Contre les communs, l’argumentaire de Fleur Pellerin adressé à des députés
Paf.
Le 19 janvier 2016 à 12h32
3 min
Droit
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« Le gouvernement est totalement défavorable au "domaine commun". Je vous envoie ci-dessous un argumentaire justifiant et expliquant cette position ». Voilà ce qu’a écrit le Cabinet de Fleur Pellerin, à un groupe de députés.
Alors que le projet de loi sur le numérique sera débattu cet après-midi à l’Assemblée nationale, le ministère de la Culture est revenu à la charge contre les amendements sur les communs (EELV, des élus PS, etc.). Pour mémoire, une telle disposition permettrait de tendre vers une définition positive du domaine public, mais aussi à une association agréée d’agir contre les revendications abusives exercées par un pseudo titulaire de droits sur une œuvre déjà élevée dans le domaine public, etc.
L'amendement sur les communs, la source de tous les maux pour la Rue de Valois
Le cabinet de Fleur Pellerin estime que la consécration d’un domaine commun informationnel est inutile au motif que « l'affirmation d'un développement croissant des pratiques de "copyfraud" n'a en aucune façon été démontrée, notamment lors de l'étude d'impact du projet de loi ». Le ministère en viendrait presque à nier en bloc cette difficulté... Autre chose, ce domaine commun serait dangereux car il ferait du droit d’auteur l’exception et le domaine public la règle. L’avis porté par la ministre a été puisé entre les murs du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, où se trouvent les principales sociétés du secteur (SACEM, SACD, etc.).
Le cabinet sort aussi l’artillerie lourde : il considère qu’un tel amendement pourrait menacer la recherche et le développement en France. De plus, « l’enregistrement d’un morceau de musique ou d’une chanson qui n’est plus couvert par le droit d’auteur, ne pourra donner lieu à la commercialisation d’un CD », au motif sans doute que l’amendement prohibe la mise en place de restriction de l’accès à une œuvre tombée dans le domaine commun informationnel...
Domaine commun consenti
Un autre amendement, qui permettrait cette fois à un auteur de renoncer à ses droits, est accueilli avec les mêmes ongles. « Aujourd’hui, un auteur peut décider de mettre à disposition ses œuvres à titre gratuit mais ce n’est jamais irrévocable. La disposition de l’avant-projet de loi permettrait une expropriation définitive des créateurs (dans le monde artistique mais aussi industriel puisque la disposition toucherait les logiciels et brevets). Au vu des rapports de force économiques sur Internet, il sera facile à un intermédiaire technique placé en position dominante (tels le magasin d’application Apple ou Youtube par exemple) de conditionner l’accès à leurs services à un abandon unilatéral et irrévocable des droits d’auteur. »
L'argumentaire adressé aux députés par le cabinet de Fleur Pellerin
Contre les communs, l’argumentaire de Fleur Pellerin adressé à des députés
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L'amendement sur les communs, la source de tous les maux pour la Rue de Valois
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Domaine commun consenti
Commentaires (48)
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Abonnez-vousLe 19/01/2016 à 12h36
Quelle magnifique puissance des lobbys " />
sinon pour l’argument suivant :
l’enregistrement d’un morceau de musique ou d’une chanson qui n’est plus couvert par le droit d’auteur, ne pourra donner lieu à la commercialisation d’un CD
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Le 19/01/2016 à 12h41
Le 19/01/2016 à 12h42
L’absence (« prohibe ») de restriction empêche de faire quelque chose ?
Seule explication que je vois : le verbe prohiber n’a pas le même sens dans leur dictionnaire que dans celui de l’Académie Française.
Quoique, pour être tout à fait complet, il faudrait ajouter la mauvaise foi de leur part mais « ça m’étonnerait quand même un peu » (© Pierre Desproges).
Le 19/01/2016 à 14h54
Pour l’interdiction des CD, je pense que c’est une grosse extrapolation de ce que je suppose : dans le cas de mon scénario, il ne sera pas interdit de publier et vendre le CD stricto sensu, mais personne ne sera incité à le faire, puisqu’il n’y aura pas de retour sur investissement possible.
Encore une fois, c’est ce que je suppose qu’ils supposent, pas ce que je pense qu’il va se passer.
Le 19/01/2016 à 14h56
Le 19/01/2016 à 15h01
Le 19/01/2016 à 15h01
Oui, je l’avais compris comme ça.
Mais si un spécialiste du droit d’auteur pouvait étudier l’amendement et nous dire ses conséquences réelles (sauf erreur de ma part, il n’y a rien à supposer, puisque l’avis porte sur une proposition concrète), apprécierait.
Personnellement, j’ai lu celui d’EELV, de mon point de vue de touriste, ça ne change rien à l’existence des droits voisins. Donc l’argumentaire serait du gros bullshit. Après, j’y connais vraiment pas grand chose.
Le 19/01/2016 à 15h33
le podoclaste a écrit :
Encore une fois, c’est ce que je suppose qu’ils supposent, pas ce que je pense qu’il va se passer.
heu…… comment dire ?
Le 19/01/2016 à 15h57
Sans doute la raison pour laquelle son legs a été remastérisé deux fois ces dernières années. Une fois en 2008, et l’autre il y a un an et vendu en 24 Bit. On parle quand même d’une bagatelle de 70CD et quelques…
D’ailleurs sa maison de disques s’est sentie tellement mal comme tu dis qu’elle a même mouru depuis (EMI -> Warner)
Le 19/01/2016 à 16h08
Si tu fais une interprétation géniale d’un Mozart, rien ne t’empêche de la déclarer à la SACEM et de faire valoir tes droits. Tout le monde restera libre de faire ses propres interprétations de Mozart, mais par contre faudra te donner de sioux pour passer l’enregistrement de ton interprétation dans un bar.
Avec la proposition EELV, la différence, c’est que si tu ne fais aucune démarche et ne clarifie par les droits (~ la licence) attachés à ton interprétation et ses enregistrements, par défaut, c’est à tout le monde. Le fait de commercialiser les enregistrements ne serait pas, en soi, une preuve de copyright. Faudrait bien ajouter un peu partout “© Zerdligham, tous droits réservés”.
Le 19/01/2016 à 17h18
C’est ce que dit vraiment la proposition EELV, domaine public par défaut sur les reprises et réinterprétations, ou c’est juste l’interprétation subjective et alarmiste qu’en fait le ministère de la culture ?
Le 19/01/2016 à 17h23
Le 20/01/2016 à 02h59
Le 20/01/2016 à 07h11
Encore une preuve si il n’en fallait plus que le gouvernement n’es pas impartial dans ses décisions et que celui qui brasse le plus de sous à plus de poids (même si son raisonnement est totalement hypocrite).
Du coup, égalité…
Le cabinet sort aussi l’artillerie lourde : il considère qu’un tel amendement pourrait menacer la recherche et le développement en France
Amha c’est tout le contraire.
De toute façon vu l’estime du gouvernement dans la recherche (rapport aux moyens mis à dispo…)
Le 20/01/2016 à 10h13
C’était pour citer le collègue du dessus. Par là je voulais dire “si la qualité en vaut la peine”.
Le 20/01/2016 à 11h40
Tu es sûr de toi? Parce qu’en le lisant, j’ai plutôt l’impression du contraire : c’est pour renoncer à ses droits qu’il faut faire la démarche explicite : Le titulaire d’un droit de propriété intellectuelle, de quelque nature que ce soit, peut autoriser l’usage commun d’un objet auquel ce droit est rattaché par le biais d’une manifestation de volonté à portée générale, à condition que celle-ci soit expresse, non équivoque et publique.
Dans le fond, même si c’est ta compréhension qui est bonne, il est dommage que la réaction à un amendement que serait jugé un peu trop jusqu’au-boutiste sur un point précis soit un rejet pur et simple, y compris des ses aspects qui ne posent aucun problème.
J’ai du mal à croire qu’il n’existe aucun juste milieu permettant de protéger le domaine public sans rendre impossible les rééditions diverses et variées.
Le 19/01/2016 à 13h22
Le 19/01/2016 à 13h25
C’est justement de pouvoir exploiter sa propre version qui les préoccupe.
Le 19/01/2016 à 13h32
Le 19/01/2016 à 13h56
Certes mais c’est a toi de le spécifier explicitement. Soit par tes dernières volontés soit par un sticker type CC accompagnant ton œuvre. La plupart ne le fait pas ou bien; pour ce qui sert d’exemple aujourd’hui, cela ne pouvait tout simplement pas être fait. On n’avait pas ces notions de droit il y a 1 siècle.
Ou encore le droit d’auteur n’a pas le même sens dans les petites lignes d’un pays a l’autre, d’une époque à l’autre (d’ou les convention de Buenos Aires 1910&52). Ca complique les choses sérieusement. Tout cela est compliqué à plus d’un titre.
Le principe de la tour Eiffel photographiée de jour ou de nuit est un exemple éclatant du problème. dans l’état actuel du droit tu fais ce que tu veux de jour (et encore pas en grosse résolution photo) mais pas quand les lumières s’allument… c’est une autre histoire.
Le 19/01/2016 à 13h56
Le 19/01/2016 à 13h58
Ah zut ils ont voulu gacher ton post avec celui là :p
http://www.amazon.fr/Mis%C3%A9rables-Victor-Hugo-ebook/dp/B00BUCZBM4/ref=sr_1_2?…
Le 19/01/2016 à 14h00
Euh je comprends pas trop les discussions ci-dessus. Imaginons un enregistrement 100% dans le domaine public (musique, interprètes, etc.), et qu’il existe en WAV. Rien n’empêche qui que ce soit d’en faire des CD, avec une jolie pochette illustrée, du contenu intéressant, et de le commercialiser.
D’ailleurs, même chose pour la commercialisation du WAV seul. Ceux qui achètent se font un peu entuber, vu qu’ils ont le droit d’en télécharger une copie autre part gratuitement, mais je ne pense pas qu’il soit illégal de commercialiser des œuvres élevées dans le domaine public. Après tout, la simple mise à disposition est un service en soi, pourquoi ne pas le faire payer.
En revanche, c’est (je pense) illégal si je mets sur la pochette que je suis l’auteur original.
Le 19/01/2016 à 14h04
Le 19/01/2016 à 14h06
“L’avis porté par la ministre a été puisé entre les murs du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, où se trouvent les principales sociétés du secteur (SACEM, SACD, etc.).”
ils se sont, PAS TROP, foulés !!!
Le 19/01/2016 à 14h07
Merci de ton explication, je comprends un peu mieux la phrase du coup.
Mon esprit continue de penser qu’appliquer à la musique cet amendement ne change rien : un artiste fait sa propre bidouille, conceptuellement parlant c’est SA bidouille et donne droit à rémunération.
Par contre appliqué à l’espace public, ça peut “poser problème” : une place dans une ville refaite par un artiste (exemple: place de l’hôtel de ville à Lyon refaite par Buren) qui est photographié parce qu’elle est un peu impossible à cacher quand on prend en photo le paysage et bien hop ! Procès pour avoir pris en photo la place (la justice a déclaré que la place n’étant pas le sujet principal de la photo, il n’y a pas fraude). La définition positive du domaine publique permet d’éviter ce genre de procès inutile.
Le 19/01/2016 à 14h10
Préoccupations qui ne reposent que sur du vent. Absolument rien, dans cette définition du domaine commun, ne supprime les droits voisins pour un nouvel enregistrement d’un morceau dans le domaine public. Les reprises ont encore de beaux jours devant elles…
Et leur “argumentaire”, qui se contente d’énumérer des phrases chocs en gras sans apporter de réels arguments concrets, n’apporte pas d’éclaircissement sur les raisons tangibles de cette “crainte”…
Le 19/01/2016 à 14h11
Le 19/01/2016 à 14h16
Le 19/01/2016 à 14h19
en fait, ça ne s’arrête ….. JAMAIS leurs DA !
“70 ans” –> pff !!
Le 19/01/2016 à 14h37
C’est la compréhension que j’en ai eu moi aussi a priori, mais ça ne couvre pas tous les cas (cf le commentaire du podoclaste). Par exemple, si tu fais une interprétation particulièrement géniale d’un Mozart, je trouverais logique que tu aies les droits dessus, même si l’œuvre d’origine est elle-même tombée dans le domaine publique. Ce que dit la ministre, c’est que ça ne serait plus possible avec l’amendement.
Je trouve dommage que l’article ne nous en dise pas plus sur la véracité juridique de ce qu’avance la ministre (par exemple, cette histoire de CD interdit, c’est une vraie conséquence de l’amendement, ou de l’intox?). Je ne suis pas assez calé pour m’avancer sur le sujet, mais si elle dit vrai, je trouverais moi aussi cela problématique.
Le 19/01/2016 à 14h42
Le 19/01/2016 à 12h44
C’est assez incroyable de lire ce genre de chose en effet.
En plus si un auteur veut distribuer gratuitement le fruit de son travail, un obscure clampin héritier peut revenir sur cette décision à son profit en gros.
Si je mets à disposition du contenu gratuitement et pour tous c’est pas pour qu’on revienne sur ma décision une fois mort.
Le 19/01/2016 à 12h44
Il faut être cohérent compte tenu du dernier paragraphe : il faut alors interdire les licences libres et en particulier celles « contaminantes ». Le coup de l’abandon des droits c’est quand même oublier que l’on n’est pas sous le régime du copyright et que le droit moral existe et est inaliénable mais c’est juste un détail.
Le 19/01/2016 à 12h49
L’adresse du cabinet, c’est toujours 42 avenue de Friedland dans le 8ème arrondissement de Paris ? " />
Le 19/01/2016 à 12h54
Heu.. en gros, elle dit que tous ces bouquins ne sont pas commercialisés en faite ? C’est une illusion, ils n’existent pas ?
Le 19/01/2016 à 12h55
Et dire que j’ai entendu ce matin à la radio un type trouver fooormidable le travail du ministère de la culture et du showbusiness.
Le 19/01/2016 à 12h57
Au vu des rapports de force économiques sur Internet, il sera facile à un intermédiaire technique placé en position dominante (tels le magasin d’application Apple ou Youtube par exemple) de conditionner l’accès à leurs services à un abandon unilatéral et irrévocable des droits d’auteur….
n’est ce pas déjà le cas (au moins partiellement) au regard des CGU de beaucoup de services (FB, TW…)?
Le 19/01/2016 à 12h59
Le 19/01/2016 à 13h02
Ça dépend de quel droit d’auteur on parle. Le droit moral, non. En droit français il est inaliénable. Le droit patrimonial, oui, c’est en général dans l’os pour l’auteur.
Le 19/01/2016 à 13h03
il ferait du droit d’auteur l’exception et le domaine public la règle.
Ce qui serait effectivement totalement normal.
Le 19/01/2016 à 13h03
« l’enregistrement d’un morceau de musique ou d’une chanson qui n’est plus couvert par le droit d’auteur, ne pourra donner lieu à la commercialisation d’un CD ».
Appliqué à la littérature ce précepte est savoureux : ne pourraient ainsi plus être édités en livres les œuvres non couvertes par le droit d’auteur. Exit Balzac, Flaubert, Montaigne, Rimbaud… Mieux que Sarkozy, qui ne s’en était pris qu’à La Princesse de Clèves.
Le 19/01/2016 à 13h12
Le 19/01/2016 à 13h14
Vivement que le gouvernement Sarkozy disparaisse, qu’on ait plus ce genre de propos à contre sens de l’histoire.
…
ata….
Le 19/01/2016 à 13h15
Quelque part, le droit d’auteur est déjà une exception. Vous pouvez me citer un autre droit qui est traité comme celui là?
“Il faut un droit pour permettre un meilleur apprentissage pour la jeunesse”
“J’ai une idée, prolongeons le droit d’auteur à 90 ans”
“Mais ça a aucun rapport”
“Raison de plus de le faire”
“A voté”
Le 19/01/2016 à 13h16
Le 19/01/2016 à 13h16
Le 19/01/2016 à 13h17
C’est plus subtil que ça, et ça mérite d’y réfléchir 3 secondes avant d’envoyer l’argument bouler.
Actuellement, quand tu enregistres une chanson qui n’est plus couverte par le droit d’auteur, tu as quand-même les droits voisins (interprètes et éditeurs) qui s’appliquent. Ca n’empêche personne d’autre de reprendre la même chanson, mais tu conserves les droits d’exploitation sur ta version (passages radio, ventes et tout le tintouin).
Là, ce que semble redouter les ayant-droits, c’est qu’en cas d’oeuvre dans le domaine commun, les droits voisins ne puissent plus être appliqué. Est-ce vrai ou pas, je n’en sais rien, mais si ça ne l’est pas, ce n’est pas le fait qu’on puisse encore vendre les oeuvres de Flaubert qui les contredira.