Le rapport Krim espère redonner à la France la foi en ses développeurs
Krim et châtiment
Le 26 mars 2014 à 14h15
7 min
Droit
Droit
La France dispose de nombreux développeurs aux compétences avérées, mais elle peine à les laisser déployer complètement leurs talents... Voilà le bilan dressé par un rapport remis hier à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique. Plusieurs propositions ont ainsi été mises sur la table afin d’améliorer la reconnaissance des développeurs dans l'Hexagone. Petit tour d’horizon sur ce rapport.
« Les développeurs, un atout pour la France ». Le nom du rapport remis hier à Fleur Pellerin par Tariq Krim, entrepreneur à l’origine de Netvibes et de Jolicloud, donne le ton. Alors que l’Hexagone est souvent pointé du doigt pour ses carcans administratifs et son manque d’attractivité à l’égard des innovateurs, la ministre déléguée à l’Économie numérique avait justement demandé à l’intéressé-également vice-président du Conseil national du numérique - d'étudier la filière des développeurs en France.
- Télécharger le rapport de Tariq Krim
- Télécharger l’annexe avec la centaine développeurs français ayant « marqué l’univers du code à l’international »
Le constat de base de Tariq Krim se veut plutôt amer. « De nombreux pionniers de l'informatique sont français mais, à l'instar de ses scientifiques, la France n'a jamais su ni les valoriser, ni les médiatiser », regrette ainsi le rapporteur. Et pourtant, ce dernier explique que « si nous avons du mal à nous imposer sur la scène internationale (l'absence de la France du club de grandes plateformes Internet en témoigne), ce n'est pas faute de talents français »... Une centaine de développeurs français présentés comme ayant « marqué l’univers du code à l’international » sont en effet mis en avant. On y retrouve ainsi Louis Pouzin, Jean-Baptiste Kempf, Laurent Chemla ou bien encore Stéphane Bortzmeyer.
Une situation paradoxale : des talents naissent en France mais partent à l’étranger
Aux yeux de Tariq Krim, la situation s’avère donc paradoxale. « La quasi-totalité des grandes entreprises numériques du monde occidental sont américaines. Jamais, pourtant, la France n’a eu en son sein autant d'expertise logicielle, ni d'envie de conquérir le nouveau monde ». Les États-Unis font réellement figure d’Eldorado, non seulement parce que les startups américaines « bénéficient d’emblée de toute une série d’avantages structurels », mais aussi en ce que nos développeurs y sont accueillis « à bras ouverts ».
Les pouvoirs publics français ont ainsi leur part de responsabilité, puisqu’ils sont décrits comme manquants de confiance envers leurs développeurs. « La France sait produire d'incroyables talents dans le Code, mais peine à en tirer pleinement parti » déplore à cet égard le rapporteur. Saluant malgré tout quelques pas en avant (efforts dans l’ouverture des données publiques, mise en place prochaine d’une procédure d’achats innovants au travers du pacte de compétitivité, divers financements de projets, etc.), Tariq Krim estime qu’il « est encore trop tôt pour évaluer l’impact » des politiques menées ces dernières années. Il retient surtout que l’on peut « se demander si d’autres actions ne seraient pas nécessaires pour passer des intentions affichées à des résultats ».
L’État pourrait commencer par donner plus d’importance à ses propres développeurs
De ce fait, le vice-président du CNNum dresse plusieurs pistes à l’attention de l’exécutif. Tout d’abord, il préconise premièrement de mieux « prendre en compte le rôle essentiel des développeurs ». Ceci pourrait commencer au sein même de l’administration, puisque l’État est invité à « promouvoir des développeurs aux postes de responsabilité pour la conduite des projets numériques ».
Alors que la Cour des comptes épingle régulièrement les lacunes de l’informatique publique et que le Premier ministre a affirmé il y a peu vouloir remodeler les systèmes d’information de l’État, Tariq Krim saisit la balle au bond et explique que « les développeurs sont souvent bien placés pour mettre en œuvre ces nouvelles approches (développement agile, mutualisation) », ajoutant que « leur implication dans les choix stratégiques renforcerait l’efficacité de l’action publique ».
Ajout d'un volet technologique à la feuille de route dédiée au numérique
Deuxième proposition phare : l’instauration d’une « feuille de route technologique », qui complèterait la « feuille de route » gouvernementale dédiée au numérique -dévoilée pour rappel en février 2013 (voir à cet égard notre bilan des « un an » des engagements alors présentés par l'exécutif). Tariq Krim considère que plusieurs « axes technologiques » devraient ainsi être fixés par le gouvernement, lesquels concerneraient tant les ministères que les opérateurs publics. Plus concrètement, il plaide pour :
- La prise en compte des terminaux mobiles (mobile first),
- Du web adaptatif (Responsive Design) pour le web public,
- Un recours aux standards ouverts du Web (HTML5, en premier lieu),
- Des logiciels hébergés dans des architectures de type cloud,
- Une utilisation et une ouverture d’accès aux données grâce à des interfaces de programmation (API) qui permettent notamment d’ouvrir facilement l’accès à des applications mobiles,
- Une primauté accordée à l’usage de briques logicielles réutilisables et standardisées (librairies, code implémenté) qui seraient mises sur des forges logicielles ouvertes de type Github.
Un éveil à la programmation dès le primaire et des « écoles du numérique »
Face à la « pénurie » de développeurs, Tariq Krim affirme qu’il faudrait améliorer la formation de ces derniers. Tout d’abord en continuant « de former des ingénieurs, des profils bac + 5 mais aussi des cycles courts : bac+2 ». Ensuite, le rapporteur propose la mise en place d’ « écoles du numérique », destinées à des jeunes « décrocheurs » de 18 à 25 ans, et ce « en ciblant de manière prioritaire les banlieues ». Une initiative qui s’inspire notamment de l’école 42, lancée l’année dernière par Xavier Niel.
Il est même préconisé de viser encore plus loin, en identifiant les talents chez les enfants dès l'école primaire. Comment ? « En éveillant les élèves à la programmation ». Si le vice-président du CNNum ne s’étend pas sur cette recommandation, rappelons que l’institution s’est associée l’année dernière à l’Académie des Sciences, qui plaidait en faveur de la mise en place d’un « enseignement de science informatique depuis le primaire jusqu’au lycée, orienté vers la compréhension et la maîtrise de l’informatique, et dépassant donc largement les seuls usages des matériels et logiciels ».
Un « start-up visa » pour accueillir les talents étrangers
Enfin, Tariq Krim considère qu’il pourrait être intéressant de proposer un visa spécifique aux ingénieurs et développeurs qui souhaiteraient venir s’installer en France -à l’image de ce qu’a annoncé François Hollande il y a quelques semaines mais en faveur des entrepreneurs. Cette sorte de « start-up visa » permettrait selon le rapporteur « d'attirer en France l'immigration hautement qualifiée que représentent ces milliers d'ingénieurs, Chinois, Russes ou encore Indiens qui ne parviennent pas aujourd’hui à obtenir de visas pour les États-Unis ».
Le rapport Krim espère redonner à la France la foi en ses développeurs
-
Une situation paradoxale : des talents naissent en France mais partent à l’étranger
-
L’État pourrait commencer par donner plus d’importance à ses propres développeurs
-
Ajout d'un volet technologique à la feuille de route dédiée au numérique
-
Un éveil à la programmation dès le primaire et des « écoles du numérique »
-
Un « start-up visa » pour accueillir les talents étrangers
Commentaires (37)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 26/03/2014 à 15h14
En France, avec notre vision du travail technique et le rôle des SSII, les développeurs c’est pisseurs de code intérimaires….
Je suis moi même développeur, et le parcourt normal après les études c’est de passer par 2 ou 3 ans de technique avant d’avoir un “vrai” job : maîtrise d’ouvrage et chef de projet. On est des bac + 5, des cadres à haut potentiel, alors il ne faudrait pas gâcher notre talent dans des postes “technique” (à prendre comme une insulte).
Le 26/03/2014 à 15h31
Les deux raisons pour lequel j’ai quitte la France pour les US.
Pour ceux qui connaissent Dilbert c’est un bon résumé de la situation française dans le domaine du développement informatique.
Le 26/03/2014 à 15h37
Le 26/03/2014 à 15h39
Vous me faites peur, moi qui suit jeune diplômé en licence pro réseaux et internet. " />
Le 26/03/2014 à 15h42
Le 26/03/2014 à 15h45
Le 26/03/2014 à 15h45
Le 26/03/2014 à 15h45
Le 26/03/2014 à 15h49
Le 26/03/2014 à 15h52
Le 26/03/2014 à 16h07
Ce serait beau une reconnaissance des devs. Le souci est qu’en France, si tu sors pas des grandes écoles, tu n’existes pas pour les gros postes à responsabilité. Et quelqu’un qui sort d’une grande école française n’a pas le moindre intérêt économique à être juste développeur.
C’est la France dans toute sa splendeur.
Le 26/03/2014 à 16h14
La France dispose de nombreux développeurs aux compétences avérées, mais elle peine à les laisser déployer complètement leurs talents… Voilà le bilan dressé par un rapport remis hier à Fleur Pellerin, ministre déléguée à l’Économie numérique.
Belle intro, ça m’a donné envie de relire cet article " />
Spa grave, le ministre va pouvoir réinventer la roue qui tourne pas one more time.
Le 26/03/2014 à 16h47
Un point qui aurait dû être dans ce rapport : l’éradication complète et définitive des SSII ESN, véritables cancers de l’informatique et qui sont bourrées de bons à rien (et bizarrement au sommet de la chaîne alimentaire) " />
Le 26/03/2014 à 16h50
Le 26/03/2014 à 17h48
Mon expérience: développeurs pendant 6 ans pour un grand groupe(dont le métier n’est pas l’informatique donc dans la DSI du groupe en question), je part un an en voyage et quand je reviens on me dit, “ba les dev ont les a externalisés alors tu vas faire de la gestion de projet et piloté les dev en inde (ou en near shore ca dépends des techno)”…. Certe, j’ai appris la gestion de projet, je me suis retrouvé col blanc, mais le pire c’est de relire le code de m..e et que t’as pas le droit d’y touché par ce que sinon la garantie des indiens, elle saute et là c’est pour ta pomme et la hiérarchie te tape sur dessus. Donc t’es repartie pour 2 semaines le temps que les dev de l’autre bout du monde produisent le code que tu attend et que tu sais faire…
Autre chose, payer des solutions logiciels propriétaires plusieurs millions, là ou un dev open-source communautaire aurais fait baissé le coût à long terme de quelque zero, c’est une aberration. En tant que dev, quand t’as même les sources du-dit progiciel propriétaire, c’est de la folie de faire évoluer l’applicatif avec de la “configuration”.
En tant dev avec ce discourt, dans les grands groupes, on t’écoute pas, en tant que chef de projet, on te demande pas ton avis et c’est pas toi qui décide. Je ne dit pas que l’informatique devrait être géré que par des développeurs, par ce que là les utilisateurs serait perdue (quoi que le problème est plus souvent entre la chaise et le clavier que dans ton code) mais valorisé le faiseur serais bienvenue. Résultat j’ai monté ma boite dans les ERP/CRM open-source et je m’éclate a faire du dev communautaire et mes clients son ravie. Alors si la ministre veux valorisé ce type de boite ça me va.
En france, dans le bâtiment, on félicite l’architecte et pas le maçon. Dans l’informatique on dira au chef de projet “bon travail”, mais les dev ont les regarde même pas.
Tans que l’informatique logiciel sera vue comme un poste de dépense et pas d’investissement capitalisable les développeurs n’auront pas de valorisation possible.
Le 26/03/2014 à 18h28
Le 26/03/2014 à 18h30
Le 26/03/2014 à 20h06
Il faudrait peut-être penser aussi à arrêter de balancer par dessus bord notre législation “pro-développement”.
Parce si ça continue, on va passer d’un pays ou y’a avait pas de brevets logiciels, où on pouvait faire du retro-enginnering comme on voulait, a un truc où pisser une ligne de code va être tellement risqué qu’on osera plus le faire…
Le 26/03/2014 à 20h11
Le 26/03/2014 à 22h23
Le 27/03/2014 à 09h55
Dans ma boite, on augmente plus un développeur au delà de 50k€ brut, sinon il risquerait de gagner plus qu’un chef de projet.
Je rappelle qu’au US, un bon dev de 10 ans d’expérience gagne 200k$/an. Par contre, au US, les “makers” sont mieux payés que les “sellers”, ce qui n’est pas du tout le cas en France. Un commercial gagne bien mieux sa vie qu’un codeur.
Donc, on a beaucoup de chef et pas d’expert.
Le 27/03/2014 à 12h21
Le 27/03/2014 à 12h47
Le 26/03/2014 à 14h21
d’attirer en France l’immigration hautement qualifiée que représentent ces milliers d’ingénieurs, Chinois, Russes ou encore Indiens qui ne parviennent pas aujourd’hui à obtenir de visas pour les États-Unis
J’ai envie de frapper…
Selon un ancien rapport, le chômage étatt à hauteur de 15% dans le développement en France.
Aux USAS un développeur est mieux payé qu’un chef de projet. En France c’est l’inverse si on veut grandir en France il faut arrêter d’encourager le management et encourager les développeurs en augmentant leur salaire (pour ceux que ça choque il y a des développeurs en France payés au SMIC…)
Le 26/03/2014 à 14h28
Je suis aussi partant pour cesser de si bien payer des “débrouillards en col blanc” lorsque la valeur ajoutée n’est justement pas créée par ces derniers … et arranger les choses pour gens qui font marcher leurs neurones !
Le 26/03/2014 à 14h32
Le 26/03/2014 à 14h35
Totalement d’accord aussi, de toute façon quand quelqu’un sait rien faire, il manage les autres…
Le 26/03/2014 à 14h41
C’est simple, avant de m’expatrier, je n’avais jamais respecté aucun de mes supérieurs. À mes yeux des clowns en col blanc dont l’étendue de leur ignorance n’avait d’égal que le montant de leur salaire.
Le 26/03/2014 à 14h46
Le 26/03/2014 à 14h47
Le 26/03/2014 à 14h51
Je ne peut qu’être d’accord avec les commentaires précédents.
Sans parler d’innovation, c’est aussi à cause de ca qu’on se retrouve avec des soft de merde à gérer et à maintenir qui pompent du fric et du temps alors que d’autres étaient plus adaptés aux besoins ou qu’il était possible de les faire en interne.
Et attirer les gens en leur proposant de leur pomper ?50% de leur salaire mensuel et ?30% de leur salaire annuel, ca attire jamais des masses
Le 26/03/2014 à 14h56
D’accord avec tout le monde …
je rajouterai que chez nous avoir de l’expérience dans un domaine est très mal vu ….
Et je parle pas des “coding fest” ou en gros on te fait faire du travail gratos mais sans être sur d’être rémunéré …
Infos aux “col blancs” : on peut être développeur, passionné, bon dans son domaine mais ne pas avoir que l’informatique pour passion, avoir une vie de famillle, etc …
Bref c’est toute la vision du développeur qui est à revoir … chez nous dans l’imaginaire commun il est blanc, jeune, homme et geek sans trop de vie sociale ….
Ca et le fait que pour la plupart des projets, le développeur est le dernier qu’on consulte ( un développeur ca ne peut pas avoir d’idées sur l’IHM, le parcours utilisateur ..)
Et je crois que le top du top c’est quand on dit
" />" />
Le 26/03/2014 à 14h57
J’espère que plus personne ne s’étonnera désormais des box d’orange, des logiciels de paye de l’armé,de toute la gestion de la fonction publique, de microsoft ( ah non celle là n’est pas française) " />
Si seulement ce gros problème de hiérarchie incompétente et surpayé était réservé à l’économie numérique …
Le 26/03/2014 à 15h02
ouai le pire quand tu passes un entretient en France avec +15 ans d’exp et que celui en face regarde ton CV en disant : “donc vous avez un BAC +2 ce qui vous place ….” " />
donc pour eux tu as toujours qu’un DUT l’exp …
Le 26/03/2014 à 15h03
Le 26/03/2014 à 15h09
Une des grosses diff c’est que toutes les grosses boîtes ricaines sont dirigées par des gens qui, à la base, étaient dev et aimaient ça (Google, MS, FB, etc). Toutes les boîtes du numériques quoi.
En France bah… ce n’est pas le cas.
Le 26/03/2014 à 15h14