Comment la SACEM veut « taxer » les hébergeurs
Du beurre à la fermière
Le 05 novembre 2014 à 15h42
7 min
Droit
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Au sein du Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique, le professeur de droit Pierre Sirinelli a terminé son rapport sur la révision de la directive de 2001 sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information. Ce document, non encore publié, mais que nous avons pu consulter, reproduit notamment une note de la SACEM. Celle-ci milite ni plus ni moins pour une compensation versée par les hébergeurs de contenus culturels.
Agacée de voir les intermédiaires techniques sur Internet bénéficier d’un régime de responsabilité dérogatoire, la SACEM sollicite une nouvelle fois un changement des règles du jeu qu’elle n’estime pas justes. Depuis la directive sur le commerce électronique de 2000, les hébergeurs notamment profitent d’une responsabilité atténuée : ils deviennent responsables des contenus illicites qu’ils stockent si, alertés de leur existence, ils ferment les yeux et continuent à les héberger.
Dans une note reproduite dans le tout récent rapport du professeur de droit Pierre Sirinelli relatif à la directive sur le droit d’auteur, la SACEM s’en agace : « les titulaires de droit ne peuvent réagir qu’a posteriori aux contrefaçons commises sur les réseaux en exigeant le retrait ou le déréférencement d’un contenu ou le blocage d’un accès à ce contenu. Ils ne peuvent en revanche, avant toute notification d’un contenu illicite, ni obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’utilisation des oeuvres et objets protégés, ni négocier auprès de ces intermédiaires sur un plan contractuel une rémunération en contrepartie de ladite utilisation. »
Comment faire pour rééquilibrer les forces en présence ? La SACEM évacue déjà les solutions mises en œuvre en Allemagne par exemple au profit des éditeurs de presse. Des solutions jugées trop « ponctuelles, limitées à certaines catégories d’oeuvres et à certains prestataires de services ». Quant à l’idée de revoir la directive de 2000 sur la responsabilité des intermédiaires techniques afin d’en restreindre le champ, c’est cette fois trop généreux : « Une telle solution a néanmoins l’inconvénient de traiter dans un instrument transversal un problème spécifique au droit d’auteur et aux droits voisins ».
Une compensation équitable « modeste » versée par les hébergeurs
Alors ? L’idée de la SACEM est simple : promouvoir une modification de la directive sur les droits d’auteur avec des retombées sonnantes et trébuchantes pour les sociétés de gestion collective : Il s’agirait en effet d’introduire « une disposition prévoyant l’obligation pour les États membres de consacrer une compensation équitable au profit des titulaires de droit pour toutes les utilisations d’œuvres et d’objets protégés, laquelle serait supportée par certains intermédiaires techniques de l’Internet. »
Concrètement, la SACEM considère que parmi ces intermédiaires, les hébergeurs profitent trop grassement des contenus culturels pour gonfler leur chiffre d’affaires. Ils doivent donc verser une compensation. Quel montant espéré ? Son niveau serait « équitable », en clair « proportionnée au préjudice subi par les ayants droit ». Malgré ce flou, la société de gestion collective assure que le niveau de prélèvement serait même « modeste », les sommes dues étant déterminées à partir d’études d’usages, à l’instar de la redevance pour copie privée.
Des études d’usages tenant compte du licite comme de l’illicite
Modeste ? D’ores et déjà, elle considère qu’ « on ne voit pas ce qui justifierait d’exclure de son champ d’application les utilisations portant sur des contenus illicites. Dès lors qu’il s’agit en effet de compenser la paralysie, et non l’exclusion, du droit exclusif engendrée par la directive 2000/31/CE, il importe peu de savoir si les contenus stockés ou transmis par les opérateurs qui bénéficient de cette directive ont été mis en ligne de façon légale ou non. De même, l’impossibilité pour les titulaires de droit de négocier contractuellement les conditions de l’utilisation des oeuvres et objets protégés auprès de ces intermédiaires techniques existe indépendamment de la licéité de la mise en ligne initiale des contenus. »
Ces études d’usages viendraient donc jauger la part des œuvres, licites ou illicites, chez les hébergeurs afin ensuite de permette la détermination de la fameuse « compensation équitable ». C’est un peu ce qui s’est passé durant des années en matière de copie privée avant que le Conseil d’Etat (puis la CJUE) ne dise stop...
La SACEM ne suit pas la Hadopi
Finalement, ne retrouve-t-on pas ici la logique de la rémunération proportionnelle au partage, auscultée au sein de la Hadopi ? Nullement ! « Il ne s’agit pas de légaliser les utilisations illégales de contenus protégés faites sur Internet, pas même les seuls usages dits non marchands. »
Cette compensation en effet « a pour seul objectif d’atténuer l’atteinte aux intérêts légitimes des titulaires de droits résultant de l’extension des immunités de la directive 2000/31/CE à certains acteurs de l’Internet qui ont la capacité de se prévaloir desdites immunités. »
Conséquence : le versement de cette compensation « ne ferait donc pas obstacle à l’exercice de l’action en contrefaçon pour les mises à disposition illicites de la part des utilisateurs de ces intermédiaires. Elle ne remettrait pas non plus en cause la possibilité, pour les titulaires de droits, de négocier des contrats de licence avec des entités qui, par définition, ne peuvent s’abriter derrière le statut d’intermédiaire technique. »
Des flux gérés par les sociétés de gestion collective, dont la SACEM
Évidemment, prétextant d’« un souci de simplicité, d’efficacité et d’équité », la SACEM considère que la gestion de ces flux financiers si modestes « devrait être confiée exclusivement aux sociétés de gestion collective, compétentes dans les pays de destination », et donc notamment à la SACEM.
Les producteurs divisés face à l’addition de la SACEM
Le Pr Sirinelli indique que cette étude a pour origine notamment des travaux menés par Agnès Lucas-Schloetter pour le compte du GESAC (groupement européen des sociétés d’auteurs), en avril 2014. L’idée d’une telle compensation équitable sur le dos des intermédiaires, ajoute-t-il, « a réuni l'assentiment de toutes les sociétés de gestion collective d'auteurs et d’artistes-interprètes. Quelques producteurs indépendants sont susceptibles de l'appuyer. »
D’autres producteurs sont plus dubitatifs, notamment parce qu’ils estiment que le chantier de la directive sur le droit d’auteur n’a pas à être rouvert si on ne touche pas cumulativement à la directive de 2000 sur les intermédiaires techniques. Ces producteurs voudraient d’ailleurs aller plus loin afin qu’à partir d’un certain seuil d’atteinte, le régime de la directive de 2000 sur les intermédiaires ne puisse finalement plus s’appliquer à celle sur le droit d’auteur. Un choix qui permettrait donc une mise en responsabilité immédiate des hébergeurs.
Le 05 novembre 2014 à 15h42
Comment la SACEM veut « taxer » les hébergeurs
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Une compensation équitable « modeste » versée par les hébergeurs
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Des études d’usages tenant compte du licite comme de l’illicite
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La SACEM ne suit pas la Hadopi
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Des flux gérés par les sociétés de gestion collective, dont la SACEM
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Les producteurs divisés face à l’addition de la SACEM
Commentaires (28)
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Abonnez-vousLe 05/11/2014 à 15h50
#1
“Les cons, …”
A force d’etre amene a citer Audiard, il va devenir l’auteur le plus connu des geeks…
Le 05/11/2014 à 15h56
#2
Il serait temps de brûler ces sangsues, tout est bon pour eux pour faire du pognon: après le racket scandaleux des supports de stockages, voilà le racket à l’hébergement…
Tout ça pour payer les palais de certains “artistes” les plus connus, tout en évitant soigneusement d’aider les petits artistes obligés de rentrer dans cette machinerie bien huilée de la spoliation de propriété intellectuelle.
Le 05/11/2014 à 15h57
#3
Question idiote : quand on paye un abo internet, un e somme ne va pas déja des vampires dans leur genres ?
Le 05/11/2014 à 16h09
#4
Le 05/11/2014 à 16h18
#5
Y a bien un moment où ils vont s’étouffer dans leur bêtise non??
Vivement demain :(
Le 05/11/2014 à 16h20
#6
" /> mais jusque ou vont ils aller ??
une taxe sur la co++rie et en 1 fois la sacem renflouent les caisses de la France
Le 05/11/2014 à 16h21
#7
La directive qui ne rend les hébergeurs responsable qu’a posteriori n’est qu’une transposition dans le droit de ce qui est réalisable en pratique. Ce n’est pas qu’on laisse les hébergeurs faire n’importe quoi, c’est juste qu’on reconnaît que ce n’est pas faisable de vérifier la légalité de la source de chaque contenu hébergé.
Qu’il y ait une demande de compensation à ce niveau là me semble inutile :
J’ai surtout l’impression que les sociétés de gestion veulent seulement s’assurer une nouvelle rente régulière. Tu m’étonnes qu’elles soient toute d’accord, qui refuserait une rente automatique sans contrepartie?
Par contre un truc qui pourrait se faire c’est encourager plus de communication entre les ayant-droits et les hébergeurs. Par exemple en obligeant les hébergeurs à diffuser les URL de chaque contenu mis en ligne sans restriction d’accès. (Un gros annuaire des contenus publics). Comme ça les ayant-droits pourront plus facilement chercher leurs oeuvres.
Le 05/11/2014 à 16h21
#8
“Comment la SACEM veut « taxer » les hébergeurs”
Le droit voisin de ça, ne s’appel-t-il pas la “RCP” ?
Le 05/11/2014 à 16h23
#9
Pourquoi la fermière aurait-elle besoin de beurre ?
Le 05/11/2014 à 16h30
#10
oui ils anticipent la baisse de revenu pour la RCP donc ils demandent une RCP bis sur les hébergeurs. Ils me font rire avec “on prend en compte l’illégal” : ça reste du recel, ils se sont déjà fait bananer avec ça mais apparemment ça ne sert pas de leçon (gagner de l’argent sur de l’illégal, y a pas à tortiller, c’est du recel, ils ont beau le tourner dans tous les sens).
D’ailleurs je ne vois pas comment ils peuvent prendre en compte autre chose que l’illégal?! Si c’est légal, c’est déjà que l’hébergeur a négocié la chose et a donc payé pour ça… donc si on le taxe en plus… (on dirait la CRDS : tu la paies, et t’es imposé dessus : un impôt sur un revenu que tu n’as pas touché, c’est beau " /> /fin du HS)
Enfin bref, c’est encore d’une débilité mercantile sans nom. Ils sont vraiment incroyables.
Le 05/11/2014 à 16h30
#11
C’est jamais assez pour la sacem alors qu’avec la copie privée et hadopi, ils ont pourtant de quoi être content mais bon effectivement dés qu’ils peuvent gratter il se prive pas. Même si pour des raisons budgétaires il y a peu de chances que leur propositions soit retenues.
Le 05/11/2014 à 16h53
#12
Moi j’aime surtout le passage “ne vous inquiétez pas, on s’occupe de tout”. Comme l’a démontré la commission copie privée, on peut le faire totalement confiance quand il s’agit pour eux de déterminer leur rente taxe extorsion racket rémunération juste et équitable.
Le 05/11/2014 à 16h58
#13
Le 05/11/2014 à 17h04
#14
les titulaires de droit ne peuvent réagir qu’a posteriori aux contrefaçons commises sur les réseaux en exigeant le retrait ou le déréférencement d’un contenu ou le blocage d’un accès à ce contenu. Ils ne peuvent en revanche, avant toute notification d’un contenu illicite, ni obtenir la réparation du préjudice subi du fait de l’utilisation des oeuvres et objets protégés, ni négocier auprès de ces intermédiaires sur un plan contractuel une rémunération en contrepartie de ladite utilisation.
De même, l’impossibilité pour les titulaires de droit de négocier contractuellement les conditions de l’utilisation des oeuvres et objets protégés auprès de ces intermédiaires techniques existe indépendamment de la licéité de la mise en ligne initiale des contenus.
Si ça ça passe, moi de mon coté je fait des copies privés des œuvres provenant de ce cadre privé que sont mes amis internautes du P2P. La RCP m’autorise bien ça, non ?
Le 05/11/2014 à 18h45
#15
La taxe, la réponse à tous nos problèmes.
Le 05/11/2014 à 18h57
#16
j’aime bien le logo de la SACEM : il annonce la couleur
C’est avec le sang des artistes qu’on fait du boudin de culture " /> (librement adapté de J-E Moustik, j’invoque ici l’exception de citation courte)
Le 05/11/2014 à 19h41
#17
Sinon, si je fais mon owncloud à la maison, je dois payer leur taxe à la con sur mon futur Proliant ?
Ils taxeront quoi ensuite ?
Le 05/11/2014 à 20h07
#18
le “quoi” n’est pas pertinent… seul le “combien” compte
Le 05/11/2014 à 20h43
#19
Le 05/11/2014 à 21h02
#20
Le 05/11/2014 à 22h36
#21
Un article pareil associé à une photo du siège de ma SACEM, ne serait-ce pas une “provocation à la commisopn d’acte terroriste” ? " />" />
Le 05/11/2014 à 23h17
#22
Un préjudice = une compensation automatique + un procès/accord (avec compensation)
De là a penser que la SACEM espère avoir beaucoup de préjudices… " />
Le 05/11/2014 à 23h19
#23
ce que tu dis là est préjudiciable " />
Le 05/11/2014 à 23h27
#24
pour qu’on lui beurre la raie.
oh un autre zebulon " />
Le 06/11/2014 à 08h06
#25
Et si on retrouve une voiture volée sur un parking Vinci, y’a moyen que la personne volée récupère une compensation raisonnable de la part de Vinci pour hébergement de voiture volée ?
Le 06/11/2014 à 09h04
#26
“les titulaires de droit ne peuvent réagir qu’a posteriori aux contrefaçons”
Heureusement!!!
Bonjour Monsieur, je vous annonce que vous êtes condamnés à mort pour un meurtre que vous allez commettre…
Une sorte de Minority Report quoi " />
Et il dit ça sans sourciller, impressionant " />
Le 06/11/2014 à 09h48
#27
A quand la taxe sur les fourgonnettes parce que les cambrioleurs en utilisent souvent, comme ça, on pourra compenser les compagnies d’assurance qui remboursent les gens.
Et une taxe sur les chaussures pour compenser le vol à l’étalage, c’est connu, ils utilisent des chaussires.
Bon, je m’en vais prendre la porte !
" />
Le 06/11/2014 à 20h33
#28