Le projet de loi d’Obama pour court-circuiter les patents trolls
Un consensus qui ne règle pas tous les problèmes
Le 25 octobre 2013 à 10h41
7 min
Droit
Droit
Les « patent trolls » pourraient prochainement avoir beaucoup plus de mal à mener leurs activités sur le sol américain. L’administration Obama avait promis en effet que des réformes étaient en cours d’élaboration et un projet de loi pourrait provoquer pour la première fois un changement très significatif dans le processus judiciaire permettant actuellement aux « trolls » d’imposer leur règne.
Obama contre les vampires
Les patent trolls sont des sociétés au fonctionnement particulier. En elles-mêmes, elles ne produisent rien ou plus rien. Elles sont caractérisées par une activité centrée exclusivement ou presque sur la propriété intellectuelle. Ce peut être grâce à un long travail de recherche et développement dont l’entreprise décide de vivre, soit un regroupement de plusieurs portefeuilles de brevets émanant de sociétés telles que Microsoft, Google, Apple, Tesla, Qualcomm, etc.
L’objectif d’un patent troll est avant tout de valoriser le portefeuille. La propriété intellectuelle n’est alors plus un bouclier mais une arme puissante servant plusieurs buts. Deux en particuliers sont particulièrement courants : mettre à genoux les petites et moyennes entreprises pour vampiriser leurs ressources et parasiter le développement d’un gros concurrent. C’est ainsi que nous avons abordé récemment le cas de Lodsys, qui ponctionne des dizaines de sociétés pour obtenir une rente particulièrement efficace car la plupart des entreprises touchées souhaitent éviter les procès.
L'obligation de détailler les plaintes
Les patent trolls ont un impact très négatif sur le monde professionnel puisqu’ils détournent les forces vives qui alimentent les entreprises classiques. Une énergie qui n’est alors pas investie dans la conception de produits réels mais qui se matérialise sous la forme de dollars dans quelques comptes en banque. L’administration Obama, consciente du problème, avait il y a plusieurs mois promis que des efforts législatifs seraient faits pour court-circuiter le travail des patent trolls et limiter leur impact sur le fonctionnement des entreprises « normales ».
Ce projet de loi est maintenant connu, et il attaque un large pan des activités des trolls. Plusieurs aspects sont abordés, à commencer par la plainte elle-même devant les tribunaux. Il faut savoir qu’actuellement, lorsqu’une entreprise dépose une plainte pour violation de brevet, le document initial ne contient que quelques pages ne donnant pas nécessairement un grand nombre de détails. En fait, il n’est parfois pas possible de savoir exactement en quoi consiste cette violation, et quels sont les points précis concernant la société attaquée.
Si la nouvelle loi était adoptée en l'état, la situation serait très différente. Le plaignant devrait impérativement fournir d’entrée de jeu tous les détails. Une modification qui aurait deux conséquences majeures. D’une part, la société attaquée saurait précisément à quoi s’en tenir et comment se défendre. D’autre part, et c’est clairement un point important, la création de la plainte demandera beaucoup plus de travail au plaignant. Dans le cas d’un patent troll, cet aspect augmentera les coûts opérationnels de structure qui cherchent justement à les réduire au maximum.
Plus de procédure sans en payer les frais
Deuxième point important : les frais en cas d’échec dans la procédure. Le projet prévoit en effet que si la société qui dépose plainte est finalement déboutée, elle devra s’acquitter de frais. Jusqu’à présent, ce n’était pas le cas, et la conséquence sera qu’une entreprise devra y réfléchir à deux fois. Or, si elle est devait être votée, cette loi n’affecterait évidemment pas que les patent trolls, mais également les procès plus classiques, comme ceux opposant Apple et Samsung. Cet aspect particulier est conçu pour calmer les velléités de sociétés qui ont recours trop systématiquement aux tribunaux.
Troisième point : les « preuves ». Un changement de taille est prévu puisque seuls les éléments ayant un rapport direct avec les points détaillés dans la plainte pourront être pris en charge durant la première phrase de la procédure. Cela évitera que des éléments soient ajoutés petit à petit au dossier, étendant la durée du procès et augmentant les frais pour la défense.
Transparence : la maison-mère serait systématiquement impliquée
Le projet de loi prévoit également une cassure conséquente dans la manière dont les parties seront représentées. D’une part, les liens entre les sociétés mères, les succursales, les sociétés écrans et ainsi de suite devront impérativement être dévoilés. Ainsi, toutes les personnes morales ou physiques ayant un « intérêt financier » dans la procédure devront obligatoirement être déclarés. En cas de dépôt d’une plainte, c’est l’entité la plus élevée qui devra s’occuper du dépôt de la plainte, ceci dans un souci de transparence.
Si cette loi devait passer, elle court-circuiterait en outre une autre méthode utilisée par les patent trolls : déposer une plainte contre les utilisateurs d’une technologie plutôt que contre l’entreprise qui en est à l’origine. Ici, on touche directement à l’activité de Lodsys qui s’estime propriétaire notamment des brevets portant sur les achats in-app. Ainsi, Lodsys ne se bat pas contre Apple, mais directement contre les petites entreprises qui développent des applications pour iOS. Malgré l’intervention d’Apple, Lodsys a obtenu des royalties d’un très grand nombre de ces structures, effrayées à l’idée de dépenser plus d’un million de dollars dans un procès qui engloutirait tout leur budget. Avec la nouvelle loi, une « parenthèse » s’ouvrirait pour obliger l’attaquant à affronter d’abord l’initiateur de la technologie avant de passer à ceux qui l’utilisent.
Un consensus applaudi mais qui ne règle pas tous les problèmes
Il faut noter cependant que même si le texte représente une étape cruciale dans la lutte contre les patent trolls, il ne peut remédier à toutes les situations. S’il aurait par exemple été efficace dans des affaires telles que Rambus et SCO, il sera sans efficacité sur Lodsys dans la majorité des cas. Pourquoi ? Tout simplement parce que le projet concerne les tribunaux : Lodsys négocie directement auprès des petits éditeurs pour obtenir ses royalties.
Pourtant, le projet représente un espoir conséquent de calmer le jeu dans le domaine des plaintes pour violation de brevets. Il a d'autant plus de chance d'être adopté qu’il est porté par des membres éminents des deux principaux partis politiques américains et qu’il établit un consensus. En outre, il est clairement applaudi par des associations telles que l’Electronic Frontier Foundation et la Computer and Communications Industry Association.
Rappelons enfin qu’il ne s’agit que d’un projet et qu’il s’écoulera au moins plusieurs mois avant que la loi devienne éventuellement effective. En outre, ses dispositions sont encore susceptibles d'évoluer au fil des débats, et ce sachant que certaines entreprises telles que Dolby Labs et Qualcomm en critiquent d'ores et déjà plusieurs aspects.
Le projet de loi d’Obama pour court-circuiter les patents trolls
-
Obama contre les vampires
-
L'obligation de détailler les plaintes
-
Plus de procédure sans en payer les frais
-
Transparence : la maison-mère serait systématiquement impliquée
-
Un consensus applaudi mais qui ne règle pas tous les problèmes
Commentaires (35)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 26/10/2013 à 22h39
Le 27/10/2013 à 17h12
Est-ce que cela va inpacter la rente MicroSoft sur les Android?
Le 27/10/2013 à 18h59
Le 25/10/2013 à 10h56
En outre, ses dispositions sont encore susceptibles d’évoluer au fil des débats, et ce sachant que certaines entreprises telles que Dolby Labs et Qualcomm en critiquent d’ores et déjà plusieurs aspects.
J’espère que le projet ne sera pas vidé de sa substance.
En l’état c’est un pas en avant majeur.
Le 25/10/2013 à 10h58
Enfin quelque chose qui va être positif, reste à voir si Obama va réussir à la faire passer ce qui est loin d’être acquis.
Le 25/10/2013 à 11h00
Obama contre les vampires
Référence au film ; Abraham Lincoln Chasseur de vampire ?
vous auriez pu mettre Obama contre les trolls aux moins ça aurait été dans le fil " /> même si on peut voir dans le vampire, le suceur et pompeur de fric qu’est une société patent troll " />
Le 25/10/2013 à 11h03
Champagne !! " />
Même si les changements sont somme toute modeste, je trouve que ça reste un signal fort lancé à ces entreprises (et à ceux qui “abusent” des brevets). Toute amélioration est bonne à prendre
Il était temps qu’ils s’en occupent !
Le 25/10/2013 à 11h04
Enfin, pour Lodsys qui négocie directement, c’est quand même plus facile et moins coûteux pour un petit éditeur de se défendre si il y a un texte qui dit qu’il peut pas être attaqué. Evidement, il faudrait aussi que Lodsys puisse être condamné pour abus. Par contre, pour les frais, ça risque plus de défavoriser les petites structures, qui peuvent avoir peur de perdre dans la défence de l’une de leur technologie, alors que je doute qu’Apple/Samsung se dise, tient j’attaque pas, de peur d’avoir des frais à payer.
Le 25/10/2013 à 11h05
Rappelons enfin qu’il ne s’agit que d’un projet et qu’il s’écoulera au moins plusieurs mois avant que la loi devienne éventuellement effective.
Oui, d’autant, qu’il va d’abord falloir boucler le retour de la CISPA " />
c’est un bon début mais il faudra un jour ou l’autre remettre à plat le fonctionnement l’USPTO, ce qui est brevetable et dans quelles conditions " />
Le 25/10/2013 à 11h21
Ca me parait pas si mal pourtant. Et puis les petites boites vont peut-être finir par moins se laisser impressionner. Mais effectivement faudra attendre de voir le résultat final en bout de course.
Le 25/10/2013 à 11h28
Le 25/10/2013 à 11h30
ça parait un bon début. Maintenant s’il s’attaquait à la source du problème aussi, c’est à dire au système de brevet qui permet de breveter n’importe quoi " />
Le 25/10/2013 à 11h35
J’aimerais bien que l’infobulle disparaisse quand mon pointeur de souris n’est plus sur le lien.
C’est peut être un bug de mon côté (Firefox 24.0).
Le 25/10/2013 à 11h39
Ils ne pourront jamais stopper les patent troll, car pour cela il faudrait remettre en cause le système de brevets…
Le 25/10/2013 à 11h39
Le 25/10/2013 à 11h40
Pourvu que cette loi passe.
Le 25/10/2013 à 11h43
il sera sans efficacité sur Lodsys dans la majorité des cas. Pourquoi ? Tout simplement parce que le projet concerne les tribunaux : Lodsys négocie directement auprès des petits éditeurs pour obtenir ses royalties.
Sauf que les petits éditeurs se soumettent de peur de passer devant les tribunaux. Si le passage devant les tribunaux est extrêmement difficile pour Lodsys alors le petit éditeur aura plus d’aplomb pour refuser le chantage.
Le 25/10/2013 à 11h45
C’est peut-être pas la solution absolue et définitivement efficace, mais toute avancée contre ces parasites est bonne à prendre.
" />
Le 25/10/2013 à 11h51
Le 25/10/2013 à 11h51
Le 25/10/2013 à 11h56
Le 25/10/2013 à 12h01
Ça me fait penser au procès de Samsung et Apple. Ce dernier attaque Samsung pour des choses logiciel dont Samsung n’est pas forcément le détenteur mais simple utilisateur. C’est donc contre Google que Apple devrait se retourner ?
Le 25/10/2013 à 12h11
Le 25/10/2013 à 12h12
Le 25/10/2013 à 12h34
Un consensus applaudi mais qui ne règle pas tous les problèmes
C’est ça.
D’autre part, je ne suis pas convaincu que l’aspect financement des procédures soit un réel frein aux patents troll (sauf si ce qu’ils y gagnent reste en deça de ce qu’ils seront obligés de régler…). Pour moi, ça me semble plus un moyen trouvé par l’Etat pour avoir sa part du gâteau des brevets qu’autre chose…
Ajouter une ligne au texte du style “toute société/personne morale ne pouvant pas apporter la preuve d’une production de biens matériel ou immatériel en rapport avec l’activité ciblée des brevets ne pourra pas prétendre à la violation de ses brevets” n’aurait-elle pas été plus simple? Dans le cas de lodsys, le problème aurait simplement été balayé d’un revers de la main : Vous ne faites pas de logiciel exploitant les achats in-app et vous ne faites pas non plus de développement logiciel quelconque? Vous ne pouvez pas utiliser ce brevet pour attaquer qui que ce soit!
Le 25/10/2013 à 15h57
Les patent trolls sont des sociétés au fonctionnement particulier. En elles-mêmes, elles ne produisent rien ou plus rien. Elles sont caractérisées par une activité centrée exclusivement ou presque sur la propriété intellectuelle. Ce peut être grâce à un long travail de recherche et développement dont l’entreprise décide de vivre, soit un regroupement de plusieurs portefeuilles de brevets émanant de sociétés telles que Microsoft, Google, Apple, Tesla, Qualcomm, etc.
J’ai un problème avec votre définition des patent trolls : une entreprise qui ne ferait que de la R&D pour ensuite valoriser ses brevets par des licences serait un patent troll ?
La recherche universitaire produit beaucoup de brevets qui sont ensuite monnayés auprès des industriels. Je ne pense pas qu’on puisse les considérer comme des patent trolls.
Pour moi, il faut considérer le caractère nuisible/agressif du patent troll (le coté “troll justement”).
Le 25/10/2013 à 16h04
“Barack, Hast du versucht, mich in der Vergangenheit auszuspionieren?”
" />
Le 25/10/2013 à 16h47
Ca avance dans le bons sens pour les américains. Ca pourrait avoir un impact sur la définition du brevet au niveau européen.
Le 25/10/2013 à 17h01
Le 25/10/2013 à 18h30
Un consensus qui ne règle pas tous les problèmes
Faut pas trop en demander d’un coup non plus. S’ils commencent a s’attaquer au probleme, c’est deja un debut.
Apres, comme rwtt plus haut, je me dis que s’ils pouvait repenser entierement le systeme des brevets pour supprimer les depots debiles, ca aidera aussi beaucoup.
Le 25/10/2013 à 18h32
Le 25/10/2013 à 18h52
Le 26/10/2013 à 08h57
Le 26/10/2013 à 11h40
Le 26/10/2013 à 15h33
La guilde des avocats doit trembler et les services juridiques des grosses sociétés aussi.
Une partie de leur boulot risque de disparaitre.