Mali V-500 : « puce anti-piratage » ou simple solution de traitement vidéo ?
Lorsqu'un titre compte plus que la qualité de l'information
Le 04 juin 2013 à 10h40
8 min
Sciences et espace
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En marge de différentes annonces sur lesquelles nous allons bientôt revenir, ARM a dévoilé une nouvelle solution : Mali V-500. Derrière cette référence se cache un produit dédié au traitement vidéo qui supporte la technologie TrustZone maison, de quoi faire renaître les craintes à propos de la fameuse « puce anti-piratage ».
Depuis que l'informatique grand public existe, les constructeurs ont tenté plusieurs fois d'imposer des verrous aux utilisateurs au nom de la sécurité. L'une des plus marquantes de ces dix dernières années est sans doute le fameux projet LaGrande d'Intel, qui est désormais connu sous le petit nom de Trusted Execution Technology (TXT) et surtout utilisé en entreprise (AMD propose d'ailleurs son équivalent depuis de nombreuses années). Il ne s'agit au final que de s'assurer que la plateforme est sécurisée lorsqu'il s'agit de faire fonctionner certaines applications. Exploité à bon escient, cela dispose d'une grande utilité, mais l'on imagine très bien les dérives dans le domaine du grand public, si cette chaîne de sécurité était utilisée comme un DRM géant par les éditeurs de logiciels et autres fournisseurs de contenus.
Intel explique les avantages de TXT pour la sécurité
Sécurité ou surveillance de l'utilisateur : une question qui n'a rien de nouveau
L'affaire de l'identifiant des Pentium III avait d'ailleurs montré qu'à une époque (et sans doute encore maintenant pour certains), s'ils pouvaient nous identifier à chaque instant pour suivre les consommateurs que nous sommes, ils le feraient sans la moindre hésitation. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe désormais en partie avec les trackers publicitaires et autres bouton « J'aime », contre lesquels luttent les initiatives telles que Do Not Track par exemple.
Plus récemment, on a vu d'autres technologies naître afin de favoriser la sécurité des utilisateurs, avec des échos plus ou moins négatifs en fonction du traitement de la presse. Intel Protection Technology est par exemple passé assez inaperçu malgré des annonces répétées d'Intel. Il faut dire qu'elle pourrait être pourtant assez utile puisqu'elle permet de généraliser l'authentification en deux étapes qui intéresse tous les services en ligne actuellement, tout en assurant une gestion matérielle de la génération du code de sécurité. Steam Guard de Valve avait d'ailleurs un temps fait la démonstration de son exploitation et depuis quelques services l'ont mis en place.
Reste que dans la pratique, cette solution est encore assez peu utilisée bien qu'elle remplacerait avantageusement les applications pour smartphones et autres générateurs matériels proposés par Blizzard ou Paypal par exemple. Nous avons pour notre part déjà évoqué que des initiatives de paiement en ligne à la sécurité renforcée par cette technologie étaient en cours d'élaboration, notamment pour tout ce qui touche au sans contact (NFC).
Lorsque la sécurité s'applique au multimédia, le dérapage n'est pas loin
En fait, c'est surtout lorsque cela touche au multimédia que les choses s'emballent. Les ayants droit nous ayant toujours habitués à des fonctionnements et des décisions assez ubuesques, tout le monde s'affole assez rapidement, surtout sur des terrains technologiques qui nécessitent un certain recul pour assurer une bonne compréhension. Les exemples sont nombreux, mais l'un des cas récents les plus flagrant était l'annonce de Sandy Bridge par Intel, et sa fameuse technologie Insider.
Derrière cette dénomination marketing, comme nous l'expliquions à l'époque, se cachait en réalité une extension de la norme HDCP aux réseaux sans fil, sa version 2.0 en fait. Car comme vous le savez sans doute si vous nous lisez depuis quelques années, les contenus tels que les Blu-ray ne peuvent être lus que si l'environnement est considéré comme sécurisé de bout en bout de la chaîne. On peut considérer cela comme futile, mais c'est dans tous les cas la décision des ayants droits. Le véritable problème qu'elle pose se trouve d'ailleurs surtout dans le manque d'interopérabilité de ces solutions, comme l'a montré la question de la lecture de ces médias par des logiciels open-source tels que VLC.
Quoi qu'il en soit, Insider répondait à une demande express des grands studios pour laisser le PC accéder aux contenus 1080p en streaming. Les consoles par exemple, fonctionnent de manière assez fermée et disposent de protections spécifiques qui permettent à ces derniers d'être rassurés quant à la sécurité de leurs contenus. Cela ne les empêche nullement de se retrouver sur la toile, mais que voulez-vous : l'important dans la notion de sécurité, c'est l'impression de sécurité. Quoi qu'il en soit, il était rendu impossible aux services accessibles sur PC de diffuser des contenus d'une telle définition, ce qui est d'ailleurs encore souvent le cas en France actuellement.
Pour y parvenir, Intel a annoncé le support de la nouvelle norme HDCP qui permettait d'assurer une chaîne de confiance en partant de l'écran de l'utilisateur jusqu'au serveur de diffusion. Des partenariats spécifiques ont alors été signés. Cela n'a pour autant pas empêché la presse de l'époque, et certaines grandes agences, de titrer sur le fait qu'Intel annonçait non pas un processeur Core de nouvelle génération, mais bien « une puce anti-piratage ».
Mali V-500 : une simple solution de décodage et d'encodage vidéo
Cela nous mène au Mali V-500 d'ARM annoncé pendant le Computex qui se déroule actuellement à Taïwan. Qu'est-ce que cette solution ? Ce n'est en soit pas une puce, puisque pour rappel, ARM ne fabrique rien. Il propose des architectures à intégrer à des SoC qui seront créés et fabriqués par d'autres. Ici, il s'agit d'une nouvelle famille de produit qui se focalise non pas sur le calcul ou la partie graphique, mais sur le traitement vidéo. Un peu à la manière des codec hardware qu'utilisent les fabricants de CPU / GPU actuellement, elle se focalise sur l'encodage (H.264 et VP8) ainsi que le décodage (H.264, H.263, MPEG4, MPEG2, VC-1/WMV, Real et VP8) matériel de contenus qui peuvent aller jusqu'à une définition de 1080p ou même de type 4K. Elle exploite pour cela huit cœurs spécifiques et la technologie AFBC maison.
Les usages visés sont bien entendu la vidéo-conférence, terrain sur lequel Intel avance actuellement ses pions avec Quick Sync Video, le support de Miracast / Wireless Display qui est à la mode, le jeu vidéo via un écran déporté sur lequel NVIDIA est assez actif avec sa console SHIELD, mais aussi la compression et la lecture de fichiers multimédia. Et pour assurer le support des ayants droits, il faut que la chaîne de protection matérielle soit assurée. Pour cela, la société a une solution toute prête, existant depuis 2003 : TrustZone.
Elle est vouée à de multiples usages, comme le paiement sécurisé ou la protection contre les malwares par exemple. Elle avait même été annoncée comme faisant désormais partie intégrante de prochains Opteron d'AMD. Mais voila, comme toute solution de sécurité, elle permet aussi la gestion des droits numériques, les fameux DRM. C'est d'ailleurs ce qui intéresse ici ARM et les ayants droits, puisque cela lui permettra de décoder les contenus venant de plateformes de VoD par exemple.
La gestion des DRM sur les SoC ARM : cela existe déjà
Cela n'a d'ailleurs rien de nouveau ni d'innovant, puisque NVIDIA s'était par exemple associé avec Trusted Logic (partenaire d'ARM sur le sujet depuis 2004) pour proposer le même genre de solution en 2011 sur ses puces Tegra, là aussi en se basant sur TrustZone. Celle-ci est d'ailleurs déjà utilisée par de nombreux constructeurs, et la création en 2012 d'une joint-venture avec Gemalto et Giesecke & Devrient n'a sans doute fait que renforcer encore un peu les choses.
Le Mali V-500 évitera-t-il le piratage ? Sans doute pas. Permettra-t-il aux produits qui l'intègrent de traiter des flux protégés ? Certainement. Est-ce que les ayants droits doivent continuer d'exiger la protection de leurs contenus diffusés en streaming ? C'est une autre question. Mais dans tous les cas, cela n'empêchera pas certains de nos confrères de se focaliser sur la question du piratage au sein de leurs titres, sans forcément aller plus loin. C'est sans doute ce qu'il faudra le plus regretter dans cette affaire.
Mali V-500 : « puce anti-piratage » ou simple solution de traitement vidéo ?
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Sécurité ou surveillance de l'utilisateur : une question qui n'a rien de nouveau
Commentaires (26)
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Abonnez-vousLe 04/06/2013 à 11h21
Le 04/06/2013 à 11h22
Ce qui me fait délirer dans ces concepts, c’est que au final, ça sera comme avant, au lieu de réaliser une copie “DRM-Free”, il suffira de créer une copie conforme de l’original (avec les DRM) pour que ça devienne lisible partout…
Je suis à côté de la plaque ?
Le 04/06/2013 à 11h27
Le coup de la recherche Google pour critiquer les autres sites c’est petit, et ça marche avec tout ce que l’on veut :
Google
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Le 04/06/2013 à 11h29
Le 04/06/2013 à 11h40
Le 04/06/2013 à 11h41
Le 04/06/2013 à 11h41
Le 04/06/2013 à 11h42
Le 04/06/2013 à 11h51
ok, donc ça concerne essentiellement la VOD/SVOD, qui ne m’intéresse pas au vu des tarifs et globalement du confort très inférieur pour le moment aux versions sur media physique.
Je pense que tous ces systèmes vont réussir à dégouter tout le monde de tenter l’aventure légale pour le dématérialisé. Sauf si il font un (énorme) effort sur les prix proposés, mais dans ce cas, le choix de mettre en oeuvre un DRM me dépasse…
Le 04/06/2013 à 11h59
Le 04/06/2013 à 12h35
Le 04/06/2013 à 12h48
Le 04/06/2013 à 13h08
L’affaire de l’identifiant des Pentium III avait d’ailleurs montré qu’à une époque (et sans doute encore maintenant pour certains), s’ils pouvaient nous identifier à chaque instant pour suivre les consommateurs que nous sommes, ils le feraient sans la moindre hésitation.
[mode troll on] Infâme propos nauséabond qui fait référence à la théorie du complot, qui nous rappelle les HLPSDNH. Sus aux geeks des extrêêêmes ! [mode troll off]
Le 04/06/2013 à 13h11
de décodage et d’encodage vidéo
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-> “de décodage et de compression vidéo”, ça serait plus correct et plus joli.
Le 04/06/2013 à 13h34
Le 04/06/2013 à 13h39
Le 04/06/2013 à 13h40
Le 04/06/2013 à 14h05
Le 04/06/2013 à 15h01
Bien compliqué pour pas grand chose quand même, bientôt quand on vas vouloir aller pisser, il va falloir appeller un web service de la compagnie des eaux pour savoir si 1 85XXXXXXXX peut aller pisser sans payer une taxe supplémentaire sur le traitement des eaux usées….
On marche sur la tête là, tous centraliser est dangereux, le jour où les serveurs tombent (ou que la boite fait faillite) on fait quoi ? Les blu ray on les jette ? On les colle dans les arbres ?
Le 04/06/2013 à 17h45
A la base les vidéos sont faites pour être vues par vos yeux, et la musique entendue par vos oreilles.
Donc tant qu’il n’y aura pas de “puces DRM” sur vos yeux et vos oreilles la chaîne n’est pas sécurisé de “bout en bout” puisqu’il faut bien afficher “en clair”, ou jouer la musique “non chiffrée”.
A partir de là, rien n’empêche de capturer l’image/la musique et la réencoder. Au pire on a une qualité un tout petit peu moins bonne, mais rien de grave à côté de ce qu’on supportait avec le VHS !
Donc toutes ces mesures sont vouées à un échec de plus. Elle ne font que compliquer la vie des clients légitimes, et les pousser vers des choses plus faciles à lire même si pas totalement légales.
Les fournisseurs de contenu feraient mieux de se creuser les méninges pour trouver de nouveaux modèles économiques compatibles avec l’époque du Web (des Googles ont bien réussi) plutôt que de persister dans ces erreurs DRMesques.
Le 04/06/2013 à 18h10
Le 05/06/2013 à 07h57
Le 05/06/2013 à 10h30
Le 05/06/2013 à 16h37
Le 04/06/2013 à 10h45
l’important dans la notion de sécurité, c’est l’impression de sécurité.
C’est aussi l’occasion, pour les propriétaires de contenu, de contrôler les distributeurs (pro) et de leur coller une pression commerciale. Si le contenu s’enfuit à la fin de la chaîne (le spectateur), ce n’est pas nécessairement important pour eux.
Le 04/06/2013 à 10h52
L’apparition d’une solution de DRM hardware de bout en bout (du serveur de streaming à l’écran final) n’est-elle pas justement un moyen de rendre la possibilité au software qu’il y a entre les deux de ne plus être bridé par les DRM software actuels ?
Dit autrement, déporter la gestion des DRM en bout de chaîne, dans l’écran, n’est pas la possibiltié pour un VLC par exemple de pouvoir à nouveau lire un Blu Ray ?
(vraie question, s’il fallait le préciser).