Un manifestant condamné après avoir été identifié par reconnaissance faciale
Pas vu pas pris, un peu vu pris
Un manifestant vient d’être condamné suite à une reconnaissance faciale via le fichier de Traitement d'Antécédents Judiciaires (TAJ). Il portait une capuche et un masque de ski, mais une reconnaissance faciale approfondie et manuelle a tout de même permis de l’identifier.
Le 29 mars à 09h27
7 min
Droit
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Un manifestant vient d'écoper d'une peine de quatre mois de sursis probatoire pour outrage à agent et participation à un groupement en vue de commettre des violences ou des dégradations, révèle le journaliste Olivier Tesquet, qui précise qu'il a fait appel.
Capuche et masque de ski
Il détaille dans Télérama que ce parisien de 53 ans avait été photographié par un gendarme, « visage découvert, le crâne couvert par une capuche et un masque de ski », en train d'adresser un doigt d'honneur en direction de l'objectif, lors de la manifestation anti-bassines de Sainte-Soline l'an passé.
Il avait ensuite été identifié via le Traitement d'Antécédents Judiciaires (TAJ), ce gigantesque fichier de police de 19 millions de personnes « mises en cause » (MEC), qui comporte aussi plus de 8 millions de photos (sans que l'on sache, cela dit, à combien de personnes cela correspond, le TAJ comportant quatre photographies des personnes fichées).
Les effectifs de Police Technique et Scientifique utilisent à cet effet un logiciel, GASPARD (pour « Gestion Automatisée des Signalements et des Photos Anthropométriques Répertoriées et Distribuables »), qui permet de recueillir les informations anthropométriques et photographiques pour alimenter les fichiers FAED (Fichier Automatisé des Empreintes Digitales) et le TAJ, lors de la signalisation (photographies, prises d’empreintes et prélèvement ADN) des mis en cause et auteurs.
Stefan L. y figure pour des délits mineurs, notamment un graffiti « ACAB » (« All cops are bastards », « tous les flics sont des salauds », ndlr) sur un mur des locaux du syndicat de police Alliance en 2020, qui lui vaut d’être décrit comme « apparenté à la mouvance extrémiste des gilets jaunes », précise Télérama.
L’IRCGN procède à une reconnaissance faciale approfondie
Mi-mai, le procureur de Niort, Julien Wattebled, avait autorisé « toutes réquisitions de téléphonie afin d’obtenir les données de connexion et d’identification […] compte tenu de la gravité des infractions commises et des préjudices subis ».
Depuis 2012, les forces de l’ordre peuvent en effet enregistrer des photos de face dans le TAJ, « comportant des caractéristiques techniques permettant de recourir à un dispositif de reconnaissance faciale », rappelle Télérama. Elles utilisent un logiciel fourni par la société allemande Cognitec, supervisé par le Service central de renseignement criminel (SCRC) de la gendarmerie, qui s’assure de sa conformité et de sa pertinence, qui effectue un calcul de similitude, pour proposer « jusqu’à deux cents candidats possédant un score de correspondance supérieur à un certain seuil ».
Début juillet, l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) avait ensuite procédé à « une reconnaissance faciale approfondie », et manuelle, « en comparant dix-neuf composantes de son visage ». Notamment « la forme des oreilles, une asymétrie des sourcils, l’implantation et la couleur de la barbe ainsi qu’une déviation du nez vers la gauche ». L’IRCGN conclut qu’il « soutient fermement l’hypothèse selon laquelle les visages décrivent la même personne ».
Télérama rappelle que la légalité de la reconnaissance faciale n'a toujours pas fait l'objet d'un débat parlementaire et que, « l'exécutif n’ayant pas réussi à l’imposer avant les jeux Olympiques de Paris, elle est toujours dans l’attente des règles qui viendront fixer ses conditions d’emploi ».
Le député Stéphane Mazars (Renaissance) relevait néanmoins, dans un rapport de 2020 pour la Commission des lois que le TAJ « utilise un outil de reconnaissance faciale depuis 2013 » et que, « depuis novembre 2019, la comparaison peut également être effectuée à partir de photographies provenant de surveillances, d’images vidéo ou des réseaux sociaux ne présentant pas les mêmes critères que les photos anthropométriques ».
À l'époque, il précisait que « 375 747 demandes ont été faites par les services de police en 2019 et 207 584 jusqu’au 17 juin 2020 ». Un rapport parlementaire sur la reconnaissance faciale soulignait en 2022 un « accroissement notable depuis quelques années », totalisant 615 871 recoupements en 2021 (dont « 498 871 fois par la police nationale et environ 117 000 fois par la gendarmerie nationale »), contre 375 747 en 2019 (soit + 64 %).
Le Conseil d’État encadre le procédé d’une « nécessité absolue »
Attaquée par la Quadrature du Net devant le Conseil d’État en 2020, la reconnaissance faciale du TAJ avait été validée par la plus haute juridiction administrative, qui insistait cela dit sur le principe de « nécessité absolue » au moment d’y recourir.
En avril 2023, une proposition de loi de la droite sénatoriale préconisait, elle aussi, son utilisation pour les infractions « d’une exceptionnelle gravité », tout comme le règlement européen sur l’intelligence artificielle, récemment adopté à Bruxelles.
« La base juridique du fichier TAJ est un décret et non une loi, ce qui, au vu des enjeux attachés à sa mise en œuvre, soulève des interrogations », s'étonnaient de leur côté l'an dernier les députés Philippe Gosselin et Philippe Latombe dans un rapport d'information sur l'utilisation des images de sécurité, relève Olivier Tesquet.
Il n'y aura pas de reconnaissance faciale algorithmique aux JO
En tout état de cause, et contrairement à ce que d'aucuns laissent entendre, la vidéosurveillance algorithmique (VSA) qui sera expérimentée à l'occasion des Jeux olympiques ne pourra, conformément aux garanties prévues par la loi, utiliser aucune donnée biométrique ni aucune technique de reconnaissance faciale.
La liste des 8 « évènements prédéterminés » qu'un traitement algorithmique peut avoir pour objet de détecter, « en ce qu'ils sont susceptibles de présenter ou de révéler un risque d'acte de terrorisme ou d'atteinte grave à la sécurité des personnes », sont en effet :
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- présence d'objets abandonnés ;
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- présence ou utilisation d'armes ;
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- non-respect par une personne ou un véhicule, du sens de circulation commun ;
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- franchissement ou présence d'une personne ou d'un véhicule dans une zone interdite ou sensible ;
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- présence d'une personne au sol à la suite d'une chute ;
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- mouvement de foule ;
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- densité trop importante de personnes ;
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- départs de feux.
Policiers et gendarmes pourront cela dit, et comme ils le font depuis 2013, utiliser la reconnaissance faciale pour tenter d'identifier, au moyen des photos anthropométriques contenues dans le TAJ, les suspects filmés par des caméras de vidéosurveillance ou, comme dans le cas de Stefan L., pris en photographies.
Un manifestant condamné après avoir été identifié par reconnaissance faciale
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Capuche et masque de ski
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L’IRCGN procède à une reconnaissance faciale approfondie
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Le Conseil d’État encadre le procédé d’une « nécessité absolue »
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Il n’y aura pas de reconnaissance faciale algorithmique aux JO
Commentaires (29)
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Abonnez-vousModifié le 29/03/2024 à 09h57
Le 29/03/2024 à 10h36
Dans tout les cas, couvrir son visage est interdit sur la voie publique depuis Sarko', et c'est aussi attirer la suspicion des forces de l'ordre.
Je me souviens des petits Nazillons habillé tout en noir, des chaussures au bonnet, finir dans le panier à salade en moins de temps qu'il faut pour crier ACAB, mais aussi des gens simple de tout ages sans distinction finir avaler parce que "suspect" par leur accoutrement.
La question va beaucoup plus loin que la reconnaissance faciale.
Le 29/03/2024 à 12h09
Le 30/03/2024 à 13h04
Le 29/03/2024 à 12h17
Modifié le 29/03/2024 à 13h52
Le FFP2 ça aide pas des masse pour se protéger des gaz, la faut un 3M à filtre.
D'autant plus que les gaz sont de plus en plus fort et surtout de plus en plus illégaux. ici on a eu le droit à des tests chez nous(il y a 3 ans), un véritable carnage, le médics étaient débordé, on ma trainé sur 300 mettre pour me préserver, merci à eux de m'avoir extirpé de notre cage à lapin.
Je suis plus jamais retourné en manif' depuis.
Le 29/03/2024 à 14h19
Le 29/03/2024 à 19h29
Le 02/04/2024 à 17h39
Dura lex sed lex. .
Le 29/03/2024 à 14h59
Le 29/03/2024 à 15h17
Quelqu'un demande pourquoi il porte spécifiquement un masque de ski.
Une autre personne répond que le masque de ski est souvent utilisé pour se protéger des gaz en manif et ça peut donc expliquer pourquoi ce manifestant en portait un.
C'est tout.
Modifié le 29/03/2024 à 20h02
Il y a trop rarement des sommations en manif, les forces de l'ordre sont de plus en plus proche des cortèges, voir carrément dans le cortège.
Ça deviens très rapidement une poudrière, c'est pour ça qu'il est de plus en plus conseillé s'équiper en manif pour notre sécurité.
( je porte aucune charge en vers les forces de l'ordre. je tiens à rester factuel et non dans l'opinion, même si j'en ai une qui doit transpirer un peu quand même )
EDIT : Dans l’hypothèse ou il n'y a pas eu de gaz, le port du masque de ski est aussi préventif, mais généralement porté au niveau du coup.
Modifié le 31/03/2024 à 12h18
Modifié le 29/03/2024 à 10h13
Le Conseil d’État encadre le procédé d’une « nécessité absolue »
une proposition de loi de la droite sénatoriale préconisait, elle aussi, son utilisation pour les infractions « d’une exceptionnelle gravité »
Et le gars a "juste" fait un doigt d'honneur à un flic ?
Le 29/03/2024 à 10h15
Le 29/03/2024 à 11h05
La répression lors des manifs (nassage, lacrymo, LBD etc) est juste là pour faire peur aux gens et donc les empêcher de manifester.
Et les journalistes de préfecture sont là h24 sur dire que si la personne s'est prise un LBD c'est qu'elle l'avait bien cherché (elle avait mal garé sa voiture en 2014)
Le 29/03/2024 à 12h11
Modifié le 29/03/2024 à 12h00
Les gouvernements depuis au moins Sarkozy accélèrent de plus en plus la mise en œuvre de lois souhaitées par les nazillons du RN, en osant s'affirmer comme un barrage à l'extrême droite. Manifestement les français, de par leurs votes, sont ok avec ça.
Si l'on compte les résultats du RN, Renaissance, LR et Reconquête, en 2022, les français sont très largement à droite, et mêmes très à droite si l'on se réfère aux politiques et dérives menées par LREM depuis 2017.
Le RN va avoir un bien bel arsenal législatif et autres pratiques illégales déjà bien employées par nos chères Forces de l'Ordre en totale impunité. Nous avons grandement intérêt à nous réveiller à gauche et chez les abstentionnistes avant un cauchemar qui sera bien réel...
En trocant nos libertés pour de la sécurité, nous n'obtenons ni l'un ni l'autre... Bien au contraire...
Le 29/03/2024 à 12h17
Le 02/04/2024 à 20h51
Le 02/04/2024 à 09h46
Le 02/04/2024 à 20h56
Le 31/03/2024 à 13h54
Le 01/04/2024 à 15h01
Le 01/04/2024 à 15h07
Modifié le 02/04/2024 à 11h21
Tu peux t'amuser à prendre les manifestations de 2004 à 2018 à Hongkong et comparer avec 1 an de manifestation en France (et vu que je suis de mauvaise foi je prends quant même la pire année), on arrive même pas en 14 ans de manifestation à HK au même niveau que la France en terme d'arrestations, de violences policière, de mutilations et de morts.
Maintenant tu réfléchies un tout petit peu à ce que c'est la police en France !
Le 02/04/2024 à 20h42
NB: le message initial n'était pas du premier degré non plus.
Modifié le 01/04/2024 à 22h10
Des deux côtés, il y a une sorte de culture de la confrontation violente qui est vraiment malsaine.
Je me souviens d'une grosse manif du "printemps érable" à Montréal. La manif est passée juste devant un SUV Porsche qui était garé là. Après le passage de la manif, elle n'avait pas une seule égratignure, ça m'avait marqué, et c'était l'honneur des manifestants de ne pas commettre de dégradations. Ils étaient conscient que ça serait très contre-productif médiatiquement. Et même s'il y a eu quelques affaires de violence policières, c'est resté à des niveaux incomparables avec la France.
Jusqu'au plus haut niveau, la manière de concevoir l'ordre public est assez malsain en France.
L'article semble un assez bon exemple d'utilisation abusive de la reconnaissance faciale (pour un doigt d'honneur et un graffiti, sérieusement ?)
Le 01/04/2024 à 21h57
Vive la prévention et le dialogue plutôt que l'obscurantisme !