Loi sur le contrôle parental : le jeu vidéo expose ses craintes à la Commission européenne
Et PEGI, c'est du cochon ?
Le 20 juin 2022 à 14h01
6 min
Droit
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Le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs et l'Interactive Software Federation of Europe ont adressé une lettre à la Commission européenne. Ils y dénoncent les risques de la législation française imposant un logiciel de contrôle parental sur tous les écrans connectés.
« Si nous saluons cette loi, nous craignons néanmoins que sa mise en œuvre ne crée de lourdes contraintes techniques et ne conduise à une fragmentation européenne si cette législation impose de modifier les pratiques historiques mises en place par chaque fabricant de consoles ».
Voilà résumé en quelques mots le cœur des critiques adressées par l’industrie du jeu vidéo visant la loi imposant l’installation d’un logiciel de contrôle parental sur l’ensemble des systèmes connectés, consoles comprises.
La missive, que nous a signalé Frédéric Couchet, a été portée dans le cadre de la notification de la loi du 2 mars 2022 auprès des instances européennes. Quand le texte porté par le député LREM Bruno Studer entend généraliser cette installation, les acteurs du jeu vidéo répondent en substance ne pas avoir attendu le législateur pour agir.
Problème, des différences existent suivant les éditeurs en particulier « dans la manière dont les contrôles sont activés par les parents », que ce soit dans la création de profils, l’édition des comptes, etc. Une flexibilité à laquelle tient coute que coute cette industrie, sauf à lui imposer des « contraintes » et des « adaptations techniques importantes ».
L’attention sur les décrets d’application
La loi demande l’installation d’un logiciel de contrôle parental dont l’activation devra être proposée lors du premier démarrage. Au-delà de ces grandes lignes, toutes les attentions sont portées dans les décrets d’application.
Ils préciseront à la fois les fonctionnalités minimales, mais également les caractéristiques techniques de ces solutions logicielles, outre « les moyens mis en œuvre par le fabricant » pour faciliter leur utilisation. Les mêmes textes devront détailler « les modalités selon lesquelles le fabricant et, le cas échéant, le fournisseur du système d'exploitation certifient que les systèmes d'exploitation installés sur les équipements terminaux intègrent le dispositif ».
Chacune de ces strates est source d’inquiétudes dans le monde du jeu vidéo, puisqu’une réglementation tatillonne impliquerait une réforme de l’ensemble des chaînes de production spécialement taillée pour le seul marché français.
Et on imagine sans mal les conséquences si d’autres États membres suivaient l’exemple français avec à chaque fois des textes légèrement différents…
Neutralité technologique
Le secteur du jeu vidéo réclame dès lors une prise en compte de la diversité des appareils concernés, tout en sollicitant « une approche technologiquement neutre, afin de ne pas générer d'incompatibilités d'usage avec certaines technologies ou d’excessives complexités ».
Autre souhait : ces futures règles ne devront pas scléroser les possibles évolutions techniques. Voilà pourquoi l’univers du jeu vidéo se contenterait bien de simples normes minimales, qui devraient prendre en compte par ailleurs les solutions déjà préexistantes.
Il suggère ainsi le lancement d’une large concertation outre la mise en œuvre d’une étude préalable sur les différentes solutions en vigueur, histoire d’inspirer la plume du régulateur et lui éviter de commettre l’irréparable.
Cette réglementation future ne devra pas créer « de nouvelles entraves aux échanges entre les différents États membres », expose encore la lettre adressée à la Commission. En clair, « un système de contrôle parental reconnu dans un État membre doit être reconnu de la même manière dans les autres États membres ». L’idée est ainsi d’éviter que des États membres ne fassent cavalier seul avec des législations pouvant altérer chacune le sacrosaint principe de liberté de circulation.
Les sources d’inquiétudes concernent également le futur décret qui devra décrire « les moyens mis en œuvre par le fabricant pour faciliter l'utilisation » du logiciel de contrôle parental. Les fabricants de consoles ayant opté pour des solutions à base de profils utilisateurs, le SELL et l’ISFE demandent là encore à être entendus et que les mesures déjà mises en place ne soient surtout pas remises en cause.
Inquiétude sur le régime de certification
Autre sujet d’interrogations, le régime de certification adopté par le législateur. Les fabricants devront certifier auprès des importateurs que les équipements mis sur le marché français intègrent bien une solution de contrôle parental.
La lettre anticipe déjà un risque de « charge administrative importante » avec un « coût financier élevé ». De même, « si un certificateur tiers doit intervenir avant le lancement de nouveaux produits, cela pourrait entraîner des problèmes de propriété industrielle et des délais supplémentaires ». Voilà pourquoi dans leurs doléances, le SELL et l’ISFE se contenteraient bien d’un régime d’autocertification.
Jeprotegemonenfant.gouv.fr
Enfin, l’un des décrets devra décrire « les modalités selon lesquelles les fabricants contribuent à la diffusion de l'information disponible en matière de risques liés à l'utilisation de services de communication au public en ligne par les personnes mineures, à l'exposition précoce des enfants aux écrans et aux moyens de prévenir ces risques. »
Interrogations de l’industrie du jeu vidéo qui rappelle ses multiples campagnes en la matière. Pour elle, le meilleur vecteur d’une telle information est le site Jeprotegemonenfant.gouv.fr, site de sensibilisation financé par plusieurs acteurs dont justement le Syndicat des Éditeurs de Logiciels de Loisirs.
Loi sur le contrôle parental : le jeu vidéo expose ses craintes à la Commission européenne
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L’attention sur les décrets d’application
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Neutralité technologique
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Inquiétude sur le régime de certification
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Jeprotegemonenfant.gouv.fr
Commentaires (23)
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Abonnez-vousLe 20/06/2022 à 14h13
Cela pose également un problème pour les distributions Linux qui étaient pré-installés sur quelques PC.
J’espère que Ubuntu va rapidement proposer un contrôle parental pour se conformer.
Le 20/06/2022 à 18h04
Le gros problème c’est que l’implémentation doit être certifié (probablement par l’AFNOR), proposer une solution ça a déjà un coup surtout pour des distributions GNU/Linux qui n’ont pas les mêmes moyens que les GAFAM, et si en plus ça doit être certifié le coup sera encore plus élevé. Pour les petites distributions dans la pratique c’est impossible de faire cela.
Encore hélas une loi qui va favoriser la centralisation chez les GAFAM qui eux ont une armée de juristes, les moyens financiers et techniques pour se conformer à la loi, ce que n’ont pas des petits et moyens acteurs.
Une très mauvaise loi qu’il faudrait abolir pour préserver les libertés numériques.
Le 21/06/2022 à 06h43
Se conformer à quoi? on a pas le début du commencement d’une spécification… En plus, si chaque pays débarque avec ses specs, ça va devenir ingérable, ou alors on va se retrouver avec les plus petit dénominateur commun, genre il faudra que dès l’activation, le contrôle parental bloque:
Le 20/06/2022 à 14h28
Encore et toujours la même chose que je retiens, le contrôle parental est déjà disponible par défaut, Sony, Microsoft et Nintendo n’ont pas attendu cette loi pour permettre aux parents de contrôler les comptes des enfants.
Le 20/06/2022 à 15h10
Oui, mais ces contrôles déjà présents ne respectent pas forcément les nouvelles obligations légales spécifiques françaises introduites avec cette loi.
Le 21/06/2022 à 11h21
quand j’ai créé un compte pour ma fille sur mon PC perso (sous Windows) je me suis renseigné sur le contrôle parental intégré par défaut à Windows.
Le premier pré-requis, c’était de créer un compte Microsoft pour ma fille. Elle a 9 ans, j’ai estimé que cette partie pourrait attendre. Du coup, pas de contrôle parental logiciel pour elle.
Mais quand elle est sur le PC… je reste avec elle, donc par définition, le contrôle parental est là.
Le 20/06/2022 à 14h40
Je ne vois pas qui pourra faire et maintenir un tel logiciel dès la première utilisation d’un ordinateur, tant ces logiciels sont mis à jour régulièrement. Certes, PEGI est mis en place depuis des décennies pour satisfaire les inquiétudes du législateur, mais l’information de celui-ci n’intègre pas d’implémentation interopérable : à part un logo dans le jeu, rien n’informe le système d’exploitation des caractéristiques PEGI du jeu en cours de lancement. Il faudrait donc une base de données mise à jour régulièrement, à l’instar de la base de données de signatures de virus dans un logiciel anti-virus. Cela représente un coût. Qui le supportera ?
De manière plus réaliste, la boutique en ligne Steam, majoritaire sur PC, gère l’âge des joueurs et dispose d’un partage familiale apte à gérer un contrôle parental. Pour peu que les parents ouvrent plusieurs comptes sur leurs ordinateurs, en mode administrateur, car Steam le réclame pour ses mises-à-jour, et que le partage familial soit actif. Lol. C’est ingérable pour le commun des mortels.
Non, vraiment, une très mauvaise idée. Genre, vraiment. Cela ne peut être autre chose qu’une grosse usine à gaz totalement ignorée de tous.
Le 20/06/2022 à 15h35
Quand j’étais gamin il y avait PEGI, qui existe encore et qui n’a jamais servi à quelque chose. Maintenant, tout faire reposer sur un contrôle parentale n’est pas une bonne idée, le solutionnisme technologique n’est pas une solution.
Le 20/06/2022 à 16h17
J’vais pas commenter la news on en a déjà parlé des millions de fois…
Par contre je viens de remarquer cette nouvelle tendance de notre gouvernement : Créer des sites
je*.gouv.fr
Juste aujourdhui :
Jeprotegemonenfant.gouv.fr
je-decarbone.fr
Je me suis demandé si c’était un moyen de contourner le fait que tous les noms de domaines soient pris, ou alors si les gens qui pondent ça sont un tantinet condescendants…
Le 20/06/2022 à 19h17
Je pense que c’est surtout une volonté de faire “officiel”. Quand on a un .fr classique, c’est difficile de savoir si ça provient bien du gouvernement ou pas.
Pour une entreprise ou une entité, je trouve que c’est très bien d’utiliser des sous-domaines, notamment car cela permet d’instaurer de la confiance et donc de se protéger (un peu) contre le phishing…
Le 20/06/2022 à 16h35
Quand je vois le nombre de gamins en train de jouer avec une console + télévision passé 10h je me dis qu’il est totalement stupide de vouloir faire ce genre de loi. De mon temps il y avait pas de télévision dans la chambre et si télévision il y à avait pas le droit de fermer la porte.
Et si par malheur il y avait une tentative et qu’ont était pris la main dans le sac, la console et la télévision finissaient dans le placard pendant quelques jours.
Le 21/06/2022 à 05h39
Va pas leur donner des idées ! Contact de feuillure couplé à une prise pilotée obligatoire dans les chambres des gosses
Le 21/06/2022 à 10h43
Le 21/06/2022 à 10h44
. En france il ne sera pas possible de démembrer les enemis.
. En allemagne le sang sera vert
. Au usa les filles à gros nénés subiront une réduction
. Ect
Le 21/06/2022 à 10h56
SEMI TROLL
je dis ça je dit rien, mais pourquoi pas un PERMIS DE PARENT ….
Par si je ne m’abuse c’est quand même au parent d’éduquer les enfants en 1ER lieu…
Donc avant de pouvoir avoir un enfant : examen qui sur les lois en vigueur, et si tu le loupes pas le droit d’avoir un gamin, avant le prochain examen 1 an après.
Le 21/06/2022 à 11h04
On peux conduire n’importe comment après avoir eu le permis de conduire…. :-(
Et je connais bcp de gens, dont moi, qui l’auraient raté exprès, ce permis
Le 21/06/2022 à 11h56
Toute ce projet de Loi sur l’obligation d’avoir un contrôle parental, sur toutes les machines ; c’est, pour essayer une métaphore filé, comme si toi qui n’a pas d’enfant (dont mon hypothèse) on t’obligeait à avoir un siège enfant. Hors c’est bien à ceux qui ont des enfants qu’on oblige à en avoir un. Pas aux autres.
Le 21/06/2022 à 11h17
Certains ont tentés : Stigmatisation des pauvre puis racisme.
Le 21/06/2022 à 11h18
Ça limitera quand même certains abus.
Le 21/06/2022 à 12h44
on a une ministre qui, pour lutter contre le dérèglement climatique et pour le pouvoir d’achat, croit bon d’inviter les français à ne pas surutiliser la climatisation. Des fois que les gens seraient trop cons pour penser par eux-même que plus ils mettent la clim fort, plus ça va douiller sur la facture d’électricité.
Non, je ne crois pas qu’il s’agisse d’un moyen de contourner quoi que ce soit. Je pense qu’il y a dans les ministères plein de gens qui ont le sentiment qu’ils viennent de découvrir l’eau tiède, et qui veulent sincèrement faire profiter leurs compatriotes de leur génie, vu que selon eux les compatriotes en question sont visiblement trop bêtes pour y arriver eux-mêmes.
Le 21/06/2022 à 13h07
Le 22/06/2022 à 05h15
Tout à fait, ça reste de la solution technologique à l’efficacité très relative, voire contre-productive avec un risque de faux sentiment de “sécurité”.
Le 21/06/2022 à 19h00
Difficile de faire du contrôle parental technique avec des services largement utilisés par les enfants et qui ne permettent pas de créer des comptes pour eux: Spotify par exemple.
J’ai dû créer un compte familial avec une date de naissance bidon sinon mes enfants ne pouvaient pas accéder à leur musiques ailleurs qu’avec youtube Je précise que ce qu’ils écoutent n’existe pas en cd.