Neutralité du Net : Neelie Kroes ménage la chèvre et le chou avec difficulté
La chouvre
Le 05 juin 2013 à 15h09
4 min
Internet
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Dans son discours prononcé hier lors d'une conférence parlementaire sur Internet, Neelie Kroes, commissaire européenne, n'a pas caché que « trouver le juste équilibre n'est pas évident » en matière d'ouverture de réseau et donc de neutralité du Net. Effectivement, depuis plusieurs mois, la Néerlandaise marche sur des œufs, tantôt en faveur d'une véritable neutralité, tantôt ouvrant la porte à une segmentation des forfaits internet, soit l'inverse de la neutralité.
Neelie Kroes.
Payer pour avoir un meilleur accès, pourquoi pas
Au mois de janvier dernier, dans une tribune publiée sur Libération, la commissaire européenne avait surpris bien des internautes en affirmant : « selon moi, l’intérêt public ne s’oppose cependant pas à ce que les consommateurs s’abonnent à des offres internet limitées, plus différenciées, éventuellement pour un prix moins élevé ». Une véritable claque assenée aux défenseurs de la neutralité du Net.
Fin mai, retournement de situation. Neelie Kroes affirme sans crier gare qu'elle est pour un Internet ouvert et qu'elle souhaite garantir la neutralité du Net. Ce fut toutefois une victoire de courte durée. En effet, hier, la femme politique a tenu un discours étonnant sur la neutralité, un « débat polarisant » selon elle. Tournés vers les fournisseurs d'accès à internet, ses propos ont insisté sur l'importance de se coordonner sur la neutralité du Net au niveau européen. « Si nous n'abordons pas la neutralité du Net, des problèmes plus importants surgiront et les services innovants de demain pourraient s'arrêter à nos frontières. »
Peu après, Neelie Kroes précise un peu mieux sa pensée : « Nous devons favoriser l'innovation. Les nouveaux services à venir ne dépendent pas seulement du contenu, mais aussi de connexions de haute qualité. Par exemple, si vous venez d'acheter un système de vidéoconférences, vous voudrez probablement un accès à Internet qui garantisse une bonne qualité, de bout en bout. Si quelqu'un veut payer un supplément pour ça, aucune règle européenne ne devrait se mettre en travers de son chemin, ce n'est pas mon travail d'interdire aux gens d'acheter ces services, ni d'empêcher les gens de les fournir. Si vous ne voulez pas payer c'est aussi bien, et vous devez absolument continuer de bénéficier du "best efforts internet". »
Un risque de dérive évident
Cette conception du choix des clients et des opérateurs implique pourtant des dérives potentielles importantes. En effet, un FAI pourrait donc proposer un forfait de base, avec un accès ridicule à YouTube (par exemple), et proposer pour 10 euros de plus par mois un accès rapide et garanti au site de vidéos de Google. La même logique pourrait être appliquée pour le P2P, les newsgroups, la VoIP, etc. Sous couvert de proposer mieux et plus, les opérateurs risquent surtout de proposer moins pour le forfait de base pour avantager les options payantes. Un FAI en France s'est ainsi illustré ces dernières années en proposant à ses clients un abonnement pour garantir l'accès à la télévision de rattrapage, même aux heures de pointe.
Militant pour une transparence absolue des opérateurs vis-à-vis de leurs offres, pour la mort des obstacles pour changer d'opérateur ainsi que pour la fin de la dégradation des protocoles (la VoIP notamment), Neelie Kroes ouvre pourtant la porte à des abus potentiels. Certes, la transparence et la concurrence devraient empêcher ces dérives, sauf que nous parlons ici du marché des opérateurs télécoms, dont l'historique en matière de transparence et de concurrence ne fait pas parti du Livre Guinness des records.
Le discours de Neelie Kroes est d'autant plus étonnant qu'elle affirme que les Européens attendent une réelle protection contre les mauvaises pratiques commerciales des opérateurs. « Et c'est exactement ce que l'Union européenne compte offrir. Une garantie pour tous les Européens, sur tous les appareils, sur tous les réseaux : une garantie d'accès à Internet complet et ouvert, sans blocage ou étranglement de services concurrents. » Mais si le réseau est complet, ouvert, sans blocage ni étranglement, pourquoi un opérateur devrait alors proposer une option payante pour garantir un meilleur accès ?
À force de ménager la chèvre et le chou, à savoir de vouloir faire plaisir à la fois aux consommateurs et aux opérateurs, la commissaire européenne risque surtout de créer des confusions et des abus.
Neutralité du Net : Neelie Kroes ménage la chèvre et le chou avec difficulté
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Payer pour avoir un meilleur accès, pourquoi pas
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 06/06/2013 à 05h35
Le 06/06/2013 à 07h45
Le 06/06/2013 à 08h24
Le 06/06/2013 à 09h34
C’est ce qu’on appelle une girouette à réaction.
Le 07/06/2013 à 13h51
Le 05/06/2013 à 15h52
Ca fait combien de temps qu’elle est élue ? Comme ça on sait au bout de combien d’année un élu fini pas céder aux sirènes de l’argent.
Le 05/06/2013 à 15h55
Le 05/06/2013 à 15h56
Le 05/06/2013 à 15h57
J’ai plutôt l’impression qu’elle parle d’un mode différencié acceptable pour le monde entreprise mais pas pour le grand public. L’exemple avec la vidéo-conférence est criant, ce ne sont pas des solutions grand public mais bien entreprises (aujourd’hui en tout cas).
Les entreprises achètent déjà des liaisons prioritaires à des FAI pour entreprise pour leurs besoins critique. Rien dans ce qu’elle dit ne me choque en soit.
Il faut par contre mettre des garde-fous pour l’accès internet grand public si on veut pouvoir garantir une neutralité et une équité de traitement.
Le 05/06/2013 à 15h58
Le 05/06/2013 à 15h59
Le 05/06/2013 à 16h23
Sont coiffeur sort quand de prison ?
Le 05/06/2013 à 16h47
Le 05/06/2013 à 16h53
Le 05/06/2013 à 17h24
Le 05/06/2013 à 18h16
Le 05/06/2013 à 20h55
La neutralité du Net ne doit pas être liée à un débit haut, sous prétexte de nouveaux services spécifiques qui demande du débit équivalent à la fibre optique.
Le 05/06/2013 à 22h32
neutralité du Net = non-discrimination des flux. => a partir du moment ou une trame TCP/IP valide circule sur le réseau du FAI, le FAI doit la router vers le destinataire sans favoritisme/entrave lié au contenu, la source ou au destinataire de la trame
Je n’ai rien contre le fait qu’un FAI propose des offres “non neutres” qui favorisent youtube (ou autre), tant qu’on oblige les FAI a toujours devoir proposer des offres “neutres”.
Le 06/06/2013 à 00h38
Le 06/06/2013 à 00h47
Le 06/06/2013 à 01h14
Le 05/06/2013 à 15h24
En effet, un FAI pourrait donc proposer un forfait de base, avec un accès ridicule à YouTube (par exemple), et proposer pour 10 euros de plus par mois un accès rapide et garanti au site de vidéos de Google. La même logique pourrait être appliquée pour le P2P, les newsgroups, la VoIP, etc.
Moi je trouve pas ça déconnant. T’as un débit “best-effort” et si tu veux accès à des applications que tu juges critique, tu paye plus. C’est exactement ce que font les entreprises par exemple. Tant que le tout est transparent, cela ne touche en rien à la neutralité du net…
Le 05/06/2013 à 15h26
J’ai l’impression que la position de Neelie Kroes est de dire :
En plus clair :
Exprimé comme ça, ça me semble tout à fait acceptable. On paie de la qualité sur le réseau, qui par contre est neutre sur l’usage qu’on en fait.
Le 05/06/2013 à 15h27
“l’intérêt public ne s’oppose cependant pas à ce que les consommateurs s’abonnent à des offres internet limitées, plus différenciées, éventuellement pour un prix moins élevé »
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Le 05/06/2013 à 15h27
Le 05/06/2013 à 15h27
Perso, je trouve acceptable d’avoir un quota de données en fonction du prix payé mais sans distinction sur les protocoles ou les différents sites utilisés. Comme ça la neutralité est préservée et les gros consommateurs payent plus que les petits, ce qui semble équitable.
Le 05/06/2013 à 15h29
Le 05/06/2013 à 15h32