Fiscalité : Google risquait une amende théorique de 8,2 milliards d’euros
Le GESTE en PLS
Le 02 octobre 2019 à 13h33
5 min
Droit
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Mi-septembre, Google signait une convention avec le parquet national financier. Elle acceptait de verser 500 millions d’euros pour mettre un terme au contentieux fiscal sur ses épaules. 500 autres millions sont prévus pour rattraper les impôts non payés. De fait, l'entreprise risquait une amende théorique beaucoup plus importante de 8,2 milliards d'euros.
Cette mesure transactionnelle a été rendue possible par la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale. L’entreprise qui accepte le « deal » doit alors « se soumettre, pour une durée maximale de trois ans et sous le contrôle de l'Agence française anticorruption, à un programme de mise en conformité ». L’accord passé entre les autorités et le redevable éteint ainsi les poursuites sans pour autant emporter déclaration de culpabilité.
Lors de l’annonce, le parquet national financier avait indiqué que la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), nom technique de cet accord, allait être publiée très prochainement sur le site de l’Agence française anticorruption. Ce document est désormais en ligne, comme nous avons pu le constater. Avec lui, on connait maintenant les ressorts de la procédure.
En 2012, la direction générale des finances publiques avait adressé à Google Ireland Ltd une proposition de rectification fiscale.
Un établissement stable en France, un impôt sur les sociétés éludé
Pourquoi ? La DGFIP estimait que l’entité disposait en France d’un « établissement stable ». Cette qualification avait pour effet de relocaliser dans nos frontières les revenus engrangés par la structure. En juin 2015, le directeur régional des finances publiques d’Île-de-France et du département de Paris a également déposé plainte devant le procureur de la République, cette fois pour défaut de souscription de déclarations à l’impôt sur les sociétés.
En avril dernier, la justice administrative déchargeait Google pour les exercices 2005 à 2010, expliquant que la structure ne disposait pas en France d’un tel établissement. La nouvelle enquête portant sur les exercices ultérieurs a révélé cette fois que les salariés de l’entité française « excédaient le cadre contractuellement défini » dans le contrat d’assistance marketing et commerciale passé avec sa sœur irlandaise.
Il est même apparu que Google France a joué un « rôle premier (...) dans les relations commerciales nouées avec Google Ireland LTD avec ses clients grands comptes situés en France ». Selon le procureur financier, elle a également effectué d’autres missions, toujours non prévues par l’accord contractuel. Toutes auraient dû être rémunérées par Google Irlande puis déclarées en France.
Dissimulation avec la complicité de Google Ireland LTD
En somme, en faisant plus que ce qui était prévu par le contrat d’assistance, Google France « a largement dépassé le cadre de simples prestations de service pour le compte de Google Ireland, mais s’est livrée à une activité commerciale auprès notamment de grands groupes de distribution en France », détaillait l’ordonnance de validation de la convention, rendue par le tribunal de grande instance de Paris le 12 septembre dernier.
Conclusion des magistrats : « Google France s’est soustrait à l’établissement de l’impôt sur les sociétés par dissimulation d’une part des sommes sujettes à l’impôt, avec la complicité de Google Ireland LTD ».
Devant les enquêteurs, les représentants de Google ont fait valoir avoir « reçu de nombreux conseils professionnels sur le bien-fondé de leur structure fiscale, confortés par les décisions des tribunaux administratifs, y compris en appel ». Mais ils ont surtout « pris acte » des conclusions tirées depuis par le parquet national financier : un transfert de la charge fiscale de Google France vers l’Irlande, pays à fiscalité moins lourde, « de nature à caractériser une fraude à l’impôt ».
Un tableau montre ainsi qu'à elle-seule, Google France a éludé près de 190 millions d’euros d’impôts sur les sociétés entre 2011 et 2016. Du moins selon l'enquête fiscale :
8,1 milliards d'amende d'intérêt public ramenés à 500 millions d'euros
Selon le Code de procédure pénale, le montant de l’amende d’intérêt public, réclamé dans le cadre de cette procédure transactionnelle, est fixé « de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel », sur les trois derniers exercices.
Avec un tel critère, la calculatrice s’envole. En cumulant les trois derniers CA de Google France mais aussi surtout ceux de Google Ireland LTD, le texte laissait planer une amende monstre de… 8,1 milliards d’euros ! Une amende toute théorique, et même limite mais qui révélait à elle-seule l'immensité des intérêts en présence.
Par un jeu de plafonds, sans oublier l'importante phase de négociations, le montant finalement mis à la charge des deux sociétés a fondu à 500 millions d'euros, dont 453 271 291 euros pour la seule société irlandaise.
Les calculs exacts, intimement liés au volet du rattrapage fiscal, n'ont pu nous être dévoilés par le PNF en raison du secret couvrant ces procédures.
Fiscalité : Google risquait une amende théorique de 8,2 milliards d’euros
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Un établissement stable en France, un impôt sur les sociétés éludé
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Dissimulation avec la complicité de Google Ireland LTD
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8,1 milliards d'amende d'intérêt public ramenés à 500 millions d'euros
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 02/10/2019 à 13h44
Et ils auront à payer réellement 4€ pour les frais de dossier " />
Le 02/10/2019 à 13h50
Comme quoi, ça paye de ne pas payer. " />
Le 02/10/2019 à 13h56
Le 02/10/2019 à 14h18
Et Darmanin qui fanfaronnait " />
Le 02/10/2019 à 14h23
Ah ben ça fait plaisir… Avec un tel ratio entre ce qui aurait pu être demandé et ce qui l’est dans l’accord, vraiment ça va dissuader les GAFA de ne pas payer l’impôt…
Le 02/10/2019 à 14h35
Sacré ratio entre le montant théorique et le montant final…
Par contre si toi, petit particulier, tu as un impayé pour x raisons ou une erreur sur ta déclaration (malgré le droit à l’erreur), on ne te loupe pas. Quand ce ne sont pas les systèmes automatisés qui font une erreur (du vécu, 3 mois à me battre avec l’administration pour avoir à nouveau la même erreur l’année suivante).
Le 02/10/2019 à 14h39
En 2012, la direction générale des finances publiques avait adressé à Google Ireland Ltd une proposition de rectification fiscale.
Donc ce n’est pas un redressement ? Le critère est que quand les montants sont importants on demande gentiment avant d’attaquer en justice ?
C’est justement dans ce cas que la volonté d’optimisation qui se transforme en fraude est délibérée, et que la justice devrait intervenir plus souvent (quitte à renforcer la législation) pour fixer des limites, au lieu de les négocier individuellement…
Le 02/10/2019 à 15h07
Pendant ce temps à la DGFIP : “Yeah les mecs ils ont payé 6% de ce qu’ils nous devaient, faites péter le champagne !”
Du coup moi aussi je peux payer que 6% de mes impôts ?
Le 02/10/2019 à 15h26
16x moins " /> merci " />
Le 02/10/2019 à 15h26
C’est écœurant … ça paye de frauder puisqu’au final, on ne te donne une amende qui est bien loin du montant que tu as “détourné” . C’est formidable !
Le 03/10/2019 à 16h22
Merci pour la vérification, dommage d’y avoir recours ici.
Le 03/10/2019 à 19h35
La chose la plus intéressante, c’est que du coup les années suivantes le CA et donc la contribution de Google France devrait augmenter.
Pour ceux qui disent que ça vaut le coup de frauder, vous n’avez pas compris l’article. Google paye plus que ce qu’ils avaient économisé (il y a rattrapage plus pénalités plus amende pour les deux structures).
Le 02/10/2019 à 15h28
Comme je le disais dans la news précédente , a qui ça profite? Quel pot de vin ont été versé pour cet arrangement? Comment les petites boîte qui ont elles payé ces leurs impôts vont êtres dédommagés? Quand la politique prend le dessus sur la justice…
Le 02/10/2019 à 15h28
Le 02/10/2019 à 15h32
Le 02/10/2019 à 15h33
Le plus gerbant est que ca blanchi totalement Google, donc aucune société qui paye ses impôts peut demander réparation du préjudice.
Le 02/10/2019 à 15h35
Le 02/10/2019 à 15h52
comme énormément de lois et de cas, y’a un gouffre entre ce que le législateur a écrit et ce qui est réellement appliqué (comme les peines de prison tiens, en fait ça coûte cher d’enfermer les malfrats, alors on leur tape juste sur les doigts. Puis ça soigne l’électorat populaire aussi " /> )
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Le 02/10/2019 à 16h01
Je n’ai pas dit que c’était réservé à Google. Il y a un droit à l’erreur depuis peu qui plus est.
Je relève le fait que c’est beaucoup plus complexe pour un particulier de faire valoir ses droits et prouver sa bonne foi que pour une entreprise comme Google, qui elle va pouvoir se dédouaner de sommes considérables alors qu’elle est prise dans le filet.
Quand tu te retrouves avec une saisie sur compte (donc compte bancaire bloqué) pour un soit-disant impayé à cause d’une erreur administrative, que cela met plus de deux mois à être réglé sans même que les impôts daignent prendre à leur charge les frais bancaires engendrés. Et qu’en plus la même erreur se reproduit l’année suivante… Désolé mais je n’ai pas du tout la même expérience que toi avec l’administration fiscale, ce alors que je n’avais aucun tort (seule chose qu’ils ont voulu reconnaître) :)
Le 02/10/2019 à 16h53
Encore un titre putaclic et un contenu qui ne grandit pas NXI mais qui fait plaisir aux habitués.
8,2 milliards d’euros, ce n’est le montant de l’amende théorique mais le montant maximal théorique de l’amende. Ce sont presque les mêmes mots, mais pas mis dans le même sens et en plus, il y a le mot maximal en plus dans la seconde expression que j’ai copiée de la seconde copie de document.
Et ça fait toute la différence.
Le texte exact de la loi cité dans l’article indique : « de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés, dans la limite de 30 % du chiffre d’affaires moyen annuel ». Cette somme est donc le plafond que peut atteindre cette amende, mais ce n’est pas la partie la plus importante.
La partie la plus importante de l’article de loi est de manière proportionnée aux avantages tirés des manquements constatés.
Déjà, cela veut dire qu’il ne faut considérer que la partie concernant la France et pas toute l’UE puisque cela doit être proportionné aux avantages tirés. De plus, il faut tenir compte du gain d’impôt pour établir cette amende.
J’aurais tendance à dire que seule la part de chiffre d’affaire de la France dans Google Irland LTD comme max d’amende possible, même si cela n’est pas dit explicitement. Le CA français de Google Irland est estimé à environ 2 milliards d’euros. Le CA des 2 années précédentes devait être plus faible.
Si on applique 30 % à ce montant, on peut estimer que le montant maximal de l’amende serait plutôt de 600 millions d’€. Et surprise, on n’est pas loin du montant de l’amende négocié. (Remarque, je n’ai comparé le résultat qu’après avoir fait le calcul). Donc l’amende qui a été négociée et calculée de manière proportionnée aux avantages tirés (453 millions pour G IL) est donc assez proche (75,54 %) de ces 600 millions d’euros. Comme on n’a pas d’informations sur le détail du calcul, couvert par le secret fiscal, on peut juste dire que ce montant n’a rien de scandaleux.
Voilà, voilà…
Le 02/10/2019 à 17h09
Merci " />
Le 02/10/2019 à 17h38
Merci d’être allé vérifier. Ça confirme mon impression initiale.
Le 03/10/2019 à 03h33
Le 03/10/2019 à 03h34
Le 03/10/2019 à 05h33
Merci ça fait plaisir d’avoir une réflexion saine au milieu des aboiements pavloviens de la meute.
C’est tellement plus facile de cracher sur le gouvernement en l’accusant de complicité voir de corruption, que de chercher à comprendre…
Le 03/10/2019 à 05h41
500 millions c’est l’amende. Ils ont aussi payé les impôts en retard et les pénalités et donc au total plus d’un milliard d’euro. 5x ce qu’ils ont évité de payer.
J’invite les particuliers intéressés par ce type de règlement à le proposer à l’administration, je suis sûr qu’ils seront d’accord pour leur accorder " />
Le 03/10/2019 à 11h55
Mais pendant ce temps, de combien sont les amendes pour les sociétés européennes aux US ? 😁
Le 03/10/2019 à 14h04
Politiques et dirigeants d’entreprises sont amis et ont un ennemi commun: le petit peuple. Tout est dans l’art de faire croire au petit peuple que les premiers travaillent pour lui en sanctionnant les seconds.