Le ministère de la Justice confronté à une « grève des écoutes »
Marche ou grève
Le 25 novembre 2014 à 13h00
4 min
Droit
Droit
Quatre entreprises françaises chargées d’effectuer des interceptions de communications pour le ministère de la Justice ont annoncé qu’elles refuseraient à partir d’aujourd’hui d’ouvrir de nouvelles écoutes. En réaction, la Place Vendôme nous a indiqué qu’elle avait demandé à tous les Parquets d’engager « systématiquement » des poursuites.
La PNIJ, la fameuse « plateforme nationale des interceptions judiciaires », peine encore et toujours à pointer le bout de son nez (ou de ses oreilles, c’est selon...). En effet, cet énorme dispositif confié au géant Thalès afin de centraliser les procédures d’écoutes de communications électroniques n’est toujours pas opérationnel, alors que ce devrait être le cas depuis le mois d’avril. C’est justement ce retard qui est aujourd’hui mis à profit par quatre sociétés privées actuellement en charge de traiter les différentes procédures de géolocalisation ou de surveillance ordonnées par le Parquet ou les juges.
Les deux parties engagées dans un bras de fer
Elektron, Foretec, Midi System et SGME veulent en effet que leur client, le ministère de la Justice, sécurise davantage leur situation d’ici à ce que la PNIJ prenne (enfin) le relais. Après des mois de discussion avec la Place Vendôme, ces quatre PME ont fait savoir à l’AFP qu’elles n’ouvriraient plus de nouvelles écoutes à partir d’aujourd’hui. Autrement dit, toutes les opérations de surveillance ne devraient pas être concernées, seulement celles n’ayant pas formellement débuté. Michel Besnier, PDG d'Elektron, a expliqué qu’il espérait obtenir un contrat prévoyant « une poursuite de [son] activité pendant une durée de trente mois, afin de pouvoir financer et amortir les investissements [qu’il avait à] réaliser ».
Mais quel va être l’impact de cette sorte de « grève des écoutes » ? Olivier Janson, secrétaire national de l'Union syndicale des magistrats, s’est montré plutôt inquiet auprès de France Inter : « Pour des affaires concernant la criminalité organisée et les trafics de stupéfiants, les enquêteurs ont impérativement besoin de pouvoir s'appuyer sur des interceptions téléphoniques. Il y a donc un risque que ces enquêtes n'avancent pas. Et cela n'est pas admissible. Le ministère n'a fourni aucune explication sur le retard de la mise en place de la plateforme nationale. Il y a beaucoup de silences sur la gestion de ce dossier » a déploré le vice-procureur au tribunal de Bayonne.
Les sociétés « grévistes » menacées de 750 euros d'amende par réquisition refusée
Contacté, le ministère de la Justice temporise en affirmant que l’État conserve malgré tout « les moyens nécessaires » pour poursuivre ses écoutes, puisqu’il dispose d’autres prestataires qui ne traînent pas les pieds de cette manière. L'exécutif a toutefois du mal à cacher son agacement face à l'offensive médiatique des quatre PME, soulignant que les parties se sont « régulièrement rencontrées » au cours des derniers mois.
La Place Vendôme a de ce fait pleinement accepté le bras de fer lancé par les plaignants. Un porte-parole nous a ainsi indiqué que « tous les Parquets » allaient recevoir aujourd'hui une dépêche les invitant à « poursuivre systématiquement » les sociétés qui refuseraient de répondre aux réquisitions de la justice.
L'exécutif se base notamment sur l'article R642-1 du Code pénal, qui punit d'une contravention de deuxième classe « le fait, sans motif légitime, de refuser ou de négliger de répondre (...) à une réquisition émanant d'un magistrat ou d'une autorité de police judiciaire agissant dans l'exercice de ses fonctions ». Le montant de l'amende étant multiplié par cinq pour les personnes morales, le ministère de la Justice affirme que les sociétés « grévistes » pourraient écoper d'une amende de 750 euros par réquisition refusée, ce qui pourrait rapidement chiffrer...
Tout ce psychodrame n'est quoi qu'il en soit que l'une des pièces d'un plus vaste mouvement de contestation, puisque l'attribution de la PNIJ à Thalès fait actuellement l'objet d'un recours au niveau européen, expliquent notamment Les Échos.
Le ministère de la Justice confronté à une « grève des écoutes »
-
Les deux parties engagées dans un bras de fer
-
Les sociétés « grévistes » menacées de 750 euros d'amende par réquisition refusée
Commentaires (41)
Vous devez être abonné pour pouvoir commenter.
Déjà abonné ? Se connecter
Abonnez-vousLe 25/11/2014 à 16h05
[quote]« le fait, sans motif légitime, de refuser ou de négliger de
répondre (…) à une réquisition émanant d’un magistrat ou d’une
autorité de police judiciaire agissant dans l’exercice de ses fonctions » [/quote ]
L’absence de tout contrat réglant les modalités d’action et de rémunération des sociétés concernées est un motif plus que légitime.
Cela fait plus de 4 mois que les contrats auraient du être signés.
Cela fait 4 mois qu’on les balade à droite et à gauche.
Cela fait 4 mois que ces sociétés travaillent sans aucune certitude d’être payé.
Tu m’étonnes qu’ils font grève." />
A leur place, dès la fin du 1er mois, n’importe qui aurait envoyé un ultimatum et une assignation devant le tribunal.
Le 25/11/2014 à 17h15
Le 25/11/2014 à 17h17
et que se passerait-il si c’est un des décideurs ou salarié de Thalès qui est visé par ces écoutes?
Le 25/11/2014 à 17h23
Pour info …
Extrait avant que l’on ne puisse plus y accéder :
“
stéphanoise Foretec conjointement avec trois autres entreprises
chargées des écoutes judiciaires et le ministère de la Justice, - bras
de fer qui a abouti au blocage desdites écoutes depuis ce mardi -,
chacun se renvoie la balle avec fermeté.
…
Thierry Pugnet enfonce le clou en précisant que l’Etat lui devait 4
millions d’euros, sur des prestations remontant à 2010, 2011 et 2012.
Quant à la menace du ministère, il affirme que ce sera l’affaire des
avocats.”
Le 25/11/2014 à 17h43
Le 25/11/2014 à 18h00
Est que ce “service” ne pourrait pas être mutualisé entre états.
Par exemple l’oncle Sam écoute bien le téléphone de Merkel etc … ne pourraient-ils donc pas fournir à la police française les écoutes de nos truands. …
Le 25/11/2014 à 18h21
Le 25/11/2014 à 19h55
en l’occurence, il me semble que les boite en question n’apportent que les moyens techniques. Les écoutes en tant que telles sont réalisées par des personnes habilitées (ie des OPJ, des gendarmes ou des agents des douanes)
puisque l’attribution de la PNIJ à
Thalès
solution simple (et simpliste… ce type ayant la faveur de nos gouvernants) : on re-contracte avec les 4 oreilles et on fait payer le coût à Thalès au titre des dommages pour non respect des délais/du contrat (attendu que celui-ci le prévoie… ce dont je doute)
Le 26/11/2014 à 02h00
Votre entreprise ne stock pas mais d’autres le fond.
Votre entreprise n’écoute pas, mais d’autres le fond.
Votre entreprise est relativement réglo, mais même l’installation devrait être faite par un agent assermenté. Z’avez le matos, les compétences, qui nous dit que vous posez pas un micro ailleurs ?
On parle “d’écoutes”, mais il y a aussi une partie réquisition pour le numérique et forensic sur réseau où là, c’est carrément le far west.
Je ne juge pas, je rapporte juste les faits.
Le 26/11/2014 à 10h56
Clair qu’il y a aussi une expertise à récupérer chez Poutine, le monsieur va se lasser, il préfèrera sûrement le climat méditerranéen. A la réflexion, mauvaise idée, il risque de dénoncer des choses, pas bon pour ces boites privées ‘au service de l’État’.
Le 26/11/2014 à 12h28
C’est bien de différencier l’espionnage et les écoutes de la justice. Une face publique et une face cachée de pratiques qui ont l’air bien similaires, pour le citoyen lambda. Une rend des comptes, et encore, et l’autre pas ?
Le 25/11/2014 à 14h03
Le 25/11/2014 à 14h05
Le 25/11/2014 à 14h07
Il faudrait faire comme hadopi avec les FAI, c’est à dire les forcer à travailler gratis. " />
#idée de merde du jour
Le 25/11/2014 à 14h11
Si y’a même plus moyen de gratter quelques gros dessous de tables tranquillement, mais où va-t-on ?
Le 25/11/2014 à 14h26
Les polices privées, les corsaires se rebellent.
Sacrés PPP (Partenariats Public-Privé)
Le 25/11/2014 à 14h30
A force de privatiser des trucs sensibles, voilà ce qui arrive.
Le 25/11/2014 à 14h40
L’exécutif fera ce que les boites privées lui ordonneront.
Le 25/11/2014 à 14h42
Incroyable que ce soient des officines privées qui se charge de ce job assez délicat. J’espère au moins que les agents sont assermentés et non corrompus.
Le 25/11/2014 à 14h44
D’ailleurs à cette fin, je vais bientôt créer un nouveau lobby, qui contraindra les politiques à voter des lois puis leurs contraires, afin de profiter des pirouettes de langage qu’ils sont capables de pondre pour justifier ça.
Le 25/11/2014 à 14h45
Allo ? Mme la Ministre ?
Le 25/11/2014 à 14h50
Je propose avant de créer une commission d’enquête qui devra définir si oui ou non, un sondage auprès d’un panel remprésentatif de Français issus des quartiers défavorisés de Neuilly sur Seine devra mettre sur pied un groupe de réflexion sur le sujet.
Le 25/11/2014 à 14h54
Justement, ce sont des salariés, pas des agents assermentés. Même si les salariés sont sérieux, ce n’est pas pareil. Autrement, à quoi servirait la notion d’agent assermenté ?
Le 25/11/2014 à 14h55
J’ai travaillé dans l’une de ces 4 structures, il y a plusieurs années maintenant.
Attention à la confusion, l’article n’est pas clair mais ces entreprises (tout du moins celle pour laquelle j’ai travaillé) ne réalisent pas les écoutes judiciaires mais fournissent et installent le matériel sur réquisition judiciaire.
Les écoutes en elle-mêmes sont réalisées par des agents assermentées (police ou gendarmerie) dans le cadre des enquêtes. Les agents sont chargés de sauvegarder les éléments de preuves et de les effacer des appareils avant de restituer le matériel. Les sociétés qui fournissent les moyens techniques des écoutes n’ont donc normalement pas accès aux écoutes.
A savoir que la structure dans laquelle je travaillais est petite (une dizaine de salariés), vit quasi-exclusivement de cette activité et investit beaucoup en R&D pour suivre le rythme des innovations technologiques tout en assurant que les interceptions soient insoupçonnables pour les écoutés. Je comprends donc qu’ils soient inquiets et qu’ils le revendiquent, malgré la discrétion demandée par l’état sur ce secteur d’activité.
Le 25/11/2014 à 14h57
Elle le fait déjà pour gratos, et remarque, avec tout ce que les gens publient de leurs vies sur Internet et les réseaux sociaux, pas besoin de programmes d’espionnages complexes… Les personnes font déjà 90 % du travail…
" />
Le 25/11/2014 à 15h00
Ca leur fera le cul de déléguer ce genre de truc bien régalien au privé, tiens… Et puis ils font les malins avec leurs amendes, mais ces boites avec ce type d’activité doivent avoir de quoi faire tomber 10 fois la république, qqsoit le pouvoir en place, dans leurs coffres. " />
On attends donc impatiemment les suites du bras de fer et les enregistrements qui vont arriver chez les quelques journalistes d’investigation qui restent! " />
Si gouverner c’est prévoir… ne même pas la voir venir, celle là… " />
Le 25/11/2014 à 15h48
Le 25/11/2014 à 13h12
Ah, enfin une grève que Paul Bismuth/Nicolas Sarkozy aurait approuvé.
En dehors de l’épisode de la grève, je suis sceptique sur le fait de confier toutes les écoutes à une grosse société privée. Ils ont déjà eu l’expérience avec les sociétés d’autoroutes que c’était une mauvaise idée.
Le 25/11/2014 à 13h13
Si The Wire avait été tourné en France, l’enquête aurait tourné court.
Le 25/11/2014 à 13h15
A priori, les écoutes sont déjà gérées par des sociétés privées. Donc rien de nouveau de ce côté là.
Le 25/11/2014 à 13h19
Oui, mais jusqu’ici, c’était 4 sociétés différentes, au lieu d’une seule qui obtient donc un monopole dans ce secteur.
A mon sens, les écoutes devraient être réalisées par une agence publique indépendante.
Le 25/11/2014 à 13h26
Ah le chantage alors qu’ils profitent d’au moins 6 mois d’activité en plus… " />
M’est avis que 750€ par réquisition refusée n’est pas si énorme que ça, je veux dire y’a plus efficace en terme de dissuasion " />.
Et puis mettre des 3COM en image c’est clairement une faute de goût. " />" />
Le 25/11/2014 à 13h28
> “agence publique indépendante”
Pas possible : plus de sous ! " />
Le 25/11/2014 à 13h32
la NSA pourrait s’en occuper pour pas cher
Le 25/11/2014 à 13h40
Il suffisait de piocher dans le vivier de fonctionnaire d’orange, ils sont âgées, mais possède l’expérience nécessaire." />
Le 25/11/2014 à 13h41
Mouais, avoir l’Etat comme client c’est pas très très top non plus, faut avoir un gros fonds de roulement en attendant d’être payé, et des fois c’est l’Etat lui même qui définit combien il paye (voir les FADET par ex).
Ce qui me chaffouine le plus c’est que la PNIJ soit confiée à Thalès…
Le 25/11/2014 à 13h49
Ben les écoutes, ils les payent bien aux sociétés privées. Du coup, ils les investiraient dans une agence à la place. Ni plus ni moins.
Le 25/11/2014 à 13h49
Plus que 4 sociétés, c’est seulement 4 parmi d’autres qui font “grève” .
Seul soucis, on demande a ces gens de faire un travail qui normalement est dévolue a des agents assermentés, et les employeurs, voir les employés sont ici mis directement en responsable. (premier point de litige)
On leurs demande de faire des actions parfois borderline, dans un environnement opaque (demandes, réquisitions etc …) d’avoir des frais et de pouvoir justifier tout ce foutoir (seconde point de litige)
Et en plus, on veux leurs retirer du boulot, confier ça a une organisation privée proche de la défense sans possibilité de réinvestissement des compétences et matériels ailleurs, sous prétextes de sécurité, sans compter l’obligation qu’ils ont de garder tout les documents sur lesquels ils ont bossés quelque soit leurs forme, donc d’en assurer la pérennité et la compatibilité future alors que les services étatiques eux même ne sont pas soumis a tant d’obligations.
Le 25/11/2014 à 13h51
Nan mais les vieux de chez Orange, ils n’on plus la même qualité d’ “écoute” " />
Le 25/11/2014 à 13h55
C’est bien pour toutes ces raisons que ça devrait être fait par un organisme public, indépendant de l’état et agissant uniquement sur réquisition de la justice.
Bien sûr, il faudrait un financement à tout ça, qui ne soit pas du ressort de l’état (pas de moyen de pression). Bon, je sais que je rêve, parce que dans notre société lobbyiste-bananière, ça n’au aucune chance d’exister.
Le 25/11/2014 à 13h55
Et vu la taille de la société, facile de faire oublier d’anciens membre du gouvernement, ou ami de ce gouvernement." />