Lutte contre la haine : un rapport invite le gouvernement à réformer le statut des hébergeurs
Poudre de Berlin pinpin
Le 06 février 2018 à 09h43
5 min
Droit
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Comment mieux lutter contre les messages de haine sur Internet ? Un rapport commandé par le Premier ministre formule plusieurs pistes. Parmi elles, une refonte du statut des hébergeurs, outre l'arrivée de brigades de veilles en ligne.
Après des travaux menés de septembre à décembre, l'Inspection générale de l'administration (IGA) et celle de l'éducation nationale constate aujourd'hui que « les statistiques disponibles fondées sur l’enregistrement des plaintes ne permettent pas en l’état de conclure à une augmentation massive des paroles et actes racistes ».
Ainsi, les appels à la haine ou à la discrimination représentent 10 % des 170 000 signalements faits en 2016 sur la plateforme dédiée Pharos. Un chiffre hasardeux car dépendant des faits d’actualité.
Malgré cette prudence, l'IGA considère qu’ « Internet semble être le réceptacle d’une explosion des contenus racistes notamment depuis le développement du web 2.0 ». Les causes ? Longévité, itinérance, « anonymat » des messages, extraterritorialité, viralité…
Si le rapport ne conteste pas que la législation s’est durcie notamment avec la loi relative à l'égalité et à la citoyenneté du 27 janvier 2017, il retient que le cadre actuel n’est plus vraiment adapté à cette lutte.
En particulier, les intermédiaires techniques bénéficient aux yeux de l'IGA d’un cadre beaucoup trop protecteur. Selon la loi sur la confiance dans l'économie numérique, ils ne doivent supprimer les contenus explicitement illicites qu’une fois alertés par un tiers.
Outre cette contrainte, instaurée pour ne pas casser dans l'oeuf ce secteur et protéger la liberté d'expression, les acteurs en ligne sont jugés trop peu coopérants, s’abritant derrière des conditions générales d’utilisations trop imprégnées de la conception américaine de la liberté d’expression...
Le décor posé, plusieurs canaux sont imaginés pour aiguiser cette lutte.
Une loi coercitive envers les plateformes inspirée de l'Allemagne
Le rapport préconise en premier lieu de suivre l’exemple allemand et donc « d’adopter une loi coercitive envers les plates-formes » . Une piste jugée plus pertinente par exemple qu’une simple tour de vis des sanctions pénales.
Outre-Rhin, cette loi d’octobre 2017 portant renforcement de l’application de la loi sur les réseaux sociaux « impose aux opérateurs concernés d’établir un rapport détaillé des signalements, cadre précisément les procédures de mise en oeuvre des signalements, prescrit les conditions d’une autorégulation effective, prévoit un régime d’amendes réglementaires pouvant atteindre 5 M€. »
Une nouvelle catégorie d'intermédiaire
De notre côté du fleuve, l'IGA suggère dans le même temps de créer une nouvelle catégorie d’intermédiaire, aux côtés des traditionnels hébergeurs et fournisseurs d’accès.
Ces propos sont remarquables car ils renvoient directement à ceux de Mounir Mahjoubi. Il y a une quinzaine de jours, interrogé au FIC de Lille sur la future loi contre les fausses informations, le secrétaire d’État au Numérique a plaidé lui aussi pour ce « troisième statut ». Les sources d'inspiration connues sont plus anciennes : voilà des années que des propositions parlementaires, outre l’industrie culturelle, militent en ce sens...
Sur sa lancée, le rapport demande également de revoir le formalisme jugé « excessif » des notifications adressées aux intermédiaires. L’enjeu au final ? « Poursuivre effectivement les plates-formes défaillantes, d’intégrer la responsabilité des personnes morales, obliger un rendu compte des moyens mis en oeuvre en matière de modération et, enfin, introduire des sanctions effectivement dissuasives pour les personnes […] concernées ».
Bien entendu, il serait judicieux que ce cadre législatif soit porté au niveau européen afin de propager la stratégie franco-allemande auprès de tous les États membres (p.46 du rapport). Accessoirement, cela permettrait surtout de solidifier ces régimes nationaux qui risquent de ne pas être dans les clous de la directive de 2000 sur la société de l’information…
Des « brigades de veilles » issues de la réserve citoyenne
D’autres solutions sont prônées comme un appel à projets visant « une forte mobilisation citoyenne (empowerment) en associant le tissu associatif et les professionnels de l’Internet ». Les auteurs imaginent même des « brigades de veille issues de la réserve citoyenne », outre « des démarches collectives de testing » et « des initiatives de contre-discours de type « Seriously » ou « Respect Zone » ».
« Ces actions impulsées par le ministère de l’Éducation nationale et mises en oeuvre par les établissements scolaires – mais également d’enseignement supérieur – pourront aussi porter sur les mécanismes de propagation des fausses rumeurs et informations », est-il ajouté en conclusion du volet dédié aux nouvelles technologies.
Ces quelques lignes permettent aujourd'hui de présager une grande loi fourre-tout, entre « fake news », lutte contre les appels à la haine en ligne et surtout, remise en cause du statut des intermédiaires.
Lutte contre la haine : un rapport invite le gouvernement à réformer le statut des hébergeurs
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Une loi coercitive envers les plateformes inspirée de l'Allemagne
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Une nouvelle catégorie d'intermédiaire
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Des « brigades de veilles » issues de la réserve citoyenne
Commentaires (46)
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Abonnez-vousLe 06/02/2018 à 13h44
Le 06/02/2018 à 13h58
C’est toi qui passe du terme de brigade au terme de milice, ce dernier étant effectivement assez mal vu en France depuis les année 40.
Je dis juste qu’il ne faut pas crier au loup et tout surinterpréter, on n’aura pas de “milice” du Net. On a des commentateurs qui agitent le spectre de la terrible censure à la moindre déclaration de vouloir contrôler un peu les débordements. On est en 2018 et je ne vois toujours pas de censure.
Enfin, d’une certaine façon, on a l’impression que sur Twitter par exemple on a très vite des groupes divers sur le dos dès qu’on écrit quelque chose qui peut déplaire à n’importe qui (je ne parle pas pour moi mais pour ce que je constate). Il faut dire qu’il suffit de 3 gugusses pour semer la mouise.
PS : et sur Twitter j’ai gardé dans ma liste un type de la patrio/facho/idiosphère histoire de ne pas être dans mon tunnel cognitif, quand je vois ce qu’il “like” ou RT, et les commentaires sur ces trucs, je peux te dire que la haine (plus ou moins marquée) se porte bien, et que la censure semble inexistante.
Le 06/02/2018 à 14h05
En France comme en Allemagne l’extrême droite et la xénophobie montent à cause de la liberté d’expression sur Internet? " />
Et pas plutôt à cause des politiques de baisse des salaires, de monté du chômage, de délocalisation et de cadeaux fiscaux aux milliardaires? Internet bouc émissaire facile pour ceux qui n’assument pas leur servilité aux héritiers rentiers " />
Le 06/02/2018 à 14h11
…des conditions générales d’utilisations trop imprégnées de la conception américaine de la liberté d’expression…
«testing » … « Seriously » ou « Respect Zone »
Ce n’est pas la cohérence qui les étouffe " />
Le 06/02/2018 à 14h11
Le 06/02/2018 à 14h19
Le 06/02/2018 à 14h28
Le 06/02/2018 à 14h31
Le 06/02/2018 à 14h54
Je ne suis pas sur que l’extrême droite ait plus de voix, j’ai plutôt l’impression que ce sont les partis traditionnels qui en ont moins.
Les propos haineux ont toujours existé sur internet (10% me semble une bonne moyenne) et il existe des moyens de les contrer. Des Trolls attaquants Charlie Hebdo sur facebook ont ainsi été condamné à des peines de prison ou/et des amendes.
Le 06/02/2018 à 14h57
Le 06/02/2018 à 15h28
Le 06/02/2018 à 15h43
Et les législatives? Elles ne comptent pas?
Le 06/02/2018 à 16h02
“Les gens doivent assumer leur paroles et écrits” : c’est exactement ça que je dis.Soit le site les assument, soit il exige de ses visiteurs leur identité pour ne pas avoir à assumer pour eux.
Le 06/02/2018 à 16h04
Va donc signaler les 300 comm racistes/xénophobes sous un article du Figaro, ce n’est pas faisable et tout est fait pour te décourager (ça te fait quitter la page et quand tu reviens tu es tout en haut de la liste, faut cliquer 2-3 fois…etc).
Le 06/02/2018 à 16h52
Le 06/02/2018 à 18h20
Le 06/02/2018 à 18h53
Pour le coup je ne partage pas ton “optimisme” (ce n’est pas le mot approprié mais tu vois ce que je veux dire).
Autant je comprends que Macron aie tendance à mépriser les journalistes “en général” (je lis des torchons à peu près sur tous les “grands journaux d’information”, il y a des “journalistes” qu’il faudrait renvoyer en primaire), autant je ressens tout de même une tendance de fond à vouloir réellement contrôler l’information qui circule.
Si tu ajoutes à ce ressenti, tout à fait personnel il est vrai, la haine viscérale et factuelle que portent bon nombre de politiques et de dirigeants de grands groupes envers un média qui a, par essence, le moyen de 1) leur mettre le nez devant leur propre merde, comme les chatons et 2) s’assurer que les gros foutages de gueule réellement mauvais pour le monde en général persistent dans la mémoire collective…
Je trouve que ce type de disposition, sous couvert de “regardez on est raisonnable d’ailleurs on fait appel à des gens normaux” constitue un parfait cheval de Troie pour un contrôle d’opinion plus insidieux (et àma plus efficace) que de “simples” désindexations ou blocages.
Le 06/02/2018 à 20h31
Le 07/02/2018 à 00h12
Le 07/02/2018 à 08h23
Le 07/02/2018 à 11h26
C’est même pas drôle.
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Le 07/02/2018 à 12h00
Le 07/02/2018 à 12h55
Si, les commentaires sont validés à priori, mais bizarrement censure ceux qui critiquent les comm raciste, mais laisse tout à fait passer ces dernier.
Le 07/02/2018 à 15h30
Le 08/02/2018 à 11h25
si on ne peut même plus appeler au meurtre tranquillou dans la section commentaires du Figaro … effectivement: la liberté d’expression est en danger.
Le 06/02/2018 à 10h05
Et,allez ….encore une liberté en moins et on crache sur la neutralité du net …
Et, pis , quid de la définition de la moralité … que chacun a sa sauce et même un pays ne sait même pas la définir correctement.
Et un hébergeur n’aura que cela a faire de surveiller ce que les gens font ….
Un peu comme qqun qui tue avec sa voiture ,faut condamner le constructeur …allez zou .
Pour moi,si des gens se trouvent sur des sites douteux …c’est qu’ils le cherchaient ….
On ne tombe pas par hasard sur un site prônant tel ou tel chose …à un moment faut assumer ses actes et ne pas donner d’importance à des dires d’autrui m’enfin.
Le 06/02/2018 à 10h31
Oui bien sur l’hebergeur va surveiller tout le contenu du web, non seulement il a que ca a fouttre, et puis techniquement j’en parle même pas.
Sur fond de bonnes pensées y a tellement de médiocrité et de bétises dans la plupart de ces assoc que ca en devient lamentable.
Le 06/02/2018 à 10h42
Le 06/02/2018 à 11h45
Ben à grand coup de filtres, d’IA, de minage d’information, les hébergeurs les plus riches mettront en place un système de censure automatique. Les hébergeurs les moins friqués où ayant un sens éthique par rapport aux libertés individuelles ne pourront pas suivre et disparaîtront.
Il suffit de voir comment pour les questions de droit d’auteur, l’équilibre n’a pu être trouvé avec un curseur pointant lourdement vers le ‘dans le doute on supprime’, alors à quoi s’attendre dans l’éradication des propos.
La nuance, l’ironie, l’humour, voilà des choses qui sont directement menacées par cette volonté maladive de censure. Ne subsisteront que les propos sans ambigüité et en ligne avec le pouvoir en place.
Le gros problème de nos jours, c’est qu’il n’y a presque plus d’attachement aux droits humains, et certainement pas dans le monde politique.
On est mal, mais pas de panique: ça va empirer.
Le 06/02/2018 à 11h48
Comment mieux lutter contre les messages de haine sur Internet ?
Tout ça pour faire fermer la chaîne YT de Dieudo’ ? ‘tain quelle débauche de moyens… /sarcasme
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Le 06/02/2018 à 12h13
Au final, si ça peut pousser les gens à héberger leurs propres contenus et contribuer à faire mourir le marché des plateformes, c’est pas plus mal.
Le 06/02/2018 à 12h19
Dans un premier temps, ceux qui vont héberger leurs propres propos risquent de crier dans le désert faute d’indexation si les moteurs sont obligés de désindexer…
… et je ne suis pas sûr qu’il y ait un deuxième temps à court terme.
Le 06/02/2018 à 12h41
il y a beaucoup plus simple : à terme il n’y aura plus de plate-forme d’hébergement en Europe. Quand il faudra dire à une plate-forme hébergée en Russie (et qui respecte la loi russe, évidemment, pas taper sur Poutine ou ses copains), ou même dans les îles anglo-normandes, qu’il faut supprimer tel ou tel contenu on va bien rigoler.
Le 06/02/2018 à 12h46
S’ils dépensaient autant de temps et d’énergie pour lutter contre l’évasion fiscale, la pauvreté et la justice sociale, la France aurait sans doute fait d’énormes progrès largement suffisant pour lutter contre cette haine.
Comme d’habitude, c’est toujours la même logique idiote: plutôt que de prévenir les problèmes en s’attaquant aux causes, on préfère s’attaquer aux conséquences sans guérir les sources des maux.
Le 06/02/2018 à 13h00
un peu si. Elle dit à un hébergeur ce qu’il doit faire dans son métier…et dans l’occurrence, qui héberger ou pas … ce n’est pas neutre.
Après certes, certains sites sont douteux ou extrêmes.
Le 06/02/2018 à 13h02
Désolé mais tu es hors sujet.
On parle par exemple de la masse de commentaires racistes sous bien des articles du figaro.
Avec cette loi, le Figaro ne pourra plus faire comme aujourd’hui et “fermer les yeux”.
Le 06/02/2018 à 13h07
Le 06/02/2018 à 13h09
Des brigades citoyennes de surveillance de ce qui est publié et de testing… on est vraiment dans le plus parfait n’importe quoi.
Si j’admets sans mal le manque de coopération de certains intermédiaires notamment à l’étranger, cela soulève non pas le problème du statut de l’intermédiaire mais l’absence de coopération efficace entre les systèmes judiciaires.
Le sophisme est devenu la règle dans le débat public: partant d’une difficulté avérée, on ne va surtout pas y répondre, mais utiliser une rhétorique djeuns avec des vrais morceaux de blockchain dedans ou encore en se disant le chevalier blanc pourfendeur des injustices, pour en réalité promouvoir la surveillance collective du peuple par le peuple comme une solution souhaitable…
Le 06/02/2018 à 13h12
Le 06/02/2018 à 13h13
je ne suis pas d’accord…
Encore une fois ,c’est déporter la responsabilité.
Ce n’est pas le site / hébergeur etc… qui est responsable des propos des gens.
Les gens doivent assumer leur paroles et écrits. Et ,si nous allons plus loin, où va s’arrêter ce que les gens peuvent dire ou non.
Si un propos ne plait pas alors il suffira de condamner un hébergeur, j’appelle cela de la censure pur et simple.
Le 06/02/2018 à 13h17
Le 06/02/2018 à 13h18
Le 06/02/2018 à 13h20
Ce n’est pas de la censure pure et simple, c’est de la censure hypocrite et vicieuse par proxy: l’état ne censure pas, il intimide des intermédiaires techniques pour qu’ils le fassent à sa place, sans débat contradictoire et avec un cadre de pénalité ne pouvant que les inciter à avoir la main lourde.
Le 06/02/2018 à 13h30
Le 06/02/2018 à 13h39
Le 06/02/2018 à 13h44
La Neutralité du Net concerne a priori uniquement les opérateurs télécom. Je sais qu’il existe différentes définitions, je me réfère donc à celle de La Quadrature du Net :