Élections européennes : la neutralité du net en question ?
Et bien d'autres choses aussi
Le 05 avril 2014 à 08h00
8 min
Droit
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Cette semaine, les eurodéputés ont voté massivement pour le Paquet Télécom intégrant notamment la mort des frais d'itinérance sur le continent d'ici fin 2015 ainsi qu'une définition claire de la neutralité du net. Une nouvelle majeure, mais qui pourrait être chamboulée par les élections à venir.
Les pro-neutralité du net sont pour le moment plus nombreux au Parlement européen. Qu'en sera-t-il dans deux mois ?
Une répartition différente fin mai
Du 22 au 25 mai 2014, un peu moins de 400 millions de citoyens européens issus de 28 pays différents seront appelés à voter pour élire 751 eurodéputé(e)s qui siégeront durant cinq ans au Parlement européen. Des élections importantes pour le Paquet Télécom, dès lors que ce texte entrera dans les mains du Conseil début juin, qui le redirigera ensuite à nouveau vers le Parlement pour une seconde lecture. Or ce dernier a de grandes chances de changer de visage d'ici ces deux prochains mois.
Si l'on analyse précisément les votants du Paquet Télécom de mercredi dernier, nous obtenons 534 pour, 25 contre, 58 abstentions et un peu plus d'une centaine d'eurodéputés absents. Parmi les présents, on peut se rendre compte de plusieurs tendances :
- Le groupe Parti Populaire Européen (PPE), plutôt à droite, a voté massivement pour, avec seulement deux contre et huit abstentions. La rapporteure de la commission ITRE, l'eurodéputée Pilar del Castillo Vera, est membre du PPE. À l'origine du texte présenté au Parlement, elle a attiré les regards du fait des largesses laissées dans sa définition de la neutralité du net.
- Le groupe Socialistes et Démocrates (S&D), plutôt à gauche, a voté aussi massivement pour, avec une seule personne contre et trois abstentions. Les Françaises Catherine Trautmann et Françoises Castex, qui ont milité grandement en faveur d'une neutralité du net plus stricte (via des amendements notamment) font parties de ce groupe, qui est la deuxième force du Parlement.
- Le groupe Verts et Alliance Libre Européenne (Verts/ALE) a voté à l'intégralité pour, avec zéro contre et aucune abstention. Parmi ses députés, on compte notamment la Suédoise Amelia Andersdotter, membre du Parti Pirate, qui a aussi déposé des amendements sur ce texte.
- Le groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l'Europe (ADLE), entre droite et centre-droit, est la troisième force du Parlement, devant les Verts/ALE. Comme ces derniers, l'ADLE a voté unanimement pour le texte.
- Le groupe des Conservateurs et des Réformateurs Européens (ERC), cinquième force du Parlement, a voté majoritairement contre ce texte, même si une partie non négligeable a aussi voté pour, preuve que la question a divisé ce groupe.
À ce jour, le PPE est donc le parti le plus important, suivi par le S&D, l'ADLE, les Verts/ALE et l'ERC. À eux cinq, ils représentent près de 87 % des eurodéputés, le restant étant composé de députés d'extrême-gauche (communistes/anti-libéraux), de souverainistes et enfin de personnalités sans étiquette précise.
Sauf exception, les membres d'un parti ou d'un groupe de partis votent tous dans la même direction
Mais revenons au vote de cette semaine. Durant un temps, nous pouvions penser que les députés du PPE risquaient de s'opposer au texte au cas où les différents amendements des partis plutôt à gauche passaient. La plupart de ces amendements ont été votés, et le PPE a pourtant voté en majorité ce texte. L'eurodéputée Catherine Trautmann, qui s'occupait personnellement du dossier pour le groupe S&D, a même déclaré le jour même du vote : « Nous sommes heureux que, finalement, les Libéraux aient changé d'avis et rejoint le groupe des progressistes dans la défense de la neutralité du net. Nous avons réussi à introduire une définition précise des «services spécialisés» afin qu'ils ne soient pas confondus avec les «services d'accès à Internet», et aussi une référence obligatoire au principe de la neutralité du net. »
Toutefois, si l'on regarde de très près les votes de chaque amendement cette fois, nous pouvons nous rendre compte que les députés du PPE ont, sauf exception, voté majoritairement contre les amendements déposés par les eurodéputés de gauche. Les écarts entre les pour et les contre étaient ainsi très souvent de quelques dizaines de voix à peine. En somme, cela signifie donc que jeudi dernier, si le PPE avait été plus important encore, ou si ses autres alliés (ERC, etc.) étaient plus nombreux, le texte aurait été adopté, mais sans ses amendements, ce qui aurait évidemment changé totalement la problématique.
Des élections majeures pour le sort du numérique en Europe
La question que nous pouvons désormais nous poser est donc la suivante : l'élection du mois prochain risque-t-elle de faire basculer la tendance ? Pour le moment, les membres de S&D, de l'ADLE, des Verts/ALE et de la gauche européenne sont les plus nombreux en cas d'alliance. Mais cela sera-t-il le cas en juin ? Plus que la neutralité du net, ce sont de multiples sujets liés au numérique et au télécom qui se joueront en réalité avec ce vote (brevets logiciels, copie privée, etc.).
Si l'on se fit à un document publié fin novembre dernier par Notre Europe, un institut de recherche européen fondé par Jacques Delors il y a près de vingt ans, ses prévisions pour les élections de 2014 sont de « possibles rééquilibrages entre les forces politiques ». L'institut s'attend ainsi à une baisse du PPE (de près de 40 sièges) et une augmentation du nombre de députés S&D (de 25 sièges). Une nouvelle positive pour la neutralité, mais compensée par des prévisions pessimistes pour l'ADLE et les Verts/ALE.
Rajoutons de plus que cette étude date de l'année dernière. Or, au regard des résultats des dernières élections municipales en France, il faut s'attendre à un succès important des eurodéputés issus de l'UMP, et donc du PPE. Sachant que la France disposera de 74 sièges au Parlement européen, le poids des élections dans l'Hexagone sera donc d'importance. Cela sera d'autant plus le cas si les partis de droite en Allemagne (96 sièges en jeu), en Italie et au Royaume-Uni (73 sièges chacun) stabilisent voire augmentent leurs scores.
Aujourd'hui, l'UMP compte 26 eurodéputés, sans compter divers autres partis alliés (Parti Radical, etc.). Un nombre qui pourrait grimper fin mai. De l'autre côté, le PS avait essuyé un échec cuisant en 2004 avec à peine 13 députés. Il faut dire que Europe Écologie Les Verts avait réussi une campagne historique en 2009 avec une quinzaine sièges au total (suite au ralliement de certains députés après coup). Le parti saura-t-il répéter pareille performance ? Notre Europe n'y croit guère et s'attend à deux fois moins d'élus pour ce parti, néanmoins, il ne s'agit que de prévisions certainement empiriques et rien d'autre.
Quid des partis extrêmes ?
Reste aussi un point majeur à ne pas omettre : la montée des partis dits extrêmes, qu'ils soient de gauche ou de droite. Dans de nombreux pays du continent, certains estiment que leurs résultats seront incomparables à ceux des élections européennes de 2009, année où très peu de représentants de ces partis furent élus. Ce sera notamment le cas de la France, de l'Italie, de l'Espagne et de la Pologne prévoit Notre Europe. Quelles incidences cela peut-il avoir sur les votes au Parlement et en particulier pour le cas qui nous intéresse ? Difficile à dire en réalité, dès lors que ces partis ne sont pas forcément sur la même ligne sur tous les sujets et que de fortes disparités peuvent avoir lieue.
Il faudra néanmoins suivre de près leurs lignes idéologiques, sachant que le Front National et la Ligue du Nord (en Italie) ont déjà annoncé une alliance en vue des élections européennes. Le parti Alliance Européenne pour la Liberté (AEL), dont fait parti le FN, compte d'ailleurs de nombreux partis continentaux aux idées communes (anti-Euro, anti-Espace Schengen, etc.). Reste à savoir combien de députés ils récolteront et qu'elle sera leur vision en matière de numérique. Leur vote pourrait en effet faire pencher la balance.
Bien entendu, la plupart des électeurs ne voteront pas fin mai en fonction de critères aussi spécifiques que le numérique, les télécoms et la haute technologie. Cela n'empêchera pas que ces votes auront des conséquences sur ces sujets, sachant, comme déjà expliqué plus haut, que certains amendements se jouent à quelques dizaines de voix.
Élections européennes : la neutralité du net en question ?
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Une répartition différente fin mai
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Des élections majeures pour le sort du numérique en Europe
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Quid des partis extrêmes ?
Commentaires (70)
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Le 05/04/2014 à 14h11
Bien entendu, la plupart des électeurs ne voteront pas fin mai en fonction de critères aussi spécifiques que le numérique, les télécoms et la haute technologie.
Effectivement, la plupart des électeurs français voteront à la française.
C’est à dire “contre”.
Contre quelque chose ou contre quelqu’un. Mais contre.
Si je devais parier, je dirais qu’il voteront contre les traités et les directives européennes, contre les institutions européennes… bref contre l’Europe dont ils font eux-même partie.
Le 05/04/2014 à 14h27
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Le 05/04/2014 à 15h55
Le 05/04/2014 à 17h16
Pour moi le vote des européennes sera clairement à gauche, car il faut contre-balancer le Conseil Européen qui est bien trop libéral à mon goût. Malheureusement je crains que ce soit la droite et l’extrême-droite qui progressent, ce qui AMHA n’arrangerait rien, au contraire. On aura encore droit à ACTA, TAFTA, et compagnie avec eux.
Le 05/04/2014 à 17h42
Le 05/04/2014 à 17h44
“Le parti Alliance Européenne pour la Liberté (AEL), dont fait parti le FN, compte d’ailleurs de nombreux partis continentaux aux idées communes (anti-Euro, anti-Espace Schengen, etc.).”
Pour info, le FN n’a jamais décidé réellement de sortir de l’euro, ou de l’ue. Ils parlaient de renégocier les traités (sans préciser que ce n’est possible qu’à l’unanimité des 28 (ou plus bientôt).
Voir le complément d’infi ici :
YouTube
Le 05/04/2014 à 17h46
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Le 05/04/2014 à 20h47
Le 05/04/2014 à 21h09
Le 05/04/2014 à 21h10
Juste pour rire, voici une citation d’un homme politique bien connu qui décrit sans le savoir l’émergence d’un mouvement social de grèves auto-organisé (bottom-up) :
La principale conquête de la première vague de grève réside dans le fait que des chefs ouvriers sont apparus dans les ateliers et les usines. … La grève a secoué, ranimé, renouvelé dans son ensemble le gigantesque organisme de la classe. … L’organisation de combat ne coïnciderait pas avec le parti, même s’il existait en France un parti révolutionnaire de masse, car le mouvement est incomparablement plus large qu’un parti. L’organisation de combat ne peut pas non plus coïncider avec les syndicats, qui n’embrassent qu’une partie insignifiante de la classe et sont soumis à une bureaucratie archi-réactionnaire. La nouvelle organisation doit répondre à la nature du mouvement lui-même, refléter la masse en lutte, exprimer sa volonté la plus arrêtée. Il s’agit d’un gouvernement direct de la classe révolutionnaire. Il n’est pas besoin ici d’inventer des formes nouvelles : il y a des précédents historiques. Les ateliers et les usines élisent leurs députés, qui se réunissent pour élaborer en commun les plans de la lutte et pour la diriger. Il n’y a même pas à inventer de nom pour une telle organisation : ce sont les “soviets de députés ouvriers”. … Le mot d’ordre de comités ne peut être abordé que par une véritable organisation révolutionnaire, absolument dévouée aux masses, à leur cause, à leur lutte. Les ouvriers français viennent de montrer de nouveau qu’ils sont dignes de leur réputation historique. Il faut leur faire confiance. Les soviets sont toujours nés des grèves. La grève de masse est l’élément naturel de la révolution prolétarienne. D’atelier en atelier, d’usine en usine, de quartier en quartier, de ville en ville, les comités d’action doivent établir entre eux une liaison étroite, se réunir en conférences par villes, par branches de production, par arrondissements, afin de couronner le tout par un congrès de tous les comités d’action de France.
Sauras-tu retrouvé ce personnage ?
Le 05/04/2014 à 22h16
Tes “rapports de force” ne sont pas bien différents de la désuète lutte des classes
" />
Le 06/04/2014 à 06h29
751 eurodéputé(e)s qui siégeront durant cinq ans au Parlement européen
siéger pour ceux qui viennent YouTube:
et quand ils viennent YouTube
Le 07/04/2014 à 09h13
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Le 07/04/2014 à 10h28
Le 07/04/2014 à 10h57
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Le 07/04/2014 à 19h22
Le 07/04/2014 à 19h47
Le 07/04/2014 à 19h54
Je trouve que j’ai le droit à numériser ce qui m’appartient sans le diffuser. (laisser zombifier mon PC est un peu mon problème, mais j’évite de laisser mes biens à vue)
Le 11/04/2014 à 12h03
Le 05/04/2014 à 08h43
Je suis bien pessimiste quant au futur de la neutralité du Net " />
Le 05/04/2014 à 08h43
Ce serait bien si l’on pouvait avoir le détail des votes, ainsi que la liste des “branleurs” qui étaient absents pour un vote de cette importance.
Spéciale dédicace à l’ERC. Il y a au moins un groupe pour lequel on sait qu’il ne faut pas voter.
Le 05/04/2014 à 08h50
Il est bizarre le1er paragraphe après le 2e graphique: vous parlez du PPE, et ajoutez une citation parlant des libéraux (ALDE).
Le 05/04/2014 à 09h46
Salut
“j’espère, seulement, que le Groupe ERC aura les scores les plus faibles
aux Elec. Européennes” !!!
mais, COMMENT ..peut-on être CONTRE un tel texte ? " />
ils lui reprochent QUOI au juste ? " />
Le 05/04/2014 à 10h07
Le 05/04/2014 à 10h33
Le 05/04/2014 à 11h09
Trop de députés, 5 a 10 par pays serait un bon maximum.
Le 05/04/2014 à 11h13
Le 05/04/2014 à 11h18
Le 05/04/2014 à 11h44
Le 05/04/2014 à 11h55
Le dilemme, c’est que les défenseurs de la neutralité jouent indirectement avec les américains contre le système Européen (qui se sent menacé par Google, et bien d’autres et vouloir un équilibre entre les deux opposés donnera toujours l’avantage aux américains) " />
Subir ou être l’esclave de l’autre (à long terme)
Le 06/04/2014 à 06h59
Le 06/04/2014 à 12h34
Le 06/04/2014 à 12h57
Le 06/04/2014 à 12h59
… doublon
Le 06/04/2014 à 15h26
Le 06/04/2014 à 17h31
Le 06/04/2014 à 17h34
La main invisible/auto-régulation, c’est ce qui se passe dans un marché de concurrence pure et parfaite. Pour rappel, ça veut dire :
On voit clairement que la plupart de ces points ne sont que rarement remplis. Ca m’a toujours fait rire d’ailleurs, que des gens brandissent cette théorie alors qu’elle se base sur une hypothèse complétement fausse en pratique. Alors certes, quand on s’en rapproche assez elle marche bien, mais pour certains marchés on en est tellement éloigné que ce n’est juste pas viable.
Le secteur des télécoms est assez beau en la matière, en ce qui concerne les points 1 et 3.
Le 06/04/2014 à 18h11
Le 06/04/2014 à 19h53
Le 06/04/2014 à 20h09
Le 06/04/2014 à 20h35
Le 06/04/2014 à 20h54
Le 06/04/2014 à 21h11
Le 06/04/2014 à 22h53
Le 07/04/2014 à 06h50
Le 07/04/2014 à 07h42