La Quadrature du Net attaque la reconnaissance faciale associée au fichier TAJ

La Quadrature du Net attaque la reconnaissance faciale associée au fichier TAJ

TAJ de ménage

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Marc Rees

Publié dansDroit

07/08/2020
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La Quadrature du Net attaque la reconnaissance faciale associée au fichier TAJ

La Quadrature du Net vient d’attaquer les dispositions encadrant le TAJ, ou traitement des antécédents judiciaires, né en 2012 de la fusion des fichiers STIC et JUDEX. Plus particulièrement, la possibilité pour la police et la gendarmerie d’exploiter les millions de photos par reconnaissance faciale.

« Ce fichier, expose l’association, comporte 19 millions de fiches et plus de 8 millions de photos. Il permet déjà à la police, et depuis plusieurs années, d’utiliser de façon massive la reconnaissance faciale en France sur la voie publique, sans aucune justification ni aucun cadre juridique. Il est temps d’y mettre fin ».

Ajoutons que plusieurs services du renseignement disposent d’un droit d’accès à ce mégafichier, suite à l’adoption de la loi Renseignement en juillet 2015.

Après avoir vainement réclamé un coup de balai au gouvernement, l’association porte le dossier à nouveau devant le Conseil d’État, en sollicitant l’abrogation des alinéas 16 et 59 de l’article R. 40-26 du code de procédure pénale, les deux dispositions concernant la reconnaissance faciale. 

« À nouveau » ? En 2014, la Ligue des Droits de l’Homme avait déjà mené pareille procédure devant la même juridiction, avec à l’index ce fichier concernant les personnes physiques mises en cause dans une enquête de police et celles faisant l'objet d'une enquête ou d'une instruction pour recherche des causes de la mort ou d'une disparition. Un fichier accompagné d’une « photographie comportant les caractéristiques techniques permettant le recours à un dispositif de reconnaissance faciale », indique l’alinéa 16 précité. 

Une « nécessité absolue » qui ferait défaut

Le Conseil d’État avait répondu alors que « la collecte, la conservation et la consultation de photographies, dans le respect des garanties prévues par la loi du 6 janvier 1978, justifiées par les objectifs d'intérêt général poursuivis par le législateur, ne portent pas, en elles-mêmes, une atteinte excessive à la protection de la vie privée garantie par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ».

Seulement, depuis, de l’eau a coulé sous les ponts avec l’entrée en application de la directive 2016/680 dite « Police-Justice ». Le texte européen autorise certes les traitements portant sur des données biométriques aux fins d’identifier une personne physique de manière unique mais seulement « en cas de nécessité absolue » et encore, « sous réserve de garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée ».

Pour LQDN, ce critère de la « nécessité absolue » élève le niveau de licéité d’un tel traitement. En réponse à sa demande d’abrogation, la ministre de la Justice lui avait indiqué le 12 février 2020 que « le dispositif de reconnaissance faciale constitue une aide technique au rapprochement opéré par l’enquêteur à partir d’éléments d’information obtenus au cours des investigations menées ».

« La reconnaissance de la seule "utilité" du dispositif démontre l’absence de « nécessité » et, a fortiori, l’absence de toute "nécessité absolue" » rétorque la Quadrature dans son recours. Laquelle affirme en outre qu’ « il n’existe aucune "garanties appropriées pour les droits et libertés de la personne concernée" venant encadrer cette atteinte substantielle », alors qu'elles sont appelées par le texte européen.

Selon l’association, « la surveillance biométrique est exceptionnellement invasive et déshumanisante. Elle permet un contrôle invisible, permanent et généralisé de l’espace public. Elle fait de nous une société de suspect·es. Elle attribue à notre corps une fonction de traceur constant, le réduisant à un objet technique d’identification. Elle abolit l’anonymat ».

Manque d’encadrement

Elle considère en outre qu’un autre pan du texte est en contrariété avec non plus la directive Police-Justice, mais plus directement le règlement général pour la protection des données personnelles.

L’alinéa 59 de l’article R. 40-26 du code de procédure pénale autorise police et gendarmerie à utiliser la reconnaissance faciale cette fois pour identifier les personnes « faisant l’objet d’une enquête ou d’une instruction pour recherche des causes de la mort ou d’une disparition ».

« Ne s’agissant pas d’un traitement "à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales", c’est ici le RGPD qui s’applique ».

LQDN reproche l’absence de « mesures appropriées et spécifiques pour la sauvegarde des droits fondamentaux et des intérêts de la personne », qui permettrait de faire « respecter l’essence du droit à la protection des données ».

Les « cinq gus dans un garage », selon l'expression consacrée, réclament en conséquence l’abrogation des alinéas 16 et 59 sous astreinte de 1 024 euros par jour de retard et demande que soit mis à la charge de l’État 4 096 euros, pour couvrir les frais.

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Écrit par Marc Rees

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11:47 Next 43

Sommaire de l'article

Introduction

Une « nécessité absolue » qui ferait défaut

Manque d’encadrement

#LeBrief : faux avis sur Internet, enquêtes sur l’accord Microsoft et OpenAI, cybersécurité aux États-Unis

Un mélange entre une réunion d’Anonymous et de tête d’ampoules, pour le meilleur et le pire

652e édition des LIDD : Liens Intelligents Du Dimanche

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Commentaires (9)


vizir67 Abonné
Le 07/08/2020 à 15h07

plus de 8 millions de photos. Il permet déjà à la police, et depuis plusieurs années
d’utiliser de façon massive la reconnaissance faciale en France sur la voie publique
sans aucune justification ni aucun cadre juridique. Il est temps d’y mettre fin »….

on se demande : “mais..que fait la Police” ? <img data-src=" />


Jarodd Abonné
Le 07/08/2020 à 16h08


Pour LQDN, ce critère de la « nécessité absolue » élève le
niveau de licéité d’un tel traitement. En réponse à sa demande
d’abrogation, la ministre de la Justice lui avait indiqué le 12 février
2020 que « le dispositif de reconnaissance faciale constitue une
aide technique au rapprochement opéré par l’enquêteur à partir
d’éléments d’information obtenus au cours des investigations menées ».


C’est un argument risqué de se baser sur cette réponse de la Justice. Il suffira d’un autre document décrive la reconnaissance faciale comme une « nécessité absolue », et non plus comme une aide technique.


Elle attribue à notre corps une fonction de traceur constant, le
réduisant à un objet technique d’identification. Elle abolit l’anonymat. »

&nbsp;
Connaissant le goût du nouveau ministre de la Justice pour l’anonymat (on peut extrapoler cette opinion à l’anonymat face à la reconnaissance faciale), on imagine très bien que le jargon puisse rapidement évoluer pour coller à la directive européenne…


Idiogène
Le 07/08/2020 à 17h00

Pour démontrer la nécessité absolue il serait nécessaire d’avoir une situation d’urgence non ? Typiquement un enlèvement d’enfant.
Cela conduirait à écarter les enquêtes pour homicides mais conduirait, à terme, à ficher tous les gosses. <img data-src=" />


Jarodd Abonné
Le 07/08/2020 à 20h24

On te répondra que pour que ça fonctionne, il faut commencer le fichage et dès aujourd’hui, pas le jour de l’enlèvement. CQFD <img data-src=" />


TexMex
Le 07/08/2020 à 22h47

J’ai bien du mal à comprendre la démarche qui à mes yeux montre bien que c LQDN ne regarde pas plus loin que le bout du nez.

Premièrement les commentaires précédents montrent bien des possibles “second coup” qui feront passer la chose comme un buffet gratuit se ferai engloutir par Gérard Larcher.
&nbsp;
J’ajoute que cette action va potentiellement rendre inaccessible au public ses propres données. Qu’ils gagnent ou pas cette action en justice c’est du pareil au même.

Simplement parce que:
&nbsp;Un service de renseignement ne s’émeut que très peu de la loi. Et en plus ils ont les fonds pour faire comme bon leur semble. Légal ou pas ils feront ce qu’ils veulent.

&nbsp;Pour la police… Il leur faut simplement une justification. Et hop une affaire sordide de bébé dans le congélateur et le tour est joué. Cela amplifiera le lavage de cerveaux collectif pour faire accepter l’inacceptable au nom de la sécurité. Et voila un joli fichage obligatoire pour tous (papier d’identité, permis de conduire etc.).

&nbsp;
Il est plus utile de garder cette thématique borderline quand elle sert plutôt que de la rendre clandestine. Parce ce que cela fera du grabuge et du sordide pour enfin devenir légale avec un fichage de tout le monde au final.

Y’en a qui devraient vraiment passer plus de temps avec une main dans le pantalon. Quitte a avoir les doigts gluant.


&nbsp;


pamputt Abonné
Le 08/08/2020 à 10h58






TexMex a écrit :

Il est plus utile de garder cette thématique borderline quand elle sert plutôt que de la rendre clandestine. Parce ce que cela fera du grabuge et du sordide pour enfin devenir légale avec un fichage de tout le monde au final.
&nbsp;


Curieux argument. C’est justement parce que ce n’était pas légal que les révélations d’Edward Snowden ont fait un tel tollé outre-Atlantique.
Si la loi autorise à faire quelque chose, alors c’est juste « circulez, il n’y a rien à voir ».



KaraMan Abonné
Le 08/08/2020 à 12h29






Jarodd a écrit :

C’est un argument risqué de se baser sur cette réponse de la Justice. Il suffira d’un autre document décrive la reconnaissance faciale comme une « nécessité absolue », et non plus comme une aide technique.


Justement, ce n’est pas ainsi que ça fonctionne : ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est reconnu comme tel. Le CE (et la CJUE éventuellement, vu que c’est aujourd’hui encadré par une directive européenne) peuvent très bien considérer que la nécessité absolue est de jure mais pas de facto, donc insuffisante et réclamer l’abrogation des alinéas et rectification des procédures.



TexMex
Le 08/08/2020 à 12h37

Bin c’est ce qu’on dit.

Un tollé n’est pas loi et on voit le résultat aujourd’hui. Y’a pas grand chose qui a changé. Donc brasser du vent c’est bien mais bon c’est juste Éolien. Rendre des abus légaux&nbsp; ne les rends pas plus acceptables moralement non plus.

Le fichage systématique on y est probablement déjà (le bureau numérique de la mairie quand on refait son passeport par exemple). On se doute bien ou vont ces données. Mais il y a encore des barrières. Elles sont bien fragiles. Celles-ci sont outrepassées par les services spéciaux (sinon il ne seraient pas spéciaux).
&nbsp;
Tout cela ne règle pas le problème de fond. On repart dans un schéma ou sur 100 personnes, il y a 1 voleur mais on va ficher tout le monde par peur du danger que les médias sauront bien mettre en avant. Mais jamais on va chercher à s’occuper de comment le voleur est devenu ce qu’il est. Et de régler le problème en passant. Rendant inutile le fichage.
&nbsp;
&nbsp;La QDN vient de se poser en catalyseur potentiel du phénomène de faire tomber ces barrières en prétendant vouloir le contraire. Mettre le sujet sur la table force à décider. Le contexte actuel d’état d’urgence (qui dure depuis les années 80 sous différents noms) ne favorise pas une désescalade.

Donc voila Goofy est rentré dans la partie.

Aujourd’hui il y a des barrières qui font qu’on ne met pas beaucoup de ressource la dedans. imaginons que demain la loi change et l’état peut financer 3 ou 4 méga datacenter pour ficher tout le monde. Comme Jarodd l’a écrit il suffit de changer un document (ou une loi) et le tour est joué. C’est ballot.
&nbsp;

&nbsp;


vizir67 Abonné
Le 08/08/2020 à 13h16

Justement, ce n’est pas ainsi que ça fonctionne : ce n’est pas parce que c’est écrit que c’est reconnu
comme tel…

bizarre…ta phrase me fait penser à “Trump et l’accord de Paris” (sur le Climat)
c’est exactement ce qu’il dit…..AV. de le supprimer—&gt;“hop…poubelle” ! <img data-src=" />