Hadopi, missions impossibles
Pas de grain à moudre
Le 17 octobre 2012 à 15h23
5 min
Droit
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À l’occasion de la remise de son rapport annuel (que vous pouvez télécharger ici), la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet vient d’affirmer qu’aucun projet d’expérimentation des techniques de reconnaissance de contenus et de filtrage n’avait été porté à sa connaissance. L'institution estime que par conséquent, cette mission devrait être abandonnée en attendant une éventuelle évolution législative. Autre mission qui prend le chemin de la corbeille à papier : celle relative à la labellisation des moyens de sécurisation.
La Hadopi n’est pas uniquement en charge du dispositif de riposte graduée. En effet, en vertu de l’article L 331 - 23 alinéa 4 du Code de la propriété intellectuelle, la Haute autorité est censée mener une mission sur l’évaluation des techniques de reconnaissance de contenus et de filtrage, tel que les Deep Packet Inspection (DPI). Ce même article précise que la Rue du Texel doit rendre compte « des principales évolutions constatées en la matière (...) dans son rapport annuel ». Lequel vient justement d’être présenté ce matin.
Filtrer la mission sur le filtrage
Or, la Hadopi constate l'échec, attendu depuis les premiers pas de cette mission : « aucun projet d’expérimentation n’a été formellement porté à la connaissance de la Hadopi, ce qui ne permet pas à la Haute Autorité de rendre compte au Gouvernement et au Parlement des évolutions constatées en la matière et rend difficile l’exercice de cette mission », indique le document remis par la Rue du Texel. Cependant, rien dans la loi n'oblige les éditeurs à informer la Haute autorité de leurs expérimentations. Ils le peuvent s’ils le veulent. Et quand ils veulent : avant, pendant, après ou jamais.
Dans le passé, la SCPP, l'un des ayants droit autorisés à flasher de l’IP pour alimenter Hadopi, a bien testé une solution de type DPI. Cela s’est fait avec l’aide des technologies Vedicis comme nous l’avons révélé dans nos colonnes en 2010. On en déduit que la SCPP n'a pas pris contact avec la Hadopi, ni inversement, pour tirer des conclusions à ces travaux.
L’institution voit deux solutions face à son constat. Un, que la loi évolue afin que ces expérimentations soient « en toute rigueur portée obligatoirement à sa connaissance ». Ce qui serait juridiquement compliqué à mettre en œuvre (à partir de quand faut-il informer ? quelle sanction ? etc.). Deux, que cette mission soit tout simplement abandonnée.
Vers la fin de la mission sur la labellisation des moyens de sécurisation
Il est une autre mission que la Rue du Texel entend bien mettre de côté : celle qui touche à la labellisation des moyens de sécurisation. En effet, depuis l’adoption de la loi Hadopi, chaque internaute est tenu à une obligation de sécurisation de son accès à Internet, c’est-à-dire qu’il doit s’assurer que sa ligne ne sert pas pour télécharger des œuvres protégées via des réseaux peer-to-peer.
Toutefois, même si l’abonné est libre de choisir le moyen qu’il souhaite pour sécuriser cet accès, la Haute autorité est tenue, en vertu de l’article L 331 - 26 du Code de la propriété intellectuelle, de rendre publiques « les spécifications fonctionnelles pertinentes que doivent présenter les moyens de sécurisation ». Autrement dit, elle doit proposer des moyens de sécurisation (par exemple via des logiciels), qui, labellisés par ses soins, pourraient aider l'abonné à assurer au mieux ses responsabilités. L’abonné serait alors enfermé dans un triple choix : soit ne rien installer, soit mettre en œuvre un moyen de sécurisation, soit opter pour le moyen de sécurisation labellisé par la Hadopi.
Mais après s’être penchée sur la question de la labellisation de ces moyens de sécurisation pendant deux ans, la Rue du Texel jette l’éponge. « Une mission de réalisation d’un moyen de sécurisation « global » dépasse les limites des missions confiées et des moyens mis à disposition par le législateur. Par ailleurs, des personnes et organismes externes ont manifesté leur intérêt à continuer un tel projet », écrit la Hadopi, sans plus de précisions. Elle conclut : « le Collège de l’Hadopi estime donc que les problématiques liées à la sécurisation de l’accès à Internet doivent s’inscrire dans une approche globale et ce dans l’objectif de simplifier et rationaliser le choix de l’utilisateur, et de donner la plus grande cohérence possible à l’action publique ».
En d’autres termes, l’institution considère que la charge de cette mission doit être dévolue à une autre autorité. Interrogée, Marie-Françoise Marais n'a pas su nous donner de nom.
En attendant, en recommandant d'abandonner les missions dévolues par la loi, la Hadopi s'offre finalement le luxe de ne pas respecter ce que le législateur lui avait confié. Une latitude que n'a pas l'abonné...
Commentaires (49)
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Abonnez-vousLe 17/10/2012 à 15h37
Par ailleurs, des personnes et organismes externes ont manifesté leur intérêt à continuer un tel projet
Comme feu HadopiProtection de Matisoft, feu le logiciel Orange, feu… " />
Le 17/10/2012 à 15h40
Moi j’attendais avec impatience d’acquérir mon logiciel de sécurisation by Hadopi " />
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Le 17/10/2012 à 15h40
Le 17/10/2012 à 15h41
Donc du coup…. ils font quoi en fait? (Non je n’ai pas la patience de lire le rapport) " />
Le 17/10/2012 à 15h41
Une petite pensée émue pour M. Riguidel, professeur émérite, qui s’est acharné sur ce sujet et aux professionnels qui dès le départ avaient expliqué que c’était du délire.
Très belle conclusion en mode headshot !
Le 17/10/2012 à 15h46
ben c’est bon, le budget peut être divisé par deux alors " />
Le 17/10/2012 à 15h46
Bonjour agent Christine, votre mission en tant que membre de la Hadopi consistera à… euh…
…
Laissez tombez, vous voulez bien ?
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« Une mission de réalisation d’un moyen de sécurisation « global » dépasse les limites des missions confiées et des moyens mis à disposition par le législateur. Par ailleurs, des personnes et organismes externes ont manifesté leur intérêt à continuer un tel projet. »
Au hasard, le Bogdanoff de l’internet ?
Le 17/10/2012 à 15h47
Le 17/10/2012 à 15h53
En attendant, en recommandant d’abandonner les missions dévolues par la loi, la Hadopi s’offre finalement le luxe de ne pas respecter ce que le législateur lui avait confié. Une latitude que n’a pas l’abonné…
Le tout payé par nos impôts.
C’est peut être pas l’arnaque du siècle mais c’est quand même très fort.
Le 17/10/2012 à 18h37
Sauf que si la Hadopi jette l’éponge concernant la labellisation des moyens de sécurisation, c’est tout son chateau de carte qu’est la législation qui la met en place qui s’écroule.
Le 17/10/2012 à 19h17
Le 17/10/2012 à 19h17
On en déduit que la SCPP n’a pas pris contact avec la Hadopi, ni inversement, pour tirer des conclusions à ces travaux.
Ah oui? Pourtant à la fois la SCPP et la Hadopi auraient été ravies d’avoir une telle arme à leur disposition…
J’en déduis que les tests de DPI ont échoué (pas assez efficaces, trop de faux positifs, nécessité de ressources démentielles pour surveiller tout et tout le monde…).
Ou que si ils ont réussi, la Hadopi avait une bonne raison de ne pas s’y intéresser officiellement… mais laquelle?
Le 17/10/2012 à 19h20
pirates 1 hadopi 0 " />
Le 17/10/2012 à 19h21
Le 17/10/2012 à 19h22
Le 17/10/2012 à 19h30
Donc en gros, l’abonné à une obligation de sécurisation de sa ligne et que cela serait apprécier par le collège Hadopi avant le transfert du dossier au parquet mais que dorénavant l’Hadopi pourra toujours transmettre le dossier mais sans avoir au préalable pu fournir les indications sur les moyens de sécurisation à l’abonné???? Mais, mais, mais … que fait maître Eolas " />
Le 17/10/2012 à 19h35
J’attends toujours le logiciel de sécurisation labellisé hadopi …
Mais que se passe t’il ?
Depuis le temps que l’on nous dit qu’il est prêt !
Fera t’il parti des softs à la duke nukem for never ?
Le 17/10/2012 à 19h36
Le 17/10/2012 à 19h37
Est-ce que cela pourrait servir pour une question prioritaire de constitutionnalité ?
Si oui, cela signerait la fin de cette administration.
Le 17/10/2012 à 19h53
Le 17/10/2012 à 20h17
Le 17/10/2012 à 20h18
" /> Très bel article.
Le 17/10/2012 à 20h39
Le 17/10/2012 à 20h45
Le 17/10/2012 à 22h39
Le 17/10/2012 à 15h56
Le 17/10/2012 à 16h04
Si pas moyen de labelliser un moyen de “sécuriser son accès”, alors que devient le délit de non-sécurisation?
Le 17/10/2012 à 16h06
Ou comment blanchir l’argent des Français au travers un projet flou et irréaliste
Le 17/10/2012 à 16h09
Le 17/10/2012 à 16h28
Hadopi, missions impossibles
Bon, on passe quand à l’autodestruction ? " />
Le 17/10/2012 à 16h32
Le 17/10/2012 à 16h34
Le 17/10/2012 à 16h35
En gros ils déclarent être une bande de parasite magouilleurs, voleurs et compétent dans aucun domaine ? " />
Le 17/10/2012 à 16h40
Le 17/10/2012 à 16h45
Le 17/10/2012 à 16h48
Quelle bande de " /> !!!
Le 17/10/2012 à 17h42
Le 17/10/2012 à 18h18
Le 17/10/2012 à 18h19
Le 17/10/2012 à 18h25
Le 17/10/2012 à 18h34
Moi j’ai compris :
Heu… les moyen de sécurisation de la ligne?…. hum… non vraiment nous ne savons vraiment pas faire ça, même avec 12millions d’€ et des expert. Nous refilons le bébé à quelqu’un d’autre mais soyez de bon citoyen et faites ce où nous n’avons pas trouvé de solution avec vos moyens
Le 17/10/2012 à 23h30
Il y a une citation que certains sortent a tour de bras, et parfois un peu a tort.
“Nul n’est cense ignorer la loi.”
HADOPI ignore pourtant superbement des elements-cles d’une loi pour ne reprendre a son compte que ceux qui lui conviennent. La loi HADOPI etait deja une usine a gaz, mais si on retire la mission sur les “moyens de securisation”, elle devient juste une aberration juridique.
C’est d’autant plus inacceptable que l’Autorite est cense non seulement “ne pas ignorer la loi”, mais bien la connaitre et l’appliquer. J’aurais bien envie de mettre certaines personnes devant leurs responsabilites, mais le plus beau dans notre systeme “democratique”, c’est que personne n’est responsable de quoi que ce soit.
Le 17/10/2012 à 23h36
Le 17/10/2012 à 23h55
Le 18/10/2012 à 07h28
Ils peuvent bien réduire le budget à 8 millions d’€, ça reste 8 millions d’€ en trop payés par le contribuable…
Le 18/10/2012 à 08h15
Le 18/10/2012 à 08h27
Cette histoire est vraiment hallucinante, toujours pas pigé que si lutte anti piratage, la seule méthode ayant un sens est en direction des centres, il y en a –toujours–, p2p aussi vaste hypocrisie dans les termes rappelons le :http://iiscn.wordpress.com/2011/05/15/piratage-hadopi-etc/
Et que cela permettrait aussi, ce qui n’est pas rien, de sortir des délires Orwellien monitoring flux utilisateurs à tout va ?
Faut-t-il comprendre que c’est justement le but ?
Époque complètement trépanée.
Le 18/10/2012 à 14h47
Je vais de ce pas voir mon patron et lui tenir le même discours.
“Bon alors, vous m’avez filé du boulot, mais finalement je vais pas le faire. Mais continuez de me payer hein. Ah et puis je vous dis pas qui, mais y’a des gens qui sont intéressés par le travail que vous m’avez demandé de faire. Sinon moi ça va bien. A+”.
Le 20/10/2012 à 05h04