Interrogé cette semaine par Hedwige Chevrillon sur BFM Business, Stéphane Richard a indiqué sans crier gare qu'une « première fenêtre début 2015 » allait s'ouvrir pour Free Mobile vis-à-vis de son contrat d'itinérance 2G et 3G. S'il n'est pas rentré dans les détails, cela prouve surtout que le quatrième opérateur mobile devrait couvrir intégralement plusieurs zones du territoire, lui permettant ainsi d'être indépendant d'Orange.

Une couverture 3G de 65 % aujourd'hui, 75 % début 2015

Depuis le lancement de Free Mobile début 2012, Bouygues Telecom et SFR ont régulièrement critiqué le contrat d'itinérance offert par Orange. En effet, si l'ARCEP avait de toute façon imposé qu'un accord national soit trouvé pour la 2G, aucune obligation ne mentionnait la 3G. Orange a toutefois estimé que s'il ne signait pas un tel contrat avec Free Mobile, ses deux autres concurrents lui dameraient le pion. Quitte à perdre des clients, Stéphane Richard s'est donc dit qu'il valait mieux récupérer plusieurs centaines de millions d'euros par an en louant son réseau aussi bien en 2G qu'en 3G.

Si pour Free, cela lui a permis de proposer un réseau national dès son lancement, cela implique aussi une dépendance gigantesque envers Orange. Pour la réduire, il lui faut donc couvrir lui-même le territoire français, ce qu'il fait jour après jour petit à petit, avec, officiellement, une couverture de 65 % de la population désormais selon les dernières déclarations de Maxime Lombardini, le directeur général de Free, devant la Commission des affaires économiques du Sénat le 21 mai dernier.

Mais avoir une forte couverture ne signifie pas pour autant qu'il lui est possible de se désolidariser partiellement de son contrat avec Orange. Certes, cela augmente les chances que ses clients utilisent son réseau plutôt que celui de son partenaire, mais sans couverture intégrale, cela signifie surtout que ces mêmes clients changent constamment de réseau en fonction de ce qu'ils captent. La situation pourrait toutefois changer d'ici peu.

« J'ai toujours dit que ce n'était pas un droit perpétuel »

Selon Stéphane Richard, le patron d'Orange, il est vrai que pour le moment, il y a bien « un rapport de dépendance ». Et il a bien entendu été anticipé par l'opérateur historique. « Pour moi, c'est un engagement commercial d'abord, Free est mon client. Donc je le respecte en tant que client. On a beaucoup analysé l'impact de ce contrat. (...) J'ai toujours dit que ce n'était pas un droit perpétuel. Et qu'en aucun cas cela devait soustraire Free du respect de ses obligations de déploiement. »

Et justement, petit à petit, la couverture de Free gagne du terrain et il devrait s'approcher des 75 % de la population d'ici huit mois s'il ne veut pas manquer ses obligations imposées par l'autorité de régulation des télécoms. Or si son contrat d'itinérance avec Orange « s'arrête en tout état de cause en 2018 », Stéphane Richard rajoute qu'il y a « une première fenêtre début 2015 » qui s'ouvrira. Une phrase loin d'être anodine, qui prouve que la dépendance de Free va s'estomper d'une façon plus concrète l'an prochain, ce qui devrait avoir un impact non négligeable sur ses finances.

D'après Richard, cette première fenêtre prendra tout de même un certain temps à se mettre en place. « On est en train de parler de migration de millions de gens qui se servent quotidiennement de leur téléphone, donc ça ne se fait pas du jour au lendemain. Ce sont des évolutions qui se font sur plus d'un an. »

Free trouve « qu'on facture trop cher ces prestations »

Mais s'il n'est pas entré plus en détail sur ce sujet précis, le PDG s'est tout de même épanché sur son contrat d'itinérance qui le lie à l'opérateur mobile de Xavier Niel. « Pour l'instant, nous mettons en œuvre les prestations de ce contrat. On a des discussions continuelles avec eux parce que, pour être clair, ils trouvent qu'on facture trop cher ces prestations, comme beaucoup de clients par rapport à un fournisseur » a-t-il ainsi déclaré, avant d'adresser un léger tacle à SFR et Bouygues Telecom. « Nous, on a une politique qui est claire. Contrairement à ce que j'ai beaucoup entendu et aux critiques qui m'ont été adressées, sur le fait qu'on avait bradé l'accès au réseau, c'est tout le contraire. En réalité, on a au contraire fixé des niveaux de prix élevés, qui se voient d'ailleurs dans les comptes de Free. Je pense qu'on a protégé le marché en réalité en faisant cela. Évidemment, ça suppose aussi, ou ça génère, un certain nombre de tensions entre nous au quotidien. »

Dès lors que le contrat entre les deux opérateurs est totalement secret et que nous ne connaissons donc pas les tarifs appliqués ni les conditions, il est difficile de savoir si ces propos sont justes ou non. Stéphane Richard profite justement de ce flou pour tirer la couverture vers lui. Il faut toutefois rappeler que si l'actuel accord court bien jusqu'en 2018, strictement rien n'empêche son prolongement sur des zones bien précises. En effet, aujourd'hui, Free Mobile profite de la couverture à plus de 99 % de la population en 2G et plus de 98 % en 3G de la part d'Orange. Et sauf surprise, en 2018, le quatrième opérateur ne sera pas aussi proche des 100 % en 3G. Certes, l'ARCEP lui impose un minimum de 90 % d'ici là, mais ce trou de 8 ou 9 points est le plus difficile à combler, dès lors qu'il concerne des zones très peu peuplées, ce qui implique la pose de très nombreuses antennes. Il ne serait donc pas surprenant que Free négocie avec Orange (ou un autre opérateur) un nouveau contrat d'itinérance très ciblé après 2018.