« On nous a vendu un TGV, on a un RER » : un syndicat de police flingue la PNIJ
RER B ou RER C ?
Le 26 septembre 2017 à 14h15
5 min
Droit
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Le Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT) dénonce une nouvelle fois la plateforme des interceptions judiciaires. Il réclame désormais une commission d’enquête parlementaire.
La Plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ) doit centraliser les écoutes et réquisitions judiciaires envoyées aux opérateurs par les juges, du moins un grand nombre d’entre-elles. Prévu de longue date, ce système géré par Thales n’a sur le papier que des avantages.
Selon l’avis initial de la CNIL, en effet, « il s'agit d'augmenter les capacités d'interception, de réduire les délais de réponse, de renforcer le niveau de sécurité, notamment l'intégrité et la confidentialité des données à caractère personnel, et de réduire les frais de justice ».
Seulement, un syndicat d’officiers de police n’a de cesse de dénoncer les bugs constatés sur le terrain. Après sa dernière vague de critiques en mai 2016, celui-ci reprend du service. Il faut dire que depuis le 12 septembre dernier, la PNIJ a été rendue obligatoire pour toutes les nouvelles enquêtes, sachant que celles en cours restent gérées sous l’ancien régime, celui faisant appel aux prestataires privés qui se partageaient un juteux marché.
Des améliorations cosmétiques selon ce syndicat
« Il y a bien eu quelques améliorations sur la PNIJ » concède le commandant Christophe Rouget, qui cite « des couleurs sur l’interface, des SMS qui affichent le nom de la personne, mais cela reste cosmétique ».
Le chargé de communication de ce syndicat d'officiers de police dézingue surtout les problèmes de fond : « les réquisitions marchent très bien mais ne couvrent que 85 % des opérateurs. Les MVNO ne sont pas couverts, nous contraignant à passer par des réquisitions classiques » pour obtenir par exemple les données de connexion d’un échange.
La question des moyens est également mise à l’index : « avant, les prestataires privés nous fournissaient ordinateurs, tablettes, casques, etc. Aujourd’hui avec la PNIJ, rien n’est fourni, il faut travailler avec le poste de travail. Or, on ne peut pas gérer en même temps notre logiciel de procédures. Tout ceci entraîne des coûts supplémentaires à la charge des services ».
L’interface en prend aussi pour son grade, avec des lenteurs occasionnant des pertes de temps et exigeant beaucoup d’opérations « ce qui rend difficile la gestion de plusieurs écoutes simultanées. En outre, ce n’est pas intuitif. Il faut parfois 10 clics pour arriver à un résultat ! ».
Le syndicat admet avoir eu des promesses de versions améliorées, corrigées, « mais cela n’avance pas bien vite ». Autre exemple : dans la gestion des écoutes, les interceptions visant le contenu des communications, il ne serait pas possible d’accélérer la lecture pour gagner du temps. « Des choses toutes bêtes… »
Saturation sur le réseau
Le représentant du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure pointe un autre problème qui concerne la data mobile : « depuis janvier 2017, le ministère a limité cet accès au terrorisme et à la sauvegarde de la vie humaine ». Une difficulté structurelle persiste, celle d’un réseau hyper centralisé « quand beaucoup de personnes sont dessus, cela sature. Tous les tuyaux passent par Khéops où des masses d’informations circulent. On nous a vendu un TGV, on a eu un RER ».
Selon lui, enfin, le budget de la PNIJ « a explosé » pour atteindre 181,5 millions d’euros en 2018 (le coût estimé actuellement est de 121,2 millions d'euros). Ce syndicat regarde dès lors avec une certaine nostalgie la période des opérateurs privés « où on pouvait accéder plus facilement aux métadonnées, connaître les gens inscrits dans le répertoire des contacts sous Skype, etc. »
L'avis du contrôleur de la PNIJ
Ce coup de gueule intervient alors qu’au 31 décembre 2017, le système de transmission des informations judiciaires (STIJ) sera définitivement écarté pour laisser place à la seule PNIJ. Sauf nouveau report.
Interrogée en mars 2017, Mireille Imbert-Quaretta avait relativisé ces problèmes dans nos colonnes. Selon cette ex-Hadopi, désormais personnalité qualifiée chargée du contrôle de la plateforme nationale des interceptions, lorsqu’on parle de la PNIJ, « on n’entend qu’un son », celui des reproches.
« Quand on voit autant de personnes, autant d’articles venir de partout pour dire que la plateforme ne marche pas, on s’interroge… poursuivait MIQ. Mais est-ce que le système actuel [celui des prestataires privés] marche toujours de façon satisfaisante ? Comment le savoir, il n’y a pas de contrôle. En face, au contraire, la PNIJ est sous le feu d’une transparence absolue : dès qu’il y a un petit bug, on le dit, on le sait ».
Et s’agissant de l’explosion budgétaire, elle rappelait que si le cahier des charges tablait sur 50 millions d’euros , la PNIJ a pris son envol en 2016. « Un tel écart dans le domaine numérique et informatique, c’est une éternité. Ce qui fonctionne actuellement n’est plus ce qui avait été prévu à l’origine. Il a bien fallu prendre en compte les évolutions intervenues pendant cette période. D’abord, les évolutions techniques comme la 4G, et ensuite les évolutions législatives comme l’obligation de traiter la totalité des interceptions. Cela s’est traduit par une évolution du système et donc des dépenses supplémentaires ».
« On nous a vendu un TGV, on a un RER » : un syndicat de police flingue la PNIJ
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Des améliorations cosmétiques selon ce syndicat
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Saturation sur le réseau
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L'avis du contrôleur de la PNIJ
Commentaires (36)
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Abonnez-vousLe 26/09/2017 à 15h27
Jamais : il faut penser et les décideurs ne sont pas payés pour ça. Ils sont payés pour décider quand aux parties en charge de faire c’est “t’es pas payé pour penser mais pour exécuter” (vécu)
Le 26/09/2017 à 16h15
Sans parler des boîtes de prestation vendant des profils moa juniors pour des moa confirmés. Ce n’est fort heureusement pas systématique mais une pratique qui existe.
Le 26/09/2017 à 16h48
Le 26/09/2017 à 17h50
c’est quoi un MOA ?
Mainteneur operationnel A(?)
Le 26/09/2017 à 18h03
ça n’a rien de marrant est c’est quasiment systématiquement le cas, pour avoir eu affaire au nouveau logiciel d’un sdis ( le logiciel qui sert au 18 à coordonnées les secours ) c’était une catastrophe totale, base de données remplis par les pompiers eux même, interfaces digne des années 90, passage au 16/9ème catastrophique. Bien entendu tout ça avait été géré par un officier qui n’a sans doute jamais mis les pieds dans un centre d’appel et encore moins sur le terrain. Bilan, retard de 5 ans, budget triplé pour finir le bousin et au final un coup de maintenance double de prévu. Bien entendu le responsable est monté en grade …
Le 26/09/2017 à 18h22
Le 26/09/2017 à 18h34
Au moins on n’est plus les seuls à se plaindre de notre logiciel principal, il n’y aura plus de jaloux " />
GENESIS (pénitentiaire/Justice) est une vraie merde aussi. Pas mal de bugs, des fonctionnalités manquantes (par la faute des commandeurs qui ne les ont pas mis sur le cahier des charges… C’est ca quand on ne concerte que les hauts cadres et pas les gens sur le terrain), une contre-intuitivité à faire peur (Tu veux valider un truc? Faut le valider sur la ligne, puis sur la page… Sinon ca ne prend pas en compte, ou qu’à moitié et fout le bordel par la suite. Tu veux agir sur plusieurs lignes à la fois? Pas possible, c’est une par une obligatoirement. La tabulation? Inexistante). Et je ne parle pas des messages d’erreurs super clairs, qui nous indiquent toujours précisément à quel endroit est le problème (ils se limitent à une seule et unique phrase : “une erreur s’est produite”… Et faut se démerder avec ca pour savoir si c’est un truc mal validé, un formulaire mal rempli, un rejet de la demande, un bug du logiciel ou encore autre chose)… " />
Le 26/09/2017 à 19h42
J’ajoute qu’il travaille avec la Maitrise d’OEuvre qui s’occupe de la réalisation technique du projet.
Si on avait pris la même construction d’accronyme que pour MOE, la MOA aurait été la MOU. :coucou:
Le 26/09/2017 à 22h33
Le 27/09/2017 à 01h27
Un projet informatique commande par l’Etat a ses copains du parapublic (ici Thales) qui foire…
C’est du jamais vu " />
Le 27/09/2017 à 04h43
Le 27/09/2017 à 07h57
Dans mon entreprise public c’est également des logiciels bordéliques (sauf ceux qui datent des années 80 qui étaient fait par des ingénieurs).
Après quand je vois ce qui se fait dans le privé c’est pas forcément mieux…
Le problème est partout le même : la phase de conception du cahier des charges est réduite à peau de chagrin du coup ça s’en ressent derrière.
Le 27/09/2017 à 08h20
Le 27/09/2017 à 08h29
bien évidement ça n’a rien de marrant, c’était sarcastique, je ressent plutôt le contraire en étant exaspéré par ce genre de pratique que je peux observer très souvent dans mon travail.
Le 27/09/2017 à 09h31
Le commentaire auquel j’ai répondu s’étonnait que l’opérateur fournissait un pc, aussi j’explique en quoi ce n’était pas choquant.
Cité de l’article :
La question des moyens est également mise à l’index : « avant, les
prestataires privés nous fournissaient ordinateurs, tablettes, casques,
etc. Aujourd’hui avec la PNIJ, rien n’est fourni, il faut travailler
avec le poste de travail. Or, on ne peut pas gérer en même temps notre
logiciel de procédures. Tout ceci entraîne des coûts supplémentaires à
la charge des services ».
Ensuite, les prestataires privés ça englobe pas mal de truc, dont les opérateurs dans ce cas ci…
Le 27/09/2017 à 10h38
la phase de conception cahier des charges est réduites uniquement comme vu plus haut, car attribué au mauvaises personnes qui n’estime pas le travail assez conséquent qu’il faut faire.
On me posait des questions pour que celui qui l’établissait puisse le faire, j’avais droit a , pas vraiment utile, ouais c’est bon, finalement je vais faire comme ca, tu exagère etc … j’ai demandé a le relire pour voir les manquants. j’attend encore " />
Le 27/09/2017 à 12h34
Le 27/09/2017 à 12h55
Et pourtant dans tout ce fratras il y a des réussites : pronote
Vu le nombre de truc que c’est censé couvrir je suis épaté de la qualité du truc
Le 01/10/2017 à 07h13
Le 26/09/2017 à 14h29
Un cahier des charges dont le montant aura triplé en 3 ans…
Mais bon si tu ne sais pas définir clairement ce que tu as actuellement et ce dont tu auras besoin en plus pour ton projet c’est normal. A partir de là l’informatique n’y peut rien si il y a des bras cassés à en face à la MOA.
Le 26/09/2017 à 14h32
Le 26/09/2017 à 14h35
T’inquiète Thalès facture des Devs mais fait bosser des presta " />
Après ce qui est amusant je trouve c’est qu’ils se plaignent qu’avant ils avaient plus de liberté ou encore que :
La question des moyens est également mise à l’index : « avant, les
prestataires privés nous fournissaient ordinateurs, tablettes, casques,
etc. Aujourd’hui avec la PNIJ, rien n’est fourni, il faut travailler
avec le poste de travail. Or, on ne peut pas gérer en même temps notre
logiciel de procédures. Tout ceci entraîne des coûts supplémentaires à
la charge des services ».
En gros avant un opérateur fournissait un ordinateur aux policiers, ce qui me semble un poil limite en terme de protection des données et d’une enquête en cours…
Le 26/09/2017 à 14h36
J’aime bcp la réaction de MIQ concernant la transparence:
“la PNIJ est sous le feu d’une transparence absolue”
…. Pour un système payé par le contribuable (comme son salaire), ça me semble quand même la moindre des choses.
C’est fou comme en 2017 il y a encore des barons à des postes décisionnaires…
“10 clic pour arriver à un résultat”
Trop dur , la vie.. comparé à la situation d’avant, qui était plutôt que d’aller harceler un technicien de France Télécom par téléphone…
Le 26/09/2017 à 14h37
Le 26/09/2017 à 14h43
Le 26/09/2017 à 14h43
Tatata “Be AGILE” " />
Le 26/09/2017 à 14h52
Pour cela il faudrait déjà que l’on se rende compte de l’oubli pendant le développement et pas une fois que la livraison est effectuée
Le 26/09/2017 à 14h54
MIQ la Police !!!
(Suprême NTM)
Le 26/09/2017 à 15h06
Pendant ce temps là, les chèques continuent de tomber dans les poches des prestas privés.
Le 26/09/2017 à 15h06
En même temps c’est le job du POA de piger l’informatique, le MOA est sensé faire des specs, évolutions avec le client, etc…, pas de la technique.
Le 26/09/2017 à 15h07
Le 26/09/2017 à 15h10
c’est marrant j’ai l’impression de voir toujours le même schémas pour des projet de ce genre, ou il y a des négligence de partout de la sous évaluation budgétaire et qu’au final le projet coûte plus que ce qu’il aurait dû initialement si tout avait été fait correctement et de surcroît avec un retard de livraison.
Quand est-ce que les personnes en charge de ces trucs là apprendront à ne pas répéter constamment les mêmes erreurs ?
et ce que se soit au niveau du privé ou du publique.
Le 26/09/2017 à 15h12
quid de la vitesse réelle du aux voix de chemin de fer…230 au lieu de 320km/h merci la sncf…
Le 26/09/2017 à 15h13
Mais je comprends pas le rapport avec le TGV " />
Le 26/09/2017 à 15h22
qu’il soit seul ou non ne change rien. il fait ses heures et se barre. Et non ce n’est pas normal. Tout comme les objets achetés à prix d’or (un mec avait voulu payer ses impôts avec des robinets et autres brouettes vu le prix de ceux-ci payés par l’Elysées). Un peu comme les radars automatiques où j’avais lu que les mêmes en Italie étaient payés par l’Italie je ne sais plus combien moins cher (mais style 30%)… ça laisse songeur sur la façon dont on fait attention à la dépense publique.
On est jamais aussi peu regardant/généreux que quand ce n’est pas à nous… (ceux qui prêtent volontiers ce qui ne leur appartient pas est là encore un bon exemple)
Le 26/09/2017 à 14h27
et puis on s’en fout, c’est de l’argent public, alors les avenants, on les signe les yeux fermés, la recette idem (et donc du coup on a des avenants pour corriger les bugs qu’on n’a pas vus/relevés lors de la recette…. qu’on n’a pas faite sérieusement). J’aimerais bien savoir si les tarifs pratiqués par Thalès sont ceux du marché tiens… (un peu comme le jardinier de l’Elysées à 4k€ net(ou même brut)/mois, ça doit être “intéressant” de voir le prix jour d’un dév de chez Thalès sur un tel projet….)