Hier, Proton a fêté ses dix ans. Pour marquer cette étape symbolique, l’ensemble des services seront désormais gérés par une fondation. Andy Yen, fondateur et à la tête de Proton, écorne au passage le modèle économique de nombre d’entreprises.
Hier, il y a dix ans jour pour jour, Proton remportait son financement participatif. La campagne avait été ouverte quelques mois plus tôt. Environ 10 000 personnes avaient cumulé plus de 500 000 dollars, permettant à Andy Yen et Jason Stockman, initiateurs du projet, de lancer officiellement la machine.
Avec le temps, ce qui n’était initialement qu’un webmail centré sur la sécurité et la vie privée est devenu une suite complète de services. Aux emails sont venus s’ajouter un calendrier, une gestion des contacts, un VPN, un stockage en ligne et un gestionnaire de mots de passe. L’une des spécificités de l’offre Proton est l’utilisation intensive du chiffrement de bout en bout, sur les données et les métadonnées.
Presque tous les services ont une version gratuite, limitée, et une formule payante. L’abonnement Proton Unlimited permet d’avoir l’ensemble des fonctions payantes sur tous les services, à partir de 7,99 euros par mois, avec un engagement de deux ans. Pour s’assurer que le financement continuera à ne provenir que des abonnements, Proton bascule la gestion de ses produits sur sa seule fondation.
Une fondation comme actionnaire principal
Pour son dixième anniversaire, Proton annonce donc qu’une fondation a été créée. Jason Stockman et Dingchao Lu (premier employé de l’entreprise) l’ont dotée d’une grande partie de leurs actions. En conséquence, la Fondation Proton devient l’actionnaire majoritaire de l’entreprise.
Ce n’est pas tout, puisque la fondation a été créée en Suisse. « Les fondations suisses n'ont pas d'actionnaires, de sorte que Proton ne dépendra plus de la bonne volonté d'une personne ou d'un groupe de personnes en particulier », explique Andy Yen.
Le patron ajoute qu’elles sont légalement tenues « d'agir conformément au but pour lequel elles ont été créées, c'est-à-dire, dans le cas présent, de défendre la mission originale de Proton ». Aucun changement de contrôle ne peut avoir lieu sans le consentement de la fondation.
En plus de sa dotation initiale, Proton s’engage à lui verser 1 % de ses revenus nets « lorsque les conditions le permettent ». Ce budget devrait permettre à la fondation de prendre en charge les subventions, jusqu’ici gérées par l’entreprise. Celle-ci rappelle qu’elle a versé jusqu’à présent plus de 2,7 millions de dollars à des projets comme Tor et GrapheneOS.
Pérenniser le modèle
Andy Yen indique que la fondation permet de graver le modèle commercial de Proton dans le marbre. Le patron n’hésite pas à égratigner au passage quelques concurrents. Il pointe notamment que la « plupart des entreprises sont créées pour être vendues, et elles y parviennent en plaçant le profit au-dessus de toute autre considération ».
Il critique la méthode souvent adoptée : « utiliser abusivement les données des utilisateurs et s'engager dans un capitalisme de surveillance au détriment de la société et de la démocratie ».
« Nous pensons que si nous voulons apporter un changement à grande échelle, Proton ne peut pas être subventionné par des milliardaires (comme Signal), par Google (comme Mozilla), par le gouvernement (comme Tor), par des dons (comme Wikipedia) ou même par la spéculation (comme la pléthore de "fondations" de crypto-monnaie) », ajoute Yen.
Le basculement vers une fondation comme actionnaire principal de l’entreprise Proton AG ne devrait entrainer aucun changement pour les clients, assure le cofondateur.
Commentaires (34)
#1
C’est assez similaire en France pour info, c’est le seul objet juridique qui se possède lui-même.
#1.1
La peau du.
Peut-être des facilités en Suisse ?
#1.2
Rolex appartient à une fondation.
#1.3
#1.4
Je pense, je n'ai pas vérifié, que c'est une liste de fondations ; donc oui.
#1.5
"Signal Foundation
Signal est développé par Signal Messenger (en), une organisation fondée par Moxie Marlinspike et Brian Acton en 2018 pour reprendre le rôle du projet Open Whisper Systems que Marlinspike a fondé en 2013. Une entité sans but lucratif, la Signal Foundation, est créée en 2018 avec un financement initial de 50 millions de dollars provenant de Brian Acton, cofondateur de Whatsapp, « pour soutenir, accélérer et élargir la mission de Signal de rendre les communications privées accessibles et omniprésentes »blog 11,A 17.
Avant la création de la Signal Foundation, le développement de Signal était financé par une somme de dons et de subventions31. Entre 2013 et 2016, le projet a reçu des subventions de la Fondation Knight32, de la Shuttleworth Foundation et du Open Technology Fund33. La Freedom of the Press Foundation était auparavant la principale organisation donatrice de Signal et avait accepté de continuer à récolter des dons en leur nom pendant que le statut d’organisation sans but lucratif de la Signal Foundation était en suspensblog 11,34,blog 12. La Signal Foundation est officiellement exonérée d'impôt (aux États-Unis) depuis février 201935.
Jack Dorsey, cofondateur de Twitter, déclare en 2022 vouloir participer au financement de Signal à hauteur d'un million de dollars chaque année36.
Tous les produits de l'organisation sont publiés sous forme de logiciels libres et open source. "
Ce n'est donc pas si simple et ce ne sont pas que des milliardaires qui financent l'organisation Signal Fondation, n'importe qui peut le faire. Même si Dorsey annonce (le fait il vraiment ?) vouloir participer à hauteur de 1 million par an.
#1.6
(j'essaie de terminer une thèse sur la structuration juridique des communs numériques / projet Open Source pour la fin de l'année)
#1.7
De ce que j'en ai compris (et n'hésite pas à me corriger), c'est qu'au-delà du fonds de dotation, c'est aussi possible en France de faire une fondation reconnue d'utilité publique (si on obtient l'agrément).
Elle peut détenir les parts d'une société commerciale, et qui peut en remonter les dividendes.
La partie investissements reste sur la fille, la partie philanthropique remonte à la fondation via dividendes.
J'ai l'impression que le sujet évolue pas mal en France ces derniers temps.
Personnellement, je suis opposé à la succession en ce qui concerne mes propres actions.
Je m'organise pour céder toutes mes parts à une fondation à ma mort, mais il faut pour cela que la taille du groupe soit suffisamment grande pour permettre une auto-gouvernance pérenne - des bons administrateurs, ça se paye. Et idéalement, il faudra aussi écrire des règles claires sur les buts poursuivis et la façon de les atteindre.
Pour l'anecdote, on s'est aussi structurés pour permettre une rémunération en dividendes des différents décisionnaires via une SCOP de tête indépendante (dans laquelle je ne suis pas), ça permet de payer la performance et de solidariser les entités métier (qui sont des structures différentes), et d'avoir une entrée et une sortie très simples et peu couteuses des dirigeants.
#1.8
Tu l'a vu ?
Quoi ?
Historique des modifications :
Posté le 23/06/2024 à 10h22
J'avons une question qui me vient du coup, vu que tu a l'air de potasser le sujet avec des lectures actuelles... ayant tenté de faire une fondation en France vers les années 2K, rédhibitoire au niveau financier... peut-on maintenant inclure sur une FDUP des "bébés" qui seraient plutôt basés sur Hong-Kong et la Thaïlande ? Ou bien çà serait complètement démentiel au niveau fiscalisation ?
Posté le 23/06/2024 à 10h27
J'avons une question qui me vient du coup, vu que tu a l'air de potasser le sujet avec des lectures actuelles... ayant tenté de faire une fondation en France vers les années 2K, rédhibitoire au niveau financier... peut-on maintenant inclure sur une FDUP des "bébés" qui seraient plutôt basés sur Hong-Kong et la Thaïlande ? Ou bien çà serait complètement démentiel au niveau fiscalisation ?
Edit : ce n'est pas dans un but philanthropique, juste limiter le chèque que devront faire mes loupiots au Minefi quand j'aurons clapoté.
#1.9
Déjà, je suis nul en fiscalité, mais aussi dans mon cas, le but de l'opération est justement de ne pas léguer mes titres, et de maintenir l'activité avec une forme de gouvernance interne.
Aucune optimisation fiscale à en attendre, c'est même "l'inverse", si on considère que mes ayants droits perdront 100% de la valeur (pas au profit de l'état certes, mais d'une forme de bien commun quand même).
#1.10
On a pas de MP ici... faites germer l'idée ;)
Juste me contenter de deleter mon post ... huhu...
#2
#3
Cependant j'ai du mal avec :"
« [...]Proton ne peut pas être subventionné par des milliardaires (comme Signal), par Google (comme Mozilla), par le gouvernement (comme Tor), par des dons (comme Wikipedia) ou même par la spéculation (comme la pléthore de "fondations" de crypto-monnaie) »,
Il reste quoi comme methode de financement ?
#3.1
Mais pour le coup, c'est aussi une histoire de gouvernance (même si le financement par subvention de Google, Mozilla est "libre" de se gouverner comme il l'entend, ça fait quand même une sacré épée de Damoclès).
Historique des modifications :
Posté le 18/06/2024 à 13h48
Comme méthode de financement, faire payer ses services 😅. Comme Proton, mais aussi des projets open-source avec une partie services pour les plis grosses structures.
Mais pour le coup, c'est aussi une histoire de gouvernance (même si le financement par subvention de Google, Mozilla est "libre" de se gouverner comme il l'entend, ça fait quand même une sacré épée de Damoclès).
#3.2
#3.4
où on est le produitgratuits qu'on a perdu le réflexe de considérer qu'un produit puisse être payant#3.16
#3.3
Techniquement, une fondation peut tout à fait être la récipiendaire de dons, y compris de la part de milliardaires.
Elle fonctionne soit sur ses actifs (actions dans Proton AG ici), soit sur des dons (défiscalisés ou non), soit sur les deux.
Historique des modifications :
Posté le 18/06/2024 à 13h52
Et de plus, je crois qu'il faut comprendre cette phrase dans le sens où ça serait moralement incorrect d'être sponsorisé par des milliardaires.
Techniquement, une fondation peut tout à fait être la récipiendaire de dons, y compris de la part de milliardaires.
Elle fonctionne soit sur ses actifs (actions dans Proton AG ici), soit sur des dons, soit sur les deux.
#3.5
Historique des modifications :
Posté le 18/06/2024 à 16h22
Peut-être que c'est moyen moralement, mais qui paieraient un abo pour utiliser Firefox, Signal ou Wikipédia ?
#3.6
Je ne dis pas qu’il a raison ou tort.
#3.7
Mais je rejoins quand même @RuMaRoCO, il aurait pu s'abstenir de citer des entreprises, je pense que cela n'apporte pas grand chose de "cracher" sur les autres fondations, le jour de la création de la leur, surtout dans des contextes différents, sur des marchés différents, etc...
#3.9
Historique des modifications :
Posté le 18/06/2024 à 18h39
Moi je paie pour utiliser Firefox, Signal, Wikipédia et libre Next
#3.11
#3.12
Par contre je suis d'accord que c'est compliqué à appliquer pour Signal ou Wikipédia.
#3.13
Donc leur changement et vision à grande échelle va prendre du plomb dans l'aile pour faire le parallèle avec proton.
#3.14
#3.8
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fondation_Bill-et-Melinda-Gates
#3.10
Ainsi, ce n'est pas les miliardaires en général qui sont visés et étant donné les conséquences financières, on pourrait comprendre que cela ne soit pas si facile de refuser un don.
Par le choix de ce modèle, Proton AG évite de devoir prendre ce genre de décision, c'est aussi ce que j'en comprends.
#3.15
#4
Mais la fondation n'est qu'un objet juridique. Il y a forcément des personnes qui la gèrent, et décident d'aller dans un sens, ou dans l'autre.
Je ne comprends pas vraiment ce que cela change au niveau de la gouvernance.
#4.1
#4.2
#5
Ça aurait été bien d'avoir un rapide descriptif de la "mission originale de Proton" et/ou un lien. 😉
Si j'ai bien compris, la mission est décrite ici :
#6
Mais en effet, comme le soulignent d'autres, ce n'était peut-être pas très heureux de tacler Signal ici...
Et puis, Proton a-t-il déclaré que leur fondation refuserait des dons ?