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Open Data « par défaut » : au tribunal, l’Intérieur l’emporte au prix d’une procédure kafkaïenne

Cahin-CADA

Open Data « par défaut » : au tribunal, l’Intérieur l’emporte au prix d’une procédure kafkaïenne

Le 27 novembre 2018 à 14h05

Le tribunal administratif de Paris vient de rejeter notre requête concernant l’Open Data « par défaut », au motif que nous aurions dû saisir une seconde fois la CADA avant d’engager un tel contentieux. Ce jugement souligne l’absurdité de la législation en vigueur, qui, dans ces conditions, devrait rester largement ignorée des administrations.

Il y a près d’un an, constatant que de nombreux acteurs publics rechignaient à respecter leurs nouvelles obligations de diffusion de documents administratifs prévues par la loi pour une République numérique, Next INpact décidait de se tourner vers la justice, au nom du droit à l’information.

Cette initiative juridictionnelle – une première pour notre journal – n'avait qu'un but : mettre un coup de projecteur sur cette inertie administrative, préjudiciable selon nous à l’intérêt général. Cette attitude est d’autant plus regrettable que la France s’est officiellement engagée à « faciliter et faire appliquer » ce principe d’ouverture dit « par défaut ».

Une obligation de mettre en ligne les documents issus des « demandes CADA »

Pour bien comprendre, il faut se replonger dans l’article L312-1-1 du Code des relations entre le public et l’administration, introduit par la « loi Lemaire » de 2016. Dorénavant, les administrations d'au moins 50 agents (ministères, villes, universités...) sont tenues de mettre à la disposition de tous, sur Internet, les documents administratifs qu'elles viennent de communiquer individuellement, par email, à des personnes en ayant fait la demande sur le fondement de la « loi CADA ».

Cela concerne aussi bien les rapports que les statistiques, les codes sources, les menus de cantine scolaire... À condition bien entendu qu’il n’y ait pas de risque d’atteinte à la vie privée (données personnelles), au secret défense ou au secret des affaires.

Plus de deux ans de procédure, en ne saisissant la CADA qu'une seule fois !

Pour lancer notre procédure, nous nous sommes appuyés sur l’une de nos nombreuses « demandes CADA », initiée il y a plus de deux ans. En avril 2017, après avoir dû batailler jusque devant la Commission d’accès aux documents administratifs, le ministère de l’Intérieur nous avait communiqué un rapport d’évaluation relatif aux caméras-piétons (portés par certains policiers et gendarmes).

Sauf que ce même ministère n’a jamais mis en ligne ce fameux rapport, contrairement à ce que prévoit la loi pour République numérique. C’est ce que nous avons tenté de contester devant le juge administratif.

Mais plutôt que de diffuser ce PDF de quatre pages (environ 1 Mo), la Place Beauvau a assumé son inertie à l’appui d’un volumineux mémoire en défense. Ses arguments ? Différents vices de forme, une absence d’intérêt à agir de notre part, etc. Les services du « premier flic de France » estimaient tout particulièrement que nous contestions un refus de « publication » (et non plus de « communication »), nécessitant dès lors un nouveau passage devant la CADA.

Et pour cause, l’article L342-1 du Code des relations entre le public et l’administration rend la saisine de la CADA « obligatoire » avant l’exercice de tout « recours contentieux ». Ce même article précise que l’autorité indépendante peut être sollicitée par celui « à qui est opposé un refus de communication ou un refus de publication d'un document administratif ». Rien n’est cependant expressément indiqué pour le citoyen ayant successivement essuyé un refus de communication puis de publication...

Le 14 novembre dernier, le tribunal administratif de Paris a néanmoins tranché – donnant gain de cause au ministère de l’Intérieur. « La circonstance que la communication du rapport à laquelle il a été procédé ait fait suite à une première consultation de la Commission d’accès aux documents administratifs ne dispensait pas le requérant de solliciter (...) l’avis de la commission consécutivement au refus de publication en ligne de ce rapport », retiennent les juges.

Suivant le rapporteur public, le tribunal a clairement enfoncé le clou. L’obligation de saisine préalable de la CADA « vaut notamment en cas de refus de mise en ligne d’un document administratif, y compris lorsque la communication de ce dernier avait été précédemment obtenue après consultation de ladite commission ».

Cette seconde saisine de la CADA n’ayant pas été accomplie par nos soins, les magistrats n’ont pas cherché à examiner le dossier plus en détail. Notre requête a été purement et simplement jugée irrecevable.

Un angle-mort juridique ?

Même si cette issue est décevante, elle présente le mérite de démontrer que cette obligation d’Open Data « par défaut » est horriblement complexe à mettre en œuvre, faute de bonne volonté de la part des administrations.

Dans cette affaire nous opposant au ministère de l’Intérieur, cela signifie en effet que nous aurions dû suivre la procédure ci-dessous.

schéma cada ta data défaut 

Bref, un véritable parcours du combattant, terriblement long et fastidieux...

Mais surtout : quel citoyen irait réclamer la mise en ligne d’un document qu’il a déjà pu obtenir individuellement ? A priori, personne. C’était justement l’intérêt de ce dispositif : faire tout simplement en sorte qu’un fichier « ouvert » une première fois soit également mis en ligne, afin qu’il profite au plus grand nombre, automatiquement... Ce qui devait dans le même temps simplifier la vie des acteurs publics, puisqu’un document administratif disponible sur Internet n’a plus à être communiqué individuellement en cas de nouvelle demande.

Alors imaginez si, pour faire valoir ses droits, il faut saisir deux fois la CADA (sachant que les délais de traitement des dossiers par la commission avoisinent bien souvent les six mois) !

Le législateur, qui a concentré ses débats sur les autres obligations d’Open Data « par défaut » introduites par la loi Numérique, n’avait peut-être pas remarqué cette sorte d’angle-mort juridique. Espérons que certains parlementaires voudront prochainement rouvrir ce dossier, faute de quoi ce dispositif semble voué à rester inappliqué.

Ce qui serait particulièrement dommageable, puisqu’il s’agit d’un des rares outils de nature à assurer une transparence sur les documents administratifs qui intéressent réellement les citoyens (puisqu’ils découlent d’une demande, non d’un choix de l’administration de proposer tel ou tel jeu de données).

Commentaires (25)

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Si je comprends bien, les administrations hors la loi n’ont aucune conséquence à ne pas la respecter, et le coût et la longueur d’une procédure individuelle est absurdement excessif pour faire appliquer la loi.



Un début de solution ne pourrait-il pas d’inverser cette situation ? En l’occurrence, rendre pour l’administration le coût du refus de communication par défaut horriblement onéreux ?



Ainsi, à l’instar d’un Piphone lancé par la Quadrature du Net pour contacter aisément son député, ne serait-il pas possible de créer un service de demande de documents administratifs que plusieurs milliers de personnes pourraient solliciter en même temps, paralysant ainsi l’administration sous les requêtes individuelles, dont la démarche la plus censée serait d’ouvrir les documents par défaut au plus grand nombre, tel que l’exige la loi ?



Je comprends bien que l’administration pourrait se contenter d’ignorer ces demandes. Néanmoins, rien que la réception de celles-ci pourrait réclamer un traitement absurdement élevé face à l’enjeu illégitime et illégal de ne pas y répondre favorablement.

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Sans intérêt a écrit :



Un début de solution ne pourrait-il pas d’inverser cette situation ? En l’occurrence, rendre pour l’administration le coût du refus de communication par défaut horriblement onéreux ?





Bien que je sois d’accord avec toi pour l’ajout d’un élément de coercition, le côté “onéreux” du machin me semble peu pertinent, de mon point de vue de contribuable…



(à noter que, qu’on prenne onéreux au sens fric comme au sens ressources - temps, main d’oeuvre -, ça ne change rien de mon point de vue : ce sera toujours ceux au service de qui l’administration en question est (censée être) qui paieront à la fin…)


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Bon au moins ils n’ont pas eu l’idée de demander votre condamnation aux frais ^^

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c’est magique.



du coup vous allez faire une demande de publication auprès du MINT au moins?

juste histoire de voir s’ils vont publier ou attendre plus d’un mois pour retourner devant le juge. ^^

on veut la fin de l’histoire, Xavier!

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Question, quand vous avez eu le document après la 1ere procédure, avez vous eu le droit en meme temps de le publier aussi ?

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AxS a écrit :



Question, quand vous avez eu le document après la 1ere procédure, avez vous eu le droit en meme temps de le publier aussi ?





Oui, car c’est librement réutilisable (on l’avait d’ailleurs publié sur notre site pour un article). Mais comme expliqué dans l’article, cette procédure visait en fait surtout à faire bouger les choses, que personne n’ait à saisir la CADA ou qui que ce soit, et que les administrations appliquent la loi.

 





hellmut a écrit :



du coup vous allez faire une demande de publication auprès du MINT au moins?





Je sais qu’on est réputés pour notre esprit taquin, mais sur ce coup-là, je pense qu’on a tous mieux à faire (à NXi comme au ministère de l’Intérieur). J’attends d’ailleurs plusieurs documents pour lesquels la CADA a bien émis des avis favorables <img data-src=" />


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autre question: est-il possible de demander la communication et la publication dans la même demande?

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Actuellement, l’administration dépense un coût conséquent dans la non communication des documents, en rallongeant les procédures de justice administrative, dans l’espoir de dissuader financièrement les citoyens.



Le but de la démarche que j’ai suggérée ne vise pas à ruiner l’administration, mais à la forcer de changer de stratégie, à savoir, le respect de la loi. Continuer à être hors la loi lui serait horriblement coûteux. Respecter la loi ? Un coût presque nul.



Rappelons qu’il s’agit juste de mettre à disposition du public des documents de taille modeste (on parle de quoi ? des dizaines de Kio à centaines de Mio par document, grand maximum, avec un maximum de quelques milliers de documents annuels par administration ?) Ce ne sont pas les prestataires qui manquent dans ce domaine, à des coûts moindres. Voire gratuits.



Aussi, la mise à disposition de ces documents, même en vrac, quitte à ce que des tiers les indexent et trient, représente un coût ridicule pour l’administration, bien moindre que l’ensemble des coûts d’une unique procédure CADA.



Bien entendu, l’exemple de l’INSEE serait souhaitable, avec une classification claire, des fichiers dans divers formats interopérables, des données brutes, des données synthétiques, ou encore des analyses. Mais ce n’est pas même ce que l’on réclame ici.

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Sans intérêt a écrit :



Actuellement, l’administration dépense un coût conséquent dans la non communication des documents, en rallongeant les procédures de justice administrative, dans l’espoir de dissuader financièrement les citoyens.





Je vois pas bien en quoi l’administration dépense “un coût conséquent” à écrire “niet” à une réponse à un courrier.


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hellmut a écrit :



autre question: est-il possible de demander la communication et la publication dans la même demande?







Techniquement, la demande de communication implique la publication (obligatoire).



On ne peut donc faire la double demande sur la première demande, au risque que celle-ci soit rejeté puisque l’on demande quelque chose qui est la conséquence logique de la première demande. Comme on ne peut démontrer au départ que la deuxième partie ne sera pas respecter, le demander lors de la première partie peut la rendre caduc.


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Xavier.B a écrit :



Je sais qu’on est réputés pour notre esprit taquin, mais sur ce coup-là, je pense qu’on a tous mieux à faire (à NXi comme au ministère de l’Intérieur).





Comme quoi le ministère a eu raison de refuser, puisque même les plus tenaces abandonnent.


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Il ne reste plus qu’à demander massivement les communications, jusqu’à ce que la CADA se dise que serait bien que ce soit publié une fois la première communication faite?



Sur quel sujet on pourrait faire ça? <img data-src=" />

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Montrez aux gilets jaunes à quoi passe à nos impots…

Payez des avocats, pour ne pas travailler et en plus ça détourne les juges de choses certainement plus importantes….

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Avons-nous lu le même article ? Ce “niet”, ou absence de réponse, déclenchent une procédure CADA et, le cas échéant, une poursuite en TA. D’où “un coût conséquent.”



Certes, ce coût n’est peut-être pas directement répercuté à l’administration ayant opposé la communication des documents dont elle a l’obligation légale de publier en premier lieu.

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Lesgalapagos a écrit :



Techniquement, la demande de communication implique la publication (obligatoire).





C’est un peu plus compliqué que ça. Quand tu fais une demande CADA, tu peux demander notamment :

-Une communication par mail

-Une mise en ligne

(Source : L311-9 du CRPA)

Et en plus, dès qu’il y a diffusion, l’administration n’a plus à répondre aux demandes de communication.



Sauf que notre procédure visait un autre régime juridique. Avec l’Open Data “par défaut”, c’est un renversement : personne n’a (normalement) rien à demander. Les administrations d’au moins 50 agents ou salariés doivent spontanément mettre en ligne certains fichiers. Et notamment, depuis avril 2017, les documents communiqués suite à des demandes CADA.



Pour plus directement répondre à Hellmut : le mieux, pour arriver au résultat, c’est de demander directement une mise en ligne. Sauf que si on ne fait ça, ce n’est plus de l’Open Data “par défaut”. Et surtout, ça suppose que le citoyen sache qu’il est possible de demander une publication. D’où la bonne idée de départ du législateur : pousser les administrations à publier tout ce qui a déjà été envoyé par mail, pour aussi éviter de répondre à des demandes similaires. Tout le monde devait y être gagnant : citoyens comme administrations.


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Simple elle réponds oui une fois communique et publie le documents temps : une seul action.



Si d’autres demandes, elle n’est plus obligé de répondre puisque le document est publié.&nbsp;

Donc économie de temps et de personnel.&nbsp;



&nbsp;

par contre a répondre niet, c’est à chaque demande donc coûts multipliés par le nombre de demande de relance etc….

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Il leur était demandé de publier un PDF de 1 Mo, “mais plutôt que de diffuser ce PDF de quatre pages (environ 1 Mo), la Place Beauvau a assumé son inertie à l’appui d’un volumineux mémoire en défense.”.



C’est dure s’ils sont motivés à ne pas diffuser.

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Quelle mauvaise volonté :/

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Mon oeil d’informaticien me dit que cette belle assemblée si prompte à rédiger des lois devraient se munir d’un service de … debogage de loi avant examen final … Ca arrive trop souvent ce genre de truc.

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ColinMaudry a écrit :



Il leur était demandé de publier un PDF de 1 Mo, “mais plutôt que de diffuser ce PDF de quatre pages (environ 1 Mo), la Place Beauvau a assumé son inertie à l’appui d’un volumineux mémoire en défense.”.



C’est dure s’ils sont motivés à ne pas diffuser.





Oui mais pour une demande. Il doit y en avoir des milliers d’autres demandes où la personne ne va pas saisir le TA.


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Il n’y a rien d’innocent la dedans.



Cela permet de communiquer sur la transparence (possible en théorie), tout en laissant son application au bon vouloir des services concernés (et in fine de l’état), avec pour seul recourt un parcours administratif et judiciaire plus que fastidieux.

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NextImpact is going wild !



Attentions vous allez devenir un média Renégat, danger de la démocratie :p



Une question me taraude cependant… Ne pouvez vous pas directement faire une demande de publication ? Comme ça c’est pour vous ET pour le public, et si l’administration en question traîne, un seul CADA :p

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Thoscellen a écrit :



Une question me taraude cependant… Ne pouvez vous pas directement faire une demande de publication ? Comme ça c’est pour vous ET pour le public, et si l’administration en question traîne, un seul CADA :p







Il est effectivement possible de demander directement la publication d’un document administratif. Et du coup, une seule saisine de la CADA en cas de problème.

Sauf qu’en empruntant cette voie, on reste sur un régime d’ouverture sur demande, non sur de l’Open Data “par défaut” (diffusion spontanée de la part des administrations).


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Un bêta-test avec les utilisateurs concernés? (Juges pour commencer…)

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“Même joueur joue encore” .



Pas de bol. Au moins, maintenant, vous savez la procédure à suivre. Il faut mieux cela que le savoir dans 10 ans. Vous avez gagnez du temps aux autres associations/collectifs/personnes/autres.



Have fun.

Open Data « par défaut » : au tribunal, l’Intérieur l’emporte au prix d’une procédure kafkaïenne

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