La Hadopi poursuit son long périple depuis les deux lois votées en 2009. Selon le dernier relevé, l’autorité indépendante a obtenu 593 décisions de justice entre novembre 2017 et octobre 2018. Dans le lot, 76 condamnations ont été prononcées, allant de 100 à 1 000 euros de contravention.
2009 semble aujourd’hui bien loin. L’époque fut marquée par cette loi mal ficelée, adoptée sous une pluie de critiques. Censurée dans son cœur au Conseil constitutionnel, sous les hourras des opposants, elle contraignit le ministère à préparer dare-dare un second texte, depuis en vigueur.
Les lois Hadopi, conçues par et pour l’industrie culturelle, ont permis à celle-ci un joli coup : déporter sur les épaules du contribuable la charge d’actions autrefois supportées par elle. En outre, faire assumer sur l’autorité publique le « bad buzz » provoqué par chacune des décisions de justice espérée. Enfin, tenter de trouver une réponse pénale à ce qui était vécu comme un problème de masse : les échanges illicites sur Internet.
Ces sociétés de défense se limitent aujourd’hui à un travail en coulisse. Relever sur les réseaux P2P les adresses IP prises en flagrant déni du Code de la propriété intellectuelle. Le tout est envoyé par pelletées à la Rue de Texel, estomac à données personnelles.
1,3 million de mails en un an
Lors du dernier baromètre de la haute autorité, dévoilé hier en fin de journée, la Hadopi dresse son bilan annuel. Doigts sur le compteur, entre le 1er novembre 2017 et le 31 octobre 2018, elle a envoyé plus de 1,3 million de mails aux abonnés non sécurisés. L’œil d’Hadopi est ciblé non sur la contrefaçon – objet d’un délit dédié – mais le défaut de sécurisation. Son public est fait d'abonnés dont l’adresse IP a été repérée en plein échange illicite, d'abonnés soupçonnés en conséquence d’avoir négligemment géré leur connexion Internet pour empêcher les échanges illicites à partir des œuvres protégées.
Sur la même période, 131 316 deuxièmes recommandations ont été envoyées à ceux qui ont persisté à ignorer cette première alerte. Enfin, près de 3 000 constats de négligence caractérisée ont été dressés. Ils visent les populations prises une troisième fois les doigts dans le pot de confiture.
Entre les têtes de mule, ceux qui ignorent l’existence même de la Hadopi et ceux incapables de comprendre ce qu’on leur reproche – cette sécurisation suffocante malgré la salve d’avertissements – le périmètre des hypothèses est aussi vaste que les couleurs de l’arc-en-ciel.

1 031 dossiers transmis au parquet, 593 décisions de justice
En bout de course, la Hadopi a finalement transmis 1 031 dossiers au procureur de la République. Soit un tiers des constats réalisés en dernière phase. Sur ce lot, 593 décisions de justice connues ont été relevées, contre 515 l'an passé et 152 voilà deux ans. Et, toujours dans une logique d’entonnoir, ces faits ont donné lieu à 76 condamnations, dont 35 jugements de contraventions.
Deux personnes ont été en outre condamnées pour des délits de contrefaçon, avec des amendes allant de 500 à 2 000 euros. Le gros des troupes réside surtout dans les mesures alternatives aux poursuites, dont 302 rappels à la loi et 65 compositions pénales intégrant notamment des stages de citoyenneté.

Une nouvelle fois la Hadopi s’attend à des critiques sur sa pseudo-redoutable efficacité. Dans son bulletin publié pour l’occasion, elle tente d’éteindre l’incendie qui menace sa légitimité : « au terme de huit années de pratique, on observe, de façon constante, une absence de réitération dans 60 % des cas, à chaque étape de la procédure : sur 10 personnes averties, 6 prennent des mesures pour éviter tout renouvellement d’actes de piratage ».
Surtout, à ceux qui n’ont d’yeux que sur le faible nombre d’amendes, elle tient à rappeler que les mesures alternatives ne sont pas à minorer. « Ces mesures constituent toutes des réponses pénales à part entière, comme la peine d’amende qui sanctionne classiquement les contraventions, et correspondent à la volonté du législateur de personnaliser au maximum la réponse judiciaire et d’accélérer le traitement des infractions, en tenant compte des circonstances dans lesquelles elles ont été commises et de leur gravité ».

En attendant la future loi Hadopi 3
Bref, à entendre la Hadopi, la réponse graduée est d’une efficacité redoutable. Six internautes avertis sur dix ne se retrouvent plus dans les camions d’IP relevées par l’entreprise Trident Media Guard, le bras armé des sociétés de gestion collective. L’autorité minore cependant le phénomène de glissement vers d’autres pratiques comme le streaming ou le téléchargement direct. Elle sait cependant que les grandes manœuvres se préparent en coulisse avec un hypothétique projet de loi gonflant les prérogatives de l’institution sur ces autres formes de diffusion sans autorisation.
Les dispositions sont prévues pour s’intégrer au futur projet de loi transposant la directive sur les services de médias audiovisuels. Avec une incertitude : le gouvernement acceptera-t-il de rouvrir les débats de 2009 ? L’arrivée de Franck Riester, qui fut rapporteur du projet de loi Hadopi, lui permettra en tout cas de miser sur l’expérience de ce bourbier parlementaire.
Commentaires (36)
Bref, à entendre la Hadopi, la réponse graduée est d’une efficacité redoutable. Six internautes avertis sur dix ne se retrouvent plus dans les camions d’IP relevées par l’entreprise Trident Media Guard
Seedboxes et VPN marchent à fond.
+1 J’ai jamais vu autant de “non-informaticiens” parler de VPN que ces 2 dernières années.
Est-ce qu’il existe des données sur la source des échanges repérés ?
Ou plus simplement : Netflix ( je viens de prendre un abonnement ) , ce qui ne m’empêche pas de télécharger certaines séries en VOSTFR via torrent. ==> Mais c’est des séries qui ne sont pas dans le viseur de la hadopi car non “mainstream”
Bref, les habitudes ont changés ( et pour moi c’est neflix, d’autre c’est OCS, … )
Netflix en France ne sera pas une alternative au téléchargement “illégaux” tant que la chrono de médias n’aura pas été abrogé ou vraiment remanier, Netflix c’est sympa pour les séries made in netflix et leurs quelques films, mais pour le reste, le catalogue a minimum 2 ans, les films sont vu et revu…
temps-là qu’il y aura une chronologie des médias et la fragmentation du marché de la Vod qui s’annonce, il y aura du piratage.
On connaît les majors, chacun veut son but de gras à tout les étages. À fortiori, vue la taxe sur les supports, les gens se trouvent toutes légitimité à pirater et ils ont raison
Mais combien ont Netflix + continue de pirater à côté car Netflix ne fait pas leur bonheur ?
PopcornTime ou TPB + qBittorrent avec l’option téléchargement séquentiel
" />
Sans aucuns remords
Dans les alternatives aux poursuites il y a les « stages de citoyenneté ».
Du coup je suis allé chercher ce que c’était.
Ça doit être super glorieux d’être avec des casseurs, des agresseurs sexuels et des négationnistes à se voir expliquer les grands concepts de la vie en société, du respect de la dignité humaine, etc. pour avoir téléchargé illégalement.
clair ! les casseurs agresseurs négationnistes avaient une chance de s’amender mais en les mêlant avec ce genre de racaille, c’est fichu
" />
d’un point de vue réseau le P2P était le mieux, à répartir la charge et surtout conserver ce genre de traffic au sein du réseau d’un même opérateur…
" />
m’enfin ça change
C’est pas netflix qui a une solution p2p dans ses cartons ?
c’était Skype à l’époque qui utilisait en partie le p2p, ça gênait d’ailleurs le pare-feu/sniffeur de toutes les données des élèves de mon ancienne école.
Pour du plus récent, tu ne ferais pas allusion à streamroot ?
Quelle efficacité !!! J’en tremble !
" />
" />
" />
" />
" />
" />
ils ont des serveurs de caches installés directement chez les opérateurs, mais P2P je sais pas
https://www.macg.co/ailleurs/2018/03/que-se-passe-t-il-quand-vous-appuyez-sur-le…
Ils ont fait le mundial de football cet été, sinon :https://www.nextinpact.com/news/106889-la-coupe-monde-football-racontee-par-acte…
ah oui pas mal.
Après dans le cadre d’un direct, je me demande si le mieux ne serait pas d’exploiter le multicast que le p2p, mais c’est déjà bien mieux qu’une simple centralisation.
Toujours aussi performant l’Hadopi… Après, il faut bien faire qqch !
Au final, ceux qui DL vraiment beaucoup, le font via de Seedbox ou des VPN. Donc ca ne sert pas à grand chose… Les actions de blocage des sites torrents sont plus efficaces je pense.
Et c’est vrai que Netflix attire du monde pour les séries ! Personnellement, je ne m’y retrouve pas dans leurs catalogues. Quelques séries sortent du lot, mais je trouve quand dans les séries maintenant (pas que Netflix) on est plus dans la quantité que dans la qualité.
Pour les films, en France, compliqué de faire autrement que DL si on ne veut pas attendre….
C’est quoi des « poursuites inopportunes » ? C’est quand l’IP pointe vers l’Élysée ?
dvr-x a écrit :
Pour les films, en France, compliqué de faire autrement que DL si on ne veut pas attendre….
+1
Même sans parler de la chronologie des média, je suis abonné à Prime (qui me sert pas qu’aux séries) avec une clé Amazon fire TV payée 30€.
J’ai eu plusieurs exemple où des séries “disparaissent” (promotion ? droits?) et/ou des saisons sont pas dispo, ou bien pas en VOST .
Dans bien des cas j’ai *commencé* une série sur amazon prime et je l’ai fini en P2P. Il y a aussi que j’ai un débit ADSL pourri de chez pourri, du coup ce qui est streaming passe très mal en lecture directe - seul le téléchargement puis visionnage permet une expérience à peu près correcte.
Or ca aucun acteur légal ne le permet aujourd’hui, encore moins sur les séries récentes.
Tout en étant dispo sur le P2P 2h après la diffusion aux US.
Toujours pas reçu de mail depuis 10 ans…
" />
Hadopi 1 - 0 Pirates
Et au final, tous les commentaires passent a côté de LA question essentielle : elle nous coûte combien cette usine à gaz inutile ?
Non parce que c’est notre pognon…
Et question subsidiaire : tous ces millions, ça représente combien d’abonnements à Next Inpact ?
150000 ans d’abonnement ou 150000 abonnés ! De quoi assurer un succès international à Next Inpact !
" />