une méconnaissance absolue d’Internet.
C’est certes une grande victoire politique puisqu’on en a beaucoup parlé, du coup le grand public a pu mieux appréhender cette notion. C’est aussi une victoire médiatique compte tenu des retombées. Mais au niveau pratique, cela ne change absolument rien à nos projets qui ne peuvent participer au partage de la connaissance. En outre, les particuliers ne peuvent toujours pas poster sur les réseaux sociaux. Ils ne sont absolument pas protégés.
Avez-vous eu des échanges avec Axelle Lemaire ?
Sur Twitter, dernièrement, la secrétaire d’État a expliqué qu’on pourra utiliser ces photos si elles ne finissent pas sur une carte postale, un t-shirt, ou un logo. Voilà une compréhension très limitée de ce qui est commercial, oubliant la nature d’Internet. Ces régressions perpétuelles sont ridicules pour le numérique et la diffusion de la culture même à l’international !
Commentaires (46)
#1
Lorsque j’ai lu l’article de NXI sur cette taxe envers les moteurs de recherche et l’indexation des images, quelle que soit leur licence (donc compris les Creative Commons, la Licence Art Libre…) ou la nature juridique (source illégale), j’ai voulu ne pas y croire, mais oui, ce Gouvernement tombe plus bas que possible dans l’inféodation aux lobbies des ayants-droit et la négation du domaine public, incroyable et malsain.
J’espère qu’il sera possible de pouvoir s’inscrire individuellement et réclamer notre “part” pour toutes les photos postées sous licence libre, afin de saturer le système, ou de pouvoir aller en Justice au niveau européen contre cette ineptie… " />
#2
ça me fait beaucoup penser à la nouvelle “Les Hauts Parleurs” de Alain Damasio.
#3
Wikimédia France dénonce la « privatisation du domaine public »
Donc, une taxe sur des moteurs d’images qui sont en réalité privés, c’est une privatisation du domaine public, c’est de lultralibéralimsedébrivage…
#4
Ce que dénonce Wikimédia, c’est que cette Loi englobe tout, y compris des images appartenant au domaine public ou publiées sous des licences libres autorisant le partage (avec ou sans clause “non commercial”) mais qui, se retrouvant indexées par les moteurs de recherche, donneront lieu à une taxation et récupération d’argent par des sociétés d’ayants-droit, au mépris de la volonté de leurs auteurs (photographes, dessinateurs) et sans que ceux-ci n’en touchent 1 cent…
#5
ce qui rapelle le racket de la SACEM qui veut du pognon même si tu diffuse de la musique libre et qui te saoule pour y adhérer meme si tu distribue librement ta propre création musicale.
#6
c’est une méconnaissance absolue d’Internet
Absolument pas ! Bien au contraire d’ailleurs….
Avec le grand respect que j’ai pour Mme Martin (bon, ok, pour son poste) il faut absolument arrêter de faire passer les politiques pour des débiles ignorants, c’est tout l’inverse….
C’est une volonté délibérée, particulièrement bien ciblée d’ailleurs…. Il faut absolument que le grand public comprenne que leurs représentants élus travaillent contre l’intérêt général et que ce n’est pas un effet de bord imprévisible !
Et ce n’est pas en prétendant qu’ils ne comprennent rien à un secteur auquel 80% de la population ne comprend rien que ça va retourner l’opinion….
#7
Exactement, et qui ne redistribue qu’aux plus gros artistes… En fait, chaque fois que l’on pense gagner 1 millimètre de terrain (la pseudo-liberté de panorama très encadrée et dans les faits limitée), par derrière ils t’enfilent d’1 km ! " />
#8
Tout à fait. De la même manière que certains ont longtemps moqué la soi-disant nullité des dirigeants de majors par rapport à la révolution numérique et leur modèle obsolète, il ne faut surtout pas sous-estimer les sociétés de DA et les parlementaires : parfois avec retard et maladrese, ils savent parfaitement ce qu’ils font, pourquoi et comment y aller pour le faire voter et accepter…
#9
L’article à l’air super intéressant mais j’ai clairement pas le bagage nécessaire pour comprendre pourquoi cette situation est si “alarmante”. Un petit dossier avant l’interview aurait permis de toucher un plus large publique et de nous éduquer un peu au passage ^^
ps : J’ai compris les grandes lignes, mais quelque subtilités ont du m’échapper
#10
Moi qui pensais que le hold-up était une infraction envers la loi , plus maintenant visiblement " />
#11
Cet article précédent explique tout :
http://www.nextinpact.com/news/100309-en-france-on-restreint-liberte-panorama-on…
#12
" />
Si le vol est l’art que tu préfères,
Ta seule vocation, ton unique talent,
Prends donc pignon sur r’u, mets-toi dans les affaires,
Et tu auras les flics même comme chalands.
" />
#13
et comment ca va se passer pour une mairie et son service tourisme mettent des photos de la ville/village pour faire venir le touriste
#14
Le plus simple ca reste encore la disparition pure et simple de toute image/oeuvre libre de droit pendant 1 mois, et le tout remplacé par une ligne d’explication sur le hold-up ayant droit
#15
Puisqu’une image affichée dans un navigateur est téléchargée sur le disque dur,
et que l’on paye déjà une taxe pour la copie privée sur tous les espaces de stockage,
ne peut-on pas considérer que la taxe sur une image affichée par Google a déjà été perçue, et qu’elle est donc désormais touchée deux fois par les ayant-droits ?
#16
Non.
De rien.
#17
Merci !
Par contre maintenant je sais pas si je dois en rire ou en avoir peur XD
#18
C’était nécessaire d’être aussi péteux ?
Autant ne rien écrire dans ce cas, ça aurait autant répondu à ma question et ça t’aurait évité de passer pour un trou du cul.
#19
La RCP ne vaut que pour les stockages “mobiles” (ie. pas le disque dur de ton PC de bureau ou de ton ordinateur portable) et n’est pas destinée à cela : elle compense la supposée “perte” d’un ayant droit quand tu effectues une copié à titre privée d’une oeuvre pour laquelle il dispose des droits patrimoniaux (typiquement, le CD que tu achètes dans le commerce et que tu rippes pour en mettre une copie numérique sur ton smartphone), et ce en vertu de l’exception pour copie privée (qui est rappelons le au bon vouloir de l’ayant-droit) " />
#20
#21
#22
#23
#24
" />
Comme disait Audiard, “Un marchand de tableaux est un voleur inscrit au registre du commerce.” Il suffit de remplacer “Marchand de tableaux” par autre chose et ça fonctionne tout aussi bien " />
#25
Je connais bien Nathalie… Elle s’est toujours battue pour des choses aberrantes… Elle ne lâchera pas !
Si vous pouvez, soutenez Wikimédia, sinon, on est tous dans la merde !
#26
battue pour ou contre des choses aberrantes? " />
#27
Sauf que là les sociétés commercial n’ont rien eu a débourser pour prélever la taxe … encore pire que la nouvelle que tu cite au final. La réalité dépasse toujours la fiction … mais pourquoi faut il que ce soit pour les mauvaises choses " />
#28
cela s’appelle la monétisation du net. Ça a commencé dès les années 97-98 quand la publicité, donc le commerce, a été vue comme un moteur de croissance d’internet.
Le commerce c’est la mort de toute liberté et la mère de toutes. les inégalités.
En Mésopotamie déjà, des tribus se faisaient la guerre en revendiquant le commerce.
#29
au contraire il faut faire accélérer les choses.
De toute façon on est des grenouilles dans une casserole d’eau sur le feu.
A quoi ca sert de faire bouillir l’eau encore plus lentement ? prolonger l’agonie ?
C’est l’inverse qu’il faut : que ça boue plus vite, pour que ça réagisse plus vite.
#30
Avec ce gouvernement il n’y a plus aucune limite dans la médiocrité et la bétise.
Je crois même qu’ils vont réussir à faire pire que le précédent avec hadopi, c’est dire le niveau.
#31
Ha wouais, je me suis embrouillé ! ^^
Je voulais écrire la tournure “contre les choses aberrante” et c’est l’édition qui a dérapé. ^^’
#32
#33
Vampirisation avec soutien gouvernemental " />
#34
POURQUOI POURQUOI wikimedia ne met-elle pas les pieds dans le plat en créant sa propre société de gestion des droits ?
(pour laquelle l’argent récolté pourrait servir à l’entretien des serveurs, faire du lobbying)
[sauf si bien sûr la création de ces sociétés de gestion n’est pas possible car réservée à l’usage exclusif des”copains” déjà en place ? ]
Si grâce aux images sur wikimedia cette société venait à capter une part non négligeable de la taxe Google on commencerait à les écouter.
Bien entendu cette société revendiquerait être le représentant légal de toutes les images sous licence libres même si leurs créateurs ne sont pas adhérents (si “les autres” le font pourquoi se priver ?)
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#39
Tu es comme les ayants droits, c’est jamais de ta faute " />
#40
Wikimedia puisse tordre suffisamment ses propres principes
On est d’accord qu’à ce niveau c’est plus de la torsion mais de la contorsion.
N’empêche que j’aimerai vraiment voir arriver un concurrent à ces sociétés de gestion qui débarquerait avec ses gros sabots et qui dirait : je veux 50% des droits pour toutes les images dont on n’a pas identifié les utilisateurs (ou distribué sous une licence non reconnue).
#41
Ça tombe bien, il n’a pas à les reconnaître. Une licence est un contrat privé, donc s’il n’est pas hors la loi, il est valide.
Donc, éventuellement, un juge pourrait ne pas les reconnaître.
#42
#43
XDR !!!
La différence, c’est qu’avec moi, l’erreur n’est pas faite en cherchant à tirer du profit. :p
#44
Ah ah mais sur un malentendu on peut tenter de conclure " />
#45
On les savait incompétents au plus haut degré sur les questions sociales et économique, sans parler de leur virage autoritaire quand on espérait qu’ils auraient au moins à coeur, à minima, de défendre les libertés fondamentales.
Avec les questions sur les nouvelles technologies, ils restent donc cohérents.
#46
Encore un méfait d’un gouvernement de dr…
Oh wait !